Dernière volonté - extraits

                       

Extrait de Dernière volonté

 

ACTE 1 – scène 1

Pierre - Mariette

C’est le soir. Pierre est assis dans un fauteuil, il lit un journal. Il fume. Une lampe est allumée. Sa veste est sur le dossier d’une chaise.

PIERRE         - (enfilant un gilet) Qu’est ce qu’il fait froid ce soir ! (Il lit, tourne les pages vivement) Catastrophe aérienne ! Raz de marée ! Accidents ! Meurtres ! Conflits ! Manifestations ! Emeutes ! Mise en examen d’un ministre ! Mais dans quel monde vit-on ? A croire qu’il n’y a que ça. (Il replie le journal) J’y crois pas ! Il y a des jours comme ça où rien ne va. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Entrée de Mariette

MARIETTE - Vous parlez tout seul maintenant ?

PIERRE        - Eh oui Mariette ! J’étais en train de me dire que décidément, plus rien ne tourne rond, en ce bas monde.

MARIETTE - Si vous commencez à parler tout seul, c’est sûr que ça ne tourne pas rond… Oh ! Vous avez encore mis des cendres sur la moquette.

PIERRE        - Excuse-moi Mariette, je ne l’ai pas fait exprès.

MARIETTE - Il ne manquerait plus que ça ! Faites un peu attention ! On voit bien que ce n’est pas vous qui nettoyez. J’en ai du mérite de rester ici. Et que j’te laisse traîner les chaussettes sales, et que j’te mets des miettes partout, (insistant) et que j’te fais tomber des cendres sur la moquette. Si je n’étais pas là pour passer derrière chacun d’entre vous, ce ne serait pas une maison, mais une véritable porcherie.

PIERRE        - Tu n’exagères pas un peu ?

MARIETTE - Oh que non ! Et si j’ai le malheur de faire une remarque, hou la la ! Qu’est ce que je prends !

PIERRE        - Il faut dire que tu ne fais pas toujours preuve d’une diplomatie débordante.

MARIETTE - Que ce soit Madame Marie Joséphine, votre fils Charles Hubert ou encore mademoiselle Anne Sophie, ils me considèrent tous comme une moins que rien. Vous, vous partez très tôt le matin, pour rentrer tard le soir, alors bien sûr, vous ne voyez rien.

PIERRE        - Je te prie de m’excuser Mariette, mais il se trouve que j’ai une entreprise à faire tourner et 340 salariés auxquels je dois assurer un emploi et un salaire décent. Alors bien sûr, ça me prend un peu de temps.

MARIETTE - (calmée) Oh je sais, vous n’êtes pas le plus mauvais. Et c’est justement pour ça que je me permets de vous parler comme je le fais. Avec les autres, je n’ai pas la parole. Ils ne savent que me faire des remontrances et me rabrouer en permanence.

Scène 2

Pierre – Mariette – Anne Sophie

Entrée de Marie Sophie. Habillée pour sortir.

A-SOPHIE    - Salut !

PIERRE        - Bonsoir Anne Sophie !

A-SOPHIE    - Je ne vous dérange pas ? Je suppose que cette vieille chouette était encore en train de se plaindre.

MARIETTE - Vieille chouette ! Il y a des claques qui se perdent, moi je vous le dis !

A-SOPHIE    - Essaie pour voir !

MARIETTE - C’est pas l’envie qui me manque. Si vous étiez ma fille…

A-SOPHIE    - Heureusement pour moi, je ne le suis pas. Papa, tu vois comment elle se permet de me parler. Je me demande pourquoi tu la gardes.

PIERRE        - (las) Vous me tuez avec vos histoires.

A-SOPHIE    - Ne meurs pas tout de suite, j’ai besoin de toi.

PIERRE        - Qu’est ce qu’il y a ?

A-SOPHIE    - J’ai besoin de fric ! (Tendant la main) Urgent !

PIERRE        - Tu as un compte en banque, il me semble ! Que j’approvisionne grassement et régulièrement.

A-SOPHIE    - Mon compte en banque : Vide ! Et même plus que vide ! D’ailleurs, il faudrait que tu passes voir le banquier pour boucher le trou… enfin je devrais dire : Le gouffre. Et puis faudrait penser à m’augmenter de temps en temps.

PIERRE        - Je te rappelle, Anne Sophie, que tu ne fais rien et que je te donne chaque mois, 2000 euros que tu n’as que le mal de dépenser. Je te prie de croire que beaucoup seraient heureux de les gagner en travaillant, eux ! Peut-on savoir ce que tu fais de cet argent ?

A-SOPHIE    - Je fais ce que je veux. Et puis qu’est ce que ça peut te faire ? Tu dois gagner des fortunes alors 2000 euros, ce n’est pas grand-chose pour toi.

MARIETTE - 2000 euros ! Alors qu’elle ne sait rien faire de ses dix doigts !

A-SOPHIE    - Ecrase la gueuse !

MARIETTE - Oh !

PIERRE        - Ca suffit maintenant ! Et pour commencer, tu ne parles pas de cette façon à Mariette.

A-SOPHIE    - Ah voila le défenseur de la veuve et de l’orphelin. Le Robin des bois du 21e siècle ! L’abbé Pierre des bonniches ! Allez, pas de baratin, je suis pressée.  Alors tu me donnes du fric, je sors et je vous fous la paix.

PIERRE        - Rien du tout !

A-SOPHIE    - (surprise) Quoi ?

PIERRE        - J’ai dit : Rien du tout ! Ton insolence et ton inconscience commencent à m’exaspérer. Je ne te donnerai rien et tu te débrouilleras avec ton banquier. Tu es majeure, assume tes responsabilités.

A-SOPHIE    - C’est ton dernier mot ?

MARIETTE - Si j’étais lui, j’en ajouterais un, mais c’est grossier, alors…

A-SOPHIE    - Vous êtes des minables. Et toi, un père indigne. Vous ne comprenez rien aux jeunes. Heureusement que maman, elle, me comprend. D’ailleurs, je vais la trouver illico et je suis sûre qu’elle me donnera ce que je veux. Dans deux minutes, j’ai mon fric, qui entre nous soit dit, sortira quand même de ta poche, mais indirectement. Salut les ploucs !

Elle va sortir

MARIETTE - Je vous signale que Madame n’est pas encore rentrée, donc pas d’argent ce soir… C’est bête hein !

A-SOPHIE  sort en claquant la porte

Scène 3

Pierre - Mariette

PIERRE        - (soupirant) Mariette, je suis désolé de cette scène devant toi et je te prie                        de bien vouloir excuser Anne Sophie.

MARIETTE - J’ai l’habitude avec cette petite merd… avec elle. Quand je vous disais que vous ne savez rien de ce qui se passe dans votre dos, pendant que vous vous tuez au travail pour eux.

PIERRE        - Eh bien éclaire-moi ! Que se passe t’il donc ? Vas-y ! Je t’écoute.

MARIETTE - Bien ! Alors je vais vous parler parce que je vous aime bien et que ça me désole de voir que tout le monde profite de vous. Je vous l’ai dit, vous vous tuez au travail pour leur offrir une vie aisée. Mais vous, qu’avez-vous en retour ?

PIERRE        - Eh bien… (Il réfléchit) la satisfaction de pouvoir offrir cette vie à ma famille.

MARIETTE - Votre famille ! Parce que vous appelez ça : Une famille. C’est encore pire que je ne pensais. Rappelez-vous lorsque vous étiez enfant, puis adolescent, ce qu’était votre vie de famille avec vos parents. (On le sent plongé dans ses pensées) Ca y est, vous y êtes ?

PIERRE        - Euh oui !

MARIETTE - Votre père, qui lui aussi était un acharné du travail, trouvait malgré tout, toujours un moment pour passer du temps avec votre maman et vous. En famille.

PIERRE        - Oui, c’est vrai !

MARIETTE - Eh bien comparez cette famille avec la vôtre maintenant. Pensez-vous que ces deux vies se ressemblent ?

PIERRE        - (un temps) Mariette ! C’est affolant ! Tu es en train de me faire comprendre que j’ai complètement raté ma vie d’adulte, de mari et de père.

MARIETTE - Disons que vous n’avez pas su conjuguer vie professionnelle ET vie familiale. On voit le résultat.

PIERRE        - Le résultat ?

MARIETTE - Ecoutez Monsieur Pierre, je crois que j’ai déjà trop parlé alors on va peut être en rester là pour ce soir ! Digérez déjà ce que je viens de vous dire et pour le reste on verra plus tard. (En aparté) Surtout que le reste, il n’est pas joli, joli.

PIERRE        - Non, non ! Pendant qu’on y est, autant aller au fond des choses. Continue.

MARIETTE - Etes-vous certain d’être prêt à entendre ce que je vais vous dire ?

PIERRE        - (s’asseyant) Je suis prêt !

MARIETTE - Par quoi je commence ?... Bon, concernant Anne Sophie, vous venez d’avoir  un échantillon de son caractère et sa façon de voir les choses, inutile d’y revenir. Passons à votre fils Charles Hubert. Vous le formez pour vous succéder à la tête de votre entreprise. Eh bien, entre nous, il n’en a rien à faire de l’usine et des ouvriers.

PIERRE        - Que dis-tu là ?

MARIETTE - Laissez le diriger et dans deux ans, l’entreprise est revendue. Savez-vous comment il voit son avenir ?

PIERRE        - Non, pas vraiment !

MARIETTE - Eh bien moi je le sais ! Je l’ai entendu en parler avec sa fiancée.

PIERRE        - Sa fiancée ? Charles Hubert a une fiancée ? Première nouvelle.

MARIETTE - Quand je vous dis que vous ne voyez rien ! Eh bien oui, il a une fiancée. Josiane qu’elle s’appelle.

 PIERRE       - Comment est elle cette Josiane ?

MARIETTE - Oh, elle a une bien  mauvaise influence sur Charles Hubert. C’est elle qui lui a mis en tête de vendre l’usine dès qu’il le pourrait. Elle lui fait miroiter une vie de rentier aux Seychelles. Et lui, ce grand benêt, il ne marche pas, il court. Le voilà son avenir. Alors l’entreprise et les ouvriers… et accrochez-vous, voilà le meilleur. Il s’agit de Josiane… Bouchon. ! Fille de Richard Bouchon.

PIERRE        - Richard Bouchon ? Mon principal et plus farouche concurrent ? 

MARIETTE - Eh oui ! Mais elle s’est bien gardée de le dire à Charles Hubert. Et cet idiot n’a pas fait le rapprochement. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’il vende... à son père, bien évidemment. Comme vous le savez, le vieux Bouchon doit bientôt passer la main. Et qui va lui succéder, je vous le donne en mille : Sa fille Josiane.

PIERRE        - Si jamais l’entreprise tombait dans les mains de Bouchon, ce serait une catastrophe pour les ouvriers. Bouchon, ce n’est pas un patron, c’est un négrier. Tu es sûre de ce que tu avances ?  

MARIETTE - Certaine ! Bon passons à votre femme. Ah votre femme…

PIERRE        - Aïe ! Tu me fais peur ! Mais allons-y ! Passons à Marie Joséphine ?

MARIETTE - Son vrai prénom, c’est Georgette. Pourquoi se faire appeler Marie Joséphine ? Eh ben je vais vous le dire moi ! C’est pour jouer à la grande dame. C’est sûr que Marie Joséphine, ça sonne mieux que Georgette.

PIERRE        - Si elle préfère ! Et puis, ça ne dérange personne.              

MARIETTE - Si vous voulez ! Bon, alors, votre grande dame et vous, vous trouvez  normal de faire chambre à part ?

PIERRE        - Oui ! Parce que je me lève très tôt et je ne veux pas la réveiller.

MARIETTE - Parce que vous vous levez tôt ou parce que… elle rentre tard… quand elle rentre.

PIERRE        - Qu’est ce que tu veux insinuer ? Il lui est arrivé quelquefois d’appeler pour dire qu’elle passait la nuit chez une amie ou chez une cousine. Je ne vois où est le mal !

Le téléphone sonne

PIERRE        - Réponds s’il te plait.

MARIETTE - Allô !... Ah c’est vous (insistant) madame Marie Joséphine (à Pierre) Quand on parle du loup… Oui… Oui… Ah encore ! Bien je le lui dirai… Alors (insistant) bonne nuit, madame Georgette. (Elle raccroche) C’était Georgette ! Elle ne rentrera pas ce soir. Elle passe la nuit auprès d’un vieil oncle malade.

