- Accueil
- T'as raison cornichon - extrait
T'as raison cornichon - extrait
T'as raison cornichon !
ACTE 1
Prologue
François - Jeanne
François travaille, assis à son bureau, il écrit.
JEANN OFF - François … François !
FRANCOIS - (sans lever la tête, plongé dans son travail) Hum !
JEANN OFF - François ! (Elle entre, un balai à la main) Tu pourrais répondre quand je t’appelle
FRANCOIS - (idem) Oui, oui…
JEANNE- Qu’est ce que tu veux manger ?
FRANCOIS - (idem) Oui, oui…
JEANNE - (après un temps) Je n’en ai pas ! Tu n’écoutes pas ! (Lui, même jeu) (Elle en aparté) Non, il n’écoute pas ! (faisant tourner le balai genre antenne radar) Allô la terre… Répondez la terre !
FRANCOIS - (la regarde interloqué) Tu es sûre d’aller bien ?
JEANNE - Oh moi, oui ! Parfaitement bien, mis à part que tu n’écoutes pas quand je te parle.
FRANCOIS - (replongeant dans son travail) Mais si je t’écoute !
JEANNE - Alors qu’est ce que tu veux manger ?
FRANCOIS - ….
JEANNE - Et voilà, il est reparti ! Et il ose dire qu’il m‘écoute ! Hein que tu m’écoutes !
FRANCOIS - Oui, oui…
JEANNE - Alors je peux t ‘annoncer une nouvelle importante…
FRANCOIS - Oui, oui…
JEANNE - Tous les habitants du village sont morts !
FRANCOIS - Hum !
JEANNE - Carbonisés !
FRANCOIS - Hum !
JEANNE - Tout le village a brûlé ! Il n’y a aucun survivant !
FRANCOIS - Hum !
JEANNE Et tu sais le meilleur ?
FRANCOIS - Hum…
JEANNE - C’est moi qui ai incendié le village, tout le village !
FRANCOIS - Hum …
JEANNE - Parce que tu ne t’en doutais pas, mais je suis une grande criminelle.
FRANCOIS - Oui, oui…
JEANNE - Ben tiens ! Je n’en suis pas à mon coup d’essai !
FRANCOIS - Ah oui !
JEANNE - Puisque je te le dis ! Par exemple, le Titanic… c’est moi qui l’ai fait couler.
FRANCOIS - Oui, oui…
JEANNE - L’assassinat de Henri IV ! C’est moi ! Pas Ravaillac ! Moi !
FRANCOIS - C’est bien !
JEANNE - Et ce n’est pas tout ! Je suis aussi responsable de… la pollution…du chômage…de la désertification des campagnes… de la hausse du prix de l’essence… C’est moi ! Tu ne t’en doutais pas ! Hein ?… (Elle le secoue, il lève la tête) Tu ne t’en doutais pas !
FRANCOIS - Euh… non… mais c’est bien ! (Reprenant son écriture) C’est bien !
JEANNE - Et à part ça, il m’écoute ! (Elle crie) Pourrais-tu me prêter un peu d’attention, cinq secondes.
FRANCOIS - Ca ne va pas de crier comme ça !
JEANNE Je te demande simplement un peu d’attention.
FRANCOIS - Mais je ne fais que ça !
JEANNE - Alors qu’est ce que j’ai dit ?
FRANCOIS - Euh… que… Excuse-moi, mais c’est vrai ! J’étais plongé dans mon manuscrit.
JEANNE - Je sais, tu y es plongé du matin au soir… quand ce n’est pas du soir au matin
FRANCOIS - Je sais, mais je dois terminer ce roman au plus vite.
JEANNE - Ca me désole ! Tu ne fais que ça ! Ecrire ! Il n’y a plus que cela qui compte.
FRANCOIS - Oui, ça compte, c’est mon gagne-pain. Et puis tu ne vas pas recommencer.
JEANNE Eh bien si ! Justement, je vais recommencer. Tu ne sors pas, tu ne vois personne, tu ne veux voir personne.
FRANCOIS - Je te vois, toi !
JEANNE - Moi, ce n’est pas pareil ! Et puis, tu sais très bien ce que je veux dire. Depuis que tu es arrivé ici, il y a six mois, après le décès de ta femme, tu n’es pas allé une seule fois au village.
FRANCOIS - Le village est à une heure de marche. Et puis, au village, que veux-tu que j’aille y faire ?
JEANNE - Que veux-tu que j’aille y faire ? Que veux-tu que j’aille y faire ? Eh bien, je souhaiterais que tu fasses comme tous les gens de ton âge. Que tu te distraies un peu.
FRANCOIS - Pour ce qui est de la distraction, au village, c’est plutôt limité. A part le bistrot…
JEANNE - Eh bien, va au bistrot ! Rencontre des gens ! Discute avec eux.
FRANCOIS - Discuter ? De quoi ?
JEANNE - Discuter ! De tout, de rien, de la pluie et du beau temps.
FRANCOIS - Très excitant !
JEANNE - Je voudrais te voir lever le nez de tes papiers. Que tu lâches tes crayons. Que tu vives !
FRANCOIS - Mais je vis ! Je mange, je bois, je dors, je travaille !
JEANNE - Et tu appelles cela : vivre ! Moi j’appelle ça, un beau gâchis ! Tu gâches ta vie !
FRANCOIS - Tu me l’as déjà dit au moins 800 000 fois !
JEANNE- Eh bien, ça fera 800 001 ! Tu vas à Paris une fois par mois, pour ta maison d’édition. Mais à part ça, rien ! Tu ne fais rien, qu’écrire. Et puis, crois-tu que tu peux diriger une entreprise comme la tienne en y faisant une apparition une fois dans le mois ?
FRANCOIS - Je ne la dirige pas, j’en suis propriétaire ! J’ai un directeur qui la dirige parfaitement bien. Bon écoute Jeanne ! Ne te fais pas de soucis pour moi, je vais bien ! Je me sens très bien. Je vis, chez toi, dans la maison qui m’a vu naître, avec toi, qui m’a élevé. Au milieu des montagnes, et de paysages magnifiques, et surtout, dans le calme. Calme dont j’ai besoin pour écrire. Je n’ai besoin de rien d’autre. Que de calme, si tu comprends ce que je veux dire… (Il reprend ses feuillets)
JEANNE - Compris ! Message reçu ! (Elle va pour sortir et se ravise) François…
FRANCOIS - (soupirant) Oui. ?
JEANNE - Quand même ! Depuis que tu es revenu ici, je ne te reconnais plus. Et pourtant, je suis certainement la personne qui te connaît le mieux. Je t’ai élevé, je t’ai vu grandir, je t’ai vu gai, je t’ai vu amoureux, je t’ai vu te marier…
FRANCOIS - S’il te plait…
JEANNE - Je sais que tu as connu des grands malheurs. L’accident de ta femme… (il va pour l’interrompre mais elle fait un geste) laisse moi parler. Je sais que tu as souffert. Que cette épreuve t’a marqué. Mais il faut oublier. Passer à autre chose, et puis un homme de 45 ans a besoin d’autre chose que : manger, boire, dormir et travailler.
FRANCOIS - Ah oui ? Et ils ont besoin de quoi les hommes de 45 ans ?
JEANNE - D’amour ! Alors parce que ton mariage s’est terminé dramatiquement, c’est fini ? Tu as décidé de vivre en reclus ! Et tu vas passer le reste de tes jours comme ça ?
FRANCOIS - Pourquoi pas ! Ecoute, j’ai du travail et cette conversation, on l’a déjà eu des dizaines de fois. Tu sais ce que j’en pense !
JEANNE Je ne comprends pas ! Je ne comprends pas !
FRANCOIS - Eh bien non, tu ne comprends pas, parce que tu ne peux pas comprendre. Pour comprendre, il faut être passé par où je suis passé. Et puis, dis-moi, comment peux-tu vouloir pour moi ce que tu n’as pas voulu pour toi.
JEANNE - Moi, c’est différent !
FRANCOIS - Je ne vois pas en quoi. Tu souhaiterais que je refasse ma vie alors que toi, tu n’as jamais fait la tienne. Pourtant tu en as eu l’occasion.
JEANNE - Je n’avais pas le choix ! Et puis c’était une autre époque !
FRANCOIS - On a toujours le choix ! Et l’époque n’a rien à voir là-dedans. Tu avais le choix : partir avec l’homme que tu aimais ou rester ici.
JEANNE - Ma mère était malade, je ne pouvais pas la laisser seule. (ou si c’est sa sœur « Maman était malade, je ne pouvais pas la laisser seule)
FRANCOIS - Elle n’était pas seule, il y avait tes sœurs. (ou : « Elle n’était pas seule, il y avait notre sœur aînée)
JEANNE - Oui mais… oui mais… oui mais non ! Et puis suivre mon amoureux, cela voulait dire partir à Paris et cela ne me tentait pas vraiment. J’ai toujours vécu ici au grand air…
FRANCOIS - C’est sûr que c’est différent. Mais pour poursuivre mon raisonnement, tu as fait un choix.
JEANNE - Oui… bon… si tu veux ! Et alors ?
FRANCOIS - Et alors, moi aussi j’ai fait un choix ! Celui de revenir vivre tranquillement ici pour écrire.
JEANNE - Mais….
FRANCOIS - Mais quoi ?
JEANNE - Rien ! Tu m’énerves ! Je ne peux jamais avoir raison avec toi. Tu as toujours le dernier mot. Bon je te laisse ! Puisque je dérange, je te laisse.
FRANCOIS - Merci
Elle sort et revient.
JEANNE - N’empêche qu’une femme dans ta vie te ferait le plus grand bien.
FRANCOIS - Oui, certainement ! Sexuellement parlant, certainement !
JEANNE - Oh ! Je ne parle pas de ça !
FRANCOIS - Ah bon ? Alors excuse-moi, mais à part ça, je ne vois pas en quoi une femme peut m’être utile.
JEANNE - Ah c’est gentil pour moi ça ! Alors, je suis inutile !
FRANCOIS - Mais toi tu n’es pas une femme !
JEANNE - De plus en plus agréable !
FRANCOIS - Non, tu n’es pas une femme, tu es un ange ! Mon ange gardien !
JEANNE - Ben tu vois ! Quand tu veux, tu peux être gentil !…Tiens, à propos, j’ai rencontré Justine au village l’autre jour. Tu te souviens de Justine ?
FRANCOIS - Oui, bien sûr, j’ai passé mon enfance avec elle. C’était d’ailleurs une belle petite peste.
JEANNE Tu la verrais maintenant, c’est une belle femme. Tu sais ce qu’elle fait ?
FRANCOIS - Non ! Mais je sens que je vais le savoir !
JEANNE - Elle est commissaire de police ! C’est une belle situation. Après avoir été à Paris, elle a demandé sa mutation pour revenir dans la région. Ca fait deux mois qu’elle est revenue.
