La fille de personne extrait

La fille de personne                                                          Noël PIERCY

Situation de départ :       Médard habite une maison à l’écart du village. Veuf, il vit seul et a peu de contact avec l’extérieur. Seule Sophie, une voisine, lui rend visite. Délaissé par ses enfants, il souhaite les réunir pour les informer d’une chose importante. Les enfants pensant qu’il s’agit du partage des biens, appâtés par le gain, ont accepté l’invitation. Cela fait de nombreuses années qu’ils ne sont pas venus, et qu’ils ont coupé les ponts avec leur père et entre eux.

Personnages :        3 hommes 4 femmes (entre parenthèses nombre de répliques)

Médard : (169)      Le père.

Lucille : (163)         Fille ainée. Bourgeoise parisienne, parvenue et méprisante.

Jean Michel : (108)          Compagnon de Lucille. Chirurgien. N’aime pas le conflit.

Pascal : (102  )       Fils de Médard. Toutes ses entreprises finissent mal.

Audrey : (97)          Compagne de Pascal. Petite comédienne sans talent. N’a pas inventé l’eau chaude.

Aurélie : (102)       Fille cadette. Homosexuelle. Méprisée par son frère et sa soeur.

Sophie : (110)        Voisine de Médard. Elle à l’âge de ses enfants. Vit avec sa tante. Gentille mais avec du caractère.

Lieu :                         Pièce d’accueil de la maison, une sorte de salon fatigué. Dans un coin, table et chaises. Un fauteuil défraichi. Sur le dossier d’une chaise, une casquette.

Accès :                      Avant jardin, porte vers cuisine. Fond jardin, accès à un couloir qui donne, à gauche vers les toilettes et l’entrée, à droite vers les chambres. Côté cour, porte vers la salle à manger.

Prologue      Sophie  (37) – Médard (36)

La scène est vide.

Sophie OFF             Monsieur Médard !... C’est Sophie ! (Elle entre, avec deux sacs à provisions remplis.) Monsieur Médard !? (Elle sort avec les sacs vers cuisine et revient) (Médard arrive des chambres)  Ah, vous voilà ! J’ai déposé vos courses à la cuisine.

Médard                    Merci ma petite Sophie ! Je m’étais allongé un moment et je n’ai pas entendu la clochette d’entrée.

Sophie                      C’est normal, je n’ai pas sonné ! De toute façon, quand on sonne vous ne venez pas ouvrir. Vous avez entendu le résultat des élections ? C’est Sarkozy le Président.

Médard                    J’en ai rien à faire !

Sophie                      Oh vous, rien ni personne ne vous intéresse. Vous êtes un ours ! Il ne faut pas vous étonner de ne pas avoir de visite !

Médard                    Mais, ne t’en fais pas ma petite Sophie, je ne m’étonne pas. Et j’en suis même satisfait.

Sophie                      Ça ne vous ferait du bien de parler un peu avec d’autres personnes que moi.

Médard                    Parler de quoi ? Les gens ne font que se plaindre, ou dire du mal de leurs voisins. Je me dis souvent que leur vie doit être bien inintéressante pour qu’ils s’occupent autant de celles des autres. Et puis je vois tout de même, le boulanger, le boucher et l’épicier qui font leur tournée une fois par semaine.

Sophie                      J’imagine les conversations ! « Bonjour – Deux pains – Merci – Au revoir ».

Médard                    C’est pas faux ! Qu’est-ce que tu veux, ils m’énervent ! Ils n’ont que des banalités à dire.

Sophie                      C’est bien ce que je dis, vous êtes un ours ! Je devrais mestimer chanceuse que vous m’acceptiez, moi.

Médard                    Oui, mais toi, tu me rends des services !

Sophie                      Ah bon ? C’est uniquement pour ça ?

Médard                    Mais non, tu le sais bien. Je te taquine. Toi, tu es une exception. Tu ne te plains jamais, et tu rends service à tout le monde. Tu es d’ailleurs beaucoup trop gentille. Pourquoi fais-tu tout ça ? Tu passes tous les jours pour voir si j’ai besoin de quelque chose.

Sophie                      J’aime bien rendre service. Et puis malgré votre côté ronchon je vous aime bien. N’empêche que ça vous ferait du bien de voir un peu de monde. Vous vivez, seul, dans cette maison à l’écart. Le village est à 2 km, et vous n’y allez que… combien ?... Trois fois dans l’année.

Médard                    Faux ! J’y vais tous les mois !

Sophie                      Moi, je dis : au village… Vous, tous les mois, vous allez au cimetière, sur la tombe de votre femme. Vous ne parlez à personne.

Médard                    Ah pardon ! Quand je vais au cimetière, je parle à ma femme ! On a d’ailleurs jamais autant parlé ! Je lui raconte tout ce que je fais, et je lui reproche tout ce que je n’ai pas fait ! Et il y a un gros avantage. Si ça ne lui plait pas, elle ne peut pas me contredire ! Ça change de son vivant.

Sophie                      Pfff ! Un ours je vous dis ! Un vieil ours mal léché ! Voilà ce que vous êtes ! Ici, ce n’est pas votre maison, c’est votre caverne. Vous êtes totalement déconnecté. Il faut vivre avec son temps !

Médard                    Alors non, merci ! Je n’aime pas cette époque de dégénérés et sa génération de demeurés. Je préfère nettement celle que j’ai vécue.

Sophie                      Le fameux « C’était mieux avant » ! Bon, de toute façon, ça fait des années que vous vivez dans votre monde à vous, ce n’est pas moi qui vais vous faire changer. Bien ! Il va falloir que je rentre, ma tante va se demander où je suis passée. Mais, dîtes-moi, c’est étonnant que vous ayez oublié tant de choses pour me demander de vous ramener tout ça ?

Médard                    Toi qui voulais que je voie du monde, tu vas être contente, j’attends de la visite.

Sophie                      De la visite ? Vous ? Alors là, ça m’en bouche un coin ! (Maligne) Et, vous attendez qui ? Je la connais ? Non, attendez, ne me dites pas, je vais trouver !

Médard                    Attention, Capitaine Marleau mène l’enquête !

Sophie                      Réfléchissons ! Qui auriez-vous pu rencontrer ? Vous ne sortez qu’autour de chez vous, ou pour aller dans vos champs, ou pour aller au cimetière… Alors, qui pourriez-vous recevoir ?… Je sais ! C’est Marguerite !

Médard                    Marguerite ?

Sophie                      Marguerite Signol ! Elle est toujours fourrée au cimetière ! C’est elle ? C’est Marguerite ?

Médard                    Marguerite Signol ! N’importe quoi ! Marguerite Signol ! Mais, elle a plus de 85 ans. Tu me vois avec Marguerite Signol ? Je ne suis peut-être plus de la première fraicheur, mais tout de même !

Sophie                      Je ne sais pas, moi, je cherche. Et puis Marguerite, elle vous aime bien. Elle me l’a dit un jour ! Elle m’a dit que vous aviez été bel homme.

Médard                    « Aviez été » ! Merci, ça fait plaisir.

Sophie                      Oui, bon ! Ne cherchez pas à détourner la conversation. C’est qui votre visite ? Allez, dites-moi ! Ça va me trotter dans la tête toute la nuit et m’empêcher de dormir. De toute façon je finirai bien par le savoir ! Et si vous ne me le dites pas, je fais courir le bruit, dans tout le village, que vous vous tapez Marguerite.

Médard                    Ah non ! Pas ça ! Bon, puisque tu ne me laisses pas le choix… j’attends mes enfants. Ils doivent arriver demain. Voilà ! Tu es contente ? Tu vas pouvoir passer une bonne nuit.

Sophie                      Vos enfants ? Vos enfants ici ?

Médard                    Oui ! Je leur ai demandé s’ils pouvaient se libérer et venir ce week-end, et les trois ont répondu OK !