PIERRE        - Un vieil oncle… je croyais qu’ils étaient tous morts.

MARIETTE - Eh bien il devait en rester un qui tenait encore le coup ! C’est incroyable le nombre de décès qu’il y a eu dans la famille de madame cette année.

PIERRE        - Je ne vois pas de quel oncle il peut s’agir.

MARIETTE - Elle n’a précisé ni le nom, ni… l’endroit où elle se trouvait. C’est embêtant, parce que si vous aviez besoin de la joindre d’urgence…

PIERRE        - Elle a son portable.

MARIETTE - (plein de sous-entendus) Ah non ! Elle ne le prend que très rarement. Oui, le téléphone, c’est bien, mais parfois ça peut être… très dérangeant… dans certaines circonstances… ou dans certaines positions…

PIERRE        - Pourquoi me regardes-tu comme ça ? Et je ne comprends rien à ton discours. Certaines circonstances ? Certaines positions ?

MARIETTE - Mais c’est pas possible ! Vous avez de la merde dans les yeux !

PIERRE        - Mariette !

MARIETTE - Vous disiez tout à l’heure que vous ne voyiez pas où est le mal. Mais peut être faut-il chercher où est… le mâle.

PIERRE        - Tu veux dire que…

Scène 4

Pierre – Mariette – Charles Hubert

Entrée de Charles Hubert

C-HUBERT  - Ah papa tu es là !

PIERRE        - Oui ! Mais toi, que fais-tu là ? Tu devais dîner avec Chambrion et discuter des nouveaux contrats. Si le contrat est déjà signé, bravo !

C-HUBERT  - Non, le contrat n’est pas signé.

PIERRE        - Mais comment ? Pourquoi ? Chambrion est un de nos plus anciens clients. Il l’était déjà du temps de mon père. Il est fidèle à l’entreprise et même s’il a l’habitude de discuter avant de signer, il finit toujours par signer. Que s’est-il passé ?

C-HUBERT  - Le vieux Chambrion a refusé n’a pas accepté les nouveaux tarifs.

PIERRE        - Les nouveaux tarifs ? Quels nouveaux tarifs ?

C-HUBERT  - Ecoute papa ! J’ai attentivement étudié le dossier Chambrion, et vu les marges qu’il fait, alors j’ai augmenté les tarifs. Notre chiffre d’affaire avec Chambrion est de 350 000 euros, avec mes tarifs on en ferait 500 000.

PIERRE        - Ca veut dire que, grosso-modo, tu as augmenté les prix de 30 % ! Mais tu es complètement fou ! De quel droit t’es tu permis de refaire les contrats que j’avais établi. C’était la première fois que je te chargeais d’une affaire parce que Chambrion est un client facile, et toi tu te permets de… Non, mais je n’en reviens pas !

C-HUBERT  - Mais tes méthodes sont complètement dépassées, papa. Le monde change et surtout le monde des affaires. On a perdu Chambrion, et alors ? On n’a pas besoin de lui. Il faut voir plus loin. Vers l’étranger et j’ai de grandes ambitions de ce côté-là.

PIERRE        - Je rêve ! Que connais-tu au monde des affaires ? Rien ! Tu as tout à apprendre ! Ecoute-moi bien ! (Il sort un papier du bureau) Il ne me reste que ce papier à signer pour que tu prennes la tête de l’entreprise. Mais après ce que tu viens de faire, je pense que tu as encore quelques leçons à prendre.

C-HUBERT  - Peut être est-ce toi qui en aurais besoin ! Maintenant en affaire, on ne fait plus de cadeaux. Avec mes idées, en deux ans, je triple le chiffre d’affaire.

PIERRE        - Et par quel miracle ?

C-HUBERT  - Investissement, développement commercial et publicitaire, dégraissement de personnel, blocage des salaires, réduction des coûts de revient et augmentation des prix de vente. Des méthodes modernes et efficaces. Ceux qui réussissent en affaires, ce sont les loups.

PIERRE        - Et tu te prends pour un loup ? Quand tu n’auras plus de clients, tu vendras à qui ? Imbécile heureux !

C-HUBERT  - Papa…

PIERRE        - Tais-toi ! Tu as fait et dit assez d’âneries pour ce soir. On en reparlera demain au bureau.

C-HUBERT  - Mais…

PIERRE        - Ca suffit ! Je ne veux plus t’entendre. Sors d’ici ! Je dois appeler Chambrion pour rattraper tes conneries.

Charles Hubert sort en claquant la porte.

Scène 5

Pierre - Mariette

PIERRE        - Mais qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ?

MARIETTE - Il va falloir que ça se calme un peu parce que la porte, elle ne va pas supporter.

PIERRE        - Ah ma pauvre Mariette, je commence à croire que tu avais raison. A propos, que disions-nous quand cet idiot est arrivé ?

MARIETTE - Nous discutions de votre famille justement mais je pense que vous en avez assez subi ce soir. On en reparlera un autre jour, si vous le voulez bien. Et puis vous devez appeler Chambrion.

PIERRE        - Oui, tu as raison ! Je l’appelle immédiatement. Merci Mariette. S’il te plaît, pourrais-tu me préparer une tisane ?

MARIETTE - Tout de suite monsieur Pierre ! (Elle sort)

Pierre prend le téléphone

PIERRE        - Allô, monsieur Chambrion ?... Pierre Duvernon… Je viens d’avoir un entretien avec mon fils… comment ?… Un petit trou du… Oui, je dois avouer que vous avez raison. Je pense qu’il y a eu un petit malentendu. Pourrait-on se rencontrer au plus tôt, pour revoir ensemble nos contrats ?... Non, cette fois, je m’en occuperai personnellement. (Il prend des notes) Parfait ! Très bien ! Merci monsieur Chambrion et encore toutes mes excuses. Bonne nuit monsieur Chambrion. (il raccroche) Eh bien ! Quelle journée ! Ils vont finir par me faire mourir.

Il s’assied dans le fauteuil et prend un magazine.

                        Allez, n’y pensons plus, et essayons de nous détendre un peu.

Il lit un instant et semble s’endormir. (NDA : Inutile de montrer Pierre qui meurt)

NOIR un court instant

Scène 6

Pierre – 1248

(NDA : éviter le cliché long manteau noir avec capuche. 1248 peut être habillé d’une sorte

 de redingote et  d’un haut de forme, genre croque-mort dans Lucky Luke)

(Re-NDA : Attention, à partir de ce moment, Pierre ne doit plus toucher les objets,

 meubles, etc. Attention également au placement de 1248 et Pierre, ils ne doivent pas gêner

 les autres comédiens, par exemple ne pas se déplacer pour les laisser passer. Derrière le

fauteuil semble être la meilleure place)

(Re-Re-NDA : Proposition de mise en scène : Pendant les interventions de Pierre et 1248,

arrêt sur image pour les autres comédiens. Eventuellement, éclairage spécial sur Pierre et

1248 lorsque leurs  échanges sont assez longs)

(Re-Re-Re-NDA) Je sais, cela fait beaucoup de recommandations mais je dis ça pour vous

aider. Maintenant, vous faites comme vous le sentez)

                       

Retour lumière

1248  est derrière le fauteuil. Pierre ne le voit pas. Il se redresse,  passe sa main sur son

 visage.

PIERRE        - Tiens ! J’ai dû m’assoupir un moment. (frissonnant) Mais qu’est ce qu’il fait froid. J’espère que je ne suis pas en train de m’enrhumer.

1248                - (D’un ton très lent et très calme) Aucun risque !

PIERRE        - (Se levant surpris et bégayant) Hein ?... M…M… Mais qui êtes-vous ? Et co..co… comment êtes-vous entré ?

1248                - Je ne suis pas entré. Je suis là !

PIERRE        - Oui, je vois bien que vous êtes là. Mais que faites-vous là ?

1248                - J’ai été envoyé par le patron.

PIERRE        - Le patron ? Ah j’y suis ! Vous devez être au service de Chambrion.

1248                - Chambrion ? Connais pas ! 

PIERRE        - Alors qui êtes-vous et que faites-vous chez moi, en apparaissant comme si vous veniez de nulle part ?

1248                - Mais, je viens de nulle part !  Et de partout !

PIERRE        - (En aparté) Ce doit être un malade. Il s’est échappé d’un asile ou quelque chose comme ça. Rien qu’à voir sa tenue… (à 1248) Bien sûr ! Vous arrivez de nulle part et de partout. Eh bien, il va falloir y retourner.

1248                - Je vois que vous n’avez pas conscience de la situation… de votre situation…

PIERRE        - Si vous voulez parler de la situation avec Chambrion, ne craignez rien, j’en ai parfaitement conscience.

1248                - Je vous répète que je ne connais pas ce Chambrion. Ecoutez-moi bien et ne m’interrompez pas. Ce que je vais vous annoncer va certainement vous causer un choc, mais je vous assure que ce que je vais vous dire est absolument authentique. Voilà ! Je suis 1248…

PIERRE        - Hein ?

1248                           - 1248 ! C’est mon numéro ! Je suis le 1248e à ce poste. Je suis au service de… la Grande Faucheuse.

PIERRE        - La Grande Faucheuse ? C’est quoi ça ? Une marque de matériel agricole ? Alors vous devez faire erreur, moi je ne fais pas ce matériel. Vous avez dû vous tromper d’adresse.

1248                - Nous sommes bien au 121 de la rue Victor Hugo.

PIERRE        - Oui, en effet !

1248                - Vous êtes bien monsieur Pierre Duvernon.

PIERRE        - Oui, oui !

1248                - Alors il n’y a pas d’erreur. C’est bien vous que je viens chercher.

PIERRE        - Que vous venez chercher ? Mais pour aller où ?

1248                - Monsieur Duvernon… j’ai une mauvaise nouvelle pour vous.

PIERRE        - Oh vous savez, ce soir, une de plus ou de moins.

1248                - Celle là est particulièrement mauvaise. Vous êtes mort !

NOIR (court, sans fermeture de rideau)

ACTE 2

Scène 1

Pierre - 1248

Ils sont dans la même position

PIERRE        - (Après un long moment) Pardon ?

1248                - Vous êtes mort ! Vous êtes décédé ce soir à 21 h 42, d’un arrêt cardiaque foudroyant.

PIERRE        - Oui, bien sûr ! Ne bougez pas ! Juste un petit coup de téléphone à passer.

1248                - Inutile d’appeler la police, je ne suis pas fou, et d’ailleurs vous ne pourrez pas.

PIERRE        - Ah bon ?

1248                - Allez-y, essayez de prendre le téléphone.

Pierre essaye mais n’y arrive pas.

PIERRE        - Mais… que se passe t’il ? Je ne peux pas !

1248                - Vous êtes mort ! Tout ce qui vous entoure fait partie du monde des vivants et cela ne vous est plus accessible.

PIERRE        - Je deviens fou moi ! Ou alors c’est un mauvais rêve. Oui c’est ça, je rêve. Je vais me réveiller et je rirai de tout ça.

1248                - Eh non ! Vous ne vous réveillerez… plus jamais.

PIERRE        - C’est fou, complètement fou. Je suis là ! Je vous parle ! Je vous vois ! Donc, je ne suis pas mort. Je ne peux pas être mort. Ce n’est pas ça la mort.

1248                - Que savez-vous de la mort ? Ca vous est déjà arrivé ? Non ! Alors ? Vous n’arrivez pas à prendre le téléphone parce que ce n’est pas votre corps physique qui est là, à me voir, à me parler. C’est votre âme.

PIERRE        - Voila que je parle avec mon âme maintenant !

1248                - Vous étiez dans votre fauteuil, vous lisiez, vous avez ressenti une douleur au cœur.

PIERRE        - Oui, en effet !

1248                - Eh bien vous mouriez !

PIERRE        - Comme ça ! D’un coup ! Sans m’en apercevoir !

1248                - Oui ! Vous avez eu beaucoup de chance.

PIERRE        - Je ne la mesure pas encore vraiment bien.

1248                - Vous avez eu une mort rapide et quasiment indolore. Le rêve ! Hop !

PIERRE        - Hop ? Non, non, non et non, ce n’est pas possible. Je ne sais pas qui vous êtes et qui vous envoie mais si c’est une blague, elle est de très mauvais goût.

1248                - On ne blague pas avec la mort, monsieur Duvernon. Puisqu’il vous faut une preuve, vous allez en avoir une. Je vous ai dit que vous communiquiez par votre âme parce que votre corps, lui, est… comment dire… périmé.

