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J'y CroiX Pas extrait
Extrait de J'y CroiX Pas
ACTE 1
On entend des sirènes de police. Un homme (Maurice) essoufflé entre. Il s’appuie contre la porte pour reprendre son souffle. Les sirènes s’éloignent.
Scène 1
(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)
MAU Ouf, j’ai eu chaud ! Il y en a partout, j’ai bien cru qu’ils allaient m’avoir. J’ai sûrement pulvérisé le record du monde du 1500 m. Si cette porte avait été fermée à clef, j’étais fait. Bon pour un retour à la maison poulet. (Il écoute) Ca va, on n’entend plus rien, ils doivent chercher plus loin. (il fait le tour de la pièce) Eh bien, c’est pas le grand luxe ici ! Qu’est ce que c’est que cette baraque ?
On entend des voix.
Merde, voilà du monde !
Il cherche un endroit pour se cacher et entre dans un placard. Deux religieuses entrent. Sœur Dorothée et Sœur Béatrice.
DOR C’était une bien belle messe !
BEA Ah c’était une belle messe !
DOR C’est ce que je viens de dire Sœur Béatrice !
BEA C’est ce que vous venez de dire Sœur Dorothée ! Oui ! Il n’y a aucun doute, vous l’avez dit ! Je l’ai entendu ! Vous avez…
DOR Sœur Béatrice ! Vous avez fini ? Ce que ça peut être pénible, votre manie de tout répéter et surtout de parler pour ne rien dire.
BEA Vous avez raison ! C’est vrai ! Parler pour ne rien dire, ça ne sert à rien ! Si on n'a rien à dire, on ne parle pas ! Mieux vaut parler pour dire quelque chose que pour rien, parce que pour ne rien dire, ce n’est pas la peine de parler, et puis…
DOR Stop ! S’il vous plait !
BEA Oh ça va, ça va, j’ai compris ! Je ne dirai plus rien ! Je ne parlerai plus ! Plus un mot ! Puisque je n’ai pas le droit de m’exprimer, je me tais ! Bouche cousue ! Muette comme une carpe ! Un tombeau ! Vous n’entendrez plus un son sortir de ma bouche ! Terminé ! Je ne …
DOR STOP ! Oh ! Seigneur, mais pourquoi n’a t’elle pas fait vœu de silence ?
Elle regarde Sœur Béatrice qui boude dans un coin.
Allez Sœur Béatrice ! Ne faites pas la tête !
BEA Je ne fais pas la tête !
DOR Je croyais ! Tout va bien alors ?
BEA Je ne fais pas la tête ! Je boude !
DOR Eh bien venez bouder à la cuisine, nous allons préparer le repas ! Sœur Monique et la Mère Supérieure vont bientôt arriver !
BEA Ah voilà ! Quand on a besoin de moi, on sait me trouver ! Si je viens vous aider, aurai-je le droit de dire… deux ou trois mots ?
DOR Mais bien sûr ! Deux ou trois, mais pas plus !
BEA Merci ! (en sortant) Alors pour en revenir au fait de parler pour ne rien dire, je pense, pour ma part, mais ce n’est que mon avis personnel, il vaut…
Maurice ouvre doucement la porte du placard et passe la tête.
MAU Des bonnes sœurs ! Je suis chez des bonnes sœurs ! Eh bien, je ne vais pas traîner ici moi.
Il va vers la porte d’entrée. On entend la voix de Sœur Béatrice qui revient. Il se cache à nouveau dans le placard.
BEA C’est comme ceux qui font des grands discours. Ils parlent, ils parlent,
mais au bout du compte…Qu’est ce que j’ai fait de mon gilet ? …
(elle l’a sur le dos. Elle fait le tour de la pièce en continuant à parler)
…mais au bout du compte, ils parlent beaucoup pour ne pas dire grand chose d’intéressant… mais où ai-je pu le mettre ? … (même jeu) … et finalement sur un grand discours on ne va rien retenir…( elle va pour ouvrir le placard)… non je ne l’aurais pas mis dans le placard… alors les grands orateurs feraient mieux d’aller à l’essentiel… (elle sort en parlant.)