FRANCOIS - Tant mieux pour elle !
JEANNE - Elle m’a demandé de tes nouvelles !
FRANCOIS - C’est gentil !
JEANNE - Ce serait bien de vous revoir ! ( pas de réponse) Non ?... (pas de réponse) Tu ne crois pas ?
FRANCOIS - Où veux tu en venir ?… Tu n’essaierais tout de même pas, par hasard, de me la mettre dans les pattes, pour ne pas dire… dans mon lit.
JEANNE - Qui ? Moi ? Certainement pas ! … N’empêche que c’est une belle femme. Ca, on ne peut pas dire, c’est une belle femme. Et avec une belle situation…
FRANCOIS - Oui, en fait, c’est un beau parti !
JEANNE - En fait, oui ! C’est vrai, je n’y avais pas pensé ! Mais c’est vrai !
FRANCOIS - (réfléchit un instant) Mais, j’y pense, peut être que tu voudrais me voir partir, pour être tranquille, toi ! C’est vrai, j’ai débarqué ici, il y a six mois, en te demandant de m’héberger. Chose que tu as acceptée tout de suite sans me poser de questions. Enfin, disons que les questions sont arrivées un peu après. Trois minutes environ. Enfin, toujours est-il que tu as eu la gentillesse de m’ouvrir ta porte, mais peut être que je te gêne. Si c’est cela, il faut me le dire clairement, et je partirai, je te promets que je ne t’en voudrai pas.
JEANNE - Mais non ! Ce n’est pas ça ! Comment peux-tu penser une chose pareille ?
Je veux simplement que tu sois heureux et je ne pense pas que ce soit en restant enfermé que tu trouveras le bonheur.
FRANCOIS - Mais pour trouver, il faut chercher ! Moi je ne cherche rien. Ce que j’ai me suffit amplement. Et pour en finir, je ne veux plus entendre parler de femmes et je souhaite la sérénité de la solitude.
JEANNE - Quelle tête de mule !
FRANCOIS - Eh oui ! Bon, excuse-moi, mais la mule retourne à son roman.
JEANNE - Tu ne m’as toujours pas répondu.
FRANCOIS - A quel sujet ?
JEANNE - Je venais te demander ce que tu désirais manger.
FRANCOIS - Ah ! C’est pour ça que tu venais ? Tu me l’aurais demandé tout de suite, je t’aurais répondu et on aurait pas perdu un quart d’heure avec des discutions stériles.
JEANNE - Alors qu’est ce qui te ferait plaisir ?
FRANCOIS - Euh… Fais ce que tu veux !
JEANNE - Comme ça, je suis beaucoup plus avancée.
FRANCOIS - Tu n’es peut être pas plus avancée, mais moi, c’est mon roman qui n’avance pas. Et si je veux qu’il soit en librairie pour les fêtes de fin d’année, j’ai intérêt à m’y mettre sérieusement.
JEANNE - J’ai compris, je te laisse tranquille. Je te promets de ne plus te déranger.
FRANCOIS - Merci !
Elle sort et revient aussitôt.
JEANNE - Ha ! François !
FRANCOIS - Tu sais ma petite Jeanne, (ou si c’est sa sœur : « tu sais petite sœur) un jour… je vais te tuer.
JEANNE - Ah oui ? Et qui te fera ta soupe ?
FRANCOIS - C’est vrai ! Alors je ne te tue pas, mais c’est uniquement pour la soupe ! Alors qu’y a t’il encore ?
JEANNE - Tu as entendu la radio ?
FRANCOIS - Non, je n’ai pas écouté !
JEANNE - Ils annoncent de fortes chutes de neige dans les heures qui viennent, d’ailleurs il commence à neiger. Evidemment, tu n’as pas remarqué.
FRANCOIS - (regardant le plafond) Ici, non !
JEANNE - Ils parlent même d’une possible tempête sur la Haute Savoie. Alors je vais descendre au village pour faire quelques provisions.
FRANCOIS - L’épicier est passé il y a deux jours.
JEANNE - Si on était bloqué pour plusieurs jours, mieux vaut prendre quelques précautions. C’est déjà arrivé ! En 92, deux semaines sans pouvoir sortir.
FRANCOIS - Tu vas les remonter comment tes provisions. Sur ton vélo ?
JEANNE - C’est sûr que si tu n’avais pas vendu ta voiture, ce serait plus facile ! Je trouverai bien quelqu’un pour me remonter… Tu ne veux pas venir ?
( regard noir de François ) …non, bien sûr tu ne veux pas venir ! (elle va sortir et se retourne ) Euh… si jamais je voyais Justine, je peux lui laisser un message de ta part ?
FRANCOIS - File ! File ! Sinon je t’étrangle !
JEANNE - Pense à ta soupe ! (elle sort)
NOIR
Scène 1
François – Jeanne – Justine
François est toujours à la même place.
JEANNE OFF- Entre, il doit être par-là.
Elle entre, suivie de Justine.
JEANNE - Oui, il est là ! De toute façon, il ne bouge pas de là ! Les fesses vissées sur sa chaise. Le soir, il faut un démonte pneu pour les séparer. François…
FRANCOIS - Hum…
JEANNE - J’ai une surprise pour toi ! Une visite !
FRANCOIS - (sans lever la tête) Je ne veux voir personne ! Je n’ai pas le temps, et je n’aime pas les visites !
JEANNE - Oh, le schtroumpf grognon, ça suffit ! C’est Justine !
FRANCOIS - (faussement gai) Oh, c’est Justine !
JEANNE - Je l’ai rencontrée en faisant mes courses, elle m’a proposé de me remonter.
Il ne bouge pas.
JEANNE - Tu pourrais peut être daigner lever la tête et dire bonjour et la remercier.
FRANCOIS - (sans lever la tête) Bonjour Justine, merci Justine, au revoir Justine.
JEANNE - Il est agréable ! Bon, puisqu’il faut employer les grands moyens : François, je te rappelle que tu es chez moi. Alors je te demanderai d’être poli et de respecter mes invités.
FRANCOIS - …C’est vrai ! Excuse-moi Jeanne… Excuse-moi Justine (il se retourne et marque un temps)… Justine… Tu es sûre d’être la Justine que j’ai connue ?
JUSTINE - Bonjour François ! Oui, c’est bien moi !
JEANNE - Vous pourriez peut être vous faire la bise, comme quand vous étiez enfants.
FRANCOIS - Jeanne, je t’en prie !
JEANNE - Ben quoi ? Ca se fait non ? Alors, je t’avais bien dit que c’était une belle femme.
FRANCOIS - C’est vrai que tu as bien changé ! Je me souviens de toi lorsque tu avais une dizaine d’années…
JUSTINE - Ah oui ? Et j’étais comment à l ‘époque ?
FRANCOIS - Petite, rondouillarde, boutonneuse… et méchante.
JUSTINE - Evidemment, si c’est le seul souvenir que tu as de moi, je comprends ton accueil.
FRANCOIS - Des souvenirs, j’en ai d’autres. Je t’ai simplement donné le meilleur.
JEANNE - On peut dire qu’il sait parler aux femmes !
JUSTINE - Pourtant, moi j’ai de bons souvenirs de notre enfance. Je me souviens de grandes ballades en montagne, de jeux dans le torrent, des parties de ballons, et puis aussi de jeux plus… coquins mais innocents à l’époque…
JEANNE - Des jeux coquins ?
JUSTINE - Oui, nous avons joué au docteur comme tous les enfants.
JEANNE - Au docteur !
FRANCOIS - Aucun souvenir !
JUSTINE - Et puis, je me rappelle surtout… mais c’était un peu plus tard, nous devions avoir 13 ou 14 ans, notre premier baiser.
JEANNE - Un baiser, baiser ? Un vrai !
FRANCOIS - Mais non, peut être un petit bisou tout au plus.
JUSTINE - Non, non, un vrai premier baiser. Enfin, pour moi c’était le premier et je ne l’ai jamais oublié.
FRANCOIS - Je ne m’en souviens absolument pas.
JEANNE - Tu ne m’en avais jamais parlé François !
FRANCOIS - Je ne pouvais pas en parler puisque je ne m’en souviens pas.
JEANNE - (sceptique) Oui, oui… Eh bien, les enfants, je vais vous laisser et aller ranger mes commissions, vous avez certainement plein de choses à vous dire.
FRANCOIS - Je ne vois vraiment pas quoi !
JUSTINE - De toute façon, je ne vais pas tarder à redescendre au village. Avec le temps prévu par la météo, je ne voudrais pas être prise dans la tempête.
FRANCOIS - Oui, tu devrais même partir tout de suite. Surtout que la nuit tombe vite.
JEANNE - Tu as bien deux minutes.
Jeanne sort
Ils restent un moment sans rien dire. François manifestement mal à l’aise consulte ses notes. Il va rester distant.
JUSTINE - Alors comme ça, tu écris un nouveau roman ?
FRANCOIS - Hein ?… Ah oui, oui…
JUSTINE Tu sais que j’ai lu tous tes bouquins.
FRANCOIS - Cela prouve que tu as bon goût.
JUSTINE - Etant dans la police, il est normal que je m’intéresse aux romans policiers. Je dois dire que tu ne manques pas d’imagination. Tes histoires sont très bien conçues. Et comme, en plus du côté policier, il y a toujours une histoire d‘amour, cela ne peut que plaire à une femme policière.
FRANCOIS - Tant mieux ! Tant mieux !
JUSTINE - Si un jour, tu as besoin de renseignements, n’hésite pas à me demander. Tu sais, j’en vois de toutes les couleurs.
FRANCOIS - (ironique) Tu parles du point de vue policier ou du point de vue amour ?
JUSTINE - (sèche) Policier ! Simplement policier.
FRANCOIS - Ah bon !
Un temps
JUSTINE - Je ne comprends pas François ! Je me faisais une joie de te revoir, de parler avec toi, et de rire de nos souvenirs d’enfants. Et je me retrouve devant un homme méprisant. Tu sembles… aigri. Je ne te reconnais pas François. Toi qui était un enfant si gai, si rieur, si gentil, si heureux de vivre.
FRANCOIS - Je ne suis plus un enfant et que veux-tu, on change.
JUSTINE - On ne change pas à ce point sans cause profonde. Je ne sais pas ce qui t’a fait devenir comme ça, mais je pense que tu as dû beaucoup souffrir.
FRANCOIS - Tu veux me faire une psychanalyse ?
JUSTINE - Non ! Je suis déçue, c’est tout. Je vais partir.
FRANCOIS - Au revoir !
Elle va à la porte et se retourne.
JUSTINE - Une dernière chose. Je ne te crois pas quand tu dis n’avoir que des mauvais souvenirs de notre enfance. Et bien que tu prétendes le contraire, je suis certaine que tu te rappelles ce fameux baiser.