PIERRE        - Mon corps est périmé ! Je ne savais pas qu’on avait une date de péremption.

1248                -  Bref ! Votre corps est toujours à l’endroit de votre décès. C'est-à-dire dans ce fauteuil.

PIERRE        - Ah oui ? Je suis désolé mais je ne vois rien qu’un fauteuil vide.

1248                - Tout à fait normal. Au début, l’âme du défunt refuse de voir l’enveloppe charnelle. Une sorte de réflexe pudique. Mais je vous assure que votre corps est bien là. Moi je le vois parfaitement, mais j’ai l’habitude.

PIERRE        - Admettons ! Et alors, cette preuve ?

1248                - Dans un instant, Mariette, votre bonne va entrer dans cette pièce pour vous apporter la tisane que vous lui avez demandée.

PIERRE        - Vous êtes bien renseigné !

1248                - Je vois le passé et je vois l’avenir, enfin, à court terme, quelques heures au plus. Mais c’est bien pratique.

PIERRE        - Madame Soleil et Elisabeth Tessier réunies.

1248                - Mariette va entrer et vous découvrir. Enfin découvrir votre corps.

Scène 2

Pierre – 1248 – Mariette

Mariette entre, une tasse sur un plateau.

MARIETTE - Voilà votre tisane monsieur Pierre. (Elle passe devant eux et va vers le fauteuil, ramasse le magazine)  Oh, il s’est endormi ! Il faut dire qu’avec les journées qu’il a. Il serait tout de même mieux dans son lit.

(Elle est penchée sur le fauteuil et fait comme si elle tentait de réveiller Pierre en le secouant doucement)            Monsieur Pierre ! Monsieur Pierre !

1248                - Elle va s’apercevoir que vous ne dormez pas, et va pousser un cri.

MARIETTE - Aaaah !

1248                           - Vous voyez ! Maintenant, elle va dire : « Monsieur Pierre, monsieur Pierre, oh mon Dieu »

MARIETTE - Monsieur Pierre, monsieur Pierre, oh mon Dieu !

1248                - Elle va dire…

PIERRE        - Oui bon, ça va ! Pas la peine de me raconter avant. On se croirait au cinéma.      Il y a toujours un idiot qui a déjà vu le film et qui raconte tout ce qui va se passer.

MARIETTE - Mon Dieu quel malheur ! Et madame qui n’est pas là ! Dire qu’elle passe du bon temps avec l’autre pendant que son mari meurt.

PIERRE        - QUOI ? J’ai bien entendu ?

1248                - Ah vous ne saviez pas ?

PIERRE        - Non ! Mais c’est certainement ce que Mariette a tenté de me dire tout à l’heure.

1248                - Remarquez, c’est mieux qu’elle ne vous l’ait pas dit. Ca vous aurait gâché vos derniers instants.

PIERRE        - Je vous remercie pour votre compassion. Ma femme, un amant ! Mais qui ?

1248                - Qu’est ce que ça peut faire maintenant ?

PIERRE        - Je suis désolé mais quelque soit son état, il est toujours très déplaisant d’apprendre qu’on est cocu.

MARIETTE - La pétasse pas là, , j’espère que la petite peste  et l’autre grand idiot sont dans leurs chambres. (Elle sort)

Scène 3

Pierre - 1248

1248                - C’est qui l’autre idiot ?

PIERRE        - Charles Hubert, mon fils ! Et la petite peste, c’est ma fille, Anne-Sophie.

1248                - (riant) Et la pétasse c’est…

PIERRE        - Oh ça va !

1248                - Excusez-moi ! Alors convaincu par ma petite démonstration ?

PIERRE        - Je n’en reviens pas ! Je n’en reviens pas ! Alors c’est vrai ? Je suis mort ? C’est trop pour moi, il faut que je m’assoie. (il va pour s’asseoir dans le fauteuil)

1248                - Attention ! Vous allez vous asseoir sur vous !

PIERRE        - Aaah !

1248                - Et puis s’asseoir est un réflexe de mortel, pas celui d’une âme.

PIERRE        - Désolé, mais je ne connais pas encore bien les traditions… Alors, je suis mort ! C’est une catastrophe. Qu’est ce qui va se passer maintenant ? Et ma famille ? Ils ne sont pas prêts.

1248.                          - On l’est rarement ! Et moi ce n’est pas mon problème. Je fais mon boulot mais après… Le patron me donne une liste, je vais chercher les clients et je les lui ramène pour l’entretien.

PIERRE        - L’entretien ?

1248                - Oui ! Obligatoire !

PIERRE        - Je comprends, c’est pour juger si on doit aller au paradis ou en enfer.

1248                           - (Ironique) Oui et puis c’est la marmotte qui met le chocolat dans le papier d’alu. N’importe quoi. Le paradis ! L’enfer ! Mais non, si l’entretien se passe bien et que vous êtes jugé apte, vous devenez comme moi. C'est-à-dire que vous seriez 1249. Le 1249e à faire le boulot dans ce quartier.

PIERRE        - Parce que vous, avant de… vous étiez…

1248                - Vivant ? Bien sûr ! Avant ma mort j’étais vivant.

PIERRE        - Comment êtes-vous…

1248                - Accident stupide. J’étais en vélo, je suivais un camion qui transportait des tôles. L’une d’entre elles s’est détachée et couic ! (se passant la main sur le cou) Décapité !

PIERRE        - C’est horrible ! Mais… vous disiez que je pourrais être 1249. Cela veut dire que je prendrais votre place ?

1248                - C’est ça !

PIERRE        - Et vous qu’est ce que vous devenez ?

1248                - Je deviens chef, et je suis affecté à l’établissement des listes. Faut dire qu’il y’a du boulot avec tout ce qui se passe dans le monde. Et puis c’est des responsabilités, il faut faire attention, ne pas commettre de gaffe. Vous imaginez si on allait chercher un gars qui n’est pas décédé, le choc que ça lui ferait. Il pourrait en mourir… Remarquez, on ne serait pas venu pour rien, mais quand même.

PIERRE        - C’est une histoire de fou ! Et si l’entretien se passe mal ?

1248                - L’âme est désintégrée ! C’est ce qui se passe dans 99 % des cas.

PIERRE        - C’est réjouissant !

1248                - Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse de toutes ces âmes. Mais ne vous inquiétez pas, vous m’êtes sympathique, je vous donnerai des tuyaux pour que l’entretien se passe bien. Bon, on y va ?

PIERRE        - Il n’y a pas moyen de… faire autrement ?

1248                - Ben non !.... Oh, je suis bête, j’ai failli oublier que vous êtiez le gagnant.

PIERRE        - Le gagnant ?

1248                - Oui, tous les ans, avec les copains, on organise une sorte de tombola. C'est-à-dire qu’on tire au sort un nom dans une liste au hasard. Et c’est votre nom qui est sorti cette année. Dire que j’ai failli oublier ! Les copains me le disent toujours : Toi, t’as pas de tête. Ils me charrient toujours à cause de… couic.

PIERRE        - Et j’ai gagné quoi ?

1248                - Trois jours pendant lesquels vous pouvez, si vous le désirez, rester ici. Mais mort quand même. Vous verrez ce qui se passe, le chagrin de votre famille, votre enterrement, enfin tout.

PIERRE        - Vous n’avez rien de mieux comme spectacle ?

1248                - Vous n’êtes pas obligé d’accepter. Ah, voila Mariette qui revient avec l’autre idiot.

Scène 4

Pierre- 1248 – Mariette – Charles Hubert

MARIETTE - C’est affreux monsieur Charles Hubert. Ce pauvre monsieur Pierre.

C-HUBERT  - Calmez-vous Mariette ! Calmez-vous ! Ce n’est pas aussi grave que cela !

MARIETTE - Comment ça : Ce n’est aussi grave que cela ? Je vous dis que votre père est mort et vous…

C-HUBERT  - Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Mais il ne sert à rien de s’affoler comme vous le faites. Vous êtes certaine qu’il est…

MARIETTE - Oui ! Et votre maman qui n’est pas là. Il faut la prévenir. Et votre sœur aussi.

C-HUBERT  - Je vais m’en occuper. Pour le moment, on ne peut rien faire de plus. Je vais quand même appeler un médecin afin qu’il constate le décès, pour être sûr ! Enfin je veux dire… pour constater. Laissez-moi maintenant Mariette.

MARIETTE - Je ne peux pas vous laisser comme ça.

C-HUBERT  - Si vous voulez vraiment être utile, préparez des vêtements pour l’enterrement.

1248                - Il ne perd pas de temps !

MARIETTE - Des vêtements… bien monsieur Charles Hubert. (Sortant) Tout de même, ce pauvre monsieur Pierre, partir si jeune.

Une fois seul Charles Hubert réfléchit un moment. Puis s’adressant au fauteuil.

C-HUBERT  - Tu n’avais pas le droit de faire ça ! Tu aurais tout de même pu attendre un peu. Tu aurais pu attendre d’avoir signé le papier pour la succession. Qu’est ce que je deviens moi, maintenant ? Ca va compliquer les choses ça ! Mais crois- moi, je trouverai un moyen. D’abord, expédier les affaires courantes, c'est-à-dire prévenir la famille, et ensuite, on avisera. (Cherche dans un répertoire téléphonique) Alors, pour prévenir maman, facile, il suffit de trouver le numéro de…

PIERRE        - De qui ?

1248                - Laissez tomber !

C-HUBERT  - Ah le voila ! (Au téléphone)  Maman… Excuse-moi de perturber ta soirée, mais il faudrait que tu rentres… non rien de bien grave… simplement, tu es veuve… Oui, tu as bien entendu : Veuve… comment ça de qui ? De ton mari bien sûr !... Hein ?... C’est ça, habille-toi et rapplique. A tout de suite.

Scène 5

Charles Hubert – Anne Sophie – 1248 - Pierre

Entrée de Anne Sophie. Charles Hubert est entre le fauteuil et Anne Sophie.

A-SOPHIE    - Salut frérot !

C-HUBERT  - Je te croyais sortie.

A- SOPHIE   - Je ne fais que passer, j’avais oublié un truc dans ma chambre. Quoi de neuf ?

C-HUBERT  - Rien de bien intéressant. Une journée de travail à subir comme d’habitude les critiques du vieux.

PIERRE        - Le vieux ?

1248                - Je crois qu’il s’agit de vous !

A-SOPHIE    - (faisant signe à Charles Hubert de se taire et chuchotant) Il est là !

C-HUBERT  - Qui ?

A-SOPHIE    - Le vieux !

C-HUBERT  - Ah oui ! Ne craint rien il est mort !

A-SOPHIE    - Hein ? C’est une blague ?

C-HUBERT  - Non, non, c’est très sérieux ! Regarde toi-même.

A-SOPHIE    - (allant au fauteuil) Oh merde ! (on voit que ça la touche, puis elle se reprenant, ne voulant pas montrer son désarroi à son frère) Et voila ! Une soirée de foutue. Merde ! J’avais des projets moi.

C-HUBERT  - Ca n’a pas l’air de te toucher beaucoup.

A-SOPHIE    - Pas plus que toi. Oh, je pense que ça t’arrange même un peu, puisque maintenant tu vas être « The Big Boss ».

C-HUBERT  - Il y a encore quelques petites formalités, mais ça ira vite. Ecoute Anne-So, il est mort, mais nous, on est vivant et ça ne servira à rien de rester là, à le veiller. Tu es bien d’accord ?

A-SOPHIE    -  Oui !

C-HUBERT  - Alors, si tu avais prévu de sortir, vas-y ! Ca ne le dérangera pas ! Et puis, il ne va pas s’envoler.

A-SOPHIE    - Ca alors, je n’osais pas le faire, mais puisque tu me le dis. Bon, alors j’y vais… Euh au fait, tu n’aurais pas un peu de liquide sur toi, j’ai oublié de passer à la banque pour retirer de l’argent et je venais justement lui en demander. Il n’aurait pas refusé.

C-HUBERT  - (il sort son portefeuille, réfléchit une seconde, puis le remet dans sa poche et va prendre celui qui est dans la veste de son père) Puisqu’il n’aurait pas refusé. (lui tendant quelques billets) Tiens et passe une bonne soirée.

PIERRE        - (tente de barrer la route à sa fille) Mais enfin Anne Sophie, tu ne peux pas… (Elle sort).