Sophie                      Mais… vos enfants ! Ça fait des années qu’ils ne viennent plus vous voir. Ça fait combien de temps qu’ils ne prennent plus de vos nouvelles et n’en donnent pas des leurs ? 20 ans ? 25 ans ?

Médard                    Oui, ça fait à peu près ça ! Lucille a deux enfants. Le plus âgé vient d’avoir 21 ans et le plus jeune doit en avoir 18. Ça va me permettre de faire leur connaissance.

Sophie                      Vous n’avez jamais vu vos petits enfants ? J’hallucine ! Comment c’est possible ?

Médard                    Tu sais, Lucille est partie à Paris il y a longtemps pour ses études. Elle s’y est installée et elle est devenue une vraie parisienne. Alors un péquenot comme moi, ça fait tâche dans la société. Quant à Pascal, lui, il est parti du jour au lendemain sans donner d’explications.

Sophie                      Oui, ça, je sais !

Médard                    Quant à Aurélie, elle a eu une grosse dispute avec sa mère et elle est partie, elle aussi.

Sophie                      Et depuis, pas de nouvelles d’eux ?

Médard                    La seule fois où ils sont revenus, c’était pour les obsèques de leur mère, et ils sont repartis dès la fin de la cérémonie ! Bon, c’est comme ça ! Tu sais ce que c’est ! Les enfants, ils partent de la maison, ils font leurs vies, ils ont leurs occupations, leurs problèmes… 

Sophie                      Ah non ! Désolé, mais ce n’est pas comme ça ! Moi, je vis avec ma tante, parce que je n’ai pas eu la chance d’avoir de parents. Mais je peux vous dire que s’ils étaient encore là, je m’en occuperais certainement un peu plus que ne le font vos enfants avec vous. C’est honteux ! Vous m’entendez ? Honteux ! Et comment pouvez-vous avoir envie de les recevoir ? Ils vous ont laissé tomber comme une m…

Médard                    Comme une quoi ?...

Sophie                      Non rien, excusez-moi.

Médard                    Jamais tu ne m’avais parlé comme ça ! Et c’est aussi la première fois que tu évoques tes parents ou ton passé.

Sophie                      Le passé est ce qu’il est. Laissons le où il est, on ne peut pas le refaire et il faut vivre avec. Même s’il est lourd. Mais, attendez ! Vous me cachez quelque chose ! Si vous voulez les réunir, c’est qu’il y a un truc important. Ou alors… vous êtes malade, hein, c’est ça ? Vous êtes malade et vous voudriez les revoir avant de...

Médard                    Holà ! Holà ! Marleau ! Qu’est-ce que tu vas chercher ? Pas du tout !

Sophie                      Si vous avez quelque chose de grave, il faut me le dire. Vous savez que je vous aime bien, moi, et si je peux faire quoi que ce soit, je le ferai.

Médard                    Mais non, tout va bien, ne t’inquiète pas ! Je les fais venir car il y a certaines choses importantes à régler. Et puis tu devrais être contente de les revoir. Des camarades d’enfance.

Sophie                      Camarades d’enfance !? Ah non, certainement pas ! Déjà à l’époque je ne les aimais pas, et ce que vous venez de me dire ne les fait pas remonter dans mon estime.

Médard                    Tu ne m’as jamais parlé de ça ! Pourquoi ne les aimais-tu pas ?

Sophie                      Aurélie, ça allait, elle était assez gentille avec moi. On n’était pas copine, copine, mais ça allait. Mais les deux autres… Lucille, prétentieuse, hautaine, méchante, méprisante ! Voilà comme elle était ! Elle m’appelait « la fille de personne ». Comme si c’était ma faute. Comme si ce n’était pas assez dur pour moi ! Je rêvais de lui arracher les yeux. Quand elle est partie, je ne l’ai pas regrettée. Quant à Pascal...

Médard                    Quoi Pascal ? Lui aussi était méchant avec toi ?

Sophie                      Allez, n’en parlons plus, c’est vieux tout ça. Mais leur façon de se comporter avec vous, ça, je ne le supporte pas. Vous avoir complètement ignoré toutes ces années… C’est inadmissible ! Après tout, cela ne me regarde pas ! Ce qui est sûr, c’est que vous ne me verrez pas ce week-end. Si je me retrouve devant eux, il y a risque de meurtre !

Médard                    Alors euh… ça m’embête un peu que tu dises ça, parce que… je voulais te demander un service.

Sophie                      Je sens que ça ne va pas me plaire ! C’est quoi le service ?

Médard                    Eh bien… tu vois… ils vivent à la ville, et à la ville, on ne vit pas comme à la campagne.

Sophie                      Allez-y ! Ne tournez pas autour du pot !

Médard                    Ils sont certainement habitués à fréquenter des bons restaurants. Moi la cuisine, ce n’est pas trop mon truc. Pour me nourrir, moi, ça va, mais pour des gens de la ville…

Sophie                      Oui, je vous vois venir, mais continuez.

Médard                    Eh bien, comme toi, tu cuisines très bien… je voulais te demander… pour ce week-end…

Sophie                      C’est bien ce que je pensais ! Alors là, n’y comptez pas ! Vous leur ferez des patates avec du jambon à chaque repas si vous voulez, mais ne comptez pas sur moi pour leur préparer des bons petits plats.

Médard                    Tu sais que je n’ai pas pour habitude de demander. Mais là, je le fais car c’est très important, pour moi. S’il te plait ! Sophie !

Sophie                      Alors vous ! Alors vous ! Si je ne le fais pas je vais m’en vouloir, et peut-être que vous aussi. Et ça, je ne veux pas. Vous jouez avec l’affectif. C’est pas bien.  Vous ne me laissez pas beaucoup le choix.

Médard                    Ça veut dire que tu acceptes ?

Sophie                      … Oui ! Mais attention ! J’ai des conditions.

Médard                    Pas de souci ! Lesquelles ?

Sophie                      Premièrement, je ne veux pas les avoir dans les pattes. Et deuxièmement, Je préparerai des plats spéciaux pour eux mais autre chose pour vous.

Médard                    Pourquoi ? Je ne suis pas au régime !

Sophie                      Ça évitera que vous soyez empoisonné ! Allez, je file, tante Catherine doit être aux cent coups !

Médard                    Merci ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! Tu es une brave fille !

Sophie                      Une brave fille mais « la fille de personne ». Si j’avais connu mon père, j’aurais voulu qu’il soit comme vous. J’aurais été une petite ourse mal léchée… mais au grand coeur ! Je file ! A demain ! (Elle sort)

NOIR

Acte 1 – Scène 1    Sophie (1) – Lucille (34)  – Jean-Michel (34)

Sophie                      (sortant de la cuisine, elle porte un tablier) Monsieur Médard !?... Où il est encore ? Bon, pas le temps de le chercher partout, je me débrouillerai toute seule ! Calme-toi, Sophie, calme-toi ! C’est aujourd’hui qu’ils arrivent, ça va aller, reste calme ! Allez, j’ai encore du travail en cuisine et je ne suis pas en avance. Eux non plus d’ailleurs. Ils devaient arriver vers 10 h. (Elle va sortir cuisine, on entend la clochette d’entrée) Merde, les voilà ! Et monsieur Médard qui n’est pas là… Zen, je suis zen ! (Elle prend une profonde respiration et fait un pas en direction de l’entrée et se ravise. A nouveau la clochette) Oh et puis zut, c’est pas à moi de les accueillir, je dirai que je n’ai rien entendu ! (Elle sort cuisine)

Jean Michel OFF   Lucille, enfin, ça ne se fait pas d’entrer comme ça !

Lucille                       (Elle entre, suivie de Jean Michel qui porte deux valises) On ne va tout de même pas attendre devant la porte ! J’ai sonné deux fois ! Et puis, ici, c’est chez mes parents, c’est donc aussi chez moi !