Elle sort. François regarde la porte l’air décontenancé, puis hausse les épaules et se remet
à son bureau. Un temps. Entrée de Jeanne.
Scène 2
Jeanne - François
JEANNE - Qu’est ce que tu es allé dire à cette petite ?
FRANCOIS - Elle est partie ?
JEANNE - Oui avec les larmes aux yeux ! Je ne sais pas ce que tu lui as dit comme méchanceté, mais je te préviens, François, que si tu continues à te comporter de la sorte avec les gens que je reçois, ça ne va pas aller du tout. Je t’aime beaucoup, et tu le sais, mais je suis chez moi ici. J’y recevrai donc, qui me plaira quand ça me plaira, et soit tu t’adaptes à cela, soit tu pars.
FRANCOIS - Tu me mettrais dehors !
JEANNE - Pas de gaieté de cœur, crois-le bien. Mais je le ferai si tu m’y obliges. Bientôt, plus personne ne voudra entrer dans cette maison, à cause de toi. Ca a déjà commencé d’ailleurs.
FRANCOIS - Ah bon ? Qui ne veut plus venir ?
JEANNE - Le facteur ! Il s’arrêtait toujours pour boire un café avant de redescendre dans la vallée, eh bien maintenant, c’est tout juste s’il s’arrête pour déposer le courrier. Heureusement qu’il y a les paquets que Xavier dépose et que le facteur doit prendre parce que sinon il jetterait le courrier par la vitre de sa voiture sans s’arrêter.
FRANCOIS - Je ne vois pas pourquoi ce serait ma faute !
JEANNE - Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ?
FRANCOIS - Je lui ai dit qu’il était mal employé à LA Poste, c’est tout !
JEANNE - Oui, et quand il t’a demandé pourquoi, tu lui as répondu qu’avec la langue qu’il avait, il serait mieux employé à coller les timbres plutôt qu’à distribuer les lettres.
FRANCOIS - Et il est fâché pour ça ? C’est vrai qu’il est bavard ! Non ?
JEANNE - Peut être ! Mais il est très gentil et rend bien des services. Si j’ai besoin de quelque chose au village, je lui dis et le lendemain, il me le monte. Ca m’évite de descendre. Mais maintenant, à cause de toi, je ne sais pas s’il le fera encore.
FRANCOIS - Toi aussi tu lui rends des services ! Avec les paquets de ce fameux Xavier, justement. Il est bien content que Xavier te les confie. Ca lui fait du boulot en moins à ton facteur.
JEANNE - Oui ça lui évite de monter. Xavier habite l’ancienne bergerie, et il n’y a aucune route pour y accéder. Le facteur aurait 4 km à faire à pied. Alors quand on peut rendre service.
FRANCOIS - Au fait, qu’est ce qu’il fait exactement ce Xavier ? Et c’est quoi ces colis qu’il envoie deux fois par semaine à Paris.
JEANNE - Comment sais-tu où il les envoie ?
FRANCOIS - J’ai regardé l’adresse !
JEANNE - Ah oui, d’accord ! Monsieur ne veut pas qu’on se mêle de sa vie, mais lui, ne se gêne pas pour se mêler de celle des autres.
FRANCOIS - Oui, bon ! Alors qu’est ce qu’il fait, Xavier ?
JEANNE - Je crois qu’il travaille pour un laboratoire pharmaceutique. Il cherche des plantes pour faire des médicaments, d’où les fameux colis.
FRANCOIS - C’est bizarre, il les envoie poste restante. Etrange non ?
JEANNE - Ne cherche pas à changer de conversation. Je te préviens François que je supporte de moins en moins ton attitude et surtout vis à vis des femmes et de Justine notamment. Tu as souffert, je le sais. Mais tu devrais te dire qu’un autre amour est possible. Il y en a certainement une femme pour toi quelque part qui est prête à te donner plein de bonheur.
FRANCOIS - Ah oui ? Alors je finis mon bouquin, et je vais la chercher.
JEANNE - Non ? C’est vrai ?
FRANCOIS - Oui ! J’enfile ma plus belle armure, j’enfourche mon plus fier destrier et je vais sillonner le monde. Je pars en quête de LA femme.
JEANNE - Imbécile !
FRANCOIS - Avoue tout de même que je n’ai pas vraiment eu de chance avec les femmes. La première qui a compté dans ma vie, c’est ma mère. Elle m’a abandonné. (ou si c’est sa sœur : « … c’est notre mère, mais elle n’a pas pu s’occuper de moi en raison de sa maladie » ) Et la seconde qui a compté, je l’ai épousé. Nous devions vivre ensemble jusqu’à ce que la mort nous sépare. La mort nous a séparés, mais plus tôt que prévu. Je pense que tu pourras comprendre mes réticences.
JEANNE - Oui, allez, je laisse tomber, tu es aussi têtu qu’un mulet ! Je retourne à ma cuisine
(avant de sortir) Sauf que si on présente une femelle à un mulet, il ne fera certainement pas la fine bouche, lui.
FRANCOIS - Oui, mais le mulet, il n’a pas d’état d’âme, lui !
JEANNE - Faut toujours que tu ais le dernier mot ! Tu m’énerves ! (sortie)
François retourne à sa table de travail, mais on sent qu’il a du mal à se concentrer.
FRANCOIS - Je ne demande rien moi… Simplement la paix pour écrire mes romans… C’est trop demander ?… Et le facteur, c’est de ma faute, s’il est susceptible… Jeanne… Jeanne…
JEANNE OFF – Quoi ?
FRANCOIS - J’ai trouvé la solution !
JEANNE OFF - Pour ?
FRANCOIS - D’abord, pour mon avenir sentimental et ensuite, pour que le facteur ne fasse plus la gueule.
JEANNE - (elle vient à la porte) Alors ?
FRANCOIS - Je vais épouser le facteur ! Plus de problème !
JEANNE - Idiot !
Elle repart.
Un temps où il écrit. On entend le vent. Il se lève, va à la fenêtre, écarte le rideau pour regarder.
FRANCOIS - Quel temps ! C’est vrai que c’est une véritable tempête.
Il va remettre une bûche dans la cheminée et revient à sa table de travail.
On entend frapper à la porte puis des voix.
FRANCOIS - Qu’est ce que c’est encore ?
JEANNE OFF - Entrez vite, fermez la porte ! Venez par ici !
Entrée de Jeanne qui précède Muriel, Valérie et Charlotte. Elles sont en tenue de randonneurs, sac à dos...
Scène 3
Jeanne – François – Muriel – Valérie - Charlotte
CHARLOTTE- Merci Madame ! Excusez-nous de vous déranger !
JEANNE - Vous ne nous dérangez pas !
FRANCOIS - Ben, tiens donc !
MURIEL - Bonjour Monsieur !
FRANCOIS - (surpris) Bon… bonjour !
CHARLOTTE - Salut !
VALÉRIE - Bonjour !
JEANNE - François ! Eh bien, bouge un peu ! Aide donc ces jeunes filles à se défaire de leurs affaires.
FRANCOIS - Pourquoi ? Elles ne sont pas assez grandes pour le faire elles même.
JEANNE - François !!!
FRANCOIS - Pfff !!!
VALÉRIE - Peut être que nos sacs sont trop lourds pour lui.
Il se lève pour les aider. Il va vers Valérie et marque un temps d’arrêt.
VALÉRIE - Non, non, laissez ! N’allez surtout pas vous faire un lumbago.
MURIEL - Valérie !
VALÉRIE - Ben quoi ? Vu l’enthousiasme de Monsieur…
JEANNE - Il va s’excuser ! Hein François ! Excuse-toi !
FRANCOIS - Si tu veux ! Je vous prie de m’excuser ! Ca va comme ça ?
Il s’approche de Charlotte.
FRANCOIS - Mademoiselle, puis-je vous déshabiller ?
CHARLOTTE - Oh Monsieur, je vous en prie, on ne se connaît pas encore assez.
MURIEL - Charlotte ! C’est juste pour le blouson !
CHARLOTTE - Ah bon ! J’me disais aussi, il attaque fort.
Elles se débarrassent de leurs affaires.
JEANNE - Mettez-vous au chaud près de la cheminée.
FRANCOIS - On peut savoir… c’est qui… et ce qu’elles font là ?
VALÉRIE - Je m’appelle Valérie, voici Muriel et Charlotte. Nous sommes parisiennes et pour nos vacances, nous avons décidé de venir ici, en Haute Savoie, pour faire des randonnées en montagne et on s’est laissées surprendre par la nuit et la tempête.
CHARLOTTE - Oui, dis donc, c’est arrivé comme ça. D’un coup. Il faisait jour et deux secondes après, il faisait nuit. Quand on dit que la nuit tombe, ici, elle tombe, elle ne fait pas semblant.
MURIEL - Et puis la neige… les rafales de vent… terrible. On a marché à l’aveuglette je ne sais pas combien de temps.
CHARLOTTE - Moi j’ai bien cru qu’on allait y rester.
MURIEL - Et puis nous avons aperçu une lumière au loin, c’était la lanterne de votre porte. Nous nous sommes dirigées vers elle.
VALÉRIE - Ca faisait un peu Rois Mages suivant l’étoile du berger… mais en plus froid.
JEANNE - On peut dire que vous avez eu de la chance. Si cette lanterne n’était pas restée allumée… vous imaginez ?
VALÉRIE - C’est vrai ! Quand j’y pense… On aurait pu mourir de froid.
MURIEL - Ca arrive souvent ce genre de temps ?
JEANNE - Quelquefois !
FRANCOIS - Faut quand même pas être très malin pour partir en randonnée quand on annonce une tempête.
CHARLOTTE - On n’a pas écouté la météo !
FRANCOIS - C’est bien ce que je dis, c’est pas malin. On ne s’engage pas en montagne comme si on allait acheter le pain.
VALÉRIE - Mais qu’est ce qu’il a, à être aussi désagréable ? (menaçante) Je vais lui en mettre une, ça va le calmer.
MURIEL - Pour l’instant, c’est toi qui vas te calmer. Certainement qu’on dérange Monsieur. Mais ne vous en faites pas, dès que la tempête sera terminée, on s’en ira.
JEANNE - De toute façon, il ne faut pas espérer partir ce soir, donc vous passerez la nuit ici. Je vais préparer des chambres, ne vous inquiétez pas, il y a de la place.
FRANCOIS - On fait hôtel maintenant ?
JEANNE - François, en voila assez maintenant. On ne va tout de même pas les mettre à la porte sous prétexte que Monsieur ne supporte pas les femmes.
CHARLOTTE - Il ne supporte pas les femmes ?
VALÉRIE - Il est pédé ?
FRANCOIS - Non mais ça ne va pas ! Bon, écoute Jeanne ! Tu es chez toi, c’est vrai ! Tu reçois qui tu veux, c’est vrai aussi ! Qu’elles restent là, le temps que passe la tempête, d’accord ! MAIS JE NE VEUX PAS LES AVOIR DANS LES PATTES !
