A Perdre la raison - Extrait

 

 A Perdre la raison

ACTE 1 – Scène 1              MAX - SYLVIA
MAX est au téléphone. Sur le bureau, des papiers froissés. La poubelle en est remplie
MAX     On le sent las. Oui… Oui je comprends mais… je pourrais peut être faire un essai… Ah OK ! Merci quand même… Vous avez mon numéro au cas où… Oui, au revoir. (    Il raccroche, consulte une page de  journal, compose un numéro) Allô ! Bonjour, je suis Maximilien Laforge. Je vous ai envoyé ma candidature  pour le poste de… Ah le poste est pourvu… D’accord, merci, au revoir. (Il raccroche, reprend le journal puis le jette dans la poubelle) Voilà ! Je les ai toutes faites ! (Sylvia entre)
SYLVIA    Bonsoir mon chéri !
MAX    Bonsoir Sylvia !
SYLVIA    Houlà ! Ca n’a pas l’air d’être la grande forme.
MAX    Mais si ! Je pète le feu ! Oh putain, le feu, j’ai oublié d’allumer le gaz ! (il sort rapidement vers la cuisine, pendant que Sylvia enlève son manteau et s’assoit dans un fauteuil. Max revient.)
SYLVIA    Eh bien pour une fois on ne mangera pas cramé ! Qu’est-ce-que tu as fait de bon ?
MAX    Des restes ! Ou plutôt des restes de restes. C’est dingue, j’ai l’impression qu’on ne mange que ça, des restes. Pourtant pour avoir des restes, il faut bien, à un moment, avoir fait un plat tout neuf, non ? Eh bien tu vois, on a tellement une vie de merde que depuis 3 ans j’ai la sensation de ne manger que des restes.
SYLVIA    Je vois que le moral est au beau fixe. Et merci, en passant, pour la « vie de merde ». Ca fait toujours plaisir !
MAX    Excuse-moi Sylvia ! Ce n’est pas pour toi que je disais ça, mais pour moi. Je suis incapable de t’offrir autre chose qu’une vie de galère. Je me demande comment  tu fais pour rester avec un type comme moi.
SYLVIA    Peut être parce que je t’aime. Ca me semble être une bonne raison, non ? Et puis, on n’a pas une vie aussi merdique que ça. 
MAX    Tu as vu dans quelle situation on est ? Et c’est à cause de moi. J’ai cru avoir un petit talent de romancier mais en fait… je suis nul. Pas de quoi être fier.
SYLVIA    Tu as tout de même écris trois romans.
MAX    Oui, mais écrire des romans c’est une chose. Si personne ne les lit, je  ne vois pas l’intérêt. Le but c’est tout de même cela. Qu’ils soient lus, donc achetés, donc vendus, et par conséquence directe que ça me permette de gagner ma vie, notre vie, et que tout ne repose pas sur tes épaules, comme c’est le cas.
SYLVIA    Ton premier roman a bien marché. Il n’y a pas de raison qu’un autre ne marche pas à nouveau.
MAX    C’est vrai que le premier a eu un petit « succès », tout relatif. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait croire que j’avais du talent. Mais depuis trois ans, plus rien. Les deux romans, qui ont suivi cette fugitive et miraculeuse embellie, ont été deux merdes. Mais alors, deux belles merdes ! Les deux plus belles merdes de toute la littérature interplanétaire de tous les temps. 
SYLVIA    Peut-être es-tu un auteur incompris, ou en avance sur son temps.
MAX    Ce doit être ça ! Et puis on reconnaitra mon génie dans quelques siècles. Ah ça va me faire une belle jambe. Sur ma tombe, on mettra en épitaphe : « Maximilien Laforge - Auteur incompris en son époque - Mais lisez ses romans en 3028 et vous verrez… »
SYLVIA    Ta journée a été aussi mauvaise ? Tu as fait quoi ?
MAX    J’ai froissé du papier pour remplir la poubelle. Après, j’ai fait comme d’habitude. Epluchage des offres d’emplois.
SYLVIA    Et ?
MAX    Et comme d’hab ! Rien ! Enfin, rien pour moi. Mais est-ce étonnant quand on a aucune compétence, aucune qualification et aucune aptitude ? 
SYLVIA    Arrête de te dévaloriser. Et puis la roue tourne.
MAX    Eh oui, la roue tourne ! Le problème c’est que moi, je tourne avec. Résultat, je ne suis jamais du bon côté.
SYLVIA    Bon, allez stop ! Assez pour ce soir. Là, j’ai deux options : soit me suicider tout de suite, soit boire un verre. Je fais quoi ?
MAX    Je te sers un verre ! Tu veux quoi ? (il ouvre le meuble bar) On a un fond de whisky ou alors… c’est tout. Tu préfères quoi ?
SYLVIA     Ca m’ira très bien. On partage ?
MAX    Euh non ! Vu ce qu’il reste ! Tu ne vas pas te noyer dans le verre. Tiens à propos, le propriétaire est encore passé pour réclamer les deux loyers de retard. J’ai laissé un message à mon éditeur pour avoir une avance mais je n’y crois pas trop. Et puis il y a aussi une énième relance de l’EDF qui menace de nous couper l’électricité. Et pour finir, Monsieur Mignard, notre cher banquier, a appelé. Devine pourquoi.
SYLVIA    Bon, ça y est tu en as fini avec les litanies ? Alors à moi de parler.
MAX    Aïe !
SYLVIA    D’abord, je suis passé chez le propriétaire et j’ai réglé nos dettes. J’ai même payé un mois d’avance. (Il veut intervenir mais elle le coupe) Chut ! Ensuite, dès demain je régulariserai la situation avec EDF, et pour terminer, je passerai voir ce cher monsieur Mignard pour boucher le trou, ce qui devrait en même temps lui clouer le bec. Voilà, je crois n’avoir rien oublié. 
MAX    (après un temps) Tu es devenue experte en fausse monnaie ! Je t’adore ! Quand tu seras en prison, je promets de venir te voir au moins une fois par semaine.
SYLIVIA    Ah ! Tu retrouves le sens de l’humour, j’aime mieux ça.
MAX    Alors arrêtons de nous marrer deux secondes, et explique-moi !
SYLVIA    (levant son verre) Je suis très fière et très heureuse de t’apprendre que je viens de signer un contrat pour un rôle. Oh, pas le rôle du siècle mais un des deux rôles principaux  dans une pièce de théâtre. J’ai demandé, et obtenu, une avance sur mon cachet. Et voilà ! Ca va nous permettre de survivre quelques temps. Respirer un peu. (Il ne réagit pas) Eh bien, ça n’a pas l’air de te faire plaisir ?
MAX    Si, si ! Bien sûr, je suis très heureux pour toi, mais voilà, encore une fois, c’est toi qui nous sors de la merde. Raté et entretenu. Belle réussite !
SYLVIA    Bon, ça suffit maintenant Max. On est ensemble, on vit ensemble, on assume ensemble. (Elle vide son  verre d’un trait)
MAX        C’est vrai, je ne suis qu’un imbécile. Je devrais me réjouir pour toi et eu lieu de ça… Allez raconte ! C’est quoi cette pièce ?
SYLVIA    C’est une belle comédie. Sérieuse mais traitée avec beaucoup d’humour. C’est d’un jeune auteur qui est bourré de talent et qui promet beaucoup.
MAX    Comme quoi, il y en a ! Et ça se montera où ?
SYLVIA    Au Rideau Rouge !
MAX    (on le sent contrarié) Ah ! Le théâtre de ton ami Bernard. Je devrais sans doute dire « Merci Bernard » mais je n’y arrive pas.
SYLVIA    Je sais ! Tu ne l’aimes pas beaucoup.
MAX     Oh non, ce n’est pas que je ne l’aime pas beaucoup. Disons plutôt que… je ne l’aime pas du tout. Je n’aime surtout pas la façon dont il te regarde.
SYLVIA    Et comment me regarde t’il ?
MAX    Il connait certainement mieux la couleur de ton soutien-gorge que celle de tes yeux, si tu vois ce que veux dire. Il en bave !
SYLVIA    Ma parole, mais tu es jaloux !
MAX    Ben oui ! Je suis jaloux ! Que veux-tu, je suis de la vieille école moi. Je n’aime pas que les mecs te regardent avec trop d’insistance. Je ne suis pas partageur.
SYLVIA    Ca veut dire qu’un autre homme ne doit pas me regarder. Mais si tu veux je peux désormais, sortir en burka.
MAX    Non je ne t’en demande pas tant… et puis en même temps…
SYLVIA    Malheureusement je n’en ai pas. Mais à partir de maintenant, je ne mettrai que des pulls très amples, à col roulé bien sûr, avec un gros pantalon en velours. Et puis des grandes chaussettes en laine et trois culottes.
MAX    Non ? Tu ferais ça pour moi ?
SYLVIA    Oui, bien sûr ! Et je resterai comme ça même  pour aller me coucher.
MAX    Oh ben non ! Ici, personne à part moi ne peux te voir.
SYLVIA    Qu’est ce qu’on en sait ? Si ça se trouve, le voisin du dessus a fait des petits trous dans le plafond de notre chambre ou de la salle de bain et qu’il s’y colle l’œil tous les soirs.
MAX    Non ? Tu crois ? (il va sortir vers la porte chambre et s’arrête) Je suis bête hein ?
SYLVIA    Oui !
MAX    C’est parce que je t’aime et que j’ai peur de te perdre.
SYLVIA    Eh bien dis-toi simplement que moi aussi je t’aime.
MAX    Excuse-moi ! (Ils rient  et s’embrassent) Demain, j’irai quand même acheter un pot d’enduit à reboucher.
SYLVIA    Idiot !
On sonne à la porte
SYLVIA    Tiens ! C’est le voisin du dessus qui vient se plaindre.
MAX    Ah non ! Ca, c’est ta mère !
SYLVIA    Comment le sais-tu ?
MAX    Je reconnais la sonnette.
SYLVIA    Mais… la sonnette sonne de la même façon pour tout le monde, non ?
MAX    Ah non ! Pas pour ta mère ! Pour n’importe qui, la sonnette a un timbre, pur, agréable, léger. Quand c’est ta mère, ce n’est pas une sonnette, c’est un cri d’effroi !
(Nouveau coup de sonnette, plus insistant. Sylvia sort pour aller ouvrir)
SYLVIA     OFF  Maman ! Quelle surprise ! Entre ! 
MAX    Gagné ! Malheureusement !


ACTE 1 – scène2          MONIQUE – MAX - SYLVIA
(Monique entre avec un sac à provisions. Elle est souriante avec sa fille mais très froide avec Max)
MONIQUE    Ah vous êtes là, vous !
MAX    Bonsoir chère belle maman ! Quel plaisir de vous voir.
MONIQUE    Ne dites pas d’âneries, vous n’en pensez rien.
MAX    C’est vrai ! Bon, je vais couper le gaz sous nos restes. Je crois qu’on n’est pas prêts de dîner.
MONIQUE    Emmenez ça (elle lui tend le sac à provisions) Il y a des choses à mettre au frais. Vous saurez les reconnaître ? (Max sort cuisine en haussant les épaules)
SYLVIA    Merci maman mais il ne fallait pas.
MONIQUE    Je sais que ce n’est pas facile pour toi. Tu trimes pendant que d’autres… (Regard vers la cuisine. Max revient)
MAX    D’autres quoi ?
MONIQUE    Rien ! Je me comprends. Je préfère ne pas en dire plus. 
MAX    Eh bien moi, je préfère ne pas en entendre plus. Je vais sortir le chien.
MONIQUE    Vous avez un chien maintenant ?
MAX    Non ! C’est juste une excuse pour ne pas avoir à subir votre présence.
SYLVIA    Max !
MAX    Excuse moi ma chérie, mais je pense qu’il est préférable que je ne reste pas. Et puis ta maman a certainement plein de gentillesses à dire sur moi. Ca pourrait me gêner de les entendre. A tout à l’heure. (Prêt à sortir, à Monique)  Euh… vous ne comptez pas rester trop longtemps. Je dis ça parce qu’il est tard déjà, et à votre âge…  
MONIQUE    Oh Mon Dieu !
MAX    Mon Dieu ! Non, restons simples. Appelez-moi Max comme tout le monde. Allez à une prochaine fois belle-maman.
MONIQUE    Arrêtez de m’appeler belle-maman. Sylvia et vous n’êtes pas mariés (elle se signe) fort heureusement. 
MAX    Mais on y pense ! On y pense ! 
MONIQUE    Ne parlez pas de malheur ! Vous feriez mieux de penser à trouver un travail. 
MAX    Oui, moi aussi je vous aime.  Allez, au revoir ! (il sort)