1248                - Vous vouliez l’en empêcher ? Impossible puisque…

PIERRE        - Mon corps est périmé, je sais ! Je suis accablé ! Ma fille me voit mort et elle sort comme si de rien n’était.

Scène 6

C-Hubert – 1248 - Pierre

C-HUBERT  - J’en étais où ? Ah oui, je voulais appeler un médecin pour… ça ne servira à rien. Je vais prévenir Josiane.

                        (Au téléphone) Allô ma chérie ? C’est Charles Hubert. Tenez-vous bien, j’ai une bonne nouvelle.

PIERRE        - Une bonne nouvelle ? Ah non, cette fois c’en est trop(il veut gifler Charles Hubert mais sa main ne trouve que le vide)

1248                - (faisant signe non, de la tête) Tss ! Tss ! Tss !

C-HUBERT  - L’usine est à moi !... Enfin presque… C’est comme si c’était fait… Figurez-vous que le vieux vient de passer subitement l’arme à gauche… Comment?... Si bien sûr, je suis effondré mais… comme je sais que vous êtes très sensible, je préférais vous annoncer la bonne nouvelle de la succession plutôt que la mauvaise de son décès… Non, non, inutile de venir, on se verra demain… Je vous embrasse… (il raccroche) J’ai un peu de temps avant que maman n’arrive, profitons-en. (Il se met à fouiller les dossiers et les tiroirs)

1248                - Qu’est ce qu’il fait ?

PIERRE        - Je m’en fiche ! J’en ai assez vu ! Je ne veux pas rester ici plus longtemps. Emmenez-moi voir votre patron, qu’il désintègre mon âme et qu’on n’en parle plus.

1248                - Je comprends que ce que vous êtes en train de vivre, si on peut parler ainsi, est assez pénible. Mais n’avez-vous pas envie de connaître la suite. Il doit bien y avoir deux ou trois personnes qui vous appréciaient.

PIERRE        - Je me le demande. Peut être le poisson rouge de ma secrétaire…

C-HUBERT  - Mais où a t’il pu mettre ce fichu papier ? Il me l’a montré tout à l’heure, il ne peut pas être bien loin. (Se tournant vers le fauteuil) Où l’as-tu mis ? Hein ? J’ai juste une petite signature à imiter et le tour sera joué. (secouant le cadavre) Alors où est-il ?

PIERRE        - Il serait prêt à faire un faux pour parvenir à ses fins. Ce n’est pas mon fils, ce n’est pas possible.

1248                - (Théâtral et déclamant) « Ô grand Dieu, aurais-je nourri un serpent en mon sein. Et ce serpent ne serait autre que le fils que j’ai chéri. Je préfère me donner la mort plutôt qu’avoir à affronter cette infamie ». C’est beau non ! J’ai fait un peu de théâtre dans ma jeunesse.

PIERRE        - Vous croyez que c’est le moment ? Qu’est ce qu’on peut faire ? Il faut l’en empêcher.

1248                - …

PIERRE        - Quoi ?

1248                - Il y a peut être un moyen mais c’est pas sûr.

PIERRE        - Un moyen ? Lequel ?

1248                - Ca m’ennuie parce que… je ne sais pas si c’est légal d’intervenir. Je pourrais avoir des ennuis avec le patron.

PIERRE        - (Le prenant par le col et le secouant) (fort) Est-ce que vous allez me dire quel est ce moyen ?

1248                - Eh ! Pas la peine de s’énerver !

PIERRE        - (fort) Je ne suis pas énervé ! Je suis même très calme ! Mais si vous ne me donnez pas ce moyen immédiatement, (de plus en plus fort) Je vous jure que je ne réponds plus de rien et c’est moi qui me chargerai de vous désintégrer !

1248                - Bon… alors voilà… Il parait que certains clients ont réussi, en se concentrant très fort, à modifier certaines choses. Mais c’est très rare.

PIERRE        - De quelle façon ?

1248                - Je ne sais pas. Moi je n’ai jamais vu ça ! Mais j’ai entendu dire par des anciens, qu’avec beaucoup d’entraînement on peut faire à peu près tout.

PIERRE        - Par exemple ?

1248                - Eh bien une fois, il y a longtemps, deux gars de chez nous, 88 et 89, se sont amusés avec leurs pouvoirs.

PIERRE        - Et alors ?

1248                - Ben… la tour de Pise… avant, elle était droite.

PIERRE        - Non ! Ils ont…

1248                - Oui ! Il parait que le patron était d’une fureur. 88 et 89, désintégrés illico.

C-HUBERT  - (trouvant enfin le papier) Ha ! Le voilà ! (Se mettant à danser) Le voilà ! La la la ! Petit papier qui va faire ma fortune.

1248                - Il est souvent comme ça ?

C-HUBERT  - (parlant au fauteuil) Ah tu ne voulais pas signer. Je ne suis pas prêt. Eh bien c’est ce qu’on va voir mon cher père. Ta petite usine qui vivote, je vais en faire rapidement une industrie florissante. Et… payante. Ensuite, je revends au prix fort et à moi les palaces, caviar, champagne, palmiers, plages de sable blanc, la belle vie.

PIERRE        - Il ne va pas le faire ! C’est mon fils tout de même. Il va avoir un remords et il va renoncer.

C-HUBERT  - (Assis au bureau) Réfléchissons ! Est-ce que je fais bien ?

PIERRE        - Vous voyez ! Il hésite.

C-HUBERT  - Est-ce bien honnête ?

PIERRE        - J’en étais sûr ! Mon fils ne pouvait pas être aussi ignoble.

C-HUBERT  - Non ! Il est certain que ce n’est pas honnête… Mais je m’en fiche ! Seul le résultat compte. Il faut que j’imite sa signature à la perfection afin qu’il n’y ait aucun doute. Comment signe t’il ? Voila un document signé de sa main, entraînons-nous.  (Ce qu’il fait à plusieurs reprises ) Pas terrible… Non, c’est pas ça… Là c’est mieux !... Oui, j’y suis ! (Prenant le papier de succession) Petit papier chéri, viens voir papa, il va te faire un joli dessin.

PIERRE        - Non !

Scène 7

C-Hubert – 1248 – Pierre – Mariette

Entrée de Mariette

MARIETTE - Monsieur Charles Hubert, vous êtes encore là !

PIERRE        - Ouf ! Sauvé par le gong ! Brave Mariette.

C-HUBERT  - (cache le papier et met à la poubelle ses essais de signatures) Euh… oui Mariette, je veille mon pauvre papa, et j’en profite pour faire du tri dans les papiers.

C-HUBERT  -  Que voulez-vous Mariette ?

MARIETTE - Je viens d’entendre une voiture, je pense que c’est madame Marie Joséphine qui rentre.

C-HUBERT  - Merci Mariette. Vous devriez aller vous coucher maintenant. Les jours qui viennent risquent d’être bien pénibles.

MARIETTE - J’y vais, mais je n’arriverai certainement pas à dormir. Si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas. (Elle sort)

Charles Hubert ressort le papier qu’il avait caché

C-HUBERT  - Vite, une petite signature et le tour sera joué. (Il signe et regarde le document

 avec satisfaction). Dire que ce petit gribouillis va faire ma fortune. 

(entendant du bruit il cache précipitamment le papier dans le bureau)

Scène 8

C-Hubert – Marie Joséphine – Hughes – Pierre – 1248

Entrée de Marie Joséphine et Hughes.

C-HUBERT  - Bonsoir maman !... Tiens, tu as amené ce cher Hughes.

M- JO             - (très bourge) Oui, j’ai pensé qu’il pourrait nous être utile.

HUGHES      - Bonsoir Charles Hubert.

1248                - C’est qui celui là ?

PIERRE        -Hughes ! Mon conseiller juridique et financier. Très compétent et très efficace. Mon plus proche collaborateur, presque un ami.

1248                -  (dubitatif) Ah oui ?

PIERRE        - Qu’est ce qu’il y a encore ? Je n’aime pas quand vous faites cette tête là. Ca veut dire quoi : Ah oui ?

1248                - (Sur le même ton) Rien ! Rien !

PIERRE        - … Vous ne pensez tout de même pas que… qu’il… enfin, que ce serait lui… l’amant de ma femme ? Non impossible ! Pas lui. J’ai une entière confiance en lui et d’ailleurs il ne pense qu’à son travail. Hughes, l’amant de ma femme. Là, ça devient de la science fiction.

1248                - Mon pauvre vieux, vous êtes d’une naïveté désarmante.

C-HUBERT  - Mon cher Hughes, je pense que votre présence n’était pas indispensable.

HUGHES      - Marie-jo… enfin je veux dire, madame Duvernon a insisté.

M-JO              - Oui, je souhaitais ne pas être seule pour affronter cet instant… où est-il ?

C-HUBERT  - Qui ?

M-JO              - Le… mort ! Ah, il est là, je ne l’avais pas remarqué en entrant. Il faut dire que déjà de son vivant on ne le remarquait pas. Oh mais excusez-moi, mon cher Hughes, je manque à tous mes devoirs. Désirez-vous prendre un « drink » ?

HUGHUES   - Oui merci !

M-JO              -  (servant 2 verres) De quoi est-il mort le… décédé ?

C-HUBERT  - Crise cardiaque certainement. Finalement Hugues c’est une bonne chose que vous soyez présent. Etant  conseiller de mon père vous devez vous douter que : « cette perte si cruelle » va amener des changements dans l’entreprise.

HUGHES      - C’est certain ! Il va falloir en parler.

Scène 9

C-Hubert – Marie Joséphine – Pierre – 1248 – Anne Sophie

Entrée de Anne Sophie. Hughes semble soudain très contrarié.

A-SOPHIE    - Déjà rentrée maman ?

M-JO              - (montrant le fauteuil) Bien obligée !

A-SOPHIE    - (voyant  Hughes) Qu’est ce qu’il fait là le vibromasseur à pattes ?

C-HUBERT  - Le vibromasseur à pattes… Hughes ?

A-SOPHIE    - Ouais, c’est son surnom ! Tu ne savais pas ! Il écume les boites de nuits et il a une drôle de réputation. C’est une bête de sexe.

C-HUBERT  - Mais d’où tu tiens ça, toi ?

A-SOPHIE    - Je le sais, parce que j’ai testé, comme tout le monde.

C-HUBERT  - Quoi ? Toi avec lui ?

1248                -Aïe aïe aïe !

PIERRE        - (effondré) Alors là, ça dépasse l’entendement ! D’abord ma femme et maintenant ma fille ! Si j’apprenais que Mariette aussi… je ne serais même pas étonné.

C-HUBERT  - Toi et lui vous avez… si maman apprend ça ! Et… vous en êtes où, de cette relation ?

A-SOPHIE    - Nulle part ! Ca a été une fois, comme ça, pour voir mais c’est tout. En plus il parait qu’il s’est trouvé une vieille friquée.

C-HUBERT  - Une vieille friquée ! Tu sais qui c’est la vieille friquée? C’est ta mère ! Notre mère !

A-SOPHIE    - Non ? Maman s’envoie en l’air avec Vibro ?

C-HUBERT  - Oui ! Et de plus, Vibro, qui s’appelle Hughes en réalité, travaillait avec le vieux. C’était son conseiller financier.

A-SOPHIE    - Alors ça, ça me la coupe. Tu as encore beaucoup de nouvelles de ce genre ? Parce que si tu en as d’autres, tu les gardes pour demain, s’il te plait. Ce soir j’ai ma dose. Faut que je boive un verre moi ! La mère avec Vibro… (elle va se servir un verre)

C-HUBERT  - Hughes !

HUGHES      - Euh… oui ?

C-HUBERT  - Approchez, que je fasse les présentations. Je crois que vous ne connaissez pas ma sœur, Anne Sophie.

HUGHES      - Euh… non, en effet ! Enchanté mademoiselle.

A-SOPHIE    - Salut ! Alors comme ça, vous étiez le conseiller de mon père ?

HUGHES      - C’est cela oui !

A- SOPHIE   - Et maintenant, vous êtes le conseiller de ma mère ? Et quel genre de… conseils lui prodiguez-vous ?

HUGHES      - Eh bien, disons que…

M-JO              - Hughes est un grand ami. Il m’a proposé de m’assister dans cette terrible épreuve.

Ricanements de Marie Sophie

M-JO              - Pourquoi souris-tu ainsi ?

A-SOPHIE    - Pour rien ! C’est beau l’amitié. Très touchant. Je dirais même que c’est… vibrant. Vous ne trouvez pas Hughes ?