Jean Michel                        Si des personnes qu’on n’avait pas revues depuis plus de 20 ans entraient chez nous comme ça, je ne pense pas qu’elles seraient bien reçues.

Lucille                       Je ne vais pas faire de « chichis » avec mon père, dans la maison où j’ai grandi. (Des yeux, elle fait le tour de la pièce). Ho là là ! Quelle tristesse ! Il y a eu quelques changements ici, mais c’est toujours aussi austère.

Jean Michel                        C’est simple, mais j’aime bien, ça ne manque pas de charme. Et puis c’est une vieille maison campagnarde, il ne faut pas trop en demander.

Lucille                       Regarde, ce papier peint défraichi, ces peintures ternes. Enfin ! C’est à l’image de mon père ! Mais où est-il ? On peut dire qu’il sait accueillir.

Jean Michel                        Tu pensais qu’il t’attendrait devant la porte avec une gerbe de roses !?

Lucille                       Non, je n’en demandais pas autant, mais tout de même. Je l’avais pourtant bien prévenu de notre heure d’arrivée.

Jean Michel                        Peut-être qu’il en a eu assez d’attendre. On a quand même 50 minutes de retard. Si tu m’avais laissé conduire…

Lucille                       Te laisser conduire MA voiture ! Certainement pas !

Jean Michel                        Euh TA voiture, comme tu dis, rappelle moi avec quel argent tu l’as achetée ? Le mien !

Lucille                       C’est une façon de me reprocher de ne pas travailler ? 

Jean Michel                        Mais non, calme toi ! N’empêche que si tu m’avais laissé conduire, nous serions peut-être arrivés à l’heure prévue. 

Lucille                       La faute à qui ? Si tu écoutais ce que disait le GPS ! On n’aurait pas sillonné toutes les routes pourries de la région.

Jean Michel                        Le GPS, tu l’entendais aussi bien que moi ! Et le GPS, quand il dit de prendre à droite, c’est qu’il faut prendre à droite. Ce n’est pas pour faire une blague !

 Lucille                      Moi, quand je conduis, je me concentre sur la route. C’était à toi de me dire où et quand tourner.

Jean Michel                        Tu ne m’écoutes pas plus que le GPS ! La seule fois où j’ai voulu te dire que tu t’étais trompée, je me suis fait remballer, parce que soit disant, tu connaissais mieux la région que moi, et que le GPS disait n’importe quoi.  

Lucille                       Tu veux toujours avoir le dernier mot ! Je te préviens, ce n’est pas le moment. Je suis déjà assez stressée comme ça ! Je me demande bien pourquoi il a voulu qu’on vienne. Ce doit être important. Et puis qu’est ce qu’il fait ? Où est-il ? Si ça se trouve il a oublié qu’il nous avait invités et il est en train de se souler au bistrot du village.

Jean Michel                        Pourquoi ? Il boit ?

Lucille                       J’imagine ! Comme tous les bouseux du coin.

Jean Michel                        Mes grands parents étaient eux-mêmes paysans et ils ne buvaient pas. Ça fait d’ailleurs bien longtemps que je n’avais pas respiré l’air de la campagne. Ça change de l’air vicié de Paris.

Lucille                       Eh bien je demanderai à mon père qu’il te donne un bocal de bouse de vache. Tu pourras t’y plonger le nez de temps en temps.

Jean Michel                        Arrête de t’énerver, tu es toute tendue.

Lucille                       Je ne m’énerve pas ! C’est toi qui m’énerve en disant que je suis énervée.

Jean Michel                        Moi, ce que j’en dis… Alors si j’ai bien compris, nous sommes conviés à une sorte de fête de retrouvailles.

Lucille                       Pour moi, le mot « fête » n’est certainement pas celui qui convient.

Jean Michel                        Tu n’as jamais rien voulu dire sur ta famille. Vous êtes brouillés ?

Lucille                       Nous ne sommes pas brouillés ! Nous ne nous parlons plus, c’est tout !

Jean Michel                        Ce qui ne fait pas une grosse différence ! Et pourquoi ?

Lucille                       Autant tout te dire sinon tu ne vas pas arrêter de me poser des questions. Avec mon frère, Pascal, nous avons un désaccord sur la succession.

Jean Michel                        La succession ? La succession de qui ?

Lucille                       De mon père évidemment !

Jean Michel                        Mais, ton père n’est pas mort !

Lucille                       Non, pas encore ! Mais il faudra bien que ça arrive !

Jean Michel                        Il est peut-être un peu prématuré d’en parler, non ? Et puis la succession, ça ne doit pas peser bien lourd. Une vieille ferme dans le limousin…

Lucille                       Ne crois pas ça ! Et il n’y a pas que la maison, Nous possédons aussi de nombreux terrains, des grandes parcelles de bois, et même un étang. Et un jour, tout ça nous reviendra. Et ce n’est pas tout. Il y aurait aussi des bijoux et même de l’or. Le tout doit représenter un joli pactole. S’il n’a pas tout bu ! Si ça se trouve, il a tout changé en vin !

Jean Michel                        Tu prends ton père, pour Jésus ? Et c’est quoi le problème avec ton frère ?

Lucille                       Il veut absolument la maison et certains terrains ! Et moi aussi !

Jean Michel                        Pourquoi ? Tu comptes revenir t’installer ici ?

Lucille                       Dans ce trou perdu ? Certainement pas !

Jean Michel                        Eh bien alors ?

Lucille                       Tu ne comprends vraiment rien ! C’est vrai qu’actuellement, la bicoque et les terrains ne valent pas grand-chose. Je sais, par mes relations, que la région va beaucoup investir pour développer l’activité économique. Elle va devenir rapidement très prisée et bon nombre d’industries vont venir s’implanter par ici. Les entreprises vont pousser comme des champignons. Notamment, grâce à la nouvelle autoroute.

Jean Michel                        Ah oui, celle que tu as prise, alors qu’elle n’est pas encore ouverte.

Lucille                       J’ai pas vu la flèche, j’ai pas vu la flèche !

Jean Michel                        Et le type qui faisait des grands signes pour t’arrêter, tu ne l’as pas vu non plus ?

Lucille                       J’ai cru qu’il voulait nous demander de l’argent.

Jean Michel                        On est passé à trois centimètres ! Et quand on est repassé, après ton demi-tour, qu’est ce qu’il nous a lancé comme insultes !

Lucille                       Oui, bon, ça va ! Tout le monde peut se tromper. Tout ça pour dire que dans quelques temps, après quelques travaux, la maison vaudra vingt fois ce qu’elle vaut actuellement, et le prix du terrain constructible va flamber. Donc, je les veux.

Jean Michel                        Mais tu sais ma chérie, on n’a pas besoin de ça.

Lucille                       Ne pas en avoir besoin ne veut pas dire ne pas en avoir envie. Le couplet « l’argent ne fait pas le bonheur », je n’y crois pas.

Jean Michel                        Ça, je sais ! Quand on connait ton train de vie…

Lucille                       Je fréquente des gens hauts placés dans la société. Tu ne vas pas t’en plaindre, tu en tires des avantages. Si je n’étais pas une amie proche de certaines épouses de ministres, tu n’aurais jamais eu, ni les autorisations, ni les subventions pour construire ta clinique. Au lieu de me reprocher mon train de vie, tu devrais me remercier.

Jean Michel                        C’est vrai que tes relations ont bien facilité les choses. Pour en revenir à ta famille, pourquoi es-tu brouillée avec ta sœur ?

Lucille                       Elle, c’est autre chose ! C’est une… anormale ! Une anomalie de la nature !

Jean Michel                        A ce point là ? Qu’est-ce qu’elle a ?

Lucille                       Elle est… comment dire… sexuellement déviante ! Homosexuelle ! Ça me dégoûte !

Jean Michel                        Sexuellement déviante !? Tu y vas fort, ce n’est pas une maladie.

Lucille                       Rien que d’en parler, j’ai envie de vomir !