ACTE 1 – scène 3          MONIQUE - SYLVIA

MONIQUE    Ma pauvre chérie. Comme je te plains. Vraiment je ne sais pas ce que tu trouves à ce type et pourquoi tu restes avec lui.
SYLVIA    Parce que je l’aime tout simplement !
MONIQUE    Tu l’aimes ! Tu l’aimes ! Ce n’est pas une raison, ça !
SYLVIA    Pour moi, si ! Et puis tu es de mauvaise foi avec Max. Il fait tout ce qu’il peut pour trouver du travail, mais en ce moment… Et puis il y a ses romans.
MONIQUE    C’est vrai que Môssieur est, ou plutôt se croit, AUTEUR. Il faudra juste m’avertir quand un de ses bouquins sortira en librairie parce que pour l’instant…
SYLVIA    Bon, écoute maman, tu n’apprécies pas Max et je n’arriverai pas à te faire changer d’avis, mais je n’ai pas envie qu’on finisse par se disputer. Et surtout pas ce soir. Parce que j’ai une bonne nouvelle.
MONIQUE    (joyeuse) Max part en Papouasie, seul, et pour 20 ans !
SYLVIA    Maman ! 
MONIQUE    (inquiète) Tu n’es pas enceinte au moins ?
SYLVIA    Mais non ! Ce n’est  pas le moment.
MONIQUE    Ouf ! Alors quoi ?
SYLVIA    J’ai passé une audition et j’ai décroché un rôle. Pas de la simple figuration. Un vrai rôle.
MONIQUE    Mais c’est super ma chérie ! Euh… ce n’est pas un rôle comme la dernière fois  j’espère ? Jouer une marguerite qui se fait effeuiller par une vache…
SYLVIA    C’était un spectacle pour enfants. Et puis une comédienne doit pouvoir tout jouer.
MONIQUE    Ouais ! Passons ! Et ce rôle, c’est… bien payé ?
SYLVIA    Pas mal ! Enfin ça va !
MONIQUE    C’est bien ! Il y en a un qui doit être content, il va pouvoir se reposer un peu. Il en a tellement besoin.
SYLVIA    Maman, ne recommence pas, s’il te plait !
MONIQUE     Oui, ne parlons pas de ce qui n’a pas d’intérêt. Alors, ce rôle ! Télé, cinéma, théâtre ?
SYLVIA    Théâtre ! Au Rideau Rouge pour commencer. Et si ça marche comme on l’espère, une tournée en Province n’est pas exclue. 
MONIQUE    Le Rideau Rouge, c’est bien le théâtre de ton ami Bernard ?
SYLVIA    Oui ! C’est lui qui m’a proposé le rôle.
MONIQUE    Il est bien ce Bernard. Je l’aime beaucoup.
SYLVIA    Comment peux-tu « l’aimer beaucoup » ? Vous ne vous êtes rencontrés qu’une fois et vous avez discuté à peine cinq minutes.
MONIQUE    L’instinct, l’intuition ! Il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Je l’ai tout de suite apprécié. Il est directeur de théâtre, ce qui n’est pas donné  à tout le monde. Il est plutôt bel homme, il est très sympathique.  C’est le genre d’homme qu’il te faudrait. 
SYLVIA    S’il te plait, laisse-moi choisir mon genre d’homme. 
MONIQUE    Je suis persuadée qu’il serait bien pour toi, et que si tu tentais ta chance, il ne te repousserait certainement pas, vu la façon dont il te regarde…
SYLVIA    Ah toi aussi ! Max m’a déjà dit la même chose. Alors dis-toi bien que, Bernard et moi n’avons plus qu’une relation purement professionnelle.
MONIQUE    « N’avons plus » ?...  Tu as bien dit « n’avons plus » ? Parce que… il y a eu ?
SYLVIA    Oh ! Mais tu es de la gestapo ou quoi ?
MONIQUE    « Nous n’avons plus » ! Tu l’as dit.
SYLVIA    Eh bien oui ! Puisque tu veux tout savoir. Il y a eu ! Mais ce n’est pas ce que tu penses, ne te réjouis pas trop vite. En fait, j’ai connu Bernard bien avant Max et c’est vrai qu’il se faisait très pressant. Et puis, le soir d’une première qui avait eu un bon accueil, dans l’euphorie générale, et après quelques coupes de champagne, j’ai cédé çà ses avances. Mais une fois, une seule ! 
MONIQUE    Et pourquoi une seule ?
SYLVIA    Parce que je n’étais pas amoureuse de lui. Et puis tout de suite  après j’ai rencontré Max.
MONIQUE    Ah celui là ! Il y en a qui ne sont jamais là quand il faut, mais lui il est toujours là quand il ne faut pas ! Il y en avait un à ne pas rencontrer, et il a fallu que tu tombes dessus !
SYLVIA    Mais j’en suis très heureuse.
MONIQUE     Ma fille est folle ! Ou inconsciente ! Ou les deux ! C’est désespérant ! Bon, pour en revenir à toi et à la pièce, tu sais avec qui tu vas jouer ?
SYLVIA    Je sais que le rôle masculin sera tenu par Gérard Noël. 
MONIQUE    Gérard Noël ? Mais il est… enfin je veux dire il… il n’y avait pas… mieux que lui ?
SYLVIA    Gérard a beaucoup d’expérience…
MONIQUE    Oui, dans les rôles de cinquième plan.    Ce qu’il y a de bien, c’est qu’il ne risque pas de te faire de l’ombre. Il est tellement mauvais qu’on ne remarquera que toi. 
SYLVIA    Il a tout de même joué avec  Michel Marinelli, la star du théâtre parisien. 
MONIQUE    Oh, il a « joué » ! Tu parles ! Il a juste remplacé un comédien malade, UN soir. Il devait entrer en scène avec un verre de vin, le donner à Marinelli en disant : « Voici votre verre Monsieur », et ressortir. C’est tout. Et ce benêt a réussi à se prendre les pieds dans le tapis, à renverser le verre sur la veste de Marinelli, et à bafouiller : « Pard… excu… désol… Oh merde ».
SYLIVIA    Maman, cette histoire remonte à près de 15 ans !
MONIQUE    Oui, mais de toute sa carrière théâtrale, on ne se souvient que de ça ! Avoue tout de même qu’il n’est pas très doué. D’ailleurs dans toute sa carrière, il n’a jamais eu, UN seul rôle principal. Et c’est sur lui que compte Bernard ? Mais quelle idée ?
SYLVIA    Disons,  que Bernard n’a pas vraiment le choix. Le Rideau Rouge est au bord du gouffre. Quant à Gérard Noël, plus personne ne veut de lui. Ils se sont donc associés pour co-produire la pièce. 
MONIQUE    Gérard Noël, producteur ? Il a réussi à gagner de l’argent avec ses rôles minables ? 
SYLVIA    Non, il a hérité récemment. Il profite de cet argent pour s’auto produire et avoir enfin un rôle important. Bernard, lui, profite de l’occasion pour essayer de sauver son théâtre. Pour être tout à fait honnête, ça me fiche la trouille de jouer avec lui. Mais la pièce est bonne et peut être qu’on m’y remarquera. Ca peut être bon pour la suite de ma carrière. (On sonne à la porte. Sylvia va ouvrir)
SYLVIA    OFF  Bernard ? Je ne t’attendais pas !


ACTE 1 – Scène 4    BERNARD – SYLVIA – MONIQUE

(Bernard entre. Il a un bouquet de fleur et une bouteille de champagne)
BERNARD    (voyant Monique) Oh excuse-moi, je ne savais pas que tu avais de la visite. 
SYLVIA    Peut-être te souviens-tu de maman ? Vous vous êtes déjà rencontrés.
BERNARD    (faux) Mais bien sûr ! Comment aurais-je pu oublier une si charmante personne ? (il fait un baise main à Monique, ravie) Bonsoir madame Delagarde, ravi de vous revoir.
MONIQUE    (minaudant) Très heureuse de vous revoir également monsieur.
BERNARD    Oh non, pas de monsieur, je vous en prie. Appelez-moi Bernard.
MONIQUE     Dans ce cas, d’accord Bernard. Mais faites-moi le plaisir de m’appeler également par mon prénom.
BERNARD    Entendu… euh…
SYLVIA    Monique !
BERNARD    Monique, bien sûr, je m’en souvenais (nouveau baise main puis donnant le bouquet à Sylvia) Tiens c’est pour  toi. Pour te féliciter de ta prestation à l’audition. Et ceci pour arroser cela. (A Monique) Sylvia vous à mise au courant chère Monique ? Votre fille a été éblouissante. Comme toujours devrais-je dire. Quelle présence scénique, quelle conviction dans le jeu.
SYLVIA    Tu ne trouves pas que tu en fais un peu beaucoup ?
BERNARD    Pas du tout ! Je le dis comme je le pense. Cette pièce va, j’en suis certain, être un grand succès grâce à toi. Tu vas illuminer la scène. 
SYLVIA    Je vais d’abord chercher des verres. Mais continue à dire du bien de moi, cela fera tellement plaisir à maman. (Elle sort cuisine)