HUGHES      - (Toussotant) Oui, certainement !

A-SOPHIE    - Bon, moi je vais me pieuter, je suis naze.

M-JO              - Anne-Sophie a raison. Allez vite au lit.

A-SOPHIE    - Tu es bien pressée.

HUGHES      - Votre mère est très fatiguée ! Cette épreuve est pour elle…

A-SOPHIE    - Ouais stop ! Pas de boniments inutiles. Au fait, je pense à quelque chose. Quand il y a un décès, il y a héritage non ?

C-HUBERT  - Tu crois que c’est le moment de parler de ça ?

A-SOPHIE    - C’est juste pour me renseigner ! Alors ça va se passer comment ?

HUGHES      - Il serait  peut être préférable de parler de cela demain.

C-HUBERT  - Oui pour l’héritage, on verra demain ! D’ailleurs, « papa » avait certainement prévu quelque chose. Demain il fera jour. Une bonne nuit de sommeil nous fera le plus grand bien à tous.

A-SOPHIE    - Ca roule ! Mais faudra pas trop traîner parce que je suis un peu raide en ce moment.

HUGHES      - Si je peux me permettre un bon mot, vous n’êtes pas la seule à être : un peu raide.

M-JO              - (croulant de rire) Un peu raide ! Un peu raide ! Mon dieu, je vais faire pipi dans ma culotte. Un peu raide !

A-SOPHIE    - Sur ce grand moment de culture ! Bonne nuit ! (Elle sort suivi par Charles Hubert)

M-JO              - Enfin seuls ! (Elle se jette dans les bras de Hughes)

HUGHES      - Non, ma chérie, pas ici ! (Désignant le fauteuil) Ca me gêne. Tu crois que…

M-JO              - (le tirant vers la porte) Lui, est peut être froid, mais… pas moi. (ils sortent)

PIERRE        - Ils vont se coucher comme si de rien n’était.

1248                - Vous avez une famille très particulière. Ce n’est pas courant. Je suis bien content d’être tombé sur vous. Ca change de la routine.

PIERRE        - Je vous en prie ! Tout le plaisir est pour moi !

Scène 10

Pierre – 1248 – Mariette

Entrée de Mariette.

MARIETTE - Si c’est pas Dieu possible ! Vous laisser là, mon pauvre Monsieur Pierre. C’est honteux. Je dirais presque que c’est une bonne chose pour vous d’être parti. Au moins, cela vous aura épargné de voir un spectacle aussi affligeant. Du moins, je l’espère, parce que si vous êtes là-haut et que vous voyez ça…

PIERRE        - Si elle savait !

MARIETTE - Je ne peux pas vous laisser comme ça. Je vais essayer de vous allonger quelque part.

Pendant la conversation suivante, elle va le transporter hors de la pièce

PIERRE        - C’est effarant. La seule personne qui ait un peu de morale dans cette maison, c’est ma bonne.

1248                           - Si vous voulez mon avis, ce n’est pas terminé. Je sens que la bataille pour l‘héritage va être rude. Je pense qu’on n’est pas au bout de nos surprises.

NOIR

ACTE 3 – 1er jour

Scène 1

Pierre – 1248 – Mariette – Charles Hubert

Pierre est penché au dessus du bureau, faisant des efforts de concentration. 1248 est affalé dans le fauteuil, les deux jambes sur l’accoudoir.

PIERRE        - Je n’y arrive pas ! Je n’y arrive pas !

1248                           - Laissez tomber je vous dis ! Vous avez essayé toute la nuit d’attraper ce stylo, sans résultat.

PIERRE        - Je dois y arriver. Vous avez dit qu’on pouvait.

1248                           - J’ai dit que CERTAINS pouvaient. Pas tout le monde. Il faut vous rendre à l’évidence, vous n’avez manifestement pas ce pouvoir. Ah ! Voilà du monde.

Entrée de Mariette endeuillée, mais portant un tablier,  suivie de Charles Hubert.

MARIETTE - Je vous assure que monsieur Pierre ne m’a jamais parlé d’un quelconque testament.

C-HUBERT  - Et il ne vous a jamais parlé de dispositions qu’il aurait pu prendre pour sa succession.

MARIETTE - Eh bien non, il ne m’a jamais rien dit à ce sujet. D’ailleurs, il n’avait certainement pas prévu de nous quitter si rapidement. (sortant un mouchoir) Qui aurait pu prévoir ?

C-HUBERT  - Bien, bien ! Je vais chercher tout de même, on ne sait jamais. Laissez-moi maintenant.

MARIETTE - Bon, comme vous voudrez ! A propos, qu’est ce que vous avez prévu pour les obsèques ?

C-HUBERT  - Quelles obsèques ?

MARIETTE - Mais enfin, les obsèques de monsieur Pierre. Il va peut être falloir y penser non ? Vous ne comptez tout de même pas le laisser sur la table de la salle à manger.

C-HUBERT  - Oui, c’est vrai ! D’ailleurs, qu’elle idée de l’allonger sur cette table ?

 MARIETTE            - Je suis désolée, mais je me voyais mal monter deux étages avec 70 kilos sur le dos. J’ai fait ce que je pouvais.

C-HUBERT  - Oui, oui, bon ! Vous avez bien fait. Mais il faudra le mettre ailleurs en attendant d’en être débarras… je veux dire en attendant l’enterrement. On ne peut pas le laisser, il va gêner. (Souriant) Vous imaginez les repas avec le corps au milieu de la table.

                        « Anne Sophie, tu peux desserrer papa, et me passer le plat »

MARIETTE             - Oh ! Monsieur Charles Hubert !

C-HUBERT  - Ou alors : « Maman, où est la salière ? » « Sur le ventre de ton père » (Il rit)

PIERRE        - Et ça le fait rire l’abruti !

C-HUBERT              - Et il y a pire : « Qu’est ce qu’il y a au menu ? » «Viande froide ! »

MARIETTE - Mais de quel bois êtes-vous fait pour rire dans un moment pareil. Décidément, vous n’avez aucun cœur !

PIERRE        - (excédé, à C-Hubert) IMBECILE HEUREUX !

C-HUBERT  - (sur le même ton) Imbécile heureux !

MARIETTE - Pardon ? Qu’est ce que vous avez dit ? Vous m’insultez !

C-HUBERT  - Mais non…

MARIETTE - Vous avez osé m’insulter !

C-HUBERT  - Non… enfin oui, je l’ai dit… mais je ne voulais pas… Je ne sais pas ce qui s’est passé, c’est sorti d’un seul coup.

MARIETTE - Mais vous l’avez dit ! Jamais on ne m’avait parlé de la sorte et jamais je n’admettrai qu’on me parle ainsi. Considérez que je ne suis plus à votre service.

C-HUBERT  - Mariette ! Ce n’est pas…

MARIETTE - Rien du tout ! Je vous rends mon tablier. (Qu’elle lui jette à la figure). Et puis je vais vous dire une chose que je retiens depuis très longtemps. ALLEZ TOUS VOUS FAIRE VOIR !!!

Elle va sortir quand entre Marie Joséphine et Hughes

Scène 2

PIERRE – 1248 – Charles Hubert – Mariette – Marie Joséphine – Hughes

M-JO              - Mais enfin que se passe t-il ici ? Mariette, c’est vous que l’on entend piailler de la sorte ? Sachez que je ne permettrai pas que…

MARIETTE - Alors vous… poupougne !

M-JO              - Oh !

MARIETTE - Ah ! Ca soulage ! (elle sort)

M-JO              - (limite hystérique) Mon Dieu ! Mariette, revenez !... Je vous ordonne de revenir immédiatement ! MARIETTE !!!

HUGHES      Calmez-vous ! Mais calmez-vous ! Tenez, asseyez-vous et prenez un  petit remontant.

Hughes va servir un verre à M-JO pendant que…

PIERRE        - Vous avez vu ?

1248                - Oui ! C’est très intéressant. Je pense que sous le coup de l’émotion, de l’énervement, ou de la colère, vous êtes arrivé à « communiquer » avec les vivants. Très intéressant.

PIERRE        - Mais alors… le voilà le moyen d’intervenir, puisque je peux leur parler.

1248                - Leur parler, leur parler ! Il n’a fait que répéter ce que vous avez dit. Je ne vois pas où ça vous mène.

PIERRE        - Mais c’est mieux que rien. Il faut réfléchir à la façon dont je peux m’en servir. 

M-JO              - En tout cas, ça ne se passera pas comme ça. Virée, elle est virée ! De toute façon, j’y pensais depuis un moment. Elle n’en fait qu’à sa tête. Pierre m’empêchait de le faire et la soutenait mais maintenant… Je la congédie sur le champ.

C-HUBERT  -Tu n’auras pas à te donner ce mal, c’est elle qui nous quitte.

M- JO             - Comment, elle nous quitte ? Ah mais non !

Retour de Mariette. Manteau, chapeau, sac à main.

M- JO             - Mariette ! Que faites-vous habillée de la sorte ?

MARIETTE - Trouvez-vous une autre bonniche !

 M- JO            - Mais non, on ne  nous quitte pas comme ça. Qu’est ce que vous croyez ? Qu’on peut faire ici ce qu’on veut ? Certainement pas ! Nous n’allons tout de même pas nous laisser marcher sur les pieds par le petit personnel.

Mariette s’approche d’elle et lui écrase le pied.

MARIETTE - Ah non ?

M-JO              - Aaaaah ! Mon pied !

MARIETTE - Et vous savez ce qu’il vous dit le petit personnel ?

M-JO              - VOUS ETES RENVOYEE !

MARIETTE - Renvoyée ? Eh bien ça m’arrange ! Comme ça, je pourrai toucher les indemnités de licenciement.

M- JO             - (radoucie et  mielleuse) Mariette ! Mon petit ! Enfin quoi, nous n’allons tout de même pas nous séparer ainsi, pour une broutille, un léger malentendu.

MARIETTE - Malentendu ? Moi j’ai bien entendu ! Me faire traiter d’imbécile, à mon âge !

HUGHES      - Mais qui vous a traitée d’imbécile ?

MARIETTE - Posez la question à monsieur Charles Hubert.

M- JO             - Charles-Hubert, tu as traité Mariette d’imbécile ?

C-HUBERT  - Oui, c’est vrai mais…

M-JO              - Mais enfin tu es devenu fou. (Prenant Mariette par l’épaule) Dire une telle chose à Mariette. Elle qui est au service de notre famille depuis toujours. Elle qui d’ailleurs fait presque partie de cette famille (moue de Mariette) Si, si Mariette, pour moi vous êtes comme ma fille, ma sœur, ma mère. Et quant à votre travail, je ne peux que vous féliciter. Je pensais d’ailleurs à revoir à la hausse votre traitement.

C-HUBERT  - Mais, maman…

M-JO              - Tais-toi ! Et file dans ta chambre !

C-HUBERT  - Hein ?

HUGHES      - Holà, holà ! Je crois que vous devriez tous vous calmer. Charles-Hubert, pouvez-vous nous dire ce qu’il s’est passé ?

C-HUBERT  - Nous discutions avec Mariette et tout à coup j’ai dit : « imbécile heureux ».  C’est sorti tout seul sans que je le veuille. C’est comme si quelqu’un d’autre parlait par ma bouche.

HUGHES      - Bizarre ! Bizarre ! Vous avez bien dit : « imbécile heuREUX », vous êtes sûr ?

C-HUBERT  - Oui !

MARIETTE - Je confirme !

HUGHES      - C’est justement ce qui est bizarre. Si vous aviez voulu insulter Mariette, vous auriez dit : « imbécile heuREUSE »

C-HUBERT  - Vous avez raison ! C’est bizarre !

MARIETTE - N’empêche que « heureux » ou « heureuse », il reste « imbécile ». Et c’est ça qui ne passe pas.

HUGHES      - Ecoutez mariette. Il y a là quelque chose de pas clair et je vous demande d’accorder le bénéfice du doute à Charles Hubert. Vous aussi Marie – Joséphine. De plus, je ne pense pas que le moment soit bien choisi et qu’il y a plus important à penser.

M-JO              - Ah bon ? Quoi donc ?

HUGHES      - Enfin Marie Jo ! Votre mari ! Alors oublions ce petit incident. Mariette, déshabillez-vous…

MARIETTE - Pardon ?

M-JO              - Non mais dis donc !

HUGHES      - Je veux dire, Mariette, retirez votre manteau et reprenez votre service s’il vous plait.