Jean Michel                        Heu… pendant qu’on est dans ce sujet. Si ta sœur est, d’après toi, sexuellement déviante, je dirais que toi, tu es… sexuellement absente. Ça fait longtemps que…

Lucille                       Je t’ai fait deux enfants, ça ne te suffit pas !

Jean Michel                        Ah oui, alors si c’est juste pour faire des enfants… Alors n’en parlons plus !

Lucille                       Oui, ça vaut mieux !

Jean Michel                        En attendant que ton frère et… la déviante arrivent, on pourrait aller faire un tour. Ça va te rappeler des souvenirs. Le village est loin ?

Lucille                       Aller se promener !? Et risquer que ma robe St Laurent soit tachée par des éclaboussures de bouse de vache ? Et quoi encore ? Regarde tes chaussures ! De la voiture à la maison, on a fait à peine 10 mètres, et elles sont pleines de poussière.

Jean Michel                        Je te signale que les tiennes sont dans le même état.

Lucille                       (Les regardant) Ah non ! Des  Girotti toutes neuves !

Jean Michel                        Quelle idée de mettre une robe de couturier et des chaussures de marque pour aller à la campagne…

Lucille                       Désolée, je n’ai que ça ! Je n’ai pas de « salopette » dans mon dressing. (Elle prend la casquette sur le dossier de la chaise, elle essuie ses chaussures avec, et passe la casquette à Jean Michel) Tiens ! Nettoie !

Jean Michel                        Mais… cette casquette doit appartenir à ton père ! Je ne vais pas… Oh puis après tout… (Il met son pied sur une chaise et nettoie ses chaussures quand Sophie entre)

Acte 1 - Scène 2     Lucille (7) – Jean-Michel (4) – Sophie (10) – Médard (1 OFF)

Sophie                      Mais qu’est-ce que vous faites ? Vous nettoyez vos chaussures avec la casquette de monsieur Médard ! Non mais ça va pas bien ! Faut pas vous gêner ! (Elle lui arrache la casquette des mains)

Jean Michel                        Excusez-moi, je croyais que… que c’était un vieux chiffon !

Sophie                      Un vieux chiffon ! La casquette de monsieur Médard ! Y’a des coups de pied au cul qui se perdent, moi je vous le dis !

Lucille                       Mais calmez-vous madame ! Je suis ici, chez moi, enfin chez mon père. D’abord, qui êtes-vous ? Oh, mais attendez, il me semble… mais oui, je vous reconnais… vous êtes… « la fille de… »

Sophie                      Attention à ce que vous allez dire ! Parce que les coups de pied au cul, ils ne seront pas perdus pour tout le monde !

Lucille                       Sophie ! Sophie Delcourt ! Moi, je suis…

Sophie                      Oui, je sais qui vous êtes !

Lucille                       Tu m’as reconnue ?

Sophie                      J’ai eu un peu de mal ! Vous avez beaucoup changé.

Lucille                       Ah bon ? Tant que ça ?

Sophie                      L’accident a dû être terrible !

Lucille                       L’accident ? Quel accident ?

Sophie                      Pour être dans cet état ! Vous avez dû bien morfler !

Lucille                       Mais… qu’est-ce que ça veut dire ? Tu m’insultes ? (A Jean Michel) Et toi, tu ne dis rien ! Je me fais insulter et tu laisses faire ?

Jean Michel                        C’est vrai, madame, que vous y allez un peu fort ! Pourquoi autant d’agressivité ? On vient juste d’arriver et…

Sophie                      Ecoutez monsieur ! Je n’ai rien contre vous personnellement, on ne se connait pas. Mais elle, je ne la connais que trop bien ! Et il y a certaines choses que je n’ai pas digérées.

Jean Michel                        Après plus de 20 ans !? Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais…

Lucille                       Qu’est-ce que tu fais là ?

Sophie                      Alors premièrement vous allez arrêter de me tutoyer ! On n’a jamais été copine et on ne le sera jamais ! Et deuxièmement, je suis ici à la demande de monsieur Médard ! Et croyez bien que ça me coûte !

Jean Michel                        Où est-il ce monsieur Médard ? Cela fait un moment que nous sommes là, et nous ne l’avons pas encore vu !

Médard OFF           J’arrive ! J’arrive ! (il entre) Ah Lucille est arrivée la première !

Sophie                      Bonjour monsieur Médard ! Je suis bien contente de vous voir ! Je file en cuisine, je ne suis pas en avance ! Quand vous aurez un moment… (Elle sort)

Acte 1 - Scène 3     Lucille (19) – Jean-Michel (14) – Médard (23) – Sophie (4)

Médard                    Merci Sophie ! (L’ambiance va être pesante. Il regarde Lucille et Jean Michel, moment de silence, on les sent gênés) … Euh… on… on se fait la bise ? (Lucille, très froide, croise les bras et ne bouge pas) ou pas ! Bonjour quand même.

Lucille                       Bonjour !

Médard                    Tu ne me présentes pas ?

Lucille                       Jean-Michel !

Jean Michel                        Bonjour !  Ravi de vous rencontrer !

Médard                    Moi aussi, depuis tout ce temps qu’on ne se connait pas… Vous avez fait bonne route ?

Jean Michel                        Disons que… nous avons un peu visité la région en prenant quelques chemins détournés.

Médard                    Oui, d’ailleurs, par où êtes-vous arrivés ? J’étais vers mes chevaux dans un pré d’où l’on voit le carrefour que vous auriez dû prendre, mais je n’ai vu passer aucune voiture. J’ai été surpris de voir la votre en arrivant ici.

Lucille                       Nous sommes arrivés par Sarrazac.

Médard                    Sarrazac !? Mais quelle idée ?

Jean Michel                        Une idée à Lucille !

Médard                    Et les enfants, où sont-ils ? J’ai hâte de les embrasser.

Lucille                       Ils ne sont pas là !

Médard                    Comment ?

Lucille                       Ils n’ont pas voulu venir ! Il faut les comprendre aussi ! Ils n’avaient aucune envie de venir ! Pour quelle raison voudrais-tu que deux jeunes parisiens viennent dans ce trou perdu ?

Médard                    Ce trou perdu, c’est juste l’endroit où vit un grand-père qu’ils ne connaissent pas. Ça me semble être une bonne raison, non ?

Jean Michel                        Tu vois Lucille, je t’avais dit d’insister pour qu’ils nous accompagnent.

Lucille                       Insister ! Et pourquoi pas les emmener de force ? (Sophie sort de la cuisine. Lucille la désignant) Et celle là ? Qu’est-ce qu’elle fait ici ? C’est ton employée ?

Médard                    Pas du tout ! Sophie me rend de nombreux petits services. Pour ce week-end, elle a accepté de préparer les repas. Moi, la cuisine… Bien, et vous quoi de neuf depuis… tout ce temps ? Tu fais quoi dans la vie ?

Sophie                      Je pourrai vous voir une minute monsieur Médard ?

Médard                    J’arrive Sophie ! (A Lucille) Alors, tu fais quoi ?

Lucille                       Je… Je suis dans les relations mondaines.

Médard                    Dans les relations mondaines ? C’est un métier ça ? Je devrais me tenir un peu plus au courant de l’information, moi !

Sophie                      Ça ne doit pas être trop fatiguant ! (prenant un accent snob) Il faut juste savoir lever le petit doigt en prenant le thé avec la bourgeoisie parisienne.

Lucille                       C’est sûr que nous ne fréquentons pas le même monde.

Médard                    Et vous Jean-Michel, que faites-vous ?

Jean Michel                        Chirurgien ! Spécialisé en chirurgie thoracique et cardiovasculaire !

Lucille                       Jean-Michel possède sa propre clinique. C’est un des chirurgiens les plus réputé de Paris.

 Sophie                     Ouah ! Ça doit palper ça !

Jean Michel                        Je gagne très bien ma vie, en effet ! Mais c’est énormément de responsabilité et de travail.