CHARLOTTE - Attention ! Faut pas le bousculer le Monsieur.
JEANNE - François, il s’appelle François !
FRANCOIS - Mais pour vous, ce sera Monsieur !
VALÉRIE - Alors, comment on dit finalement ? Monsieur ?... Monsieur François ?... ou plus simplement Monseigneur ?
MURIEL - Arrête Valérie, laisse le tranquille.
VALÉRIE - Qu’est ce qu’il t’arrive Muriel ? T’en pinces pour lui ?
MURIEL - Mais non voyons ! Il y a simplement, que… on débarque ici, à trois, et je suppose que nous perturbons la tranquillité des lieux et de ces gens qui nous hébergent gentiment.
Valérie et Charlotte se regardent et font une moue dubitative.
JEANNE - L’incident est clos, n’en parlons plus. Venez avec moi, je vais vous montrer vos chambres. Je pense que vous êtes bloquées ici pour quelques jours. Si vous voulez prévenir votre famille, le téléphone est ici. N’hésitez pas.
CHARLOTTE - Vous êtes sérieuse en disant qu’on est bloquées pour plusieurs jours.
JEANNE - Oh oui ! Vous savez, la route qui mène ici ne dessert que nous. Ici, c’est le terminus. Le bout du monde. Il faut bien comprendre que pour les services techniques de la commune, dégager cette route n’est pas une priorité. Mais on a l’habitude. Ne vous inquiétez pas, on ne mourra ni de faim, ni de froid.
VALÉRIE - en désignant François Eh bien c’est gai ! J’ai l’impression d’être enfermée dans la cage aux fauves.
FRANCOIS - C’est moi le fauve ?
JEANNE - Sinon un fauve, du moins un ours... mal léché ! Allez suivez le guide !
CHARLOTTE - A tout’ !
VALÉRIE - Salut !
Elles sortent
MURIEL OFF – J’ai oublié quelque chose, je vous rejoins.
Elle rentre et se jette dans les bras de François.
FRANCOIS - Mais tu es folle ! Qu’est ce que tu fais là Muriel ?
MURIEL - Tu me manquais trop ! Je n’en pouvais plus d’attendre ! Depuis six mois, on ne se voit qu’une fois par mois
FRANCOIS - Il ne fallait pas venir ! C’est encore trop tôt ! Tes amies sont au courant ?
MURIEL - Non ! Pour elles, nous sommes de simples randonneuses arrivées ici de par les circonstances.
FRANCOIS - C’est bien comme ça ! Pour l’instant, on ne se connaît pas ! Rejoins les vite pour qu’elles ne se doutent de rien !
Elle va sortir, revient, l’embrasse et sort.
Scène 4
François – Jeanne - Justine
FRANCOIS - Il ne manquait plus que ça !
Un temps. On frappe à la porte.
FRANCOIS - Qu’est ce que c’est encore ?
Il sort.
FRANCOIS OFF- Oh merde, merde, merde !
Il rentre en soutenant Justine. Elle est blessée à la tête. François semble affolé, il installe Justine dans un fauteuil.
FRANCOIS - JEANNE ! JEANNE !
Jeanne entre.
JEANNE - Qu’est ce qui te prends de hurler… Oh mon Dieu ! Justine ! (à François) Qu’est ce que tu lui as fait ?
FRANCOIS - Non mais ça ne va pas ! Je ne lui ai rien fait ! Je l’ai trouvée évanouie devant la porte.
Jeanne regarde la blessure.
JEANNE - Elle est coupée au front mais ça n’a pas l’air trop grave. Va chercher de quoi nettoyer la plaie.
FRANCOIS - (toujours affolé) Oui ! (il va sortir et revient). Heu… qu’est ce qu’il te faut ?
JEANNE - De l’eau chaude, de l’alcool, des compresses, des pansements. Et que tu te calmes.
FRANCOIS - Oui, je me calme, je me calme ! Mais moi la vue du sang ça me…
Il sort
JEANNE - Justine ! Justine ! Elle a l’air d’être bien sonnée… Alors François, ça vient ? Qu’est ce que tu fais ?
FRANCOIS OFF - Je fais chauffer de l’eau !
JEANNE - Tu comptes faire cuire des nouilles ?
Il passe la tête par la porte.
FRANCOIS - Hein faire cuire des nouilles ? Tu m’as bien demandé d’apporter de l’eau chaude.
JEANNE - Oui, en effet ! Mais tu pourrais simplement en prendre au robinet, non ?
FRANCOIS - Ah oui, je n’y ai pas pensé ! Moi tu sais, la vue du sang ça me…
Il ressort et revient avec de l’eau chaude. Jeanne nettoie la plaie. François détourne le
regard.
JEANNE - Eh bien alors, et le reste ?
FRANCOIS - Quel reste ?
JEANNE - Les compresses, l’alcool, les pansements !
FRANCOIS - Excuse-moi, j’avais oublié !
JEANNE - Va me chercher ce dont j’ai besoin et calme toi, s’il te plait, il n’y a rien de grave. Juste une petite coupure.
François sort. Justine revient à elle
JEANNE - Ah Justine ! Ca va mieux ? Comment te sens-tu ?
JUSTINE - Ca va ! J’ai mal à la tête mais ça va aller.
JEANNE - Mais que t’est-il arrivé ?
Retour de François avec une montagne de boites et de flacons.
JEANNE - Quand tu veux soigner quelqu’un, toi, tu mets le paquet.
FRANCOIS - Je ne savais pas exactement ce qu’il fallait, j’ai tout amené.
Jeanne regarde les boites.
JEANNE - Il y en a qui vont servir… (elle prend une boite) mais ça par exemple, je ne pense pas.
FRANCOIS - Qu’est ce que c’est ?
JEANNE - C’est pour les règles douloureuses. Je ne pense pas que… Justine ?
JUSTINE - Non !
JEANNE - (elle prend une autre boite). Ca non plus ! C’est un laxatif ! Justine ?
JUSTINE - Non merci !
FRANCOIS - Je suis désolé mais…
JEANNE - Ca va, je sais ! La vue du sang… Bon voyons ça ! (elle soigne Justine) Tu ne m’as toujours pas dit ce qu’il s’est passé.
JUSTINE - Eh bien, je suis partie d’ici… un peu… comment dire… déçue…
JEANNE - Je me demande bien à cause de qui ! (regard noir vers François)
JUSTINE - Toujours est-il que j’étais un peu énervée, je conduisais sans doute trop vite, et puis j’ai été prise dans la tempête, j’ai raté un virage, je suis rentrée dans un arbre et comme je n’avais pas mis ma ceinture j’ai heurté le pare-brise. J’ai réussi à remonter ici je ne sais comment.
FRANCOIS - Du mal ?
JUSTINE - Moi, assommée, et la voiture fichue.
FRANCOIS - Non, je disais «du mal ?»… l’arbre.
JEANNE - François ! Mais tu es immonde.
FRANCOIS - C’était pour plaisanter ! Si on ne peut plus rire un peu.
JEANNE - Tu penses que c’est le moment de rire. Justine aurait pu se tuer à cause de toi.
François mal à l’aise.
JUSTINE - Non, c’est de ma faute, j’aurais du mettre ma ceinture et rouler moins vite.
JEANNE - Ne cherche pas à le protéger Justine. En ce moment, il est abominable.
FRANCOIS - …C’est vrai !...Excuse-moi Justine ! Je suis vraiment désolé ! Je me suis comporté comme un idiot.
JEANNE - Première parole sensée de la journée !
Jeanne a posé un pansement sur le front de Justine.
JEANNE - J’ai terminé ! Tu vas aller t’allonger un peu.
JUSTINE - Non, ça va aller ! Merci pour tout Jeanne !
Elle va pour se lever mais titube et retombe dans le fauteuil.
JEANNE - Tu vas faire ce que je te dis, tu ne tiens pas debout. Il faut prendre des précautions. François, emmène la dans une chambre pour qu’elle se repose. Moi je vais préparer le repas.
FRANCOIS - Dans quelle chambre ?
JEANNE - Au premier, la chambre au bout du couloir est libre. Les autres sont prises par les filles.
JUSTINE - Vous avez du monde ! Je ne veux pas vous déranger. Je vais attendre ici d’aller mieux, et je redescendrai à pied.
FRANCOIS - Tu n’y penses pas ! Avec le temps qu’il fait. Tu en aurais pour des heures, et dans ton état…
JEANNE - Quel changement François ! Te voilà redevenu humain ?
FRANCOIS - Je crois que j’ai certaines choses à me faire pardonner. Allez viens Justine.
Il la soutient par le bras jusqu’à la porte sous le regard de Jeanne qui a le sourire.
FRANCOIS - Ce n’est pas la peine de sourire comme ça ! Il ne faut pas te faire d’illusions !
JEANNE - Tant pis ! Bon, après avoir emmené Justine, tu me rejoindras à la cuisine.
FRANCOIS - Bien chef !
Il sort avec Justine.
JEANNE - Eh bien, quelle journée ! Maintenant, il va falloir penser à faire manger tout ce petit monde.
Elle sort cuisine.
Scène 5
Jeanne - Xavier
On frappe à la porte.
JEANNE OFF - Monsieur Xavier ! Entrez vite ! Ils entrent.
Vous en avez du courage de sortir par ce temps.
XAVIER - J’étais en chemin quand le temps s’est gâté. Je vous amène un paquet à remettre au facteur, comme d’habitude.
JEANNE - Je ne sais pas quand le facteur pourra remonter jusqu’ici.
XAVIER - C’est embêtant, parce que c’est très urgent. Ce paquet doit parvenir à son destinataire le plus tôt possible.
JEANNE - Je comprends. Ce sont toujours des plantes.
XAVIER - Toujours oui ! Et celles là sont particulièrement… importantes.
JEANNE - Alors j’espère que ce fichu temps ne durera pas. En tout cas, je vous promets de le remettre au facteur dès qu’il vient.
XAVIER - Je sais que je peux compter sur vous. Bon ! Eh bien je vais essayer de remonter chez moi.
JEANNE - Faites attention de ne pas vous perdre en chemin, on n’y voit pas à un mètre.
XAVIER - Ne vous en faites pas, ça va aller ! Au revoir Madame Jeanne et merci encore.
Ils sortent.
Scène 6
Muriel – Valérie - Charlotte
Entrées des filles côté chambres. Elles sont changées.
MURIEL - C’est sympa ici !
VALÉRIE - L’endroit, oui ! Mais le type dis donc… Il doit avoir un problème. Tu crois qu’il est vraiment pédé ?
MURIEL - Oh non ! Enfin je veux dire… Je n’en sais rien. Comment veux-tu que je le sache ? Mais, il n’en a pas l’air.