L’homme ressort du placard.
MAU Là, j’ai cru que ça y était ! Vite il faut filer !
Il va à la porte d’entrée quand on entend d’autres voix. Il retourne au placard.
Mais c’est pas vrai, c’est plus difficile de sortir d’ici que ça ne l’a été d’échapper aux flics !
Entrée de la Mère Sup. Et Sœur Monique qui chante « Plus près de toi mon Dieu »
Scène 2
(Mère Supérieure – Sœur Monique)
MERE Sœur Monique ! Pourriez vous s’il vous plait arrêter de chanter.
MON Vous n’aimez pas ?
MERE Si ! Mais entendre la même chose pendant une heure, c’est lassant !
MON Je peux chanter autre chose si vous voulez.
MERE Non-merci, ça ira comme ça ! … Ah, au fait ! N’allez pas vous vexer de ce que je vais vous dire, mais je pense qu’il serait souhaitable que vous ne fassiez plus partie de la chorale de l’église.
MON Pourquoi ?
MERE Si vous faisiez comme les autres membres de cette chorale, il n’y aurait pas de problème, mais vous en faites un peu trop.
MON Je n’y peux rien, j’aime chanter, vous le savez bien ! C’était mon métier.
Chanté « Je chante ! Je chante soir et matin, je chante ! »
MERE Oui, je sais ! Mais je vous le répète, vous en faites trop, et ce n’est pas toujours très approprié. Quelquefois c’est même très gênant.
MON Je ne vois pas pourquoi !
MERE Vous ne voyez pas pourquoi ! C’est justement ce qui est grave ! Vous ne voyez pas pourquoi ! Aujourd’hui par exemple, pendant la messe d’enterrement, je ne pense pas que la famille du défunt ait beaucoup apprécié que vous tapiez dans vos mains ou que vous claquiez les doigts pendant les cantiques et encore moins quand après le refrain du « chant pour nos frères défunts », vous disiez, debout sur le banc, « Allez on reprend tous en chœur ! ».
MON Excusez-moi ma Mère, il est vrai que je me suis peut être laissée quelque peu emporter.
MERE La prochaine fois, essayez de vous contrôler ! Le Père Boucard était d’une fureur.
MON C’est pour ça qu’il était tout rouge ?
MERE Oui !
MON Je pensais que c’était le vin de messe qui lui chauffait les sangs.
MERE Eh non ! C’est vous qui lui échauffiez les oreilles.
MON Chanté « Allumer le feu ! Allumer le feu ! »
MERE Sœur Monique !
MON Pardon ma Mère ! Je ferai attention, ma Mère !
MERE Vous feriez bien ! Prendre le voile ne veut certes pas dire que nous devions être insensibles à tout, mais dans quelques circonstances, une certaine retenue s’impose.
MON Vous avez raison ma Mère ! Mais vous savez, le chant, c’était mon métier et c’était même plus qu’un métier jusqu’à ce que…
MERE Je sais mon petit ! Jusqu’à ce que votre imprésario, aveuglé par l’argent, ne vous pousse à faire galas sur galas. Toujours plus de galas pour vous, plus de drogue pour tenir le coup, et toujours plus d’argent pour lui. Et finalement, vous avez fini par y laisser votre voix.
MON Oui ! Et sans voix, plus de galas. Sans galas, plus d’argent. Et sans argent, plus d’imprésario. Ensuite, la déchéance, l’alcool…
MERE Jusqu’au jour, je vous ai trouvée, prostrée au fond de l’église, à demi morte de faim et de froid.
MON Et vous m’avez ramenée ici ! Vous m’avez sauvé la vie ma Mère. Et j’ai retrouvé une raison de vivre. Me mettre au service du Seigneur et des autres.
MERE C’est à ça que sert le couvent des Repentantes. Bon, n’en parlons plus ! Je pense que Sœur Béatrice et Sœur Dorothée sont à la cuisine. Allons nous recueillir dans nos cellules avant le repas.
Elles se dirigent vers les cellules.