Lucille                       Si tu m’avais écoutée, tu la gagnerais beaucoup mieux en travaillant beaucoup moins.

Jean Michel                        Lucille aurait voulu que je fasse chirurgie esthétique. Mais ça ne m’intéressait pas.

Lucille                       Ça rapporte pourtant dix fois plus que de bricoler des artères.

Médard                    Tu dis ça avec une sorte de mépris que je ne comprends pas. Excuse-moi, mais il me semble que ton mari sauve des vies. C’est très noble. Alors que la chirurgie esthétique ne fait qu’atténuer des complexes, ou satisfaire des egos.  

Lucille                       Et alors ? Qu’est-ce qu’on s’en fiche des egos. Du moment où les gens sont prêts à mettre le prix… 

Sophie                      Quelle belle mentalité !

Médard                    Eh bien !... Voilà, une belle journée qui commence. On est tout de suite dans l’ambiance. Tu voulais me voir Sophie ? (Ils sortent cuisine – Jean-Michel regarde Lucille en souriant)

Lucille                       Quoi ? Pourquoi me regardes-tu en souriant bêtement ? C’est à cause de ce qu’il vient de dire ?

Jean Michel                        « Atténuer des complexes ou satisfaire des egos ». J’aime beaucoup cette définition !

Lucille                       C’est ça, joue les philosophes ! En attendant, tu soignes physiquement, c’est vrai, mais financièrement, tu ne joues pas dans la même division.

Jean Michel                        Ma modeste division te permet tout de même de vivre dans un très bel hôtel particulier à Neuilly, de fréquenter les grands couturiers, et je passe sur tout le reste. (Retour de Médard) En tout cas, vous êtes au calme ici !... Et puis la maison est…

Lucille                       Lugubre ! Triste !

Médard                    Triste ?... C’est pourtant la maison de ton enfance. Et la maison de son enfance, c’est plutôt la nostalgie que la tristesse… Enfin… en général…

Jean Michel                        (Voulant détendre l’atmosphère) Et si nous allions prendre un bon bol d’air ? Je crois que cela ferait du bien à tout le monde. (Personne n’y fait attention)

Médard                    Ecoute Lucille, ça fait à peine 10 minutes que nous discutons, après plus de 20 ans de non discussion, alors on ne va pas sortir l’artillerie lourde tout de suite.

Lucille                       Pourquoi nous as-tu fait venir ?

Médard                    Droit au but ! Il y a certaines affaires à régler et le plus tôt sera le mieux. Et puis ça me permet de rencontrer Jean-Michel.

Jean Michel                        C’est vrai que nous nous connaissons peu.

Médard                    C’est le moins qu’on puisse dire !

Lucille                       De quelles affaires à régler veux-tu parler ?

Médard                    On en parlera quand tout le monde sera là !

Lucille                       Et pourquoi pas tout de suite ?

Médard                    Parce que tout le monde n’est pas là !

Jean Michel                        Je suppose que nous avons une chambre !?

Médard                    En effet ! J’ai préparé l’ancienne chambre de Lucille. Rien n’a changé. Même le papier peint est d’origine !

Jean Michel                        Ça va te rappeler ta jeunesse, Lucille !

Médard                    Alors je vous laisse vous installer ! Tu te rappelles le chemin Lucille ?

Jean Michel                        (en riant) Si c’est comme pour la route, on n’est pas arrivé ! Tu as pris le GPS ma chérie ?

Lucille                       Et tu te crois drôle !? (Elle sort chambres, suivie de Jean-Michel)

Médard                    Je me doutais que ce ne serait pas facile, mais à ce point là…

Acte 1 – Scène 4    Médard (5) – Sophie (6)

(Sophie et Médard reviennent)

Sophie                      Alors ? Comment ça se présente ?

Médard                    Je sens que ça ne va pas être  simple.

Sophie                      Vous savez ce qu’ils faisaient quand je suis arrivée ? Ils nettoyaient leurs chaussures… avec votre casquette. Vous vous rendez compte, des sans-gêne ! Et puis alors elle, dès je l’ai vue, j’ai les poils qui se sont dressés tout debout. Tout m’est remonté d’un coup ! Je devais être hérissée comme un chat en colère.

Médard                    Je sais que tu fais un gros effort Sophie. Si vraiment c’est trop difficile pour toi… Enfin si tu veux repartir, je comprendrai, je me débrouillerai.

Sophie                      Non, non, ça va aller ! Faut juste qu’on ne se croise pas trop et surtout qu’elle ne m’adresse pas la parole, parce que là, je ne réponds plus de rien. Non, je dis ça, mais… je sais que c’est important pour vous, alors je vais essayer de rentrer mes griffes.

Médard                    Merci ! Tu t‘en sors à la cuisine ?

Sophie                      C’est en cours ! La viande est dans le four ! Les légumes mijotent ! Et le poison a été réparti de façon harmonieuse. Je suppose que vous ne mangerez pas dans la cuisine ? (ton snob) Ce n’est pas assez chic pour la comtesse.

Médard                    Non, bien sûr ! Dans la salle à manger !

Sophie                      Je pense qu’un petit coup de ménage et d’aération ne feront pas de mal, et je dresserai une jolie table. Vous avez des pièges à loup ?

Médard                    Oui, dans le bahut à côté des assiettes.

Sophie                      Si ça pouvait être vrai ! Vous me montrez pour la vaisselle ? (Ils sortent salle à manger)

Acte 1 – Scène 5    Pascal (12) – Audrey (11)

(On entend la clochette et le bruit de la clochette qui tombe)

Pascal OFF              Oh merde ! Pas très solide ce truc ! Alors, tu viens ?

Audrey OFF                        J’arrive Mamour ! Mais marcher dans ces cailloux avec des talons… Et puis qu’est-ce qu’il fait chaud ! (Il entre suivit d’Aurélie, il a un sac de voyage)

Pascal OFF              Je t’avais prévenue qu’on allait à la campagne. Tu aurais pu mettre autre chose que des échasses. Et je t’avais dit aussi de ne pas mettre ton manteau de vison. En plein été…

Audrey                     C’est mon « style » (prononcé à l’anglaise). Je vais pas changer mon « style » parce qu’on va chez les péquores. Et puis le manteau de fourrure, depuis que tu me l’as offert, je ne le quitte plus. Tu te souviens quand tu me l’as donné ? J’étais excitée comme une pute.

Pascal                       Une puce ! Excitée comme une puce !

Audrey                     Oh my god ! Ça existe encore des endroits comme ça ? On croirait le décor d’un vieux film !

Pascal                       C’est sûr que ça change de notre appartement, à St Germain des prés.

Audrey                     Notre appartement ? Mon appartement ! C’est papa qui me l’a acheté !

Pascal                       Tu sais que ce qui est à moi est à toi et donc, ce qui est à toi est à moi.  C’est normal !

Audrey                     Sauf que, toi, tu n’as rien ! Mais c’est pas grave ! Alors, c’est là-dedans que tu as grandi ?

Pascal                       Evidemment, je n’ai pas été élevé, comme toi, dans la soie et l’argenterie. J’ai d’autant plus de mérite d’en être arrivé là où je suis.

Audrey                     Ça veut dire quoi ? Que moi je n’ai aucun mérite ? Je te ferai signal que je suis comédienne ! Mon talent est reconnu à sa juste saveur !

Pascal                       Valeur, pas saveur ! Mais oui, tu as le droit d’y croire !

Audrey                     Tu peux parler, toi ! Depuis qu’on se connait, tu as monté quatre boites, quatre faillites. Alors question réussite, tu repasseras. Heureusement que papa est là pour éplucher les dettes.

Pascal                       Éponger ! Pas éplucher ! Je te ferai remarquer que la nouvelle entreprise que je dirige marche bien.