CHARLOTTE - Oh, ça ne veut rien dire ! Moi, je suis sortie avec un mec pendant six mois avant d’apprendre qu’il était homo. Tu parles d’une surprise !
VALÉRIE - Je ne comprends pas ! Comment as-tu pu ne pas t’en apercevoir ? Et puis… enfin je veux dire… au lit, ça se passait comment ?
CHARLOTTE - Ca ne se passait pas !
VALERIE - Tu es sortie six mois avec un type sans coucher avec lui ?
CHARLOTTE - Ben oui ! Moi j’aurais bien voulu, mais lui, il disait qu’on devait attendre le mariage. Qu’il avait des principes, etc. etc.
VALÉRIE - Et tu acceptais ça ?
CHARLOTTE - Eh oui ! Faut dire que j’étais accro. Il était intelligent, prévenant, attentionné…
VALÉRIE - Oui ! Tout ça, c’est bien beau mais c’est accessoire ! Physiquement, il était comment ?
MURIEL - Avec toi, c’est droit au but ! L’intelligence, la gentillesse, c’est important quand même. Mais toi, tu es du genre « Tu m’plait ! On couche ? » Quel romantisme !
VALÉRIE - Moi, je n’ai pas de temps à perdre en causeries. Les préliminaires, je zappe ! Je suis une orgasmique boulimique ! Alors il était comment ?
CHARLOTTE - (rêveuse ) Oh… un visage
VALÉRIE - Oui, c’est mieux !
CHARLOTTE - Des yeux…
VALÉRIE - Combien ?
CHARLOTTE - Des lèvres…
VALÉRIE - (rêveuse) Faites pour embrasser !
CHARLOTTE - Des mains…
VALÉRIE - Faites pour caresser ! Arrête, je craque ! Elle décrit bien ! On se rend bien compte comme ça !
CHARLOTTE - Bref, le garçon idéal ! Beau comme un Dieu.
MURIEL - Et comment as-tu su que… ?
CHARLOTTE - Le jour où je suis rentrée plus tôt que prévu et que je l’ai trouvé couché avec un autre garçon !
VALÉRIE - Ca doit faire un choc !
CHARLOTTE - Plutôt oui ! En fait, cet enfoiré ne sortait avec moi que pour donner le change à ses parents.
MURIEL - Et qu’est ce que tu as fait ?
CHARLOTTE - Je l’ai viré, et j’ai tout raconté à sa mère. Mais je dois avouer que j’ai eu du mal à m’en remettre.
VALÉRIE - J’imagine ! En tout cas, en ce qui concerne l’ours de la maison, j’aimerais bien savoir s’il en est ou pas.
MURIEL - Pendant que vous délirez sur le sujet, je vais faire un tour dans la maison. Il y a peut être un coup de main à donner.
Elle sort.
CHARLOTTE - Valérie, tu penses comme moi ?
VALÉRIE - Pourquoi, tu penses toi des fois ?
CHARLOTTE - Ca m’arrive oui ! Et en ce moment, je pense que notre Muriel est tombée sous le charme du Seigneur du logis.
VALÉRIE - J’en ai l’impression moi aussi. Bon ! Qu’est ce qu’on va bien pouvoir faire ici ? Côté distraction, ça n’a pas l’air terrible.
CHARLOTTE - On a quand même eu une drôle de chance d’arriver ici. Qu’est ce qu’on serait devenues si on n’avait pas aperçu la lanterne.
VALÉRIE - (lugubre) On serait mortes congelées et on ne nous aurait retrouvées qu’au printemps, à la fonte des neiges, toutes raides et toutes bleues.
CHARLOTTE - Arrête de dire des choses pareilles, je vais en faire des cauchemars.
Retour de Muriel.
MURIEL - Je viens de me faire jeter de la cuisine.
VALÉRIE - Par qui ?
MURIEL - Par François !
VALÉRIE - François ! Tu l’appelles François ? Déjà ?
MURIEL - C’est son prénom ! Comment veux tu que je l’appelle ?
CHARLOTTE - Qu’est ce qu’il t’a fait ?
MURIEL - Je passais devant la cuisine, j’entends du bruit. Je rentre, Il préparait le repas avec Jeanne…
VALÉRIE - Tu vois Charlotte ! Il est pédé !
CHARLOTTE - Ca ne veut rien dire ! Alors Muriel, il préparait le repas, et puis ?
MURIEL - Je demande si je peux aider, et il me dit : « Ne restez pas dans mes pattes. Allez voir ailleurs si j’y suis, et si je n’y suis pas, restez-y ! »
CHARLOTTE - Ca, on ne peut pas dire, mais il est vraiment très agréable comme garçon.
VALÉRIE - Quand même ! Un type qui n’aime pas les femmes et qui fait la cuisine ! Y’a du louche !
CHARLOTTE - Oui ! Ce n’est pas vraiment une preuve, mais c’est au moins le début. Si on le trouve à faire du tricot, alors là, il n’y aura plus aucun doute.
CHARLOTTE - Ce serait dommage, parce qu’il n’est pas mal comme gars.
VALÉRIE - C’est vrai, ce serait du gâchis.
MURIEL - Vous dites vraiment n’importe quoi !
CHARLOTTE - Evidemment, toi, tu sais toujours mieux que les autres.
VALÉRIE - Sauf pour retrouver son chemin en montagne.
MURIEL - Je te signale, Valérie, que si on n’avait pas perdu une heure à chercher ton rouge à lèvres, on serait redescendues avant la tempête.
CHARLOTTE - Oui, c’est vrai ça ! Quelle idée aussi de se maquiller en pleine montagne. C’était pour séduire un chamois ?
VALÉRIE - Très drôle !
CHARLOTTE - Résultat, nous sommes coincées ici !
VALÉRIE - Et alors ? Un peu d’imprévu, ce n’est pas mal non ? Et en plus, le fait d’être coincées ici, ne doit pas te déranger beaucoup Muriel.
Pendant cette conversation, Charlotte va faire le tour de la pièce pour se retrouver vers la
table de travail de François.
MURIEL - Pourquoi tu dis ça ?
VALÉRIE - A cause de « François »… il ne t’aurait pas un peu tapé dans l’œil.
MURIEL - (hésitante)… Non…
VALÉRIE - Ah bon, je croyais. Ca me rassure, parce que j’avais bien envie de le draguer.
CHARLOTTE - Hein ? Tu veux draguer le pédé ?
VALÉRIE - Pourquoi pas ? Ce serait un beau défi à relever, non ?
MURIEL - Vous ne pouvez pas le laisser tranquille. Et d’abord, je suis certaine qu’il n’est pas… ce que vous dites.
VALÉRIE - Je disais ça pour te faire marcher Muriel. Mais avoue que tu ne le trouves pas inintéressant.
MURIEL - … Oui c’est vrai ! Tu es contente ?
VALÉRIE - Eh bien j’espère pour toi que ça marchera, mais il va falloir t’accrocher.
Depuis un moment, Charlotte regarde les feuillets de François.
CHARLOTTE - Eh les filles ! Vous avez vu ! Il écrit… un roman je crois.
MURIEL - Charlotte, remet ça en place, s’il arrive…
CHARLOTTE - Ben quoi, y’ a pas de mal !... Ecoutez ça :
Elle lit « Une légère brise flirtait avec leurs cheveux emmêlés…
VALÉRIE - Pas mal !
CHARLOTTE -« Il la prit… sur la moquette…
VALÉRIE - Hein ?
CHARLOTTE - Non, je déconne ! «Il la prit par la taille et approcha ses lèvres de son cou dénudé pour y déposer un baiser »
VALÉRIE - Ouah c’est chaud ! Et après, qu’est ce qu’il lui fait ?
CHARLOTTE - Rien !
VALÉRIE - Quoi ? Il ne lui fait rien ? Mais il est con le mec ! A mon avis ça doit être autobiographique.
CHARLOTTE - Mais non, Après il n’y a plus rien d’écrit, il s’est arrêté là !
Entrée de François
Scène 7
François – Valérie – Muriel – Charlotte
FRANCOIS - Non mais dites donc, ne vous gênez surtout pas !
CHARLOTTE - (repose vite les feuillets) Ben quoi ? On n’a rien fait ! Faut pas vous exciter !
FRANCOIS - Je déteste qu’on touche à mes affaires.
CHARLOTTE - Après le baiser dans le cou, qu’est ce qu’il va lui faire à la fille ?
FRANCOIS - Il va la mordre, parce que c’est un vampire. Elle va agoniser et mourir dans d’horribles souffrances.
CHARLOTTE - C’est dégueulasse ! Non mais on n’a pas idée d’écrire des choses pareilles. Là, c’est sûr que je vais faire des cauchemars.
VALÉRIE - Tu vas rêver qu’un affreux vampire, avec du rouge à lèvres, te mords et que tu meures congelée au milieu des chamois qui rigolent (rire sardonique)
CHARLOTTE - Mais t’es con toi !
FRANCOIS - Des folles, ce sont des folles !
VALÉRIE - Alors comme ça, vous êtes écrivain ?
FRANCOIS - Romancier plutôt ! C’est comme ça qu’on appelle une personne qui écrit des romans. Finalement, c’est une bonne chose pour vous d’être arrivée ici, vous aurez appris un nouveau mot.
VALÉRIE - Non mais pour qui il se prend celui-là ? (Elle se plante devant lui et le défie) Il va finir par se prendre un coup de boule le scribe !
MURIEL - Du calme ! Il plaisantait !
CHARLOTTE - Je ne comprends pas pourquoi vous êtes aussi désagréable ! Sachez que nous sommes ici contre notre volonté.
FRANCOIS - Et contre la mienne, croyez le bien !
MURIEL - Nous ne voulons pas vous ennuyer et nous partirons dès qu’il sera possible, alors je pense que, pour le bien de tous, nous devrions tenter de cohabiter en bonne harmonie.
CHARLOTTE - La vache, comment qu’elle cause !
VALÉRIE - Ouais, d’habitude elle jure comme un charretier, mais alors là…
CHARLOTTE - Tout ça pour un malade qui écrit des saloperies dans des bouquins.
FRANCOIS - Mais je n’écris pas de… saloperies.
On entend frapper à la porte.
JEANNE OFF - Encore vous Monsieur Xavier ! Entrez ! Venez par ici !
Scène 8
Les mêmes plus Jeanne – Xavier et Paul
Elle entre suivie de Xavier et Paul. Paul est habillé d’un costume
XAVIER - (en entrant) Je suis désolé de vous ennuyer à nouveau ! D’autant plus que vous recevez des amis. Bonjour Monsieur, bonjour Mesdemoiselles.
PAUL - (très efféminé) Bonjour, bonjour !
MURIEL et
CHARLOTTE - Bonjour Messieurs !
VALÉRIE - Bonjour M’sieur dames ! (en aparté à Charlotte) La voilà la preuve ! Je te parie que c’est la copine du fou.