ACTE 1 – Scène 5    MONIQUE – BERNARD

MONIQUE    Excusez-moi, Bernard, je me mêle peut être de ce qui ne me regarde pas, mais Sylvia m’a dit qu’elle aurait pour partenaire Gérard Noël !
BERNARD    En effet !
MONIQUE    Je ne voudrais pas être médisante mais, il n’est pas…  enfin… pourquoi ce choix ?
BERNARD    Oh, ce n’est pas vraiment un choix ! En fait, je n’avais pas le choix ! 
MONIQUE    Je sais, Sylvia m’a dit la situation de votre théâtre et qu’il sera co-producteur, mais… n’y avait-il pas moyen pour qu’il ne soit QUE co-producteur et pas comédien ?
BERNARD    C’est sa volonté et je ne peux pas aller contre ! Même si cela ne me réjouit pas ! Mais c’est ma dernière chance de sauver le Rideau Rouge. Les dernières pièces que j’ai programmées ont été un désastre. Le producteur avec qui j’étais associé avait voulu changer de registre. Pour changer, ça a changé ! Une véritable catastrophe. A la fin de la première représentation, les spectateurs ont sifflé. A la deuxième, ils n’ont même pas attendu la fin pour siffler. A la troisième, les gens sifflaient en passant devant du théâtre.  Je ne vous raconte pas les critiques de la presse. On a tout annulé.
MONIQUE    La pièce était si mauvaise ?
BERNARD    Non… enfin si ! 
MONIQUE     Quel était le sujet ?
BERNARD    La vie solitaire d’une guêpe qui voulait intégrer la vie communautaire d’une ruche.
MONIQUE    Ah oui, surprenant ! Et que se passait-il ?
BERNARD     Bien sûr la petite guêpe était rejetée par la population abeille. Alors elle déambulait de marguerite en marguerite, à butiner tristement, seule, désespérément seule. Quelque fois elle avait une aventure avec un bourdon mais qui ne s’intéressait pas vraiment à elle. C’était à la fois poétique, triste, et surtout… très mauvais.
MONIQUE    Il est vrai que, vu comme ça... 
BERNARD    En plus, les dialogues étaient très limités. L’auteur, soi-disant par crédibilité, ne souhaitait pas de vrais dialogues. C’était donc une suite de « Bzzz » ! (A jouer selon) La tristesse, cela faisait « bzzzzzzz !». L’espérance « Bzz ! ». La joie, « Bzzzz ! ». L’amour  « bzzz ! ». La déception « bzzzz ! ».La colère « Bzzzzz ! ». 
MONIQUE    Ah oui, je vois ! Et ça se terminait comment ?
BERNARD    A la fin, ne trouvant pas d’amitié auprès de ses congénères, la guêpe se rapprochait des hommes et se faisait écraser par une tapette. 
MONIQUE    Oh Bernard, on ne dit pas ce mot. Il faut dire homosexuel, ou gay, mais…
BERNARD    Hein ?... Ah non ! Ecraser par une tapette à mouche… ou à guêpe, en l’occurrence.
MONIQUE    Oh excusez-moi, j’avais cru que…  C’est en effet une pièce très spéciale !
BERNARD    C’est moderne ! 
MONIQUE    Et qu’en a dit votre associé ?
BERNARD    Que les gens ne comprenaient rien à l’art nouveau. Du coup on s’est séparé.  J’allais devoir vendre le théâtre et puis Gérard m’a fait la proposition de nous associer et j’ai accepté. Si ça ne marche pas, c’en est fini du Rideau Rouge !
MONIQUE    Avec lui dans le rôle principal, vous prenez un sacré risque !
BERNARD    Ah non, le rôle principal, c’est Sylvia ! C’est le rôle féminin qui fait toute la pièce. Le rôle principal masculin, n’est qu’un faire valoir. C’est sur Sylvia que tout va reposer.
MONIQUE    Et Gérard Noël, malgré toute son « expérience », ne s’en rend pas compte ?
BERNARD    Il est tellement imbu de lui-même qu’il ne voit qu’une chose. IL A le rôle principal masculin. Et pour lui, « masculin », veut dire « supérieur ». Vous voyez le genre.
MONIQUE    Oui, je vois ! A propos de Sylvia, puis-je vous poser une question ?
BERNARD    Mais je vous en prie.
MONIQUE    Vous la connaissez depuis  un certain temps. Vous la connaissez bien !
BERNARD    Oui en effet !
MONIQUE    Que pensez-vous d’elle ? Pensez-vous qu’elle soit heureuse ?
BERNARD    En tout cas, c’est ce qu’elle laisse à penser. Même si je sais qu’elle a, enfin qu’ils ont, des problèmes financiers. 
MONIQUE    Il profite d’elle ! Pour moi ça ne fait aucun doute !
BERNARD    Vous croyez ?
MONIQUE    Ce dont je suis certaine, c’est que ce n’est pas du tout l’homme qu’il faut pour ma fille. Elle ne peut pas être vraiment heureuse avec un type comme ça. Ce qu’il lui faudrait, c’est… (Elle est interrompue par le retour de Sylvia, avec des verres et des petits fours).
SYLVIA    Excusez-moi d’avoir été un peu longue, j’ai préparé quelques amuse-gueule. De quoi parliez-vous ? 
BERNARD    De toi bien sûr ! Et de la pièce. 
MONIQUE    Au fait, quel est le titre de la pièce ?
BERNARD    Secret ! On ne dévoile pas le titre tant que tout n’est pas finalisé, ça porte malheur.
SYLVIA    Parce tout n’est pas finalisé ? Il est peut être, alors, prématuré de boire le champagne.
BERNARD    Ne t’inquiète pas, il ne reste qu’un petit détail administratif à régler avec l’auteur, rien de problématique. Trinquons au succès de la pièce et à  ta future carrière.
(Ils trinquent quand revient Max, il est accompagné de Jean Luc et Laure)


ACTE 1 – scène 6          SYLVIA – MAX – BERNARD - JEAN LUC – LAURE - MONIQUE

SYLVIA    Laure, Jean Luc, quelle surprise ! (embrassades)
MAX    Je les ai rencontrés par hasard. On est allé boire un verre et je les ai invités à venir, (regardant Monique) histoire de me sentir moins seul. Ah mais je vois qu’il y  a aussi ce cher Bernard. Que des bonnes surprises ce soir !
BERNARD    Bonsoir Max !
SYLVIA    Vous arrivez juste au bon moment ! Vous allez trinquer avec nous. Je fais les présentations. Maman, Bernard, Jean Luc, un ami, et Laure sa petite amie.
JEAN LUC    Bonsoir. Désolé de vous déranger, mais, tu sais Sylvia, quand il y a un coup à boire, on est jamais loin.
LAURE    Oh, ne l’écoutez pas, il ne dit que des bêtises. Sylvia ! Max ne nous avait pas dit que vous aviez des invités. On ne voudrait pas déranger. On va y aller. 
SYLVIA    Mais vous ne dérangez pas du tout.
JEAN LUC    Ah ben alors si on ne dérange pas. (Il s’installe confortablement et se sert un verre) 
LAURE    Oh, Jean Luc, quand même !
MAX    Qu’est ce qu’on fête ?
MONIQUE    Pas votre retour, c’est sûr !
SYLVIA    Ah non ! Stop ! Maman, Max, je commence à en avoir plus qu’assez de vos bagarres aussi perpétuelles qu’idiotes. Laure, Jean Luc, et Bernard n’ont pas à subir vos… petites joutes verbales. Alors vous allez faire une trêve, et le premier qui la rompt, je le vire à coups de pied aux fesses !
MONIQUE    Tu ferais ça à ta mère ?
SYLVIA    Sans  hésiter ! (Max ricane) Inutile de ricaner Max, c’est valable pour toi aussi ! C’est une belle journée pour moi, alors merci de ne pas la gâcher.
JEAN LUC    Ben y’a de l’ambiance ici ! Bon, ce n’est pas tout ça, on cause, on cause mais… Ca fait soif.
LAURE    Oh  celui là ! (elle lui donne une petite tape sur le bras)
JEAN LUC    Alors qu’est ce qu’on arrose ?
MONIQUE    Le futur succès de la pièce que va jouer Sylvia, dans le théâtre de Bernard ! Le fameux Rideau rouge.
JEAN LUC    (levant son verre, imité par les autres) A Sylvia ! A Bernard ! Au rideau rouge ! Et à votre bonne santé !
LAURE     Moi, j’aurais toujours aimé faire du théâtre, mais je n’y arriverais pas. 
JEAN LUC    Pourtant, je peux vous assurer qu’elle a des talents de comédienne.    « Oh non, pas ce soir, j’ai la migraine »
LAURE    Oh t’es bête ! Ne l’écoutez pas, il ne dit que des bêtises.
JEAN LUC    Mais je déconne. En fait, de ce côté là… elle est insatiable.
LAURE    Oh ! Tu vas me faire passer pour quoi ? (revenant à Bernard) En tout cas, je ne pourrais pas monter sur une scène.
BERNARD    Vous pourriez essayer d’intégrer une troupe d’amateurs cela vous aiderait à surpasser votre… 
JEAN LUC    Coinçage !
BERNARD    Timidité !
LAURE    Vous croyez ? Oui, peut être… 
JEAN LUC    Ben c’est ça, donnez lui de bonnes idées. Faire du théâtre ? Et puis quoi encore ! J’en ai déjà vu du théâtre. Ils s’embrassent, ils se tripotent. D’ailleurs, Max, je ne sais pas comment tu fais pour accepter ça.
SYLVIA    Tu dis n’importe quoi  Jean Luc. D’abord, on ne se tripote pas et puis les baisers sont la plupart du temps, de faux baisers.
JEAN LUC    Ah ! La plupart du temps ! Ca veut dire, pas tout le temps ! Alors j’te raconte pas ce qui doit se passer en coulisses.
SYLVIA    Mais il ne se passe rien en coulisses. Tu parles de ce que tu ne connais pas.
LAURE    Ah, vous voyez, il ne dit que des bêtises.
JEAN LUC    C’est vrai que je n’y connais rien mais n’empêche que… En tout cas, toi, pas question que tu ailles te faire tripoter dans les coulisses.
MONIQUE    Allez, allez, calmez-vous. Croyez-vous que Sylvia ferait ce travail si cela se passait comme vous dites ? (On entend une petite musique.)
MAX    Ah un message. Excusez-moi (Max va à son ordinateur et lit le message) L’enfoiré !
SYLVIA    Qu’est ce qu’il y a mon chéri ?
MAX    C’est mon éditeur. Il refuse ce que je lui avais demandé. Ecoute ça : « J’ai l’honneur et le plaisir de vous accorder l’avance que vous avez demandée.  Le calcul est simple, une avance sur 0 cela fait 0. Ravi d’avoir pu répondre favorablement à votre demande ». Et regarde comment il a écrit ça. En caractères énormes, des fois que je ne les vois pas. Vous avez déjà remarqué  que les gens, qui vous envoient un email pour vous engueuler, le font toujours en gros caractères. Comme si la taille des caractères allait changer quelque chose au contenu du message. Eh bien je vais lui répondre ! (il tape en commentant)  « Pas la peine d’écrire aussi gros, je ne suis pas sourd ».
JEAN LUC    Ah ah ah ! Elle est bonne celle là !
BERNARD    C’est vrai que vous ne manquez pas d’humour.
MONIQUE    En attendant, ce n’est pas ça qui remplit le frigo. Et c’est encore ma fille qui va régler les dettes et boucher le trou de monsieur.
MAX    Vous savez ce qu’il vous dit mon trou ?
SYLVIA    Ah non ! Stop ! 
LAURE    Jean Luc, on devrait peut-être y aller. Il se fait tard.
JEAN LUC    T’es pressée ?
LAURE    Je dois me lever tôt demain.
JEAN LUC    Il est à peine 21 h. T’es chiante…  Je n’ai jamais vu une fille de son âge se coucher aussi tôt. Euh… Dis, tu as mal à la tête là ?
LAURE     Non, pourquoi ?
JEAN LUC    Alors on y va ! Messieurs dames, ça a été un  plaisir de vous rencontrer. Sylvia, merci pour le verre, et on est de tout cœur avec toi. J’aime pas le théâtre mais on viendra voir la pièce pour t’applaudir. Max, à bientôt. Messieurs dames, au plaisir. (A Laure) Alors tu viens toi. Dépêche, avant que ta migraine ne te reprenne.
LAURE    Eh, une seconde, laisse-moi dire au revoir ! (ce qu’elle fait) 
JEAN LUC    (Avant de sortir) Eh ! Vous savez quoi ? Ce soir je vais être riche. (En riant) Parce que ce soir je vais… rouler sur Laure ! Hein ! Elle est bonne aussi celle là non ? 
LAURE    Oh qu’il est bête ! 
JEAN LUC    (riant toujours) Rouler sur Laure ah ah ah ! Note-là Max, ça peut servir. Allez tchao !
MAX    Je vous accompagne au parking. (Ils  sortent)


ACTE 1 – scène 7          BERNARD – MONIQUE - SYLVIA

BERNARD    Un peu spécial votre copain ! Et puis elle, elle semble très jeune, non ? 
MONIQUE    Sans vouloir être médisante, ils ne vont pas du tout ensemble. 
SYLVIA    Jean Luc est un vieux copain de Max. Quant à Laure, en effet, elle est beaucoup plus jeune que lui. Ils ne sont ensemble que depuis quelques semaines. Jean Luc venait de se faire larguer, il se consolait dans un bar, il l’a vue, et il a flashé sur elle. Elle venait d’arriver à paris, et elle logeait à l’hôtel le temps de trouver un appart.  Il lui a proposé de l’héberger… et voilà.
MONIQUE     Qu’est ce qu’elle peut bien lui trouver ? 
SYLVIA    On s’est souvent posé la question, sans jamais trouver la réponse. C’est le mystère Jean Luc. Il n’a en apparence rien d’attirant, mais il a un nombre de conquêtes féminines assez impressionnant.
BERNARD    Il est riche ? Ca pourrait expliquer !
SYLVIA    Il gagne très bien sa vie mais on ne peut pas dire qu’il soit riche. Le plus étonnant c’est que toutes les femmes qu’il nous a présentées, semblaient réellement être amoureuses. Le mystère Jean Luc !
MONIQUE    Après tout, si ça marche comme ça, tant mieux pour eux ! Allez, Je vais rentrer moi aussi. Bernard, ce fut un plaisir de vous revoir.    A bientôt ma chérie. 
SYLVIA    Au revoir maman. (Monique sort)
BERNARD    Tout à fait charmante, ta maman ! Max et elle n’ont pas l’air de s’apprécier beaucoup.
SYLVIA    C’est le moins qu’on puisse dire. Ils ne se supportent pas.
BERNARD    (se rapprochant) Ma pauvre Sylvia ! Ta vie n’est pas des plus simples. Tu sais que si je peux faire quelque chose…
SYLVIA    Merci Bernard. Tu as déjà fait beaucoup avec ce rôle et en m’accordant cette avance.
BERNARD    Ce n’est rien ! (il se rapproche encore) Ce que je voulais dire, c’est que si tu as besoin de soutien… moral, je suis là.
SYLVIA    Pourquoi penses-tu que j’aie besoin de soutien moral ?
BERNARD    Il me semble que… ta vie pourrait être… bref, je pense  comme ta maman, que Max, même si je ne le connais pas beaucoup, ne semble pas être celui qui puisse te donner la vie dont tu as envie.  Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais… (Il est très près d’elle)
SYLVIA    (se défilant) En effet, cela ne te regarde pas. Excuse-moi d’être aussi directe mais, comme tu l’as dit, tu ne connais pas Max. Et puis que sais-tu de la vie dont j’ai envie ?
BERNARD    Je ne crois pas que, qui que ce soit, ait envie d’une vie de galère, non ? Nous nous connaissons depuis pas mal de temps et je ne suis pas aveugle. Tu n’es pas heureuse. Pas comme tu le mérites en tout cas. Tu sais que je…
(Il est interrompu pas le retour de Max)