Audrey                     On va voir combien de temps. Et puis « entreprise »… tu as un ouvrier et un autre à mi-temps. Y’a pas de quoi se la péter ! Dis, on ne va quand même pas passer tout le week-end ici ? (Elle sort son portable) Oh putain, y’a même pas de réseau. Moi, je tiendrai pas deux jours. Et si un réalisateur essaie de m’appeler pour un rôle ?

Pascal                       Ça fait plus de deux ans qu’aucun ne l’a fait, ça ne serait pas de chance qu’ils le fassent ce week-end.

Audrey                     On était obligé de venir dans ce bled paumé ?

Pascal                       C’est pour moi une bonne occasion de parler au vieux. Le jour où il passera l’arme à gauche, je serai l’heureux propriétaire de tout ça ! Malheureusement, je ne suis pas seul sur le coup.

Audrey                     Le coup ? Pas seul ?

Pascal                       L’héritage ! Je t’expliquerai plus tard !

Audrey                     Une vieille baraque !  Tu parles d’un héritage !

Pascal                       Il n’y a pas que ça ! Bon, qu’est-ce qu’il fout le vieux ?

Acte 1 – Scène 6    Pascal (16) – Audrey (13) – Médard (15) – Sophie (4)

Médard                    (Revenant avec Sophie) Il est là !

Sophie                      Il manquait plus que celui là ! Reste calme Sophie, reste calme !   

Médard                    Bonjour mon fils !

Pascal                       Bonjour mon père !

Audrey                     (en aparté à Pascal) Tu ne m’avais pas dit que c’était un curé !

Pascal                       Un curé ?

Audrey                     Ben ! Tu lui dis « mon père » ! Je comprends pourquoi tu étais un peu rétréci à l’idée de me le présenter.

Médard                    Rétréci ?

Pascal                       Elle veut dire, réticent. Ça lui arrive tout le temps. Au début ça surprend, quand on n’a pas le décodeur… (A Audrey) Je dis « mon père » parce que c’est mon père !

Audrey                     Moi, mon père je lui dis « daddy » ! Vous êtes bizarres, vous, les campagnols.

Pascal                       Campagnard ! Le campagnol, c’est un animal ! Si tu as été reconnue à ta juste « saveur », ce n’est certainement pas pour ton vocabulaire ! Et puis, réfléchis un peu ! Ça ne te choque pas une seconde de penser que je puisse être le fils d’un curé ?

Audrey                     Oh tu sais maintenant, avec les curés, on voit tellement de choses…

Médard                    Pascal, tu ne me présentes pas ta femme ?

Audrey                     Ah non ! Sa copine, pas sa femme ! Il me tanne pour qu’on se marie mais j’y tiens pas trop. Deux mariages sur trois finissent par un divorce, ça fait réfléchir la tête ! Je m’appelle Audrey, je suis comédienne à Paris ! En chantier !

Pascal                       « Enchantée » !

Sophie                      « En chantier », ça marche aussi ! On voit bien que, chez elle, les travaux ne sont pas finis !

Médard                    Ravi de vous connaitre Audrey. Vous devriez enlever votre manteau, vous allez mourir de chaud.

Audrey                     Je préfère le garder, c’est un cadeau de Mamour. C’est du bison.

Pascal                       Du vison !

Audrey                     Oui, si tu veux ! Je ne sais pas ce que c’est, le vison, mais Mamour m’a dit que ça valait vachement cher. En tout cas, ça nous fait drôle de revenir ici !

Médard                    Oui, surtout pour vous qui n’êtes jamais venue !

Audrey                     Ah oui, c’est vrai ! Alors c’est pour ça que ça fait drôle !

Pascal                       (désignant Sophie) Qui est cette personne ?

Médard                    Tu ne la reconnais pas ? C’est Sophie !

Pascal                       So… Sophie ? Sophie… Delcourt ?

Sophie                      Tu te souviens ?

Pascal                       (gêné) Oui… Non, enfin… si, oui je me souviens, vaguement !

Sophie                      (Elle s’approche très près de lui, le fixant droit dans les yeux, il baisse la tête) Eh bien moi, je me souviens très bien. De tout ! Absolument de tout ! (elle sort cuisine)

Audrey                     Eh ben, je ne sais pas ce que tu lui as fait mais elle est pas contente.

Pascal                       (A Médard) Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’elle t’a raconté ?

Médard                    Rien ! Je sais qu’elle a eu un passé difficile mais elle est très discrète sur le sujet. Je ne sais pas ce qu’elle te reproche, mais apparemment, elle t’en veut beaucoup.

Audrey                     Tu sais pourquoi Mamour ?

Pascal                       Heu… Pas du tout ! Et puis c’est loin tout ça ! C’est du passé ! Qu’est-ce qu’elle fait ici ?

Médard                    Sophie est venue pour m’aider, ce week-end. C’est une chic fille !

Pascal                       Bon ! Passons plutôt à autre chose. Si tu nous disais pourquoi on est là ?

Médard                    Comme je l’ai déjà dit à ta sœur, on en parlera quand vous serez tous arrivés.

Audrey                     Tous arrivés ? Ta sœur ? Tu as une sœur ?

Médard                    Il en a même deux ! Lucille et Aurélie !

Audrey                     Mais tu ne m’en as jamais parlé !

Pascal                       Hein ?… oui oh… j’ai dû oublier ! (A Médard) Laquelle des deux est arrivée ?

Médard                    Lucille ! Avec Jean-Michel ! Par contre les enfants ne sont pas là !

Pascal                       Elle a des enfants !? Et qui est ce Jean-Michel ?

Médard                    Son compagnon ! Ils ont deux enfants ! Tu ne savais pas ?... Vous n’avez pas de contacts entre vous ? Je pensais que…

Pascal                       Il y a bien longtemps qu’on ne se parle plus !

Médard                    Quant à Aurélie, elle ne devrait pas tarder !

Pascal                       Je n’imaginais pas être convié à une réunion de famille. Ça promet !

Audrey                     Tu dois être heureux, Mamour. Revoir ton père et tes sœurs. En tous cas,  moi, je suis bien contente. Je vais faire connaissance avec toute la famille en une seule fois !

Médard                    Bien ! Si vous voulez vous installer, Pascal retrouvera sa chambre d’origine ! C’est par là ! Ah pendant que j’y pense, Pascal ! En général, quand on revoit quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis très longtemps, on lui demande s’il va bien. Alors, je te le dis : Je vais bien ! Je sais, tu ne l’as pas demandé mais je te le dis quand même.

(Ils vont sortir vers chambres quand Lucille et Jean-Michel reviennent)  

Acte 1 – Scène 7    Pascal (6)  – Audrey (8)  – Médard (7) – Lucille (4)  – Jean-Michel (5)

(Moment de silence. Lucille et Pascal se fixent. Médard observe les réactions)

Médard                    (Un temps puis il toussote) Eh bien… on ne peut pas dire que les retrouvailles soient… chaleureuses.

Audrey                     C’est qui, Mamour ? (pas de réponse)... Alors, je me présente, Audrey,  la petite amie de Pascal. Je suis actrice. Vous m’avez sans doute déjà vue au ciné ou à la télé, j’ai tourné dans plusieurs téléfilms.

Pascal                       Tu as tourné, tu as tourné… C’était juste de la figuration. Moi, pour t’apercevoir, j’ai dû revoir certaines scènes, quatre fois, et au ralenti.

Jean Michel                        Nous regardons très peu la télévision. Mais, il me semble bien vous avoir déjà vu dans quelque chose, mais je n’arrive pas à me rappeler quoi. Jean-Michel ! Le compagnon de Lucille !

Audrey                     Aaah Lucille, une des sœurs de Pascal ! Bonjour madame ! (Elle lui tend la main, Lucille ne bronche pas)

Pascal                       (à Lucille) Je vois que tu es toujours aussi cordiale ! Bonjour quand même ! Bonjour monsieur ! Tu viens Audrey ? (Il sort chambre)

Audrey                     J’arrive Mamour !