MON Chanté « Plus près de toi mon Dieu… »
MERE Sœur Monique !
Scène 3
(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)
Maurice sort du placard
MAU Je commençais par étouffer là-dedans ! Vite, avant qu’elles ne reviennent.
Il va à la porte quand on entend Sœur Béatrice qui revient. Il retourne au placard.
C’est pas possible ! Je n’y arriverai jamais ! Je vais finir par mourir dans ce placard !
Il s’enferme. Entrée de Béatrice, suivie par Dorothée qui va s’asseoir à la table, la
tête dans les mains avec un grand sourire.
BEA … par contre quand on dit que le silence est d’or, je répondrai : « oui, mais la parole est d’argent ». D’ailleurs, si le Seigneur nous a donné l’usage de la parole, c’est pour nous en servir, sinon il ne l’aurait pas fait. C’est un bienfait du Seigneur ! Il faudrait d’ailleurs qu’on en parle plus souvent, et qu’on le dise bien haut. Nous devrions tenir une conférence sur le sujet. Qu’en pensez-vous Sœur Dorothée ? Pas de réponse… Vous ne croyez pas ? Pas de réponse… Qu’en dîtes vous ? Béatrice va la secouer par les épaules. Dorothée sursaute.
DOR Hein ?
BEA Je disais : Que pensez-vous de mon idée ?
DOR Comment ?
BEA Mais que vous arrive t’il Sœur Dorothée ? Vous n’allez pas bien ? Vous êtes bizarre.
DOR Pardon ?
BEA Ca fait une demi-heure que vous n’avez pas dit un mot. Etes vous malade ?
DOR Oh excusez-moi ! Elle retire des boules Quiès. Vous disiez ?
BEA Ah c’est agréable d’avoir une conversation avec vous ! Je vous remercie ! Mais si je vous ennuie, il faut me le dire !
DOR Sœur Béatrice ! Vous aviez droit à deux ou trois mots. J’ai donc écouté les trois premiers et ensuite… le silence des grands fonds ! Ca fait un bien fou, vous devriez essayer un jour.
BEA Message reçu ! Je ne dis plus rien !
DOR Parfait ! Mettez donc le couvert, je vais voir si le facteur est passé.
BEA Il est sans doute passé, il passe tous les jours à la même heure, alors il est certainement passé, vu que l’heure où il passe habituellement est passée. Mais vous verrez bien, s’il y a du courrier dans la boite, c’est qu’il est passé. Forcément, parce que s’il n’était pas passé, il ne pourrait pas y avoir de courrier dans la boite alors…
Regard noir de Dorothée.
DOR Et c’est reparti pour un tour. Vous êtes incorrigible ! Elle sort.
Béatrice met la table (couverts, verres, corbeille de pain, carafe d’eau, un grand couteau)
BEA Tiens, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose… non je ne vois pas ! Je demanderai à Sœur Dorothée… non, je ne lui demanderai plus rien.
Dorothée revient avec le courrier.
DOR Vous aviez raison ! Il y avait du courrier dans la boite DONC le facteur était passé ! Vous avez un esprit de déduction hors du commun Sœur Béatrice, Colombo à côté de vous, c’est de la roupie de sansonnet… elle regarde la table… dîtes moi, vous avez terminé de mettre le couvert ?
BEA Oui pourquoi ? Quelque chose ne vous convient pas, sans doute !
DOR Vous avez l’intention de manger dans votre chaussure ?
BEA Hein ? Dans ma chaussure ? Certainement pas !
DOR Alors mettez des assiettes ! Elle sort cuisine.
BEA (haut) Oh mais ce n’est pas la peine de faire « Madame je sais tout » ! Je le savais bien qu’il n’y avait pas d’assiettes. Je ne suis pas complètement stupide !
(bas en riant) Les assiettes ! J’ai oublié les assiettes ! On fait de ces bêtises quelquefois ! Manger dans ma chaussure ! Oh ben non alors ! Ca ne donnerait pas un bon goût ! Encore que… vu ce que nous prépare Sœur Dorothée… Des fois, on ne sait pas ce qu’on mange. On n’arrive pas à reconnaître. Alors on est… une, deux, trois, quatre donc quatre assiettes. Elle va ouvrir le placard. On voit un bras tendre quatre assiettes. Merci ! Elle referme le placard et met les assiettes sur la table quand revient Sœur Dorothée.