XAVIER - Excusez-nous de vous déranger, mais en remontant chez moi, j’ai trouvé ce Monsieur qui s’était perdu à quelques centaines de mètres d’ici.
CHARLOTTE - (en aparté) Perdu ! Ce n’est pas sa copine !
FRANCOIS - Décidément, tout le monde s’est donné rendez-vous dans cette montagne pour s’y perdre aujourd’hui.
CHARLOTTE- C’est vrai ! Mais il faut dire que la signalisation laisse à désirer. Il pourrait y avoir des pancartes du genre : en bas « village », en haut « sommet »
VALERIE - Au milieu « chez Jeanne – attention chien méchant »
JEANNE - Je vois que vous avez fini par sympathiser.
XAVIER - Pour en revenir à mon histoire, ce Monsieur était blotti entre deux rochers. Si je ne l’avais pas entendu grelotter, il serait mort gelé.
PAUL - J’essayais de me protéger en attendant la fin de la tempête. Bouh qu’est ce qu’il faisait froid.
XAVIER - Vu sa tenue, j’ai pensé qu’il était plus prudent de l’amener ici plutôt que de l’emmener chez moi.
JEANNE -Et vous avez bien fait !
FRANCOIS - Mais oui, vous avez bien fait ! (A Paul) on peut savoir ce que vous faisiez dans la montagne dans cette tenue ?
PAUL - Heu… eh bien… je… je me promenais.
FRANCOIS - Il y a vraiment des inconscients. A propos, pouvons nous savoir qui vous êtes ?
PAUL - Paul ! Paul Jeansui !
VALÉRIE - On s’en est aperçu qu’il en est !
MURIEL - Jeansui, c’est son nom !
VALÉRIE - C’est bien porté !
XAVIER - Maintenant, je vais vous laisser ! Je dois remonter à la bergerie.
FARNCOIS - Remonter chez vous ? Il n’en est pas question que vous remontiez chez vous. C’est trop facile ! Vous trouvez… (montrant Paul) ça…
PAUL - C’est de moi qu’il parle ?
MURIEL - Mais non, mais non !
FRANCOIS - …Vous nous l’amenez et vous repartez. Et puis quoi encore. Ici, c’est complet. C’est vous qui l’avez trouvé, vous le gardez.
CHARLOTTE - Et si dans un an et un jour personne ne l’a réclamé, il est à vous ! Ah, on peut dire que vous en avez de la chance !
XAVIER - Bien Monsieur !
JEANNE - Mais François, décidément tu es tombé sur la tête. Il n’est pas question qu’ils partent. Ni l’un, ni l’autre.
XAVIER - Laissez Madame Jeanne !
JEANNE - Vous n’y pensez pas ! Jamais vous n’y arriverez ! Avec toute la neige qui est tombée, vous en auriez pour des heures et avec le froid qu’il fait, vous courez à une mort certaine.
PAUL - (pleurant) J’veux pas mourir de froid !
JEANNE - Et je ne parle pas des risques d’avalanches.
PAUL - (plus) J’veux pas mourir dans une avalanche.
VALÉRIE - Et les loups !
PAUL - (encore plus) J’veux pas être mangé par les loups.
MURIEL - Valérie, ça ne va pas non !
VALÉRIE - Il est marrant !
JEANNE - François, tu vas à la cuisine, tu mets la table et tu te tais.
FRANCOIS - Je…
JEANNE - J’ai dit, tu te tais !
FRANCOIS - Mais…
JEANNE - J’ai dit !
FRANCOIS -Enfin…
VALÉRIE - Ben dites donc, vous êtes long à comprendre vous. Faut le temps que l’information atteigne le cerveau.
CHARLOTTE - Faut déjà qu’elle le trouve !
VALÉRIE - On vous a dit : du vent, du balai, hop cuisine !
François prend un papier et écrit. Il fait passer le papier à Jeanne.
JEANNE - (lisant) « Trop nombreux pour cuisine. Stop. Cuisine trop petite. Stop. Préfère mettre table dans grande salle à manger. Stop. Demande autorisation. Stop. » Mais qu’est ce qui te prend ? Tu ne peux pas le dire clairement.
FRANCOIS - J’ai bien…
JEANNE - Ca va, tais toi ! Mais tu as raison. La grande salle sera plus adaptée. Autorisation accordée.
FRANCOIS - Ah quand même !
François sort cuisine.
JEANNE - Monsieur Xavier, Monsieur Paul, suivez moi, je vais vous donner une chambre.
XAVIER - Chacun j’espère !
JEANNE - Oui, bien sûr !
XAVIER - Ouf !
JEANNE - (elle se dirige côté chambres filles puis se ravise) Ah non, pas ici, toutes les chambres sont occupées. Par ici, il y a deux chambres libres. Par contre il n’y a pas de salle de bain. Vous devrez utiliser celle qui est au fond du couloir là-bas (elle montre côté chambre filles) Suivez moi !
Ils sortent
Scène 9
Valérie – Muriel – Charlotte
VALÉRIE - Eh bien j’ai l’impression qu’on ne va pas s’ennuyer ici ! Dites ! Vous avez remarqué ?
MURIEL - Quoi ?
VALÉRIE - Xavier ! Pas mal hein ?
MURIEL - Oh moi, tu sais…
CHARLOTTE - Oui, toi ce serait plutôt… François !
MURIEL - Arrête avec ça !
CHARLOTTE - Ne me dis pas que tu n’en pinces pas pour lui. Ca se voit. Il n’y a qu’à voir la façon dont tu le regardes.
MURIEL - Quoi ? Comment je le regarde ?
CHARLOTTE - Ben, je ne sais pas… avec des yeux…
VALÉRIE - C’est sûr, les yeux, c’est mieux pour regarder.
CHARLOTTE - Je veux dire, avec des yeux… enfin, des yeux qu’on a quand on est amoureuse.
MURIEL - N’importe quoi ! Amoureuse ! Je ne le connais pas !
CHARLOTTE - Le coup de foudre, ça existe ! Tu sais quand tu as le cœur qui s’affole, la gorge sèche, les jambes en coton, et que tu sens, dans tout ton corps, monter une chaleur qui t’emporte…
VALÉRIE - Arrête ! Ca m’excite ! C’est à cause de Xavier.
CHARLOTTE - Ca y est, la voilà en transe ! Si le Xavier est encore vierge, il ne l’est plus pour longtemps. Attention M’sieurs dames, la tueuse de matelas est lâchée. Xavier, accroche toi, ça va être ta fête.
MURIEL - Vous avez fini vos délires.
Scène 10
Valérie – Charlotte – Muriel – Justine – Jeanne
Entrée de Justine
JUSTINE - Excusez moi ! Savez vous où est Jeanne ?
VALERIE - Elle est par là. Elle ne devrait pas tarder à revenir.
MURIEL - (étonnée de voir une autre femme dans la maison) C’est qui celle-là ?
CHARLOTTE - Si on veut savoir, autant le demander clairement. Vous êtes qui ?
JEANNE - (en entrant) Je vois que vous avez fait connaissance.
JUSTINE - Pas encore mais nous allions le faire.
JEANNE - Alors je vais faire les présentations. Voici Valérie, Muriel et Charlotte. Ces trois jeunes filles se sont perdues dans la tempête. Heureusement, qu’elles ont aperçu la lanterne de la maison. Et voici Justine (fièrement) Elle est commissaire de police.
VALÉRIE - Commissaire de police ? Ca tombe bien. Vous pourrez peut être faire quelque chose pour mes contraventions. Parce que je les collectionne.
CHARLOTTE - Vu la façon dont tu conduis, il n’y a rien d’étonnant.
MURIEL - (à Justine, désignant son pansement) Vous avez eu un accident ?
JUSTINE - Oui, de voiture justement. J’ai été, moi aussi, surprise par la tempête.
JEANNE - Justine a percuté un arbre, en sortant d’ici. La pauvre enfant.
CHARLOTTE - Ah, c’est votre fille.
JEANNE - Ma fille ? Oh non… quoi que je la considère presque comme ma fille. Je l’ai vue grandir. Ses parents habitent la bergerie la plus proche. Et Justine a passé son enfance avec François.
MURIEL - Ah oui ?
JEANNE - J’ai même appris tout récemment que François a été le premier petit copain de Justine et que…
JUSTINE - Jeanne !
MURIEL - Oui, on a compris.
JUSTINE - On va peut être changer de sujet.
JEANNE - Ca te gêne ? Le premier baiser, c’est important.
JUSTINE - Oui, mais je ne pense pas que ça intéresse ces demoiselles.
MURIEL - Non, absolument pas !
CHARLOTTE - Alors François, c’est votre fiancé ?
JUSTINE - Oh non, pas du tout. Je n’ai revu François que cet après-midi. Cela faisait une vingtaine d’années que nous nous étions perdus de vue.
MURIEL - (soulagée) Ah bon !
JEANNE - Les enfants, je vous laisse papoter. Je dois aller surveiller mon repas… et François.
VALÉRIE - Besoin d’aide Jeanne ?
JEANNE - Non, non merci ! Ca va aller.
(elle sort)
CHARLOTTE - Moi, ça m’a toujours étonnée, les gens qui grandissent ensemble et qui se perdent de vue par la suite.
JUSTINE - Chacun doit faire sa vie !
CHARLOTTE - Comment ça s’est passé pour vous et François ?
VALÉRIE - Eh Colombo ! C’est un interrogatoire ?
CHARLOTTE - Non, c’est juste pour savoir.
MURIEL - Moi je vous laisse, je vais voir si je peux aider Jeanne.
VALÉRIE - Elle a dit que non ! Mais tu peux toujours voir du côté de la salle à manger. Peut être que… François…
MURIEL - (en sortant) Tu vas me lâcher un peu !
CHARLOTTE - (regard complice vers Valérie) Faut pas rigoler avec ça !
JUSTINE - Qu’est ce qu’elle a ?
CHARLOTTE - On pense que François lui a tapé dans l’œil.
JUSTINE - Ah oui ?
VALÉRIE - Alors comme ça, vous êtes dans la police ?
JUSTINE - Eh oui !
VALÉRIE - Vous me direz, il n’y a pas de sot métier… (réalisant ce qu’elle vient de dire) enfin je veux dire que… une femme commissaire, ce n’est pas courant.
JUSTINE - Il y en a certainement beaucoup plus que vous ne pensez.
Scène 11
Justine – Charlotte – Valérie – Xavier – Paul
(entrée de Xavier et de Paul)
VALÉRIE - Oh mais regardez qui nous arrive. (aguicheuse) Re-bonjour Xavier.
XAVIER - Mademoiselle !
VALÉRIE - Oh mademoiselle ! Appelez moi Valérie ! Ca y est vous êtes installé ?