ACTE 1 – scène 8          MAX – BERNARD - SYLVIA

MAX     Vous êtes encore là Bernard ? 
BERNARD    Je m’apprêtais à partir. Je ne veux pas vous déranger plus longtemps. (Il se lève)
MAX    Oh mais vous ne dérangez pas. Vous avez certainement à discuter de la pièce avec Sylvia. Et puis ce sera l’occasion de faire mieux connaissance, vous et moi. 
BERNARD    Une prochaine fois avec plaisir. Il se fait tard.
MAX    ASSIS !!! (Bernard s’exécute, pas rassuré)
BERNARD    Oui !
SYLVIA    Oh Max !
MAX    (Riant) Je déconne ! Vous y avez cru hein ? Je vous ai fait peur, avouez-le !
BERNARD    Un peu oui !
SYLVIA    Excuse-le Bernard ! C’est un des jeux favoris de Max. Un vrai gosse.
BERNARD    (pas vraiment rassuré) Ah, c’est un jeu ! On a tous gardé un côté un peu gamin, n’est ce pas ? Et vous avez beaucoup de jeux comme ça ?
MAX    Un autre que j’aime bien c’est le « Et puis en même temps … ». Vous connaissez ?
BERNARD    Euh non ! Vous savez je ne suis pas très joueur.
MAX    C’est simple ! Il suffit, quand vous dites quelque chose, de rajouter, avec la tête de circonstance : « Et puis en même temps… » . Vous voyez ?
BERNARD    Non, pas bien !
MAX    En fait, le «et puis en même temps…» contredit, ce que vous venez d’affirmer… Par exemple : « Bernard, vous avez une très jolie veste…»
BERNARD    Je vous remercie…
MAX    Et puis en même temps…
BERNARD    … En même temps, quoi ?
MAX    Rien ! Justement ! C’est ça le jeu ! Juste « et puis en même temps » Ca laisse le doute. Ca peut aussi bien vouloir : «Je dis ça, mais je n’en pense rien » ou « Mais elle ne vous va pas du tout » ou encore « faut oser porter ça ». Bref, ça peut tout dire. C’est l’imagination de votre interlocuteur qui fait le reste. Et en général, il imagine le pire. C’est ça, qui est drôle !
BERNARD    (pas convaincu)… Ah oui, c’est très drôle en effet. Personnellement, je préfère les jeux plus classiques mais bon, chacun son truc, hein ? (se levant) Eh bien, sur ce, je crois que je vais vous quitter.
MAX    Mais non, restez ! On apprécie beaucoup votre compagnie… et puis en même temps…
BERNARD    … ? Ah oui, ça y est j’ai compris ! C’est en effet très drôle. Il est temps de…
MAX    ASSIS !!! (Bernard se rassoit) Ah ah ah ! Ca marche à tous les coups avec lui.
SYLVIA    Arrête Max. Ce pauvre Bernard ne sait plus où il en est.
BERNARD    Ah, c’était encore pour rire. Décidément, vous ne devez pas vous ennuyer les soirs. 
SYLVIA    Allez, pour nous faire pardonner, on te garde. Tu vas dîner avec nous.
MAX    Des restes de restes re-re-réchauffés, ça vous ira ?
SYLVIA    Max, on ne va tout de même pas offrir à Bernard un vieux reste de gratin. Je dois pouvoir faire autre chose avec ce que maman a apporté.
MAX    Super ! Et puis si on ne mange pas tout, ça nous fera des restes tout neufs.
Sylvia sort cuisine sous l’œil de Bernard, lui-même sous l’œil de Max.

ACTE 1 –scène 9    MAX – BERNARD - SYLVIA

MAX    Comment vous la trouvez ?
BERNARD    Hein ?... Qui ?
MAX        Sylvia ! Pas la table de cuisine !
BERNARD    C'est-à-dire que…
MAX        Ah ça c’est la question piège, hein ! C’est le genre de question à laquelle on n’ose pas répondre si on ne connait pas bien le type qui vous la pose. Si on répond qu’on la trouve jolie ou charmante, cela peut vouloir dire qu’on la désire. Dans ce cas, si le type est un jaloux excessif, il peut très bien vous casser la figure. Et si l’on répond l’inverse, le type vexé peut, aussi, vous casser la figure. Dans un cas comme dans l’autre, on n’est pas sûr dans sortir indemne.
BERNARD    … C’est encore un de vos jeux ?
MAX    Non, non, c’est très sérieux !
BERNARD    Alors, vous dans ce cas là, vous, vous répondez quoi ?
MAX    Moi, je dis toujours la vérité !
BERNARD    Vous prenez des risques alors !
MAX    Limités ! Parce que j’ai un gros avantage.
BERNARD    Ah lequel ?
MAX    (en riant) Je cours très très vite.
BERNARD    … Décidément, vous avez beaucoup d’humour.
MAX    Quand on peut rire un peu, il ne faut surtout pas s’en priver. Vous voulez boire un petit whisky ?
BERNARD    Volontiers oui !
MAX    (ouvre le bar vide)… Ah ! Heu… vous n’auriez pas une bouteille de whisky sur vous, par hasard ? Je crois qu’on est un peu à sec.
BERNARD    Ca ne fait rien ! Un verre d’eau m’ira très bien.
MAX    Je vais voir en cuisine si on ne nous l’a pas encore coupée (il sort)
BERNARD    Comment peut-on vivre avec un type comme ça ?
Retour de Max avec un verre d’eau.
MAX    Alors dites-moi Bernard, cette pièce, comment se présente-t-elle ?
BERNARD    Bien… enfin je l’espère. Il le faut. Je pense que Sylvia vous a expliqué.
MAX    Oui, dans les grandes lignes ! Ca va marcher. J’en suis sûr… et puis en même temps…
BERNARD    … ? Ah oui, votre jeu, c’est vrai. J’ai quelques fois du mal à vous suivre. Mais et vous ? Où en êtes-vous ? Un nouveau roman en préparation ? Il parait que ce que vous faites est très bien d’après Sylvia… et puis en même temps…
MAX    (riant) Eh bien vous voyez, vous apprenez vite ! Pour en revenir à votre question, je crois que je ne suis pas fait pour l’écriture. Je n’arrive à rien. En fait, je cherche du boulot. N’importe quoi ! A propos, vous n’avez besoin de personne au théâtre ? Un régisseur, un machiniste, un balayeur. Je fais un très bon café. C’est même la seule chose que je sache faire. Ca, et puis froisser du papier. Mais, froisseur de papier, ça ne mène pas loin.
BERNARD    Désolé, mais en ce moment, je n’ai pas les moyens d’embaucher quelqu’un. Pourtant vous avez, je crois, écrit un bouquin qui a eu son petit succès, non ?
MAX    Oh, un gros coup de chance ! Il se trouve qu’un célèbre critique littéraire est tombé sur mon bouquin par hasard. Il l’a aimé, et a fait un article qui a valu au roman une belle publicité. Mais depuis, plus rien. Des bides monumentaux. Non, en fait je me rends bien compte que je n’ai aucun talent d’auteur. 
BERNARD    Vous me semblez avoir beaucoup d’imagination et… d’humour. N’avez-vous jamais cherché à explorer d’autres pistes que le roman. Ecrire dans un autre registre ? 
MAX    C'est-à-dire ?
BERNARD    Pour le théâtre par exemple. L’imagination et l’humour sont des qualités d’auteur de théâtre. Ca ne fait pas tout, bien sûr, mais c’est déjà un bon début.
MAX    Ah bon, vous croyez ?... Non, je ne saurais pas faire ça. Le théâtre, ce ne sont que des dialogues.
BERNARD    Pas d’accord ! C’est d’abord, une histoire, une intrigue, une situation, des personnages, et ensuite des dialogues. L’art de l’auteur étant d’assembler toutes ces pièces comme un puzzle afin que la pièce soit cohérente et vivante. Vous aimez écrire, c’est évident. Qu’est ce que vous risquez d’essayer ?  Et puis, qui sait, peut-être un jour une pièce de votre plume sera à l’affiche du Rideau Rouge. Et pourquoi pas avec Sylvia dans le rôle principal ?
MAX    (Rêveur) Ah oui ! Ca me plait bien, ça ! Vous imaginez comment ça clouerait le bec à sa mère.  Alors ça, c’est une vraie motivation ! (Retour de Sylvia) Au point où j’en suis, je ne risque rien d’essayer.
SYLVIA    C’est prêt ! Nous pourrons passer à table. Essayer quoi ?
MAX    Bernard me conseillait de tenter d’écrire une pièce. Bonne idée, non ?
BERNARD    Je pense à ça, parce que, moi-même, en ce moment, j’en écris une.
SYLVIA    Tu te lances dans l’écriture ? Je ne savais pas.
BERNARD    Plutôt que de produire les pièces des autres, si je pouvais produire mes propres pièces, cela me ferait faire des économies.
MAX    Et ça parle de quoi ?
BERNARD    Désolé Max, c’est top secret. Tant que ce n’est pas terminé, mieux vaut ne pas dévoiler ses idées.
SYLVIA    Pour ne pas risquer de se les faire piquer !
BERNARD    Exactement !
SYLVIA    Allez venez, ça va refroidir (elle sort)
MAX    Sans dévoiler vos secrets, seriez-vous d’accord pour conseiller un auteur débutant ?
BERNARD    Mais bien entendu ! 
MAX    Merci Bernard !... Tiens, je ne pensais pas dire cela un jour. Allez passons à table !
BERNARD    Je fini mon verre et j’arrive. (Max sort) Bien joué Bernard ! Tu as fait baisser sa garde à cet imbécile de Max en l’appâtant, ne reste plus qu’à attirer la sirène dans tes filets. Trop fort Bernard !

NOIR        

ACTE 2 – scène 1          SYLVIA - MAX

 Sylvia sort de la chambre. Elle est habillée pour sortir. Max sort de la cuisine.
SYLVIA        J’y vais ! Souhaite-moi bonne chance pour cette première répétition.
MAX        Je suis sûr que tout va très bien se passer.
SYLVIA        Je n’en n’ai pas dormi de la nuit. D’ailleurs toi non plus tu n’as pas beaucoup dormi !
MAX        J’ai beaucoup réfléchi à ce que m’a dit Bernard. Je crois que je vais suivre ses conseils.
SYLVIA    Bonne idée. A ce soir ! (elle l’embrasse et sort).  
MAX    (S’installant à son bureau) Allez, c’est parti ! Attention M’sieurs dames, voici les premiers mots de la pièce du siècle. Alors… (Il n’écrit rien)… Euh… (Idem)… Allez hop !... (Même chose)… (Il se lève et commence à tourner en rond) Faudrait  déjà que je trouve un sujet… 
NOIR COURT    Debout vers le bureau. Bloc-notes et stylo en main.
Non, c’est nul ça ! (il déchire la feuille, la froisse et la jette dans la poubelle)
NOIR COURT    Max, dans la pièce, tourne  en rond.
     Ah ! Peut-être que…  Non, c’est archi nul ! (papier idem.  La corbeille est pleine de papiers froissés)
NOIR COURT    Il est assis dans le canapé et réfléchit. Quelques feuilles froissées sur la table basse.
    Ca, ça ne vaut rien ! 
NOIR COURT    Il est couché sur le dos,  fait un avion en papier qu’il lance.
    Eh hop ! Encore une idée nullissime qui s’envole !... (Il se lève énervé) Enfin quoi ! Je vais quand même bien finir par trouver un truc. 
Sylvia rentre.