BEA Dîtes Sœur Dorothée !
DOR Quoi encore ?
BEA C’est vous qui avez rangé un homme dans le placard ?
DOR Regard navré Bien sûr, Sœur Béatrice ! C’est toujours là que je les mets !
BEA Ah bon !
DOR La pauvre ! Mon Dieu, faites quelque chose !
BEA Quand même ! Mettre un homme dans un placard ! Il ne doit pas être bien.
DOR Sœur Béatrice ! Au lieu de dire des bêtises, faites donc attention.
BEA Qu’est ce que j’ai fait ?
DOR Vous avez mis quatre assiettes !
BEA Oui et alors ? Nous sommes quatre il me semble !
DOR Et l’assiette du pauvre ? Vous avez oublié l’assiette du pauvre !
Elle se dirige vers le placard, l’ouvre, pousse un cri et court de l’autre côté de la pièce.
DOR Il y a un homme dans le placard !
BEA Ben oui je sais ! Je viens de vous le dire. Mais vous devez le savoir, puisque c’est là que vous les rangez ! C’est vous-même qui l’avez dit !
DOR Mais, j’ai dit ça comme ça ! Je ne savais pas qu’il y avait vraiment un homme.
BEA Ah bon ? Alors, vous ne le connaissez pas ? Vous êtes sûre ?
DOR Evidemment que j’en suis sûre !
BEA Elle se met à crier. Aaaaah ! Il y a un homme dans le placard et on ne le connaît même pas !
DOR Qu’est ce qu’il fait là ?
BEA Si vous voulez mon avis, il ne doit pas faire grand chose. Dans un placard, qu’est ce que vous voulez faire ?
DOR Comment est-il arrivé dans ce placard ?
BEA Pour le savoir, il faudrait lui demander !
DOR Eh bien demandez-lui ! Vous qui parlez tout le temps.
BEA Et pourquoi moi ?
DOR Parce que c’est vous qui l’avez vu la première !
BEA Oh je l’ai vu, je l’ai vu… je l’ai tout juste aperçu, et encore !
DOR De toute manière, on ne peut pas le laisser là-dedans.
BEA Et pourquoi pas ? Après tout, on ne l’a pas forcé à y entrer.
DOR Il va finir par étouffer !
BEA (avec un geste) Pff !!!
DOR Sœur Béatrice ! Nous devons aider notre prochain !
BEA Je suis bien d’accord avec vous, mais jusqu’à maintenant, rien ne prouve qu’il ait besoin d’aide. On ne l’a pas entendu appeler au secours !
DOR En la poussant Allons Sœur Béatrice, soyons courageuses !
BEA La poussant à son tour Vous avez raison ! Soyez courageuse ! Vous ouvrez et moi je me tiens prête à intervenir en cas d’agression sauvage et sanglante.
DOR Je vous remercie, vous avez un don certain pour mettre les gens à l’aise.
BEA Ne vous inquiétez pas, je prends quelques précautions.
Elle prend un grand couteau de cuisine sur la table et se met en position défensive.
Vous pouvez ouvrir !
DOR C’est peut être un peu trop, non ?
BEA C’est vrai, je pourrais lui faire du mal involontairement !
DOR A vrai dire, je crains surtout pour moi !
Elle pose le couteau, remonte sa tenue de nonne sous laquelle elle est en jogging et se met en position de karatéka.
Là, vous pouvez y aller !
Dorothée se met sur le côté de la porte et l’ouvre. Béatrice pousse un cri et fait des mouvements de bras.
Scène 4
(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)
MAU sortant du placard les mains en l’air Holà, du calme !
DOR Qui êtes vous ? Que faîtes vous ici ? Comment êtes vous entré ?
BEA Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? (regardant Dorothée) Euh quoi encore ?