XAVIER - Oui, Jeanne est vraiment une femme formidable, elle a le cœur sur la main.
PAUL - Et moi, j’ai le cœur au bord des lèvres. Un coup de froid certainement. Permettez que je m’assoie.
CHARLOTTE - Valérie, elle, a plutôt un coup de chaud. (à Valérie) Pour tempérer, tu devrais t’installer près de Monsieur qui en est.
PAUL - Paul Jeansui !
CHARLOTTE - Oui, on sait ! (à Xavier très très aguicheuse pour faire rager Valérie) Au fait, moi, c’est Charlotte !
XAVIER - Enchanté Charlotte ! (Xavier aperçoit Justine) Oh excusez moi, je ne vous avais pas remarqué. Mademoiselle…
JUSTINE - Justine. Bonjour. Je ne savais pas qu’il y avait autant de monde dans cette maison. Vous aussi avez été surpris par la tempête ?
XAVIER - J’ai trouvé ce monsieur…
PAUL - Paul Jeansui !
VALÉRIE - Oui ben ça va ! Vous n’allez pas le répéter toutes les 10 secondes.
PAUL - Non mais dites donc ! Vous pourriez être un peu plus agréable. Je crois qu’après ce qu’il m’est arrivé, je pourrais avoir droit à un peu plus d’attention et de chaleur humaine.
VALÉRIE - Bon ! Elle va nous lâcher les baskets maintenant la Dame de Hte Savoie !
CHARLOTTE - Ouah elle est bonne celle là !
PAUL - La dame de Hte Savoie ?
CHARLOTTE - La dame de Hte Savoie… Francis Cabrel… Vous ne connaissez pas ?
PAUL - Si je connais cette chanson ! Mais je ne vois pas le rapport entre Francis Cabrel et moi !
VALÉRIE - Laissez tomber ! De toute façon, je ne pense pas que Cabrel ait envie d’avoir un rapport avec vous.
PAUL - Je n’ai pas compris ce que vous voulez dire, mais je sens que ce n’est pas gentil pour moi. Vous n’avez pas une très bonne éducation.
VALÉRIE - Ecoutez, vous avez interrompu monsieur Xavier alors question d’éducation… Allez y monsieur Xavier, vous disiez que vous aviez trouvé ce monsieur…
PAUL - Paul Jeansui !
CHARLOTTE - Holala ! Elle va s’en ramasser une la dégénérée du caleçon.
XAVIER - Je disais donc que je remontais chez moi, j’habite la bergerie un peu plus haut, quand je l’ai trouvé presque mort de froid pas très loin d’ici. Et Jeanne n’a pas voulu me laisser repartir dans la tempête.
JUSTINE - Alors nous sommes tous ici à cause de cette fameuse tempête.
VALÉRIE - (toujours des regards langoureux vers Xavier) C’est certainement un signe du destin. Il a voulu que nous nous rencontrions. Vous croyez au destin monsieur Xavier ?
XAVIER - Oui… je ne sais pas… en fait, non ! Vous savez, je ne crois pas que les choses soient écrites d’avance. Je suis plutôt terre à terre. Mais par contre, je crois que nos actes, bons ou mauvais, dessinent notre destinée et qu’on ne peut y échapper quoi que nous fassions par la suite.
VALERIE - Qu’est ce que vous causez bien monsieur Xavier.
XAVIER - Merci, et appelez moi Xavier puisque je dois vous appeler Valérie.
PAUL - Eh bien moi je crois au destin.
CHARLOTTE - Oui mais vous, on s’en fiche !
PAUL - Maintenant, ça suffit ! Qu’est ce que je vous ai fait pour que vous me traitiez de la sorte ? Rien, il me semble ! Alors ?
XAVIER - (voulant apaiser la situation) Et vous Justine, comment êtes vous arrivée ici ?
JUSTINE - Accident de voiture pas très loin.
VALÉRIE - Figurez vous que Justine est commissaire de police.
XAVIER - Commissaire de police ?
JUSTINE - Oui, j’espère que cela ne vous ennuie pas !
XAVIER - Oh non, pourquoi voudriez vous que cela m’ennuie ?
VALÉRIE - On se doute bien, Xavier, qu’un garçon tel que vous ne peut rien avoir à se reprocher. On sent que vous êtes l’honnêteté faite homme, et… bel homme.
XAVIER - Je vous remercie mais vous me gênez !
CHARLOTTE - On va bientôt sortir les violons. A propos de violon, commissaire, vous faites des enquêtes ! Ca doit être passionnant.
JUSTINE - Ca l’est !
VALÉRIE - Vous avez déjà arrêté des grands criminels dangereux ?
JUSTINE - Des grands criminels, non, mais des voyous, des gangsters, oui, quelques uns.
VALÉRIE - En ce moment, vous êtes sur une affaire ?
JUSTINE - Oui, bien sûr !
CHARLOTTE - Ah oui ? C’est quoi comme affaire ?
JUSTINE - Excusez moi mais je ne peux pas en parler.
VALÉRIE - Bien sûr ! Mais vous pouvez peut être nous dire au moins de quel genre d’enquête il s’agit. Crime, hold-up, prise d’otage…
CHARLOTTE - Hé ! On est en Hte Savoie, pas à Bagdad !
JUSTINE - En ce moment, je travaille sur un trafic de stupéfiants. Voila, je ne peux rien dire de plus.
XAVIER - Trafic de stupéfiant ? Dans la région ?
JUSTINE - Eh oui ! Maintenant, c’est partout ! Aucune région, aucun département, ni aucun village ne sont épargnés.
CHARLOTTE - Eh monsieur Jeansui ! Ce serait pas vous le trafiquant par hasard ?
PAUL - Non mais ça ne va pas ! Moi, trafiquant !
CHARLOTTE - Ben pour se promener en montagne dans cette tenue, faut avoir fumé !
PAUL - Et vous, on devrait vous interdire la montagne.
CHARLOTTE - Et pourquoi ?
PAUL - Parce que avec la tête que vous avez, vous risquez de traumatiser les animaux sauvages. Il y a des horreurs qu’il vaudrait mieux leur épargner.
VALÉRIE - Un point pour Paulot ! Tu ne l’as pas volé Charlotte !
Scène 12
Les mêmes plus Muriel – Jeanne – François
(retour de Muriel)
MURIEL - Jeanne vous fait dire que le repas sera prêt dans dix minutes.
VALÉRIE - Ah Muriel ! Alors tu as entamé les travaux d’approche avec le sauvage.
CHARLOTTE - Si ce n’est pas fait, prend des leçons avec Valérie parce que de son côté, ça va fort.
MURIEL - Pour ça on peut lui faire confiance, je ne m’inquiète pas pour elle.
VALÉRIE - Mais taisez vous ! Pour qui voulez-vous me faire passer ? Qu’est ce que Xavier va penser de moi ? Il va me prendre pour une délurée. Moi, qui suis si timide, si innocente.
PAUL - Mieux vaut entendre ça que d’être sourd… quoi que, je me demande si je ne préfèrerais pas être sourd.
CHARLOTTE - Alors, Justine, vous étiez donc la petite copine de François ?
JUSTINE - (soupir) C’est bien loin tout ça !
MURIEL - On vous sent nostalgique.
JUSTINE - Bien sûr, on a toujours la nostalgie de son adolescence.
VALÉRIE - De son adolescence ou de François ?
(entrée Jeanne)
JEANNE - Le repas est prêt vous pouvez passer à table.
CHARLOTTE - Sauvée par le gong Justine.
Ils sortent. D’abord Charlotte et Muriel
VALÉRIE - (Prenant Xavier par la main) Venez Xavier, nous nous mettrons l’un à côté de l’autre pour faire connaissance. (sortie)
PAUL - (à Justine en aparté) Je voudrais vous parler.
JUSTINE - A quel propos ?
PAUL - Excusez nous madame Jeanne, je dois parler à Justine… en privé. Commencez nous arrivons tout de suite.
(Jeanne sort)
Scène 13
Paul – Justine
Paul prend sa voix normale.
PAUL - Commissaire, ce que j’ai à vous dire est de la plus haute importance
JUSTINE - Mais… votre voix… vous n’êtes pas…
PAUL - Homosexuel ! Non, pas du tout ! C’est un déguisement.
JUSTINE - Un déguisement ? Je ne comprends pas !
PAUL - Une couverture, si vous voulez. Pour ne pas éveiller les soupçons.
JUSTINE - Les soupçons ? Si vous pouviez vous expliquer…
PAUL - Voilà, j’y viens. Je suis détective privé. Je mène une enquête sur la demande de l’ex-belle famille de monsieur Dumont, enfin… François.
JUSTINE - Une enquête ?
PAUL - Oui ! C’est la raison de ma présence ici. J’ai profité de ce que la météo annonçait une tempête pour faire mon petit numéro de promeneur surpris par le temps. Il me fallait un prétexte pour entrer dans cette maison et y rester le plus longtemps possible afin d’essayer de découvrir une preuve, ou du moins, un indice. Cette tempête est providentielle.
JUSTINE - Je ne comprends toujours pas ! Un indice, une preuve, mais de quoi ?
PAUL - De l’implication de François dans la mort de sa femme.
JUSTINE - Mais sa femme est décédée dans un accident de voiture il me semble.
PAUL - C’est ce qu’il semble à tout le monde. Mais les beaux-parents de François sont persuadés que ce n’était pas un accident.
JUSTINE - Mais c’est dément ! François, un meurtrier et pourquoi ?
PAUL - François avait une maîtresse. Sa femme l’a appris et elle a fait une demande de divorce pour adultère.
JUSTINE - Comment l’a-t-elle appris ?
PAUL - Par moi ! Elle avait des soupçons. Elle a fait appel à mes services et je n’ai pas tardé à lui amener les preuves qu’elle souhaitait. Suite à cela, elle a demandé le divorce, bien évidemment aux torts exclusifs de François. Vous savez que François possède une maison d’édition à Paris, qui marche fort bien d’ailleurs…
JUSTINE - Oui et alors ?
PAUL - Cette maison d’édition appartenait en fait à sa femme. D’ailleurs, tout ce qu’ils possédaient venait d’elle. Evidemment, en cas de divorce, François perdait tout et il pouvait même se recycler parce que en ce qui concerne sa profession d’auteur… écrire est une chose mais après, il faut publier. Et vu les relations qu’ont les beaux parents, François aurait vu toutes les portes se fermer devant lui.
JUSTINE - Mais enfin, un divorce, ce n’est pas une raison suffisante pour tuer.
PAUL - Oh vous savez dans certain cas… J’en ai déjà vu pas mal depuis le temps que je fais ce métier. Vous aussi certainement.
JUSTINE - Oui, mais quand même. Il s’agit de François. Non, je ne peux pas y croire. Pas François. Il serait incapable de faire une chose pareille. Mettre sur pied un meurtre maquillé en accident.