Lucille                       (A Médard) Les toilettes ? Toujours au même endroit ?

Médard                    Oui !  (Lucille sort, couloir d’entrée)

Audrey                     J’ai l’impression qu’il y a de l’eau dans le gaz entre eux. Vous savez pourquoi ? Vous avez vu comment qu’ils se regardaient en chien de fusil ?

Jean Michel                        En chien de fusil ???

Médard                    Je pense qu’elle veut dire en chien de faïence ! Moi, c’est bon, je commence à décoder.

Jean Michel                        Ah oui, je me disais… Je crois savoir qu’il y a quelques tensions entre eux… Euh des affaires de famille. Je pense préférable de ne pas nous en mêler.

Audrey                     Nous emmêler ? Eh ben dites donc, vous êtes un rapide vous. On ne se connait que depuis deux minutes. (Se rapprochant de lui) Vous voudriez déjà qu’on s’emmêle ? Remarquez, vous êtes plutôt pas mal.   

Médard                    Mais non, mais non Audrey, il voulait dire, s’en… mêler, pas s’emmêler. En deux mots !

Audrey                     Aaah ! Ok ! Pardon je croyais que…

Jean Michel                        (Sous le charme, il en oublie la présence de Médard) Ne vous excusez pas, tout le plaisir était pour moi ! Vous êtes tout à fait ch… (Lucille revient Médard tousse)

Médard                    Chaude ! Assez chaude la saison !

Jean Michel                        (Jean-Michel revient à la réalité) Tout à fait, oui, tout à fait ! Mademoiselle Audrey,  je ne sais pas comment vous faites pour supporter ce manteau.

Audrey                     C’est vrai que je commence à cuire, je vais l’enlever. (Ce qu’elle fait)

(Pascal revient)

Pascal                       (A Lucille) C’est à toi les bagages dans ma chambre ?

Lucille                       Oui, c’est à nous ! Cela te pose problème ?

Pascal                       C’est MA chambre !

Médard                    Mais, Lucille, je t’ai dit que j’avais préparé la tienne.

Pascal                       Alors pourquoi il y a tes affaires dans la mienne ?

Lucille                       Etant arrivée la première, j’ai le choix de la chambre.

Pascal                       Tu l’as toujours enviée ! Elle est plus grande que la tienne alors forcément… Je te signale que ce n’est pas encore chez toi ! Donc, je reprends MA chambre ! Soit tu viens dégager tes affaires, soit je vire tout par la fenêtre !

Lucille                       Je te signale que toi non plus, tu n’es pas encore chez toi ! Donc je…

Médard                    Et moi je vous signale que vous êtes chez moi et que c’est encore moi qui commande ici ! Donc, chacun occupera sa chambre initiale, sinon, je mets tout le monde dans l’écurie.

Audrey                     (énervée) Voilà ! Tous dans l’écurie ! C’est ce que vous méritez ! Moi je suis venue pour passer un week-end sympa à la campagne. Je suis pas venue ici pour souffrir ! Alors si c’est comme ça tout le temps, (fort) C’EST MOI QUI VAIS DANS L’ECURIE ! (tous sont interloqués- On entend frapper – Audrey sur le même ton) ENTREZ !!!

Acte 1 – Scène 8    Pascal (4) – Audrey (8)  – Médard (8) – Lucille (9) – Jean Michel (7) – Aurélie (13)

 (Aurélie arrive, la clochette à la main, un sac de voyage dans l’autre)

Aurélie                     (montrant la clochette) Elle était tombée par terre ! (un temps) Euh… bonjour tout le monde !

Médard                    Bonjour Aurélie !

Aurélie                     Bonjour papa ! On se fait la bise ou pas ? Enfin… je veux dire… c’est un peu gênant, il y a si longtemps… (Médard l’embrasse) Alors bonjour Pascal ! (Elle va pour lui faire la bise, il se recule et lui tend la main) Ah d’accord ! La bise, c’est pas tout le monde. (Elle s’approche de Lucille) Et toi ?

Lucille                       (reculant) Ne me touche pas ! Ne me touche pas ! Dégénérée !

Aurélie                     Je vois que rien n’a changé ! Ne craint rien, l’homosexualité n’est pas une maladie contagieuse.

Jean Michel                        Audrey et moi, on devrait peut-être vous laisser ensemble.

Médard                    Mais non, mais non, restez ! Des retrouvailles c’est toujours émouvant. Aurélie, voici Audrey, l’amie de Pascal et Jean-Michel, le compagnon de ta sœur.    

Jean Michel                        Je vous avouerai que pour moi, ces retrouvailles sont assez éprouvantes. Je déteste les conflits.

Audrey                     C’est vrai, vous êtes tous tendus comme des strings trop petits.

Aurélie                     Alors ? Que nous vaut cette émouvante réunion familiale ?

Médard                    Le but était de réunir tout le monde car j’ai à vous dire quelque chose d’important pour la suite. Mais on verra ça plus tard.

Lucille                       Et pourquoi pas tout de suite, puisqu’on est tous là.

Médard                    Parce que c’est moi qui décide ! Aurélie, tu es venue seule ?

Aurélie                     Oui, j’ai préféré ! Je pense qu’Amandine, n’aurait pas été la bienvenue.

Médard                    Dommage ! J’aurais bien aimé la rencontrer !

Aurélie                     Toi ? La rencontrer ? Tu te souviens de ce qu’il s’est passé quand je vous ai annoncé, à toi et à maman, que j’étais homo ? Les cris et les insultes, moi, je ne les ai pas oubliés ! Maman a dit que j’étais le déshonneur de la famille et qu’elle avait honte  d’avoir élevée une fille comme moi.

Médard                    J’ai bien tenté de la raisonner et lui faire comprendre, mais elle na rien voulu entendre. Toi, j’ai essayé de te retenir mais tu es aussi têtue que ta mère pouvait l’être. Tu as fait ta valise et tu es partie. Avec ta mère, on ne s’est pas parlé pendant des mois.

Lucille                       C’est facile à dire maintenant ! Et puis tout mettre sur le dos de maman…

Médard                    Ça ne te concerne pas Lucille ! Ecoute Aurélie, on en reparlera plus tard, tranquillement. Je vous laisse entre vous, je vais aider à la cuisine, je pense qu’on pourra bientôt passer à table. (Il sort cuisine – moment de silence)

Jean Michel                        …Voilà, voilà, voilà !

Audrey                     Alors comme ça, vous êtes… euh…

Aurélie                     Homosexuelle ! Oui ! Vous pouvez le dire, on ne risque rien à prononcer ce mot. Contrairement à ce que crois ma sœur !

Audrey                     Alors autant vous le dire, moi,  ça ne me dérange pas du tout. Chacun fait ce qu’il veut de ses fesses, je m’en tamponne le coquillard avec une planche à clou.

Pascal                       C’est dingue ! Tu ne peux pas faire une phrase sans dire une connerie.

Audrey                     Oh, ça va hein ! Je ne suis peut-être pas le couteau le plus aiguisé du tiroir mais j’en ai marre d’être ton bouquet mystère !

Jean Michel                        Je crois qu’on dit « le bouc émissaire ».

Audrey                     Vous êtes sûr ? C’est quoi « émissaire » ? (elle veut chercher avec son portable) Ah c’est vrai, y’a pas de connexion.

Lucille                       Eh oui, c’est comme dans votre cerveau !

Pascal                       Lucille, tu ne t’en prends pas à Audrey !

Aurélie                     Alors Pascal, ça va ? Soulagé qu’Amandine ne soit pas venue ?

Pascal                       Euh… Je ne vois pas pourquoi tu demandes ça ! Je la connais très peu, on a dû se voir deux fois.

Aurélie                     Oui, tu l’as vue deux fois, et les deux fois tu l’as draguée plus que lourdement ! Tu n’as vraiment aucun scrupule ! Draguer la copine de ta propre sœur !