DOR C’est tout !
BEA (à Maurice, fort) C’est tout ! Alors tu vas parler !
DOR Sœur Béatrice !
BEA excusez-moi, je me suis laissée emporter par l’action. (Polie, reprenant une position normale ) Monsieur, voulez-vous bien répondre ?
MAU Je réponds à quelle question en premier ?
BEA (reprenant la position karaté) Attention ! Je vous ai à l’œil
MAU Ca va Bruce Lee, ça va ! Pas la peine de s’énerver !
DOR Qui êtes vous ?
BEA Oui, qui ?
MAU Je m’appelle Maurice !
BEA Il s’appelle Maurice !
DOR Merci, j’avais compris ! Et comment êtes vous entré ?
BEA Oui, comment ?
MAU Normalement, par la porte !
BEA Attention, faîtes pas le mariole ou j‘avoine ! mouvements de karaté.
DOR Du calme Sœur Béatrice !
MAU Je peux baisser les bras ? Je fatigue !
DOR Bien sûr !
BEA Mais pas de gestes brusques, sinon…
MAU C’est pas vrai ! Où je suis tombé ?
DOR Vous êtes au couvent des Sœurs Repentantes !
BEA Oui ! Repentantes !
DOR Sœur Béatrice !
BEA Oui Sœur Dorothée.
DOR S’il vous plaît, taisez-vous !
BEA D’accord, je me tais, et je le surveille ! Restons concentrées !
MAU C’est quoi les sœurs repentantes ?
BEA Ce sont des filles qui ont perdu leurs illusions et ont trouvé la religion pour dernier refuge.
DOR Quelle belle formule Sœur Béatrice ! Vous m’épatez !
MAU Et que vous est-il arrivé pour vous retrouver ici ?
BEA J’étais championne de karaté !
MAU Ah, ça explique les… mouvements karaté Et alors ?
BEA J’ai eu une vilaine blessure ! Du jour au lendemain, je ne valais plus rien. Tout le monde m’a laissée tomber. Tous mes soi-disant amis… Je n’avais pas de famille et comme je ne savais rien faire d’autre que du karaté… J’ai demandé à mon entraîneur de m’aider, il m’a dit que tout ce qui me restait à faire, c’était Bonne Sœur, alors voilà.
MAU Eh bien dîtes donc quel salaud !
BEA C’est exactement ce que j’ai pensé !
MAU (à Dorothée) Et vous ?
DOR Trop long à expliquer ! Et pour le moment, c’est nous qui posons les questions.
BEA reprenant sa position Oui ! Les questions c’est nous ! Enfin c’est surtout elle !
DOR Oh, mais je crois avoir compris !
BEA Elle a compris ! Ca t’en bouche un coin, hein ?
MAU Compris quoi ?
BEA Compris que… le… (à Dorothée) …Compris quoi ?
DOR La police qui patrouille partout. C’est vous qu’elle cherche !
MAU Moi ? Recherché par la police ? Qu’est ce que vous allez imaginer ?
DOR Bien ! Alors je vous prie de sortir d’ici immédiatement.
BEA Mais… attendez sœur Dorothée. On ne sait même pas ce qu’il faisait ici.
DOR On le saura bientôt, faîtes moi confiance ! Alors, vous sortez ?
MAU Pas de problème ! Je sors ! (il va vers la sortie)
DOR En sortant, voulez vous demander au policier qui est juste devant la porte, de bien vouloir déplacer sa voiture de quelques mètres. Elle gêne pour entrer la nôtre dans le garage. Merci !
MAU (devenant très hésitant). Au policier… devant la porte… euh… oui ! Bon… eh bien je vais y aller… je vais vous laisser… je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité… je ne vais pas tarder à partir… voilà, voilà, voilà… alors, j’y vais…
DOR C’est ça !
MAU Heureux de vous avoir connues…
DOR Nous de même !
BEA Mais à quoi ils jouent tous les deux ?
MAU Dommage qu’on n’ait pas le temps de discuter plus longtemps…
DOR Une autre fois !