ACTE 2 - scène 2          SYLVIA - MAX

SYLVIA    Hello, c’est moi !
MAX    Tu as oublié quelque chose ?
SYLVIA    Non pourquoi ?
MAX    Qu’est ce qui se passe ? La répétition est annulée ?
SYLVIA    Hein ? Mais non ! Ca s’est même très bien passé.
MAX    C’est déjà fini pour aujourd’hui ?
SYLVIA    Comment ça, «déjà fini » ? Cinq heures de répétition dans l’après midi, tu trouves que ce n’est pas assez ?
MAX    Cinq heures ! Mais il est quelle heure ?
SYLVIA    18 h 30 ! 
MAX    18 h 30 ! J’ai rien vu de l’après midi ! 
SYLVIA    Tu devais être trop absorbé par ton texte, c’est bon signe ! Alors, combien de pages ?
MAX    Presque un bloc complet !... A la poubelle ! Mais concrètement, rien ! Je n’ai même pas réussi à trouver un sujet original. J’ai l’impression que tout a déjà été fait.
SYLVIA    Mais… mais tout a été fait. Qu’est ce que tu croyais ? Que tu allais trouver un sujet inédit, jamais exploré, jamais exploité ? Dans ce cas, tu serais un véritable génie, mon chéri.
MAX    Ce qui n’est pas le cas, je sais !
SYLVIA    Ecoute Max, ce n’est pas le sujet qui est important, mais la façon de le traiter. C’est là que tu trouveras l’originalité. Parce que tu vas l’écrire avec tes mots, tes sentiments, ton humour, avec ce qu’il y a en toi.
MAX    Tu as sans doute raison !  Et toi alors, comment ça s’est passé ?
SYLVIA    Répétition de mise en place, on prend nos marques. C’est Bernard qui doit assurer la mise en scène, mais en fait Gérard dirige tout. Il est insupportable ce type. Par contre l’auteur n’était pas là. C’est dommage ! Ca aurait intéressant de savoir comment, lui, en écrivant, avait vu les choses.  
MAX    Certainement !
SYLVIA    Ah ! J’ai une nouvelle qui va te faire plaisir. Maman viendra diner avec nous ce soir. Elle amène le dessert. 
MAX    Super ! Je te parie qu’elle va  apporter un Paris-Brest.  Elle sait que j’ai horreur de ça.
SYLVIA    Dis… j’aimerais bien que, pour une fois, ce ne soit pas la guerre entre vous et qu’on passe une soirée sympa. Alors si tu pouvais faire un petit effort… 
MAX    Moi je veux bien ! Mais ça va surtout dépendre d’elle. 
SYLVIA    Je sais qu’elle ne t’épargne pas, mais, s’il te plait, fais comme si de rien n’était et ne  réponds pas à ses provocations…
MAX    Je te promets de faire mon Max…imum.
SYLVIA    Merci ! En attendant, je vais me délasser dans un bon bain. J’ai le temps avant qu’elle n’arrive. (Elle l’embrasse et va sortir chambre) Essaie de te remettre à ton texte. Cherche un sujet simple. Sers-toi de ce qui se passe autour de toi. (Elle sort)
MAX    OK ! (Il reprend son bloc-notes) Alors, un sujet simple !... On dirait que c’est un homme… un homme qui… qui quoi ?... Et puis pourquoi ce serait un homme ? Ca pourrait être une femme… Oui, c’est une femme… une femme qui… D’un autre côté, il n’y a pas de raison pour que ce soit plus l’un que l’autre… Alors c’est un couple. Ca c’est bien un couple. Ca fait deux personnages et c’est mieux pour les dialogues. Donc un couple… qui… Me servir de ce qui se passe autour de moi… Ben ! Il ne se passe pas grand-chose…  Une femme adorable qui prend un bain, seule, pfff !... Une belle-mère chiante qui va arriver… Ah ça, je garde la belle-mère chiante, ça peut servir. C’est d’ailleurs bien la première fois qu’elle servira à quelque chose. Donc, la belle-mère chiante vient dîner. Elle apporte un Paris–Brest…  Alors le mec la tue parce qu’il n’aime pas ça…. Oui, ben avec ça on ne va pas loin. Et en plus ce n’est pas drôle… sauf s’il la tue en l’étouffant avec le Paris-Brest. 
Le téléphone sonne. Il va décrocher.
MAX    Allô ?... Ah salut Jean Luc, quoi de neuf ?... Quand ?... Ah non pas ce soir, on a déjà du monde… Pour ?... Non !... Eh bien disons dimanche, comme ça Sylvia sera dispo… OK !... alors dimanche, chez vous. Ca roule. Salut Jean  Luc !
SYLVIA OFF    C’était qui ?
MAX    Ta mère ! Elle aura un peu de retard, elle s’est faite renversée par un bus.
SYLVIA    (couverte d’une serviette) Quoi ? C’est grave ? 
MAX    Apparemment le bus n’a rien ! (tête de Sylvia) Mais non je déconne, c’était Jean Luc.
SYLVIA    Oh t’es con ! T’es vraiment con quand tu t’y mets !  La trouille que j’ai eue ! T’es vraiment un sale con ! (elle ressort) 
MAX    Désolé ! Je te demande pardon ! (il reprend son cahier) Possibilité : (il écrit)  La belle mère se fait renverser par un autobus… Le Paris-Brest est foutu… mais pas la belle-mère…  Euh non ! La belle-mère est foutue, mais le Paris –Brest est intact. Ouf !
SYLVIA OFF    Qu’est ce qu’il voulait Jean Luc ?
MAX    Il nous invite dimanche. Il parait que Laure s’est inscrite dans un cours de théâtre et elle voudrait que tu lui donnes des conseils. 
SYLVIA OFF    (Elle reviendra habillée) Houlà ! Et Jean Luc est d’accord ?
MAX    Il n’avait pas l’air enchanté.
SYLVIA    C’est bien, elle ne se laisse pas faire la petite. Mais à mon avis, ça ne durera pas longtemps entre eux. Comme avec les autres d’ailleurs. Il faut pouvoir le supporter. C’est lui qui décide de tout. Ce qu’ils font, où ils le font, comment ils le font. Si elle donne son avis, ça ne va pas. C’est toujours lui qui a le dernier mot. Et puis, il faut dire ce qui est, c’est quand même un beau salaud. Il lui faut absolument une nana qui vive avec lui, jeune de préférence, mais à côté de ça, il ne se prive pas pour aller voir ailleurs. Par contre, il est, lui, d’une jalousie maladive. Il doit savoir en permanence, ce qu’elle fait, où elle est, avec qui. Le seul moment où il n’est pas sur son dos, c’est quand elle travaille. Et je suis certaine qu’il l’appelle vingt fois dans la journée. 
MAX    Mais là, j’ai l’impression qu’il est vraiment amoureux de Laure. D’ailleurs il me l’a dit !
SYLVIA    Alors dans ce cas, c’est un grand malade. Parce que même amoureux, ça ne l’empêche pas de….
MAX    C’est vrai, qu’il y aurait du boulot pour une armée de psy !
SYLVIA    Tu sais ce qu’il est ? Un PPI !
MAX    Un quoi ?
SYLVIA    Un PPI ! Prédateur Prévoyant Inquiet. Prédateur : Il ne peut pas s’empêcher de chasser les filles ! Prévoyant Inquiet : parce qu’il lui faut sa réserve de chair fraiche dans sa tanière, au cas où il ne trouverait rien à l’extérieur. Voilà ! PPI !
MAX    Je ne connaissais pas ! Moi, j’aurais plutôt dit un GB !
SYLVIA    GB ?
MAX    Gros Baiseur ! 
SYLVIA    T’es bête ! Tu crois que Laure est amoureuse de lui ?
MAX    J’espère que non, mais j’ai bien peur que oui ! Si elle l’est, elle va souffrir le jour où elle apprendra ce qu’il fait…  Je crois que si j’apprenais ça, de toi, je deviendrais fou !
SYLVIA    L’amour à en perdre la raison ! (Long silence où Max fixe Sylvia)…Quoi ? Qu’est ce que j’ai dis ?
MAX    Ma chérie, tu es géniale ! Grâce à toi, je viens de trouver le sujet de ma pièce, et même le titre. 
SYLVIA    Vas-y explique !
MAX     Non, c’est encore trop tôt. Il faut que ça murisse. Et puis, rappelle-toi ce qu’à dit Bernard. Un auteur ne dévoile pas ses secrets. Mais je sens que je tiens quelque chose.
On sonne à la porte.
MAX    Ah ! Ta mère ! 
SYLVIA    Déjà ? Tu te rappelles ? Zen !
MAX     Promis !
Sylvia va ouvrir

ACTE 2 – scène 3          SYLVIA – MONIQUE -  MAX

Monique porte une robe très colorée.
SYLVIA    Bonsoir maman.
MONIQUE    Bonsoir ma fille. Alors, ta première journée ? Comment ça s’est passé ?
SYLVIA    Tu sais, ce n’était qu’une première répétition de mise en place. Mais dis-moi, tu es en avance, je n’ai encore rien préparé.
MONIQUE    Eh bien on va s’en occuper. Comme ça, tu pourras me raconter. Ah au fait, voilà le dessert (regardant Max) Un Paris-Brest !
MAX    Je sais ! (A Sylvia) Tu vois, ce n’est pas moi qui commence. 
MONIQUE    (fausse) Ah oui, c’est vrai, vous n’aimez pas le Paris-Brest, j’avais oublié. Oh je suis désolée. 
MAX    (Il sourit et à Sylvia) Tu vois, je reste zen.
SYLVIA        Merci ! (elle  l’embrasse)  Tu viens maman ?  (Sylvia sort cuisine, Max fixe Monique)
MONIQUE    J’arrive ! Pourquoi me regardez-vous comme ça ? Quelque chose qui ne va pas ?
MAX    Non, ça va très bien ! Je vous trouve très élégante. Cette robe vous va très bien.
MONIQUE    Merci mais… 
MAX    Ces couleurs, ces tons…  Ce doit être ça qu’on appelle : ton sur… thon.
MONIQUE    Ah non, vous faites erreur, quand on dit… (Elle réalise) …Dites donc, comment écrivez-vous le deuxième « ton » ?
MAX         Avec un stylo, pourquoi ?
MONIQUE    Comment ai-je pu croire une seconde que vous me faisiez un compliment ? (elle va sortir et se ravise) Vraiment désolée pour le Paris-Brest ! Voulez-vous deux euros pour aller acheter un paquet de petit beurre ?
MAX    Non merci. C’est trop gentil. Il doit rester un yaourt périmé dans le frigo, je m’en contenterai.
MONIQUE    Vous avez raison, c’est très bon pour le transit intestinal parait-il.
MAX    Ne vous en faites pas pour ce qui est de mon transit. Rien que de vous voir…
MONIQUE    Hum ! Vous… vous… hum !!! (Elle sort cuisine)
MAX    Ha ha ha ! « Ton sur thon »  faut que je note ! Ca peut servir ! (Il va s’assoir au bureau) Et pendant que ces dames papotent, je vais commencer à écrire. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. (Il reprend un bloc et commence à écrire) Le titre : A perdre la raison ! L’histoire : Celle de Jean Luc et Laure. Les personnages principaux : Jean Luc et Laure… Mais il faudra que je change les prénoms, ils risqueraient de pas apprécier. Pour l’instant, je garde Jean Luc et Laure, ce sera plus facile. On verra après. Maintenant, il faut que je fasse une sorte de plan. D’abord poser la situation, les personnages et le déroulement.