M-JO              - Excusez-moi, j’ai cru que…

MARIETTE - Moi aussi ! Bon, vous me direz c’est flatteur pour moi, mais quand même. Madame Marie-Joséphine, je veux bien reprendre mon service, au bénéfice du doute, mais attention. Plus jamais ça ! Sinon, je porte plainte et je vous traîne devant les Prudhommes !

M-JO              - Cela ne se reproduira pas, soyez sans crainte. J’y veillerai personnellement. Et puis tenez, si vous le permettez, je vais vous donner un petit coup de main pour vous avancer dans votre travail.

Mariette sort suivie de Marie Jo qui fait un signe de désapprobation à Charles Hubert.

Scène 3

PIERRE – 1248 – C-HUBERT – HUGHES

HUGHES      - Eh bien, quelle histoire ! C’est réglé, c’est le principal.

C-HUBERT  - Et vous avez raison en disant qu’il y a plus important. Justement, je voulais vous demander… puisque vous êtes le conseiller financier de mon père, vous aurait-il parlé de sa succession ?

1248                - Ha ! Il ne perd pas le nord le fiston. Les manœuvres d’approche commencent.

HUGHES      - Heu… Eh bien… Je crois savoir qu’il vous destinait à son remplacement dans quelques temps mais je n’en sais pas beaucoup plus.

C-HUBERT  - Et… sauriez-vous, par hasard, s’il avait établi un testament ?

HUGHES      - Non, je ne sais pas ! S’il l’a fait, peut être Maître Perrin, son notaire, est-il au courant.

1248                - Oui au fait ! Testament ou pas testament ?

PIERRE        - Non hélas je n’ai rien fait et croyez bien que je le regrette. Je pensais avoir le temps alors…

C-HUBERT  - (en aparté) Le notaire bien sûr ! Je n’y avais pas pensé. Ce serait la catastrophe si le vieux lui avait laissé ses dernières volontés.

HUGHES      - Comment ?

C-HUBERT  - Rien, rien ! Je vais appeler le notaire. (au téléphone) Maître Perrin bonjour ! Charles Hubert Duvernon à l’appareil. Je vous appelais pour savoir si mon père vous aurait déposé un testament… D’accord, merci ! Au revoir Maître ! (il raccroche) Pas de testament chez le notaire… Dites-moi, cher Hugues, je devais prendre les rênes de l’usine mais s’il n’y a rien d’officiel et pas de testament que va-t-il se passer ?

HUGHES      - En l’absence de dispositions prises pour la succession par votre père, les biens de votre famille et donc l’entreprise doivent être partagés entre votre mère, votre sœur et vous-même. Votre mère hérite de la moitié, votre sœur et vous-même de l’autre moitié, soit un quart chacun. Mais pourquoi ces questions ?

C-HUBERT  - Hein ?... Comme ça… juste pour me renseigner.

1248                - Vous sentez ?

PIERRE        - Pardon ?

1248                - Je veux dire, vous ne sentez rien venir ?

PIERRE        - Pas vraiment !

1248                - Croyez-moi, on va avoir droit à une jolie passe d’arme.

PIERRE        - C’est facile pour vous. Vous pouvez voir l’avenir. Qu’est ce qu’ils vont faire ?

1248                - Je vous laisse le plaisir de le découvrir par vous-même. Ca ne va pas être triste.

HUGHES      - Bien entendu, si votre père avait pris des dispositions cela simplifierait bien  les choses.

C-HUBERT  - Bien sûr ! D’ailleurs, peut être les a t’il prises ces dispositions. Connaissant mon père, il serait étonnant qu’il ne l’ait pas fait.

HUGHES      - (semblant réfléchir) Peut-être, peut-être !

C-HUBERT  - Vous devriez aller demander à ma mère. Peut-être sait-elle quelque chose.

HUGHES      - Vous avez raison ! J’y vais de ce pas. (il sort)

C-HUBERT  - (il va au bureau et sort le papier signé) Le quart ! Je ne peux pas me contenter du quart ! Et puis cela veut dire que malgré ce papier, je ne suis pas certain de remplacer le vieux à la tête de l’entreprise. Si mon idiote de sœur et ma nymphomane de mère s’y opposent, adieu les palaces, les palmiers. Je dois faire en sorte de les convaincre que ma nomination à ce poste est la meilleure chose pour tout le monde et qu’elles n’auront pas à le regretter. 

PIERRE        - S’il m’appelle encore une fois « le vieux » je fais un  malheur !

1248                - Ah oui ? Et comment gros malin ?

Scène 4

MARIETTE – JOSIANE - C-HUBERT – PIERRE – 1248

On frappe à la porte.

C-HUBERT  - (rangeant le papier dans un tiroir) (agressif) QUOI ???

Entrée de Mariette

MARIETTE - Il est bien là ! Et de bonne humeur apparemment. Vous ne pouvez pas dire : « qui est là ? » comme tout le monde.

C-HUBERT  - J’ai du travail et vous me dérangez.

MARIETTE -  Je viens simplement vous dire que votre « fiancée », mademoiselle Bouchon, est arrivée. Qu’est ce que j’en fais ?

C-HUBERT  - Comment ça « qu’est ce que j’en fais » ?

MARIETTE - Je la fais entrer, ou je vous la garde au frais pour plus tard ? Puisque vous avez du travail…

C-HUBERT  - Faites-la entrer bien sûr !

1248                - Aah ! On va voir à quoi ressemble le « petit bouchon ».

MARIETTE - (Se plaçant à côté de la porte et annonçant de façon, très officielle.) Son Altesse  Josiane Bouchon, fille de Richard Jean Marcel Bouchon et de Marie  Constance Eulalie Chombiez. Ca, ça le fait moins.

(Josiane entre, Mariette fait une révérence. Josiane s’arrête devant elle étonnée.

JOSIANE      - Que vous arrive t-il ?

MARIETTE - Rien, rien, ne vous inquiétez pas. Mais entrez, ne restez pas dans les courants d’air. (elle pousse Josiane au centre de la pièce) (à C-Hubert) C’est ce qui s’appelle « pousser le bouchon ».

C-HUBERT  - Mariette, vous commencez à me…

MARIETTE - (le coupant) Hop, hop, hop ! Je sens que vous allez être grossier. Je préfère m’éclipser. (elle sort)

JOSIANE      - Que se passe t-il ?

C-HUBERT  - Elle va me rendre fou ! Mais enfin, ma chérie, vous êtes là ! Quelle joie de vous voir. Laissez-moi vous embrasser (il veut la prendre dans ses bras mais elle s’éclipse)

JOSIANE      - (sèche) Charles Hubert, croyez-vous que ce soit le moment ?

C-HUBERT  - Parce qu’il y a un moment pour… ça ?

JOSIANE      - Il y a un temps pour tout et chaque chose en son temps. Et puis un peu de tenue voyons. Un peu de dignité. Vous oubliez que nous sommes dans la demeure d’un mort.

C-HUBERT  - C’est vrai, excusez-moi !

1248                - Ils se vouvoient ! Ca ne fait pas très intime.

PIERRE        - Ce grand crétin joue les snobinards.

JOSIANE      - (soudain très intéressée) Alors c’est vrai, il est mort ? Bien mort ?

C-HUBERT  - On ne peut pas l’être plus !

JOSIANE      - Oh qu’est ce que je suis contente ! (se reprenant) Heu… pour vous. Je suis contente pour vous. Vous allez enfin obtenir le poste convoité de PDG des usines Duvernon. Et plus vite que prévu.

C-HUBERT  - J’espère bien qu’il n’y aura pas de problème !

JOSIANE      - Que voulez-vous qu’il y ait comme problème ?

C-HUBERT  - L’entreprise faisant partie du patrimoine familial, ma mère et ma sœur en sont héritières également. Elles ont donc leur mot à dire.

JOSIANE      - Et alors ? Elles ne vont sûrement pas vouloir la diriger. Votre sœur est une petite écervelée qui ne pense qu’à faire la fête et quant à votre mère…

C-HUBERT  - Oui, c’est vrai ! Mais on ne sait jamais. J’espère pouvoir les convaincre.

JOSIANE      - Il FAUT les convaincre. (devenant très câline) Cher Charles-Hubert, très cher Charles-Hubert, vous devez les persuader de vous laisser les rênes. Je sais que vous saurez trouver les bons arguments. Vous le ferez pour moi. Pour nous. N’est ce pas ?

C-HUBERT  - Je vais essayer !

JOSIANE      - Vous allez réussir ! J’en suis certaine ! Et si vous réussissez, vous aurez droit … (très très très câline) à un beau cadeau. Si vous voyez ce que je veux dire.

C-HUBERT  - Vous voulez dire que… vous… avec moi…

JOSIANE      - Oui Charles-Hub ! Je me donnerai à vous. Vous connaîtrez enfin les plaisirs charnels.

1248                - Ca veut dire qu’il n’a jamais… Eh bé ! A son âge !

C-HUBERT  - (aux anges) Oh Josiane ! Je réussirai ! Je vous promets de réussir ! Je ne sais pas encore comment mais je réussirai et alors... et alors… (il essaie de  peloter Josiane qui lui tape la main)

JOSIANE      - Pas touche grand coquin ! Réussissez d’abord !

C-HUBERT  - Oui, oui, oui ! D’abord franchir cette première étape. Ensuite nous partons loin au soleil. Je nous vois déjà allongés sur le sable, à l’ombre d’un  palmier, une coupe de champagne à la main. Nous serions nus l’un contre l’autre et puis… (il s’est rapproché et tente à nouveau de la toucher, elle lui tape à nouveau sur la main)

JOSIANE      - Euh… vous savez que je ne connais rien au monde des affaires mais… juste pour avoir une idée… une entreprise comme celle là, ça vaut combien ?

C-HUBERT  - Quelques dizaines de millions d’euros, mais dans quelques années, avec mes idées, elle vaudra beaucoup plus.

JOSIANE      - Ce qui veut dire que nous devrons attendre plusieurs années avant de…. (elle et met ses bras autour du cou de Charles-Hubert) Charles-Hubert, de si longues années avant de connaître cette vie de rêve... avec vous. Je ne sais pas si j’aurai encore la force… Cela fait déjà si longtemps que je patiente… que nous patientons…  Alors que la vie nous tend les bras… Alors que là-bas, il y a une île déserte, baignée de soleil, qui n’attend que nous… Oh, mon corps brûle du désir de se rouler nu dans le sable fin... et de se donner à vous. Pourquoi attendre encore mon chéri. Pourquoi ?... Vendez… vendez tout de suite et partons.

 C-HUBERT - OUI ! OUI PARTONS ! Nom de Dieu, vous m’avez mis sans dessus - dessous. Je deviens patron, je vends et on part. C’est dit ! C’est fait !

JOSIANE      - (le repoussant et redevenant froide) Bien, très bien !

C-HUBERT  - Enfin… c’est presque fait. Il y a tout de même quelques petits détails à régler.

JOSIANE      - Ne vous inquiétez pas, je vais vous aider. Pour commencer, vous devez convoquer une réunion de famille pour les détails de la succession. Et attention, ne vous laissez pas embobiner. Soyez ferme ! C’est vous l’homme de la famille maintenant. Montrez que vous en êtes un.

C-HUBERT  - Oui ! Je suis un homme ! Un vrai !

1248                - Un tatoué !

PIERRE        - Très drôle !

C-HUBERT  - Mais… encore faudra-il trouver un acheteur.

JOSIANE      - Vous allez voir comme le hasard fait parfois bien les choses. Figurez-vous mon ami, que… je connais peut être quelqu’un qui pourrait, éventuellement, être intéressé.

PIERRE        - Et voilà, on y arrive ! Il va se faire encore avoir ! Non mais qu’elle andouille !

C-HUBERT  - Vous ? Mais comment…

JOSIANE      - Oh, c’est une personne que j’ai rencontrée… tout à fait par hasard… au cours d’un cocktail chez des amis… et en discutant, cette personne m’a laissé entendre… euh… qu’elle avait de l’argent à placer… et que la reprise d’une société pourrait la tenter. Alors peut-être que votre affaire…

C-HUBERT  - Josiane, vous êtes fantastique. Comment ferais-je sans vous ?

JOSIANE      - (en aparté) Ca, tu le sauras bientôt, pauvre imbécile !

C-HUBERT  - Je réunis le conseil de famille pour régler tout ça. D’ailleurs, je pense que cela arrangera tout le monde. Ma sœur aime trop l’argent pour être contre, quant à ma mère, elle a mieux à faire que de s’occuper de gérer une usine.