PAUL - Mais il le fait tous les jours.
JUSTINE - Comment ?
PAUL - Dans ses bouquins. Ses romans policiers. Il a beaucoup d’imagination votre François. J’irai même jusqu’à dire qu’il est un peu… tordu.
JUSTINE - Et pourquoi me parlez vous de ça ?
PAUL - Parce que nous sommes coincés ici quelques jours, et que vous êtes commissaire de police. A deux, nous aurons plus de chance de trouver ce que nous cherchons.
JUSTINE - Ce que VOUS cherchez.
Acte 14
Justine – Paul – François - Jeanne
(entrée de François)
FRANCOIS - Ce que vous cherchez ? Et que cherchez vous ?
PAUL - (reprenant voix) J’ai perdu… euh… Une… une boucle d’oreille. Mais ce n’est pas grave, je la retrouverai plus tard, je ne suis même sûr de l’avoir perdue ici. Bon, eh bien il est temps de passer à table.
Il sort, Justine le suit. François va à son bureau. Justine s’arrête à la porte et regarde
François.
JUSTINE - Tu ne viens pas ?
FRANCOIS - Non, pas faim !
Il écrit, elle le regarde un moment puis sort. Un moment puis Jeanne entre.
JEANNE - Eh bien François, nous t’attendons.
FRANCOIS - Dînez sans moi, je n’ai pas faim.
JEANNE - Tu vas venir à table, nous avons des invités.
FRANCOIS - Tes invités ! Pas les miens ! Et puis tu m’as fait déguster cinq fois chaque plat pour savoir si c’était assez salé, pas trop salé, assez cuit, pas trop cuit. Je suis rassasié.
JEANNE - François !
FRANCOIS - Oui ?
JEANNE - A table !
FRANCOIS - Mais…
JEANNE - Et tu n’oublies pas d’aller te laver les mains.
FRANCOIS - (sort en ronchonnant)
Ils sortent.
FIN ACTE 1
ACTE 2
Scène 1
Paul – Xavier – Muriel – François
NOIR
C’est la nuit. On entend le vent. Paul entre, un chandelier allumé à la main
PAUL - Bien ! Ils sont tous couchés. C’est le bon moment. Au travail.
Il commence à fouiller, regarde dans la bibliothèque rapidement puis va vers le bureau, et cherche dans les tiroirs.
- Ah, voila qui est intéressant ! Des revues techniques automobiles. « Sécurité, points forts et points faibles », « La direction assistée », « Les différents systèmes de freinage ». Ce n’est pas vraiment une preuve mais c’est un bon début. (Il continue à fouiller). Et ça ? Qu’est ce que c’est ? (il sort une lettre)
« Mon amour, Encore une journée loin de toi qui m’a paru une éternité… et patati et patata… » Signé Muriel. Ca, on le savait déjà mais c’est une preuve de plus que François avait une relation extra conjugale. (Il repose la lettre sur le bureau) Qu’y a-t-il d’autre… des coupures de journaux… relatant « l’accident » de sa femme. Conservateur le François. Cela risque de lui jouer des tours.
On entend des pas dans l’escalier. Zut voila quelqu’un ! Il éteint sa bougie et se cache derrière le bureau.
Muriel entre. Elle aussi est éclairée d’une bougie. Elle traverse la pièce en direction chambres garçons. Paul se relève et rallume la bougie.
PAUL - Pour prendre autant de risques en allant rejoindre son amant, elle doit être terriblement en manque la petite Muriel. Tiens au fait ! Est elle dans la combine de François ? Ca, c’est un point à éclaircir. Remettons nous au travail.
On entend du bruit.
- Encore ! Paul même chose.
Xavier entre à son tour (bougie) et va en direction chambres filles. Paul se relève.
PAUL - J’ai l’impression que les avances de Valérie lui ont fait de l’effet. Il ne perd pas de temps. Qu’ils en profitent pendant qu’ils sont jeunes. Et puis au moins, eux, ils ne font de mal à personne.
Il reprend ses recherches. Un temps puis à nouveau du bruit côté garçons.
PAUL - Encore ! Comment voulez vous faire une enquête sérieuse dans ces conditions ! (même jeu)
Muriel repasse dans l’autre sens.
PAUL - Eh bien c’est du vite fait !
Il se remet à chercher quand la lumière s’allume et François entre.
FRANCOIS - (apercevant Paul) Mais, qu’est ce que vous faites dans le noir ?
PAUL - (reprenant sa voix) Eh bien… c'est-à-dire que... euh je cherchais ma boucle d’oreille.
FRANCOIS - Dans le noir ?
PAUL - Non, j’avais une bougie mais elle s’est éteinte… un courant d’air certainement. Ces vieilles maisons sont pleines de courants d’air.
FRANCOIS - Oui bien sûr ! Une bougie ! C’est vrai, pourquoi se servir de l’électricité alors qu’on peu utiliser une bougie ? Vous n’aimez pas la simplicité, vous !
PAUL - Je n’ai pas trouvé l’interrupteur ! Forcément, dans le noir…
FRANCOIS - Il fallait le chercher avec votre bougie.
François remarque que ses papiers ont été éparpillés.
FRANCOIS - Mais… qu’est ce que c’est que ce bazar. Encore un courant d’air ?
PAUL - Je ne sais pas… oui peut être…
FRANCOIS - Moi je pense que vous étiez en train de fouiller mon bureau.
PAUL - Non, je vous assure que non. Peut être ai-je un peu bousculé vos papiers par inadvertance. Je vais tout remettre en ordre.
FRANCOIS - Non, ne touchez à rien… Au fait avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?
PAUL - Non, pas vraiment mais je sens que je suis sur la bonne piste… je veux dire…pour ma boucle d’oreille… comme elle n’est pas ici, c’est forcément qu’elle est ailleurs.
FRANCOIS - Cette boucle d’oreille doit avoir une grande valeur pour que vous la cherchiez au milieu de la nuit.
PAUL - Oui ! Une grande valeur…sentimentale. Ca me tracassait tellement que je n’arrivais pas à dormir. Mais vous non plus apparemment.
FRANCOIS - Non ! Cette journée m’a quelque peu stressé. Je vais profiter du calme de la nuit pour écrire un peu.
PAUL - Alors, je vous laisse. Je ne voudrais pas vous troubler.
FRANCOIS - Oh mais vous ne me troublez pas du tout. Ne vous faites pas d’illusions.
PAUL - Je voulais dire, troubler votre inspiration.
FRANCOIS - Ah je croyais… non rien. Alors bonne nuit.
PAUL - (va en direction des chambres et se ravise) Au fait, j’ai pensé à quelque chose.
FRANCOIS - Quoi donc ?
PAUL - J’ai pensé que, si le temps le permettait, demain nous pourrions peut être aller rechercher la voiture de Justine. Il y a certainement des réparations à faire. Je connais un peu la mécanique, mon père était carrossier. Et puis ça nous occuperait.
FRANCOIS - Pour ce qui est de l’occupation, j’ai ce qu’il faut. Et puis moi, je ne connais rien à la mécanique, alors ne comptez pas sur moi.
PAUL - Ah bon ? J’aurais pourtant cru que…
FRANCOIS - Quoi ?
PAUL - Non, rien ! Je vais me coucher ! Bonne nuit ! Il sort
FRANCOIS - Il range ses papiers et trouve la lettre que Paul avait sortie.
Qu’est ce que c’est ?... mais, j’avais raison, il a fouillé dans mes tiroirs et certainement pas pour y trouver sa boucle d’oreille. Qu’est ce que ça veut dire ? Il va falloir que je m’en méfie de celui là. Je n’aime pas ça du tout. Je vais commencer par mettre ça en lieu sûr. Il prend le paquet de lettres et sort.
NOIR
Scène 2
François – Jeanne – Muriel – Paul
Le lendemain matin. François en robe de chambre est au bureau, il écrit. Entrée Jeanne
JEANNE - Bonjour François ! Déjà au travail, tu es matinal !
FRANCOIS - Bonjour Jeanne ! Oui, je profite du calme pour avancer un peu mon roman.
On entend un cri, puis un bruit de chute.
FRANCOIS - Eh bien le calme n’aura pas duré longtemps !
MURIEL - (OFF) Vicieux ! Voyeur ! Dégénéré !
Paul entre, il est en pyjama. Il évite de peu une pantoufle. Muriel entre furieuse, en
peignoir, une serviette sur la tête, L’autre pantoufle à la main, menaçante.
MURIEL - Dévergondé ! Malade mental !
PAUL - Mais puisque je vous dis que je ne savais pas que vous étiez dans la salle de bain.
JEANNE - Que se passe t-il ?
MURIEL - Je prenais ma douche quand j’ai surpris ce… ce… malade qui me matait par-dessus le rideau. Vicieux !
PAUL - Mais non, je vous assure !
MURIEL - Vous n’allez pas nous faire croire que vous étiez là par hasard. Il était perché sur le rebord de la baignoire et il se rinçait l’œil ! Voyeur !
PAUL - Mais enfin, pourquoi voulez vous que je regarde une fille prendre sa douche ?
FRANCOIS - Eh bien alors, dites nous pourquoi vous regardiez dans la douche.
PAUL - Oooh… Je pensais que… que c’était vous qui preniez votre douche !
FRANCOIS - Hein ? Moi ?
PAUL - Oui j’avoue, je pensais que c’était vous !
JEANNE - Alors vous voyez, mademoiselle Muriel, vous ne risquez rien !
PAUL - Bon… eh bien… puisque la salle de bain est libre…je vais aller prendre une douche.
FRANCOIS - C’est ça ! Prenez la bien glacée !
Paul sort
JEANNE - François, je crois que tu as fait une touche. Toi qui ne voulais pas de femme, ça tombe plutôt bien, non ? (elle sort en riant)
FRANCOIS - Décidément, il va falloir que je m’en méfie sérieusement.
MURIEL - (elle rit) On dirait que j’ai de la concurrence !
FRANCOIS - Ne t’inquiète pas, ça ne risque rien. A propos, tu ne m’en veux pas pour cette nuit ?
MURIEL - De ne pas avoir voulu… un peu déçue bien sûr, mais j’ai compris. Il faut être prudent.
FRANCOIS - Plus que jamais ! Figure toi que cette nuit, j’ai surpris ton voyeur qui fouinait dans mes papiers.
MURIEL - (riant) Peut être voulait-il une photo de toi ?
FRANCOIS - Ca te fait rire !
MURIEL - Oui ! Et si tu veux un conseil, quand tu iras dans la salle de bain, ferme à clef si tu ne veux pas risquer d’être violé ! Sans vouloir faire un vilain jeu de mots. Surveille tes arrières.
Pour connaitre la suite et la fin, contactez-moi piercy.noel@neuf.fr ou piercy.noel@gmx.fr en indiquant le nom de votre troupe et sa localisation