NOIR progressif     

ACTE 3 – scène 1          MAX – JEAN LUC

Max est debout, il relit ses notes. 
MAX    Pas mal !... Pas mal du tout ! (le téléphone sonne longtemps avant que Max ne réalise)  Oh ! Qu’est ce que c’est ?... Allô ?... Salut Jean Luc, ça va ?… Sylvia ? En répétition, comme tous les jours… Bien sûr tu peux passer quand tu veux… OK, à tout à l’heure. (Il se remet à écrire quand on sonne à la porte, il va ouvrir. Entrée de Jean Luc)
MAX    Déjà ? 
JEAN LUC    En fait, quand je t’ai téléphoné, j’étais en bas.     Je voulais m’assurer que Sylvia n’était pas là. J’ai un truc à  te dire ! Je ne te dérange pas ?
MAX    C'est-à-dire que… j’étais en train d’écrire...
JEAN LUC    Ah oui, ta pièce. Ca avance bien ? C’est quoi le sujet ?
MAX    Eh bien… ça avance doucement ! Le sujet en gros, c’est : Faut-il donner priorité à la passion plutôt qu’à la raison ? La raison peut-elle mettre à mal la passion ? La passion peut-elle entraîner la déraison ? 
JEAN LUC    Ouah, c’est intello ton truc !
MAX    Je voudrais que ça pose des questions, mais le faire avec de l’humour. Et vu mes personnages, il y a de la matière.  Malgré ça, j’ai du mal avec les dialogues. Ce n’est pas si facile que ça. Mais je suppose que tu n’es pas venu pour parler de ça. Laure n’est pas avec toi ?
JEAN LUC    Non, elle est à son cours de (dédaigneux) « théâtre ». Quelle idée elle a eu de s’inscrire à ces conneries ? A quoi ça sert ?
MAX        Si elle aime ça… Et puis ça lui fait certainement du bien d’avoir une activité.
JEAN LUC    Le pire, c’est que j’ai voulu m’inscrire. Impossible, le cours était complet. Et je n’ai même pas le droit d’assister au cours en spectateur.
MAX    T’inscrire ? Mais tu détestes le théâtre ?
JEAN LUC    Ben, disons que  je voulais voir… comment ça se passait.
MAX    Oui, oui ! Dis plutôt que tu comptais surveiller Laure. Des fois qu’il se passe des trucs en coulisses.
JEAN LUC    Non ! Qu’est ce tu vas chercher ? Finalement, ça a quand même un bon côté pour moi… Ca me laisse plus de temps libre. (Fier de lui)  Justement,  faut que je te dise un truc.
MAX    … Non, ne me dis pas que…
JEAN LUC    Si !
MAX    Encore !
JEAN LUC    Quoi ? « Encore ! »
MAX    Encore une à ton tableau de chasse ! Tu en es à combien depuis le début de l’année ? Cinq ? Six ?
JEAN LUC    Eh ! Tu me prends pour un petit joueur ! Quatorze ! Et on n’est qu’en juin. Si ça continue à ce rythme, je peux battre mon record d’il y a deux ans.
MAX    Et tu en es fier ! Chasser la minette, c’est devenu ton sport favori ! Je croyais que tu étais amoureux de Laure.
JEAN LUC    Ben oui ! Je le suis ! Et alors ?
MAX    Mais tu penses au mal que ça pourrait lui faire si elle apprenait que… ?
JEAN LUC    Bah, comment veux-tu qu’elle l’apprenne ?  Je prends toutes les précautions pour que ça n’arrive pas. Tu me prends pour qui ? J’ai quand même du respect pour elle.
MAX    Du respect ! Ce qu’il ne faut pas entendre ! Tu la trompes à tour de bras…
JEAN LUC    (riant) Ce n’est pas vraiment à tour de bras !
MAX    Ouais, c’est bon, ce genre d’humour, tu te le gardes. Tu as des tas d’aventures et tu dis en être amoureux et la respecter ! On ne doit pas avoir la même conception des mots : amour et respect.
JEAN LUC    Ca y est ? Tu as fini ? Je ne suis pas venu pour que tu me fasses la morale. Je voulais te parler de Marjorie.
MAX    Je ne suis pas certain de vouloir en savoir plus.
JEAN LUC    Ouais, mais moi, j’ai besoin d’en parler. Oh mon pote, si tu la voyais ! Elle est…
MAX    Tu sais, depuis que tu me racontes tes aventures, je connais tes critères de sélection.
JEAN LUC    Eh bien figure-toi que Marjorie, elle est complètement différente des autres. Physiquement je veux dire! Oui, tu vois, j’ai décidé d’élargir…
MAX    Ton terrain de chasse ! 
JEAN LUC    Ouais ! C’est vrai, pourquoi se limiter ? 
MAX    Ben voyons ! Quand je te dis que c’est un sport pour toi !
JEAN LUC    Alors, attends que je te raconte…
MAX    Non ! Ecoute Jean Luc, tu fais ce que tu veux de ta vie, OK ! Mais je préfère ne plus rien savoir. Tu imagines dans quelle position tu me mets vis-à-vis de Laure ? Pour moi, c’est comme si je la trompais moi-même.
JEAN LUC    Ho la la la la ! N’importe quoi ! Et moi qui te croyais mon ami... Un ami, à qui je pouvais me confier…
MAX    Ah non, ne joue pas à ça ! Te confier ? Dis plutôt, te vanter ! Te glorifier de tes infidélités !
JEAN LUC    Non, non ! Me confier ! Qu’est ce que tu crois ? Que je suis sans morale ? Que je ne culpabilise pas pour Laure ? 
MAX    Tu ne vas pas oser me dire que tu en souffres !
JEAN LUC    Ben… presque ! Ce n’est pas aussi facile qu’on croit ! 
MAX    Arrête, tu vas me faire pleurer ! 
JEAN LUC    Tu sais, quand j’ai passé l’après midi avec une petite nana, et que je retrouve Laure le soir, je ne suis pas fier… Content, oui ! Mais pas fier !
MAX    Ca ne t’empêche pas de recommencer ! 
JEAN LUC    …Oui ! J’y peux rien, c’est plus fort que moi… Eh Max… tu crois que je suis un détraqué ?
MAX    Ben… Je me pose des questions.
Le téléphone de Max sonne. Il décroche.
MAX    Allô ?... Laure !...  Jean Luc ? Ah oui je l’ai vu !... Hein ?... Il devait venir te chercher et tu t’inquiètes !
JEAN LUC    (regarde sa montre) Oh merde, déjà ! (il fait signe à Max qu’il s’en va et sort)
MAX    Non, rassure-toi, il va arriver, il vient de partir… On discutait, il n’a pas vu l’heure … Oui, oui, Sylvia va bien… Et toi, ton apprentissage de comédienne ?... Tu t’éclates ! C’est super…  OK, allez à plus.  (Il retourne à son bureau) J’en étais où ?... Pourquoi, je n’arrive pas à les faire parler ? Pourtant, j’ai tout il me semble. L’histoire, le déroulement, les péripéties, les personnages,  je sais où ça va, j’ai la chute. Alors pourquoi ça veux pas venir ?... (Il secoue  son bloc) Hé ! Vous les personnages ! Vous ne pourriez pas m’aider, plutôt que d’être là, bêtement couchés sur le papier, à attendre que je vous fasse parler ? Allez ! Aidez moi ! (Il repose le bloc se prend la tête dans les mains)

NOIR PROGRESSIF COURT

ACTE 3 – scène 2          LAURE – JEAN  LUC (personnages fictifs) - MAX

Max est toujours dans la même position. Jean Luc et Laure sont derrière lui, et le regardent.
LAURE    Il dort, tu crois ?
JEAN LUC    Je sais pas. C’est pas la peine de nous appeler si c’est pour le regarder pioncer.
LAURE    Max ?... Hé, Max ?
MAX    (comme sortant d’un rêve) Hein ?
JEAN LUC    On est là !
MAX    (se retourne vivement) Vous ? Je ne vous ai pas entendus entrer. Il y a longtemps que vous êtes là ?
LAURE    Tu sais, nous, le temps…
JEAN LUC    Ben oui ! Tu nous appelles pour t’aider, on vient ! Alors maintenant qu’on est là, faudrait peut être bosser un peu.
MAX    Quoi ? Mais, je ne vous ai pas appelés ! Jean Luc tu étais là il y a un instant et toi, Laure, tu m’as appelé parce qu’il était en retard. On n’avait pas prévu de se revoir.
LAURE    Tu es déjà venu, Jean Luc ?
JEAN LUC    Non ! C’est la, première fois que je mets les pieds ici !
LAURE    J’ai l’impression, qu’il n’a pas les idées bien claires.
JEAN LUC    Ouais ! Avec un auteur comme ça, on n’est pas sortis de l’auberge. 
MAX    Qu’est ce que vous racontez ? Je n’y comprends rien ! Laure, tu m’as bien appelé, je n’ai pas rêvé ! Et toi, tu étais là quand elle a appelé.
JEAN LUC    Mais puisqu’on te dit que ce n’est pas possible !
LAURE    Ben oui, puisqu’on n’existe pas ! Enfin pas réellement.
MAX    Pardon ? Qu’est ce que c’est que ce délire ? C’est une blague ? 
JEAN LUC    Viens Laure, on se tire ! Qu’est ce que tu veux faire avec un mec comme ça ?
LAURE    Non, attends ! Il faut le comprendre aussi ! Il n’a pas l’habitude, alors c’est vrai que ça peut surprendre. Max, on n’existe, mais QUE dans ton imagination ! 
MAX    … ?
LAURE    Tu as bien fait appel à tes personnages pour t’aider ? Eh bien on est là !
MAX    (il les regarde tour à tour, puis se lève) Pas de panique Max ! Pas de panique ! Si tu es bourré, ça va passer ! Si tu rêves, tu finiras par te réveiller ! Et si tu es devenu barjot, il y quelqu’un qui va venir te faire une piqûre. Donc tout va bien !
JEAN LUC    Mais c’est pas vrai ! Il ne comprend rien ! Oh Max ! On est Jean Luc et Laure, les personnages de ta pièce !
MAX    Mais oui, bien sûr ! Vous êtes venus pour m’aider à l’écrire ! Normal ! Tous les personnages de tous les auteurs font ça ! L’auteur les appelle et hop,  ils arrivent ! 
LAURE    Max ! Ecoute-moi bien ! L’auteur, en écrivant, « voit » ses personnages. Il les imagine ! Les voit se déplacer ! Les entend parler ! C’est normal, puisque c’est lui qui les créée. Mais il peut arriver aussi, quand l’auteur est très imprégné par son désir d’y arriver et qu’il sollicite  trop son imagination, il peut arriver qu’il croit les voir réellement.
MAX    Bon ! Laure, Jean Luc, vous avez fini vos conneries !
JEAN LUC    Là, il devient lourd !
MAX    Alors, à vous croire, vous seriez la Laure et le Jean Luc de ma pièce ? Je crois vous voir et vous parler, mais tout ça c’est dans mon imagination ? Vous n’êtes pas réels ?
JEAN LUC    Voilà, il a compris ! 