JOSIANE      - Alors tout est parfait. Voulez-vous que je contacte notre acheteur pour fixer un rendez-vous ?

C-HUBERT  - J’allais vous en prier ! Cette affaire va être rondement menée. Josiane, vous pouvez préparer vos valises et n’oubliez pas vos maillots de bain… mais en aurez-vous vraiment besoin ? (il s’approche mais elle se dérobe)

JOSIANE      - Plus tard, plus tard !  Je viens de penser que je devrais appeler mon père. Il va être très heureux de l’évolution des choses.

C-HUBERT  - Je n’en doute pas ! Au fait, il faudra me les présenter. Il me tarde de faire sa connaissance.

JOSIANE      - Ne vous inquiétez pas, vous en entendrez parler très bientôt.

C-HUBERT  - Que fait-il dans la vie ?

JOSIANE      - Des affaires !

C-HUBERT  - Bouchon ! C’est drôle ! Figurez-vous que notre principal concurrent se nomme également Bouchon.

JOSIANE      - C’est très drôle en effet.

C-HUBERT  - Si ça se trouve, c’est un cousin éloigné.

PIERRE        - Quel con, mais quel con !

1248                - Sûr que si un jour on élit le roi des cons, il a toutes ses chances.  

 (Josiane et Charles Hubert  vont sortir quand entrent Hughes et Marie-Jo)

Scène 5

PIERRE – 1248 – CHARLES HUBERT – JOSIANE – HUGHES – MARIE JO

Marie Jo a un foulard noué sur la tête, des gants de caoutchouc, un balai de toilettes à la

main.

MARIE JO    - Ce qu’il ne faut pas faire pour rattraper tes bêtises Charles Hubert. Quand j’ai demandé à Mariette comment je pouvais l’aider, elle m’a mis ça dans les mains (montrant le balai)  Les toilettes ! Tu imagines ? Moi, faire les toilettes ! (apercevant Josiane) Oh mais c’est notre petite Josiane, (elle lui tend la main toujours gantée, Josiane recule) Excusez-moi pour cet accoutrement. (elle met le balai dans les mains de Hughes et se débarrasse de ses gants idem. Hughes tient le tout du bout des doigts à distance) Comment allez-vous mon petit ?

JOSIANE      - Très bien, je vous remercie !

MARIE JO    - Vous êtes au courant de ce qui nous arrive ?

JOSIANE      - Oui, Charles Hubert m’a mise au courant. Quel drame !

PIERRE        - Hypocrite !

1248                - J’allais le dire !

MARIE JO    - Ne m’en parlez pas ! J’en suis toute retournée. Nous sommes passés tout près de la catastrophe, mais heureusement c’est arrangé…

C-HUBERT  - Tout est arrangé ? Mais qu’est ce qui est arrangé ?

MARIE JO    - Eh bien, pour Mariette voyons ! Elle ne nous quitte pas.

JOSIANE      - Ah vous parliez de Mariette ! J’avais cru que…

C-HUBERT  - Moi aussi !

HUGHES      - Moi aussi !

PIERRE        - Moi aussi !

1248                - Je dirais même plus : Moi aussi !

MARIE JO    - Que vous arrive t-il ? Vous jouez au perroquet maintenant ?

C-HUBERT  - En parlant de catastrophe, nous pensions que tu parlais de… (faisant un signe de la tête en direction de la pièce voisine)

MARIE JO    - Hein ? De qui ?

JOSIANE      - De votre mari défunt !

MARIE JO    - Mon mari défunt ?... Ah non ! A propos Charles-Hubert, Hughes me demandait si j’étais au courant d’un testament que ton père aurait fait.

C-HUBERT  - Oui, et alors ?

MARIE JO    - Je ne suis pas au courant. Il faut dire qu’il ne me disait jamais rien.

PIERRE        - Evidemment, tu n’étais jamais là !

MARIE JO    - (à Josiane) Si vous saviez la vie que cet homme m’a fait vivre…

PIERRE        - Mais quelle s…

1248                - (le coupant) Tss ! Tss ! Tss !

JOSIANE      - Maintenant, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. Finalement, ce décès, aussi pénible soit-il, vous offre un nouveau départ.

1248                - La s...

PIERRE        - Tss ! Tss ! Tss !

MARIE JO    - Mon petit, vous êtes une perle rare et Charles-Hubert a beaucoup de chance de vous avoir.

JOSIANE      - Mais, moi aussi j’ai beaucoup de chance de l’avoir. Il ne peut même pas imaginer à quel point j’ai de la chance.

MARIE JO    - Eh bien tant mieux. Moi, je n’ai pas eu cette chance là. Mon défunt mari n’était pas du tout l’homme qu’il me fallait, mais que voulez-vous, une erreur de jeunesse. Je me suis trouvée enceinte bien trop vite et ensuite… Je suis restée avec lui… par charité. Que serait-il devenu sans moi ?

JOSIANE      - En fait vous avez sacrifié votre vie pour lui.

MARIE JO    - On peut dire ça, oui.

JOSIANE      - Maintenant, vous êtes délivrée. Et puis vous avez Hughes qui va bien s’occuper de vous.

PIERRE et 1248       - Les deux salopes…(se regardant)  Tss ! Tss ! Tss !

C-HUBERT  - Bon, si nous parlions sérieusement de la suite des événements. Je pense que nous devons réunir une sorte de conseil de famille, afin de… nous mettre d’accord puisqu’il n’y a pas de testament.

JOSIANE      - Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas, Charles-Hubert a raison. Il va y avoir des problèmes d’argent, de partage et bien souvent cela amène la discorde dans les familles.

MARIE JO    - Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas de souci. Nous sommes une famille unie.

PIERRE        - Ce qu’il ne faut pas entendre !

1248                - Là, je dois dire que votre femme est un phénomène. Elle a sa place dans le livre des records, rubrique faux-cul.

HUGHES      - Eh bien puisque nous sommes d’accord, je pense qu’il faudrait faire venir Anne-Sophie afin de commencer tout de suite.

JOSIANE      - Oui, plus vite cela sera réglé, mieux ce sera.

(Hughes prend Marie Jo à part. Ils s’écartent un peu, pendant que Josiane en fait de même

avec Charles Hubert)

JOSIANE      - Faites en sorte que j’assiste à ce conseil. Dans votre intérêt bien entendu.

HUGHES      - Faites en sorte que j’assiste à ce conseil. Dans votre intérêt bien entendu.

MARIE JO    - (ouvre la porte et appelle) Mariette !... Mariette !... (elle crie) MARIETTE !

Scène 6

MARIE JO – MARIETTE – C-HUBERT – HUGHES - JOSIANE

MARIETTE   OFFQuoi ?

MARIE JO    - Venez ici !

MARIETTE - Une petite seconde !

MARIE JO    - NON ! TOUT DE SUITE ! C’EST UN ORDRE ! (aux autres) Non mais alors, je vais lui montrer qui commande ici.

(Mariette arrive)

MARIETTE - Oh ! C’est pas la peine de hurler comme ça, je ne suis pas sourde. Et puis j’aime pas beaucoup votre façon de me parler. Attention sinon, Prud’hommes.

MARIE JO    - (radoucie) Pardonnez-moi ma petite  Mariette !

MARIETTE - Bon ça ira ! Qu’est ce que vous voulez ?

MARIE JO    - Pourriez-vous, s’il vous plaît, aller chercher Anne Sophie ?

MARIETTE - Elle dort encore.

C-HUBERT  - Eh bien allez la réveiller !

MARIETTE - Hein ? Ca va pas la tête ! J’ai pas envie de me faire tuer. Vous avez déjà vu votre sœur au réveil ? Moi si ! Une fois je l’ai réveillée. Une fois ! Une seule. Eh ben je peux vous dire que je ne suis pas prête de recommencer. Allez-y vous-même.

HUGHES      - Si vous voulez, je peux m’en charger ! Préparez un  plateau petit déjeuner, je vais la réveiller en douceur.

MARIETTE - En douceur ! En douceur ! Vous allez en avoir de la douceur. (elle sort en riant suivie par Hughes)

1248                - Venez, on va voir ça. Je vous promets, vous ne regretterez pas le spectacle.

(ils suivent Hughes)

Scène 7

JOSIANE – C-HUBERT – MARIE JO

C-HUBERT  - Dis maman, puisque nous avons deux minutes, je voulais te demander si… enfin si tu avais… déjà un peu réfléchi.

MARIE JO    - A quoi ?

C-HUBERT  - Eh bien… je veux dire à la succession.

MARIE JO    - Non pas vraiment ! Hughes m’a un peu expliqué ce que disait la loi et puis il m’a dit qu’on devrait trouver un arrangement entre nous. C’est tout.

C-HUBERT  - Bien, bien… et… et pour l’usine ?

MARIE JO    - On verra bien. Je n’entends pas grand-chose à toutes ces affaires alors je préfère qu’on en parle tous ensemble. D’ailleurs, si tu n’y vois pas d’inconvénient… je souhaiterais que… que Hughes assiste à notre petite réunion. Il pourra nous conseiller.

C-HUBERT  - Euh… oui… pourquoi pas… mais je demanderai alors que Josiane soit présente également.

MARIE JO    - Puisque tu acceptes pour Hughes, d’accord pour Josiane. Et puis, Josiane et Hughes font pratiquement partie de la famille.

C-HUBERT  - Ah bon ? Pour Josiane, ce n’est pas un secret, mais cela veut dire que Hughes et toi, vous envisagez de…

MARIE JO    - De vivre ensemble, oui ! Plus rien ne s’y oppose maintenant. (regard insistant vers C-Hubert) Enfin, je l’espère !

C-HUBERT  - Si c’est ton souhait, je le respecte.

MARIE JO    - Hughes est l’homme qui me convient. Beaucoup de charme, de culture et puis quelle élégance, quelle classe.

Scène 8

TOUS

(La porte s’ouvre. Hughes entre. Sa veste est déchirée, il est trempé, un

bol sur la tête et un croisant dans la bouche)

MARIE – JO - Mon Dieu Hughes !

C-HUBERT  - Justement Hughes nous parlions de vous. Nous évoquions votre élégance, et votre classe. 

(entrée de Pierre et  1248, pliés de rire)

PIERRE        - Je vous avais dit que vous ne le regretteriez pas.

1248                - Oui alors ! Pour un réveil en douceur, ça a été en douceur ! Oh la tigresse ! Il faut le voir pour le croire !

PIERRE        - Pourtant il était prévenu !

1248                - Il faut dire que la réveiller en lui caressant les seins n’était peut être pas la meilleure façon.

MARIE – JO - Hughes mais que vous est-il arrivé ? Ce n’est tout de même pas…

HUGHES      - Si ! Votre chère fille a le réveil plutôt… agité.

(entrée de Anne Sophie comme un furie)

A-SOPHIE    - Le réveil agité ? J’t’en foutrais moi du réveil agité. Se faire peloter par un vieux cochon dans son sommeil, tu crois que ça donne envie de sourire.

HUGHES      - Mais je ne vous ai absolument pas…

A-SOPHIE    - Alors quand tu touches les seins d’une fille, t’appelles ça comment toi ?

HUGHES      - Je vous assure que je…

A-SOPHIE    - Et menteur avec ça. Non mais dis donc, tu la veux ma main dans ta tronche ?

MARIE JO    - Anne Sophie, tu dois faire erreur. Je suis bien certaine que Hughes n’aurait jamais fait une chose pareille.

A-SOPHIE    - Tu parles ! On voit que tu ne le connais pas, si je te disais que…

HUGHES      - (la coupant vivement) Je vous prie Anne Sophie de faire attention à ce que vous allez dire. Cela pourrait gravement nuire à nos relations.

A-SOPHIE    - Nos relations ? Quelles relations ? Tu crois que j’ai envie d’avoir une quelconque relation avec un dégénéré comme toi ? Et qu’est ce que tu crois ? Que parce que tu te tapes la mère, ça te donne des droits sur la fille ?

HUGHES      - Calmez-vous mon petit…

A- SOPHIE   - J’suis pas ton p’tit !

C-HUBERT  - Si vous nous disiez exactement ce qu’il s’est passé.

A- SOPHIE   - Il s’est passé qu’il a profité de ce que je dormais pour me toucher les nibards. Heureusement que je me suis réveillée parce que je ne sais pas jusqu’où il serait allé ce vieux vicelard.