Audrey                     Ah oui !? C’était quand ? Tu ne m’as jamais raconté ça !

Aurélie                     Il n’allait certainement pas vous le dire ! Vous étiez déjà ensemble ! Mais rassurez-vous, il ne s’est rien passé. Quand il a compris qu’il n’arriverait pas à ses fins, il a traité Amandine de « grosse gouine » ce qui lui a valu deux belles gifles dont il doit encore se souvenir. N’est-ce-pas Pascal ?

Audrey                     Tu as fait ça ?

Pascal                       Ne l’écoute pas ! Elle est tellement jalouse de la vie des autres qu’elle dirait n’importe quoi pour détruire les vrais couples.

Aurélie                     Ah oui ? Et c’est quoi un vrai couple ?

Lucille                       Un vrai couple, c’est un couple homme – femme. Pas un couple contre nature !

Aurélie                     Eh bien, pour moi, un couple c’est tout simplement deux êtres qui s’aiment sincèrement. Il y a tellement de soi-disant couples formés de personnes qui ne font qu’habiter ensemble, souvent par intérêt, mais qui ont, à côté, une vie cachée… Qu’en penses-tu chère grande sœur ?

Lucille                       Ça suffit Aurélie !

Jean Michel                        Y aurait-il une sorte de message subliminal dans vos propos ? J’aimerais bien avoir des précisions.

Lucille                       Il n’y a rien à préciser ! Elle est juste mauvaise. Elle a toujours été jalouse et envieuse. La réussite des autres l’emmerde.

Jean Michel                        Eh bien ! Si ton père souhaitait renouer des liens familiaux… Il n’imagine certainement pas l’ampleur de la tâche !

Médard                    (sortant de la cuisine) C’est presque prêt, nous pourrons passer à table dès que vous serez tous installés. Aurélie, comme jadis tu partageais la chambre de Lucille, je t’ai installée dans le bureau. Il y a un canapé lit assez confortable.

Aurélie                     Ok ! Je vais y mettre mes affaires et je vous rejoints. (Elle sort côté chambre)

Jean Michel                        Ce week-end s’annonce charmant !

Lucille                       Audrey, vous n’êtes pas végane ?

Audrey                     Pas du tout. Pourquoi vous me demandez ça ?

Lucille                       Je pensais qu’une fille comme vous ne mangeait que du blé. Il parait que le blé, elles adorent ça, les « poules ».

NOIR

 Acte 2 – Scène 1   Sophie (5) – Médard (5)

(Sophie revient de la salle à manger avec des plats vides, Médard la suit avec de la vaisselle)

Médard                    Félicitations Sophie, c’était excellent. Tout le monde s’est régalé. Jean-Michel s’est resservi trois fois. Par contre, rassure-moi, la sauce brûlante que tu as renversée sur le bras de Lucille, c’était bien un accident ?

Sophie                      (faussement innocente) Ah oui complètement !

Médard                    J’ai eu un doute à un moment. Mais si ce n’est que de la maladresse…

Sophie                      C’est vrai que je suis très maladroite parfois ! Et là je m’en veux, si vous saviez… c’est la cuisse que je visais ! Pourtant, je l’avais bien en ligne de mire, mais elle a bougé juste au mauvais moment et c’est le bras qui a pris. C’est dommage, parce que la cuisse, c’est beaucoup plus douloureux.

Médard                    Et les marcs de café dans la tasse de Pascal ? C’est aussi un accident ?

Sophie                      Ah non, là, c’est volontaire ! Il venait de dire qu’ils passeraient leurs prochaines vacances en Turquie. Je lui ai fait un café turc ! Pour l’habituer.

Médard                    J’ai cru qu’il allait s’étouffer ! Il en avait plein la bouche.

Sophie                      Oui mais pendant ce temps là, on ne l’entendait plus se gargariser de  lui même et se pavaner comme un coq. Quant à Lucille… Entre son hôtel particulier à Neuilly, sa résidence de vacances à St Raphaël, leurs vacances d’été à la Réunion, les sports d’hiver à Courchevel, et ses croisières de luxe, elle n’en peut plus d’étaler son pognon ! Jean-Michel, lui, à l’air plutôt sympa, mais il n’a pas droit à la parole.

Médard                    C’est vrai qu’ils ont été assez pénibles. J’avais l’impression d’assister au concours du plus vaniteux.

Sophie                      Quant à Aurélie, à chaque fois qu’elle essayait d’ouvrir la bouche, elle se faisait remettre en place vite fait bien fait. Le mépris qu’ils ont pour elle, c’est hallucinant ! J’avais envie d’en prendre un pour taper sur l’autre. (On entend des voix qui viennent de la salle à manger) Ça y est ils ont réussi à décoller leurs fesses de leurs chaises, je vais finir de débarrasser et faire la vaisselle.  (Ils sortent cuisine)

Acte 2 – Scène 2    Audrey (12)  – Pascal (9) – Sophie (4) - Lucille (8) – Jean Michel (3) – Aurélie (1)  - Médard (8)

(Pendant la scène, Sophie va faire des passages de la cuisine à la salle à manger) (Par ordre d’entrées, Pascal qui s’assoit, Audrey, Lucille, Jean-Michel et Aurélie)

Audrey                     Eh ben, les repas à la campagne, c’est quelque chose ! J’ai cru que ça n’en finirait jamais.

Pascal                       (Sophie ressort de la cuisine) Je n’avais jamais mangé un poulet aussi délicieux. 

Sophie                      Et très rare ! Un poulet à quatre pattes ! Y’a que nous qui en avons des comme ça ! Une spécialité de la région !

Pascal                       Ah bon, ce n’était pas du poulet ? C’était quoi alors ?

Sophie                      Du chat ! Y’en a plein qui trainent dans le coin ! (Elle sort salle à manger)

Audrey                     Du chat ? Baaah ! C’est où les toilettes ? Vite !       

Lucille                       La cabane au fond du jardin ! (Audrey sort)            Et elle le croit ! C’est pas une lumière, ta copine ! Qui se ressemble s’assemble ! Et ton poulet, espèce d’ignare, c’était du lapin !

Pascal                       Du lapin !? Excusez-moi, duchesse ! Tout le monde peut se tromper !

Lucille                       Question grande gueule, tu te poses là, mais question gastronomie…

Pascal                       Alors pour ce qui est de la grande gueule, tu me bats largement. Et que moi ceci, et que moi cela, et que j’ai fait ci et que j’ai dis ça ! Ça va au niveau du melon, c’est pas trop lourd à porter. En même temps, il y a de quoi le tenir, vu ce qu’il y a en dessous.

Lucille                       Ça veut dire quoi ça ?

Pascal                       Je veux juste dire que… c’est du costaud. On est sûr que, même en pleine tempête, ça bougera pas !

Lucille                       Espèce de goujat ! (A Jean-Michel) Et tu ne dis rien !? Je me fais insulter, et tu ne réagis pas.

Jean Michel                        Les histoires de famille, je préfère ne pas m’en mêler ! Et puis ça a été comme ça tout le repas, alors…

(Retour de Audrey quand Sophie sort de la salle à manger)

Audrey                     J’ai pas vu les toilettes au fond du jardin !

Sophie                      Les toilettes ? Dans le jardin ? Ça va pas bien vous ! Les toilettes, c’est la porte vers l’entrée.

Audrey                     Ah bon !? Du coup, je ne sais pas sur quoi j’ai vomis !

Sophie                      Vomis !? Dans le jardin !? Eh bien, c’est monsieur Médard qui va être content ! (Elle va cuisine, en entrant) Laissez monsieur Médard, allez plutôt « profiter »  de vos enfants.

Vous avez pu vous faire une bonne idée, du thème, de l’atmosphère, et des personnages.

Pour connaitre la suite et la fin, faites-en la demande directement à l’auteur par mail. Le texte intégral vous sera envoyé par mail, gracieusement.