ENTRACTE

ACTE 3 – scène 3          SYLVIA - MAX – JEAN LUC – LAURE

Ils sont dans la même position. Sylvia rentre, elle à fait quelques courses. Bien sûr elle ne peut pas 
voir Jean Luc et Laure.
SYLVIA    Bonsoir mon chéri ! Ca va ? (elle vient l’embrasser)
MAX     …
LAURE    C’est qui celle là ?
JEAN LUC    Sa copine !
MAX     Vous la voyez ?
SYLVIA    Quoi ?
LAURE    Oui, enfin non ! On ne la voit pas dans le sens où tu l’entends, puisqu’on n’existe pas . Mais comme on est dans ta tête, on ressent, on entend et on voit  les mêmes choses que toi.
MAX    Comme si vous lisiez dans mes pensées ?
SYLVIA    Hein ? Qu’est ce que tu dis ?
JEAN LUC    Voilà !
MAX    C’est complètement dingue !
SYLVIA    Eh Max ! Mais  qu’est ce qui t’arrive ? (elle le secoue)
MAX    Hein ? 
SYLVIA    Tu n’as pas l’air bien.
MAX    Il m’arrive un truc complètement  hallucinant !    (Sylvia pose son sac, enlève son manteau, et s’assoit)     Tu ne remarques rien ?
SYLVIA    Non !  Quoi ?
MAX    Tu ne dis pas bonsoir ?
SYLVIA    Je ne l’ai pas fait ? Je croyais pourtant ! Excuse-moi mon chéri (elle l’embrasse à nouveau et retourne s’asseoir) J’ai eu une grosse journée ! Crevée ! (Max regarde Laure, Jean Luc, et Sylvia, bouche bée) Mais qu’est-ce que tu as ? Tu es tout bizarre !
MAX    Tu ne les vois pas ?
SYLVIA    Qui ?
MAX    Laure et Jean Luc !
SYLVIA    Non, je ne les ai pas vus aujourd’hui ! 
MAX    Mais… là ? Tu ne les vois pas ?
SYLVIA    Tu es sûr d’aller bien ?
LAURE    Elle ne peut pas nous voir puisque nous ne sommes que le fruit de ton imagination. Il n’y a que toi qui puisses nous voir ! 
MAX    Je crois que je commence à comprendre ! 
SYLVIA    Tu commences à comprendre quoi ?
MAX    Je parlais à Laure !
SYLVIA    … A Laure ?... Max, tu as bu ?
MAX    Non, non ! Ecoute, il m’arrive un truc incroyable !
SYLVIA    Je ne sais pas ce qui se passe mais tu m’inquiètes sérieusement !
JEAN LUC    Bon, on n’est pas là pour vous écouter papoter. On a du boulot ! 
MAX    Mais ferme-la un peu !
SYLVIA    Pardon ?
MAX    Non, ce n’est pas à toi que je disais ça ! 
SYLVIA    Je ne vois pas à qui d’autre ! Il n’y a que nous ici, il me semble !
MAX    Non, justement ! C’est ce que j’essaie de te dire ! Laure et Jean Luc sont là. Pour que tu comprennes, Laure et Jean Luc sont dans la pièce.
SYLVIA    Je ne sais pas ce qu’il t’arrive, mais, sans vouloir te contrarier… ils ne sont pas là.
MAX    Mais pas là, là ! Pas dans cette pièce. Dans ma pièce ! De théâtre ! Celle que j’écris ! Enfin que j’essaie d’écrire.
SYLVIA    Ah parce que tu mets Laure et Jean Luc dans ta pièce ?
MAX    Oui ! Ils sont dans ma pièce mais ils sont surtout dans la pièce.
SYLVIA    Pardon ? 
MAX    Je veux dire qu’ils sont dans cette pièce… Ici… avec nous. Ils sont là !
SYLVIA    … ? Tu veux que j’appelle un médecin ?
MAX    Je t’assure ! Je ne sais pas comment l’expliquer, mais… Voilà ! Je n’arrivais pas à écrire, je leur ai demandé de l’aide et ils sont venus.
SYLVIA    Tu as demandé de l’aide à qui ?
MAX    Laure et Jean Luc ! Fais un effort aussi !
SYLVIA    Parce que tu penses que Laure et Jean Luc vont t’aider à écrire ?
MAX    Mais non ! Enfin si ! Pas les vrais, Laure et Jean Luc. Les Laure et Jean Luc de ma pièce ! Mes personnages.
SYLVIA    Tu as demandé de l’aide à tes personnages… et ils sont venus ! … ???
MAX    Oui !... Non, je ne suis pas fou ! Enfin je ne crois pas ! Je les vois, je les entends, je peux parler avec eux… (Il réalise que ce qu’il dit est incohérent) Sylvia, qu’est ce qui m’arrive ?
SYLVIA    Je crois que tu es très fatigué et que tu souhaites tellement réussir à écrire cette pièce que cela te joue des tours. Tu as des hallucinations. Tu devrais peut-être aller te reposer un peu. Pendant ce temps je vais préparer un truc à manger, Bernard doit passer avec Gérard. (Elle ramasse le sachet à provisions et se dirige cuisine)
MAX    Oui, tu as raison ! Je vais aller m’allonger un moment !
JEAN LUC    Quoi ? Tu vas t’allonger ? Non mais tu veux rire ! Et nous qu’est ce qu’on fait ? Ah il est bon, lui. Il nous appelle et il va se coucher.
SYLVIA OFF    Maman n’a pas appelé ?
MAX    (A Jean Luc) Oh ! Lâche-moi un peu les baskets !
SYLVIA    (sur la porte de la cuisine) Quoi ?
MAX    Quoi , quoi ?
SYLVIA    C’est quoi cette façon de me parler ?
MAX    Mais qu’est ce que j’ai dis ?
SYLVIA    Que je te lâche les baskets ? Max, je peux comprendre que tu sois un peu perturbé, mais je n’admettrai pas que tu me parles de cette façon !
MAX    Ce n’est pas à toi que je parlais !
SYLVIA    Ah oui, c’est vrai, c’est à Jean Luc ou à Laure, bien sûr ! (elle sort)
MAX    (à Jean Luc) Bravo ! Tu peux être fier de toi !
JEAN LUC    Ca va être ma faute ! Je te rappelle que nous sommes là, à ta demande. Mais si c’est pour se faire engueuler… 
LAURE    Calme toi ! On peut comprendre ! Ca ne doit pas être évident pour lui. Reposez-vous, mettez de l’ordre dans votre tête et après on pourra travailler.
MAX    … Oui, peut être ! C’est trop pour moi ! Je vais dormir un peu.
LAURE    Avant, vous devriez aller vous excuser !
 MAX    Oui, vous avez raison ! Heu… si je vous rappelle plus tard, vous revenez ?
LAURE    Bien sûr ! On n’est pas loin puisqu’on est… là (elle lui tapote la tête)
NOIR COURT

ACTE 3 – scène 4    SYLVIA – MAX

Pendant lequel Laure et Jean Luc s’éclipsent. Retour lumière Sylvia sort de la cuisine suivi par Max.
SYLVIA    Ecoute Max, j’ai déjà entendu beaucoup d’absurdités, mais celle là !
MAX    Je t’assure Sylvia ! Je sais que c’est dingue mais c’est la vérité !
SYLVIA    Tu te rends compte de ce que tu dis !
MAX    Oui… je sais… Ca peut paraître… Allez n’en parlons plus, j’ai besoin de repos. 
SYLVIA    Je pense, en effet, que c’est ce que tu as de mieux à faire. Je te réveille pour le dîner ?
MAX    Non ! Laisse-moi dormir. Je crois que j’en ai bien besoin. Excuse-moi auprès de tes invités ! (il l’embrasse et sort chambre)
Sylvia reste  perplexe un moment puis elle prend le téléphone.
SYLVIA    …Allô Docteur Lambourde ?... Excusez-moi de vous déranger mais j’aurais besoin d’un renseignement… Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est exactement la schizophrénie ?...  Oui… Oui…  D’accord ! Merci docteur !

ACTE 3 – scène 5          SYLVIA – BERNARD

On sonne à la porte. Elle va ouvrir, et revient suivie de Bernard.
BERNARD    Je suis un peu en avance. 
SYLVIA    Le repas n’est pas tout à fait prêt, mais ce n’est pas grave, on va boire un verre en attendant. Whisky ?
BERNARD    Ce sera parfait ! Max n’est pas là ?
SYLVIA    Non… Enfin si, mais il est très fatigué. Il dort et m’a demandé de ne pas le réveiller. Il te demande de l’excuser.
BERNARD    (ravi) Oh mais ce n’est pas grave ! (en aparté) Bien au contraire ! (à Sylvia) Il a trouvé du travail pour être si fatigué ?
SYLVIA    Non… Il écrit sa pièce… enfin il essaie !... 
BERNARD    Ca parle de quoi ?
SYLVIA    Je ne sais pas, il n’a pas voulu me dire.  A vrai dire, il m’inquiète beaucoup.
BERNARD    Quelque chose qui ne va pas ?
SYLVIA    Hé bien, ce soir, il m’a tenu des propos totalement  incohérents.  Je n’ose même pas les répéter tellement c’était surréaliste. Il prétend… que… qu’il parle avec ses personnages.
BERNARD    C’est courant. Beaucoup d’auteurs, en écrivant, disent à voix haute les dialogues de leurs personnages. Je ne vois pas ce qu’il y a d’inquiétant.
SYLVIA    Non, ce n’est pas ça !... Il prétend qu’il les voit, réellement. Qu’il les entend, qu’ils lui parlent  et il leur répond comme si ils étaient présents physiquement.   Tu comprends ? Je me demande si…
BERNARD    Si ?
SYLVIA    Non, rien ! Après une bonne nuit ça ira certainement mieux. 
BERNARD    Oui, peut-être… mais, tu sais…  Je ne voudrais pas t’inquiéter mais… Eh bien, il arrive parfois, que… pour des raisons inconnues… des personnes que l’on croit… équilibrées… comment dire… pètent les plombs. Ils perdent la raison alors que rien ne le laissait présager.
SYLVIA    Non, pas Max ! Ce doit être un gros coup de stress et de fatigue. 
BERNARD     Sylvia ! Je me fais beaucoup de soucis pour toi. Enfin je veux dire… pour ton avenir… avec lui. 
SYLVIA    Ah non, s’il te plait ! Il y a assez de ma mère pour tenir ce genre de discours ! 
BERNARD    Mais ta mère a parfaitement raison ! Je pense que tu es aveuglée par tes sentiments pour Max, mais regarde dans quelle situation vous êtes. 
SYLVIA    On a des petits problèmes financiers, mais tu sais ce que l’on dit : Plaie d’argent n’est pas mortelle.
BERNARD    Peut être mais les problèmes de couples arrivent assez souvent à cause de problèmes financiers. Quand ils deviennent trop importants,  les problèmes d’argent prennent une telle place qu’il n’y en a plus beaucoup pour le reste. Alors les sentiments s’estompent jusqu’au jour où… 
SYLVIA    Moi je pense que si le couple est vraiment solide, cela n’arrive pas ! Ils affrontent et règlent les problèmes ensemble. Cela les rapproche et les renforce encore.
BERNARD    Dans le monde des Bisounours, oui, peut être. (Il se rapproche) Sylvia, tu sais que… je tiens beaucoup à toi et que j’aimerais t’offrir autre chose que ce que tu as. (Il essaie de l’embrasser mais elle s’esquive)
SYLVIA    Non Bernard, arrête ! 
BERNARD    Excuse-moi ! Je ne sais pas ce qui m’a pris ! Oublie ça et changeons de sujet !
SYLVIA    C’est préférable ! Au fait ! Et ta pièce à toi, ça avance ? 
BERNARD    J’ai presque fini.  Je suis assez fier de moi, je pense que c’est pas mal.
SYLVIA    Tu me la feras lire ?
BERNARD    Oui, oui ! Dès qu’elle sera terminée. 
SYLVIA    A propos ! Tu ne trouves pas étrange que l’auteur ne soit pas encore venu. Il me semble que, moi, j’aimerais assister à quelques répétitions pour voir comment cela évolue. Surtout une première pièce.
BERNARD    (mal à l’aise) Euh… Oui,… enfin non…  Ca dépend des auteurs.

ACTE 3 – scène 6    SYLVIA – MAX - BERNARD

Max sort de la chambre. 
SYLVIA        Déjà réveillé !
MAX        Impossible de dormir. J’ai plein de trucs dans la tête. Bonsoir Bernard !
SYLVIA        Alors, nous pouvons passer à table. Bernard, c’est par là. (Bernard sort cuisine) Tu viens Max ?
MAX    Non merci ! Je n’ai pas très faim et puis je vais me remettre au travail
SYLVIA    Comme tu voudras ! Au fait, ça va mieux ?...  Tes personnages sont… partis ? Tu n’as plus d’hallucinations ? 
MAX    Des hallucinations ? Mais je… Euh… Oui, c’est fini, tout va bien ! Va vite rejoindre tes invités.
SYLVIA    Tu sais que tu m’as fait peur. Je me demandais si tu ne devenais pas…  (Elle l’embrasse et sort)
MAX    Comment lui faire comprendre ? On verra plus tard ! Allez ! Au boulot ! (il va au bureau, s’assure qu’il n’y a plus personne) Laure ? Jean Luc ? Vous êtes là ? Vous pourriez venir, j’ai besoin de vous.
Pendant qu’un NOIR se fait
Voix de Laure et Jean Luc Voilà, voilà ! Il suffit de demander.