HUGHES      - Pas du tout ! Je vous en conjure Marie Joséphine, il faut me croire. J’ai voulu réveiller Anne Sophie en lui caressant le bras et… à ce moment, elle a bougé. Peut être que ma main lui a légèrement effleuré la poitrine, mais c’était tout a fait involontaire.  

1248                - Quel salopard ! Non mais quel salopard. D’abord il se rince l’œil pendant au moins deux minutes, ensuite, il lui tripote les seins à pleine main, et il appelle ça : légèrement effleurer.

HUGHES      - Je voulais vous réveiller en douceur, tendrement.

MARIE JO    - Tu vois bien Anne Sophie, c’est juste un accident. Il ne faut pas en vouloir à Hughes, il voulait juste te réveiller tendrement. C’est touchant non ?

A-SOPHIE    - Ah ça, pour être touchant, c’est touchant !

HUGHES      - Je vous fais des excuses. Mes plus plates excuses. Mais je vous en prie, oublions ce petit incident et revenons-en  à ce pourquoi nous sommes là.

JOSIANE      - Hughes a raison ! Il y a des choses plus importantes et urgentes.

A-SOPHIE    - Parce que manquer de se faire violer, ça n’est pas important peut-être ?

C-HUBERT  - Anne Sophie, tu nous emmerdes ! Se faire toucher les seins n’a jamais tué personne et ce n’est certainement pas la première fois, alors….

JOSIANE      - (l’nterrompant) Charles-Hubert, calmez-vous !

C-HUBERT  - On ne va quand même pas se laisser…

JOSIANE      - J’ai dit, calmez-vous ! Et taisez-vous ! (elle l’attire à l’écart) Pensez que si vous souhaitez reprendre l’entreprise, vous aurez besoin de son soutien. Alors il vaut mieux ne pas s’en faire une ennemie.

C-HUBERT  - Vous avez raison. Je me suis laissé emporter. (se retournant vers Anne Sophie) Pardonne-moi Anne Sophie, pardonne-moi. Mais les événements… enfin tu comprends.

A-SOPHIE    - OK, ça va ! Mais lui, il n’a pas intérêt à approcher encore une fois ses sales pattes de moi.

JOSIANE      - Il promet que ça n’arrivera plus ! Il promet ! Revenons, s’il vous plaît au sujet qui nous intéresse.

A-SOPHIE    - Oui, au fait ! J’aimerais bien savoir ce qui m’a valu ce réveil si… touchant.

C-HUBERT  - Suite au décès de « papa », nous devons régler les détails de la succession. Ceci est donc un conseil de famille et nous serons assistés de Josiane et de Hughes.

HUGHES      - Si je peux me permettre, je pense qu’il faut prendre le temps de la réflexion. Ne pas prendre des décisions immédiates que vous pourriez regretter plus tard. Aussi, je propose que chacun d’entre vous émette ses vœux, qu’ensuite vous y réfléchissiez chacun de votre côté, et demain, nouvelle réunion pour se mettre d’accord sur les détails.

JOSIANE      - Hughes a raison !

 C-HUBERT - Bien ! Qui veut parler ?

Tous se mettent à parler en même temps.

PIERRE        - Quelle foire !

1248                - C’est pas comme ça qu’ils vont s’entendre.

(afin de montrer que la conversation dure un certain temps, mise en scène suivante

proposée. Pendant quelques secondes, conversation confuse ou tout le monde parle en

même temps. Les personnages ont une certaine place sur scène. NOIR. Eventuellement une

horloge sonne. LUMIERE Les personnages ont changé de position, la conversation,

toujours aussi confuse, continue quelques secondes. NOIR. Horloge. LUMIERE. Nouveau

changement de position des personnages. Conversation idem. NOIR)

HUGHES      - Eh bien voilà ! Nous y sommes arrivés.

JOSIANE      - Non sans mal ! J’ai une migraine !

HUGHES                  - Je propose d’entériner tout ça demain, après les obsèques.

C-HUBERT  - Alors, je vous laisse, je dois passer à l’usine pour voir si tout va bien.

HUGHES      - Vous avez raison et puis il faut tout de même prévenir le personnel, du décès.

C-HUBERT  - Certainement pas ! Ils sont capables de vouloir assister à l’enterrement. On ne va pas perdre une journée de production.

HUGHES      - Comme vous voulez !

A-SOPHIE    - Moi aussi je vous laisse, je sors. A propos, mon cher Charles-Hubert… (elle tend la main, lui faisant signe qu’elle a besoin d’argent)

C-HUBERT  - Ah non, pas encore ! (Josiane lui donne un coup de coude) Hein ?... Oui, tiens chère petite sœur et amuse-toi bien. Josiane, voulez-vous bien m’attendre ici, je n’en ai pas pour longtemps.

JOSIANE      - Entendu ! Je vais en profiter pour appeler mon père.

MARIE JO    - J’ai à faire également. Hughes vous venez ?

HUGHES      - J’arrive très chère.

(sortie de Charles Hubert, Marie-Jo et Hughes)

Scène 9

 PIERRE – 1248 – JOSIANE

1248                - Ouf ! Ca fait du bien un peu de calme. Finalement, ils ont l’air d’être d’accord. Votre fils veut l’entreprise, la maison et de l’argent, votre femme, la maison de campagne, les bijoux et de l’argent. Quant à votre fille, elle n’a pas parlé beaucoup. Il faut dire qu’ils ne lui ont guère donné la parole

PIERRE        - Oui, mais ce qui m’inquiète, c’est celle là ! (désignant Josiane) N’oubliez pas ce qu’elle mijote. Je dois arriver à déjouer ses plans.

JOSIANE      - (au téléphone. Pendant le coup de téléphone, Pierre va se montrer de plus en plus excédé) Allô papa ?... Oui, merci je vais bien et même très très bien. J’ai une excellente nouvelle à t’annoncer. Tu peux sortir ton chéquier car la société Duvernon sera bientôt en vente…

PIERRE        - Ca, ma petite, ce n’est pas encore fait !

JOSIANE      -  Le prix n’est pas encore fixé mais crois-moi, ce sera vraiment le minimum. Tu peux me faire confiance, j’y travaille…

PIERRE        - Je t’en empêcherai ! Je ne sais pas encore comment mais je t’en empêcherai.

JOSIANE      - C’est ça, je te tiens au courant…. Pardon ?... Pourquoi le père Duvernon veut- il vendre ? Oh lui, il ne voulait pas, mais heureusement, il est mort…

PIERRE        - Quelle petite garce, mais quelle garce !

JOSIANE      - Oui, oui ! C’est le fils qui reprend… enfin qui va reprendre… C’est comme si c’était fait… Je t’expliquerai, mais tu peux être fier de ta fille… A plus tard papa. (elle raccroche) Bien, bien ! Voilà une histoire qui touche à sa fin et c’est tant mieux car de me coltiner cet imbécile de Charles Hubert, je commence à en avoir ma claque. Allez Josiane, encore un petit effort, tout sera bientôt terminé…

PIERRE        - Si je pouvais, je l’étranglerais !

1248                - Mais vous ne pouvez pas.

JOSIANE      - Et puis tant qu’à faire, pourquoi se contenter de l’usine ? Si je peux aussi faire main basse sur quelques bijoux de la mère Duvernon.

PIERRE        - (implorant) Je vous en prie Mon Dieu ! Redonnez-moi des mains, juste deux minutes, que je fasse la peau à cette PETASSE !

JOSIANE      - (sur le même ton) PETASSE !... Mais… Mais qu’est ce que j’ai dit ?

1248                - Ca recommence ! Vous la faites parler ! Allez-y continuer pour voir !

PIERRE        - SALE PETITE PUNAISE !

JOSIANE      - SALE PETITE PUNAISE ! Oh mon Dieu !

1248                - Encore, encore !

PIERRE        - JE SUIS UNE MOINS QUE RIEN !

JOSIANE      - JE SUIS UNE MOINS QUE RIEN ! Qu’est ce qui m’arrive, je deviens folle.

(entrée de Hughes)

HUGHES      - C’est vous qui criez Josiane ?

JOSIANE      - (apeurée mais tentant de faire bonne figure) Oui… Euh non !... Je veux dire, oui, j’étais au téléphone… Excusez-moi je dois partir.

(elle sort rapidement en regardant autour d’elle)

HUGHES      - Enfin seul ! J’ai deux petites minutes, vite ! J’espère qu’il n’est pas encore arrivé. (au téléphone) Allô, Geneviève ? Bonjour Geneviève. C’est Hughes. Dites-moi, Charles Hubert est il déjà arrivé ?... Pas encore, parfait !

1248                - C’est qui Geneviève ?

PIERRE        - Ma secrétaire. Pourquoi peut-il bien l’appeler ?

HUGHES      - J’ai un service à vous demander. Pourriez-vous fermer la porte de mon bureau à clef… et cacher la clef… Oui, c’est bien ça ! Si Charles Hubert vous demandait d’ouvrir, dites lui que je ferme toujours et que je garde la clef avec moi…

PIERRE        - Je n’y comprends rien ! Que cherche t-il à faire ?

HUGHES      - Voilà… Merci ma petite Geneviève ! Vous êtes un amour…

1248                - Oh ne me dites pas que…

PIERRE        - Oh non pas avec Geneviève…

HUGHES      -  Au fait Geneviève, j’espère que notre petit rendez-vous de vendredi tient toujours… Parfait ! Au revoir Geneviève, à bientôt. (il raccroche)

PIERRE        - Décidément ! Moi qui prenais Geneviève pour une sainte nitouche.

1248                - Eh bien faut croire qu’elle y touche quand même !

HUGHES      - Bien ! La comptabilité est en sécurité pour l’instant. Il va falloir que je m’occupe de ça très rapidement. S’il venait l’idée de Charles Hubert de se plonger dedans, ce serait la catastrophe. J’ai réussi à berner le père, mais il n’est pas dit que le fils sera aussi stupide.

PIERRE        - Non ! Il n’a pas fait ça ? Il n’aurait tout de même pas…

HUGHES      - Falsifier les comptes a été si facile que j’ai réussi à détourner un beau petit pactole. Les factures trafiquées, finalement, c’est d’un rapport beaucoup plus sûr que le loto ! Et puis ça revient plus souvent !

PIERRE        - Oh le SALOPARD !

HUGHES      - (même ton) SALOPARD !

1248                - Ouais ! C’est reparti !

HUGHES      - Qu’est ce que…

1248                - C’est quand vous êtes en colère que ça marche. Essayez encore !

PIERRE        - ENFOIRE !

HUGHES      - ENFOIRE ! (il court vers la sortie en criant) MAMAN !!!

1248                - (riant) La trouille qu’il a eue !

PIERRE        - Si je m’attendais à ça ! Cocu et arnaqué par mon conseiller financier, mon homme de confiance !

1248                - Vous méritez une médaille vous parce que vous les cumulez ! Mais, attendez un instant… (il se prend la tête dans les mains )

PIERRE        - Que faites-vous ?

1248                - Je regarde demain ! Hou la la ! Hou la la !

PIERRE        - Quoi ? C’est si grave que ça ? Qu’est ce que je vais encore apprendre ?

1248                - Ne vous inquiétez pas ! Demain sera une belle journée… enfin… pas pour  tout le  monde.

                                                                       NOIR

ACTE 4 – 2e jour

Scène 1

PIERRE - 1248

1248                - Allez, mettez-vous en colère !

PIERRE        - Je n’y arrive pas !

1248                - Mais faites un effort !

PIERRE        - Je voudrais vous y voir ! Vous croyez que c’est facile ?

1248                - Moi ce que j’en dis, c’est pour vous. Ils vont bientôt rentrer et tenir leur réunion. Et pour pouvoir intervenir, vous devez être en colère.

PIERRE        - Je sais, je sais ! Mais on ne se met pas en colère comme ça !

1248                - Ca y est, les voilà !

PIERRE        - Déjà ? Ca fait une demi-heure qu’ils sont partis pour mes obsèques. Ce n’est plus un enterrement, c’est du débarras vite fait.

1248                - Pourquoi n’avez-vous pas voulu y assister. Ce n’est pas donné à tout le monde.

PIERRE        - Vous parlez d’un plaisir !

1248                - Ils arrivent !

Pour connaître la suite contactez moi : piercy.noel@neuf.fr  ou  piercy.noel@gmx.fr  en indiquant le nom de votre troupe et sa localisation.