ACTE 3 – scène 7          BERNARD – SYLVIA – JEAN LUC – LAURE - MAX

Max écrit.  Jean Luc et Laure sont penchés au dessus de lui. Bernard et Sylvia sortent de la cuisine.
BERNARD    Quel succulent repas, Sylvia ! Tu es un véritable cordon bleu. 
SYLVIA    C’était une recette de ma mère. Excuse-moi, je vais débarrasser. Je te laisse avec Max !  (Elle sort cuisine)
JEAN LUC    Non, c’est trop long comme phrase. C’est du dialogue et en plus ils se disputent. Faut que ce soit court et percutant.
BERNARD    Alors Max, en pleine inspiration ? (Max ne répond pas) 
MAX    (écrivant) Et si elle dit : « Jamais je ne pourrai te pardonner. Salaud ! »
LAURE    Oui, ça, c’est bien !
BERNARD    Comment ?
JEAN LUC    Alors il essaie de parler mais elle lui dit : « Ta gueule ! »
MAX    Oui ! Ta gueule !
BERNARD    Mais qu’est ce que… (Retour de Sylvia)
SYLVIA    Voilà, c’est fait ! Eh bien, Bernard, tu en fais une tête !
BERNARD    Sylvia ! Je viens de me faire insulter par Max. (La conversation entre Max et ses personnages continue. Il fait des gestes, sourit, etc.)
SYLVIA    Par Max ! Mais pourquoi ? 
BERNARD    Je ne sais pas. Je lui demandais si ça allait, et il m’a traité de salaud et ma dit « ta gueule »
SYLVIA    Mais… Max, mais qu’est ce qui te prend ?... Max ?... MAX !
LAURE    Max, je crois qu’on te parle.
JEAN LUC    Oh, c’est quand même pas facile de bosser dans ces conditions.
MAX    Hein ? Quoi ? 
SYLVIA    Qu’est ce qui te prend d’insulter Bernard ?
MAX    Moi ? J’ai insulté Bernard ? Mais je n’ai rien dit !
BERNARD    Pourtant, j’ai bien entendu : « Salaud » et « Ta gueule ».
MAX    Ah non ! Ca ne s’adressait pas à vous. C’est Laure et Jean Luc qui me conseillent.
SYLVIA    Oh non ! Tu ne vas pas encore prétendre qu’ils sont là !
MAX    Ben… si ! 
SYLVIA    Mais enfin Max, tu perds la raison !
JEAN LUC    Si on dérange, vous le dîtes !
MAX    (A Jean Luc) Mais ferme-la un peu toi !
SYLVIA    Quoi ? 
MAX    Non, c’est à Jean Luc que je m’adresse, pas à toi, ma chérie !
BERNARD    Vous êtes certain d’avoir toutes vos facultés ?
SYLVIA    Max, tu te rends compte de ce que tu dis, de ce que tu fais ? Tu te rends compte que tu es en train de perdre la tête ?  (Max baisse la tête et ne dit rien) Eh bien répond !
MAX    Mais je t’assure que…
BERNARD    Je pense que je vais vous laisser ! Vous avez des choses à régler entre vous. A demain Sylvia ! Au revoir Max !
SYLVIA    Au revoir Bernard ! Je suis désolée pour… tout ça. 
BERNARD    Pas de problème ! (avant de sortir) Je crois qu’il faut faire quelque chose, il ne va pas bien du tout dans sa tête! (Il sort)
SYLVIA    Alors Max ? J’attends des explications ! 
MAX    Vous ne comprenez pas…
SYLVIA    Ah non, ça, on ne comprend pas ! Je t’ai toujours soutenu, encouragé. Mais là, ce n’est plus supportable ! Alors je te le demande, arrête d’écrire, reviens à la raison. Redeviens Max.
MAX    Mais Sylvia, je ne peux pas arrêter ! J’ai besoin de prouver, et d’abord de ME prouver, que j’en suis capable. Je suis certain d’y arriver ! C’est en bonne voie ! D’ailleurs, mes personnages m’aident beaucoup.
SYLVIA    Oh non, je t’en prie, arrête avec tes personnages !... (Un temps) Oh et puis d’accord ! Puisque c’est ce que tu veux, vis dans ton monde, vis avec tes personnages. Mais tant que tu vivras avec eux, on ne pourra pas vivre ensemble. 
MAX    Mais Sylvia…
SYLVIA    Non, rien ! Plus rien ! J’en ai assez pour ce soir, je vais me coucher. Inutile de venir me rejoindre, le canapé est très confortable. (Elle sort)
NOIR

ACTE 4 – scène 1          MAX – JEAN LUC – LAURE – SYLVIA - MONIQUE

Max est allongé sur le canapé, sous une couverture. Il rêve et s’agite beaucoup.
MAX    Non… Il faut l’écrire… il faut l’écrire… Je ne sais pas… Je n’y arrive pas… Jean Luc, Laure ! (Jean Luc et Laure surgisse de derrière le canapé) 
JEAN LUC    Et voilà !... Ben qu’est ce qu’il fait ? Il dort ?
LAURE    Il devait être en train de rêver ! Ca doit drôlement le travailler pour être aussi agité.  Qu’est ce qu’on fait, on attend qu’il se réveille ?
JEAN LUC    Ah non, on a du boulot alors on le réveille ! MAX… EH MAX…
Sylvia sort de la chambre et s’apprête à sortir. Max se réveille.
MAX    Hein ? Quoi ? Qu’est ce que c’est ?
JEAN LUC    Allez mon gars, debout !
MAX    Mais qu’est ce que tu fais là ?
SYLVIA    Ah bon ? On se parle aujourd’hui ? Maman doit passer, on va faire les magasins. 
LAURE    Tu nous as appelés !
MAX    Mais non ! 
SYLVIA    Pardon ?
JEAN LUC    Tu devais rêver, et tu nous as appelés. Nous, on ne peut pas deviner si tu appelles consciemment ou pas.  Tu appelles, on arrive ! Allez hop au boulot !
MAX    Attends une seconde. Je vais d’abord boire un café et prendre une douche.
SYLVIA    Je n’ai pas le temps elle doit arriver d’un moment à l’autre.
JEAN LUC     Ah non ! Tu appelles, on vient, mais il faut qu’on t’attende que monsieur ait bu son café et pris sa douche. Ca devient pénible, ces allées et venues ! 
MAX    Ca va, du calme ! Je n’en ai pas pour longtemps. Tu ne vas pas m’emmerder pour dix minutes à attendre.
SYLVIA    Quoi ? Je t’emmerde maintenant ?
MAX    (réalisant que Sylvia lui parle) Hein ? Mais non, pas toi ! C’est Jean Luc qui…
SYLVIA    Ah non, ça suffit maintenant !
On sonne. Sylvia va ouvrir. Monique entre.

ACTE 4 – scène 2    SYLVIA – MONIQUE – JEAN  LUC – MAX - LAURE

SYLVIA    Bonjour Maman !
MONIQUE    Bonjour Sylvia ! Tu en fais une tête…  Je parie que c’est encore à cause de celui là !  
JEAN LUC    Alors qu’est ce qu’on fait nous ?
LAURE    On attend !
MAX    Mais fermez-la un peu vous !
MONIQUE    Comment ? C’est à moi que vous parlez de cette façon ? (Elle le gifle)
MAX    Non mais ça ne va pas ! Qu’est ce qui vous prend ? 
MONIQUE     Jamais on ne m’a parlé comme ça ! Et ce n’est pas vous qui allez commencer !
MAX    Mais je ne vous ai rien dit à vous ! 
SYLVIA    Bien sûr, ça s’adressait à tes… personnages.
MAX    Mais oui !
SYLVIA    Ce n’est plus possible, Max. Tu es en train de péter les plombs.
MONIQUE    Vous avez déjà pensé à vous faire soigner ? 
MAX    Vous ne comprenez rien ! Oh et puis merde, je vais me doucher ! (à Jean Luc et Laure) Allez, vous, tirez-vous ! (il les pousse vers la salle de bain)
JEAN LUC    Viens Laure, on s’en va ! Et on n’est pas prêts de revenir !
MAX    Vous reviendrez quand je vous le demanderai ! Vous n’allez pas me faire chier, vous non plus ! (il sort  vers la salle de bain, suivi de Jean Luc et Laure)   
MONIQUE    Et ça, ça s’adresse à qui ? 
SYLVIA    Je ne sais pas, je ne sais plus ! Je me demande si ce n’est pas moi qui deviens folle.    Je n’en peux plus ! Ca devient invivable ! Ca fait trois semaines que ça dure ! 24 H sur 24 ! 
 MONIQUE    Tu sais ce que j’en pense ! Pour moi, il est devenu complètement maboule ! Il faudrait le faire enfermer ! Tu gâches ta vie avec ce frappadingue !
SYLVIA    Mais maman…
MONIQUE    Je sais, tu l’aimes ! Eh bien si tu l’aimes, le meilleur service à lui rendre, serait de le faire soigner. Un petit séjour en psychiatrie ne peut pas lui faire de mal ! Et nous, ça nous ferait des vacances ! Et… il en est où de son… chef-d’œuvre ?
SYLVIA    Je ne sais pas ! Je ne sais même pas ce que ça raconte ! On ne se parle pas pratiquement pas ! Et surtout pas de ça ! 
MONIQUE    Très épanouissant comme relation ! Passons ! Et toi ? Les répétitions se passent bien, avec « Monsieur Grosse Tête » ?
SYLVIA    Gérard ? Une vraie calamité ! Il veut tout diriger, tout contrôler. Il faut tout faire à SA façon. Son leitmotiv, c’est : « Vis le personnage. Il faut vivre le personnage ». Ca revient toutes les deux minutes. Eh bien hier, je l’ai vécu le personnage. On avait une scène de dispute où je devais lui donner deux gifles. Il m’avait tellement exaspérée, avec toutes ces remarques, qu’au lieu de le gifler, je lui ai mis une droite en pleine face et un uppercut au menton. Résultat, arcade sourcilière ouverte, et deux dents en moins.
MONIQUE    Oh Mon Dieu ! Il devait être furieux ! Qu’est ce qu’il a dit ?
SYLVIA    Il a juste dit : « F’est bien, vous vivez le perfonnave, mais f’est peut être un peu trop », et puis il est tombé dans les pommes. Bernard l’a emmené aux urgences. C’est pour ça qu’on ne répète pas aujourd’hui. J’espère que ça va aller pour Gérard.
MONIQUE    J’aurais bien aimé voir ça !
SYLVIA    Bernard m’a appelé tout à l’heure et m’a demandé s’il pouvait passer. Il m’a dit qu’il avait une mauvaise nouvelle, mais qu’il allait arranger ça. Je suis sûre que Gérard ne veut plus de moi pour lui donner la réplique !
MONIQUE    Ne t’inquiètes pas ! Puisque Bernard a dit que ça allait s’arranger… Il saura plaider ta cause ! 
SYLVIA    J’espère ! Bon, allons nous changer un peu les idées, j’en ai bien besoin !
MONIQUE    Tu as raison ! Et puis j’ai envie d’en savoir plus sur Jean Luc et Laure, après ce que tu m’as dit au téléphone…  Quel salaud ce type ! (Elles sortent)

ACTE 4 – scène 3    MAX – JEAN LUC – LAURE (les vrais)

MAX    (sortant de la salle de bain) Plus personne ? Tant mieux ! A quoi bon essayer de leur expliquer ce qu’elles ne peuvent pas comprendre ? Alors maintenant, il parait que je pète les plombs ! Allez, n’y pensons plus et mettons nous au boulot. (Il prend son bloc-notes)  Plus que la scène finale, celle de la rupture…. Heu, Laure, Jean Luc, vous êtes là ?...  Allez, ne me laissez pas tomber maintenant, c’est presque fini !... Excusez-moi pour tout à l’heure ! S’il vous plait ! (On sonne) Oh merde, qu’est ce que c’est encore ? (il va ouvrir, Laure et Jean Luc –les vrais - entrent) Maintenant, vous arrivez par la porte et vous sonnez avant d’entrer ? C’est nouveau ça !
LAURE    Mais…
MAX    J’ai eu peur que vous ne veniez pas, après ce qui s’est passé tout à l’heure…
JEAN LUC    ??? Tu es sûr d’aller bien ?
MAX    Oui, je sais, je n’aurais pas dû m’emporter, excusez-moi ! Ce qui compte, c’est que vous soyez là ! On va pouvoir se mettre au boulot et surtout, en finir !
JEAN LUC    En finir ? 
MAX    Oui et il ne faut pas rater la fin, c’est important ! D’abord, je pense qu’il faut se remettre dans le contexte. On en est arrivé au moment de vérité, alors il faut imaginer comment vous allez vivre ce moment.
LAURE    Le moment de quoi ?
MAX    Le moment où tu apprends la vérité sur lui et forcément le moment de la rupture.
LAURE    La rupture ? La rupture de qui ?

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