MAU C’est ça, une autre fois… ben voilà… quand faut y aller, faut aller !… Alors… j’y vais !
Il sort, et revient aussitôt.
Ah dîtes donc ! C’est vrai que des fl… des policiers… il y en a partout ! C’est impressionnant !
DOR Alors vous pouvez partir tranquille. Vous ne risquez pas de vous faire agresser.
MAU Ca, c’est sûr !… Dîtes… vous n’auriez pas quelque chose à boire ? J’ai la gorge sèche… faut dire qu’il fait chaud !
DOR Nous sommes en été, c’est normal !
BEA Ca, en été, la chaleur, c’est normal. C’est pas comme en hiver parce que…
DOR Sœur Béatrice ! Voulez vous vous taire et servir un verre d’eau à Monsieur ? (Béatrice lui donne un verre) Et surtout, prenez votre temps pour le boire !
BEA Oui, il ne faut jamais boire trop vite, c’est mauvais pour la santé !
MAU Alors la, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me presser !
DOR Bien sûr ! Et avec un peu de chance, la police sera partie quand vous aurez terminé !… Vous ne croyez pas qu’il serait temps d’arrêter votre cinéma ? Avouez que c’est vous qu’ils cherchent !
MAU Mais pas du tout !
BEA se remettant en position karaté. Sœur Dorothée ! J’avoine ?
DOR Avoinez sœur Béatrice !
Béatrice court après Maurice autour de la table.
MAU Eh ça ne va pas non ! Mais c’est qu’elle le ferait !
DOR Alors ?
MAU …Oui, c’est après moi que les flics en ont.
BEA Alors, j’avoine ou j’avoine pas
DOR Pas pour l’instant Sœur Béatrice. Monsieur à l’air d’être devenu raisonnable.
BEA Oh zut alors !
DOR Peut-on savoir pourquoi ils vous cherchent ?
MAU Je me suis échappé pendant mon transfert de la prison.
BEA Parce que vous étiez en prison ?
MAU Oui, mais c’est une erreur judiciaire !
BEA Aïe ça c’est grave !
MAU Pardon ?
BEA Erreur judiciaire, c’est grave ! Quand tu es coupable, on trouve toujours un vice de forme pour te relâcher, mais si tu es innocent alors là, tu prends le maximum.
MAU Ca, j’en sais quelque chose !
DOR Bien sûr ! Il est bien connu que les prisons sont remplies d’innocents !
MAU Je ne sais pas si elles en sont remplies, mais il y en a. J’en suis la preuve flagrante.
DOR Et pourquoi devrait-on vous croire ?
BEA Oui, c’est vrai ! Pourquoi devrait-on vous croire ?… (à Dorothée) Et pourquoi ne le croirait-on pas ?
MAU (il s’assied, semblant soudain abattu) Oh vous n’êtes pas obligées de me croire ! Je ne peux vous donner aucune preuve. Je n’ai d’ailleurs pas pu en fournir à la justice, alors…
BEA (prenant à part Dorothée) Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’ai l’impression qu’il est sincère. Regardez-le !
DOR Méfiance Sœur Béatrice ! Nous ne savons rien de lui et j’ai appris, dans le passé, à être très prudente.
BEA Vous avez peut être raison ! De toute façon, ne vous inquiétez pas. Je le surveille et au moindre mauvais geste, j’avoine !
DOR Ma parole, mais vous ne pensez qu’à ça !
BEA Non, mais ça me rappellerait ma jeunesse ! Qu’est ce qu’on fait avec lui ?
DOR Que voulez-vous qu’on fasse ? Il va repartir comme il est venu et voilà !
BEA Mais il est peut être vraiment innocent !
DOR Peut être ! Mais peut être pas ! Ce n’est pas notre affaire !
BEA Mais si il part, il va se faire prendre ! C’est comme si nous le donnions nous même à la police.
DOR Je vous répète que cela n’est pas notre affaire !
BEA (pathétique) C’est comme si nous le conduisions nous même à l’échafaud !
DOR C’est peut être un peu exagéré non ?
BEA (de plus en plus) C’est comme si nous tenions nous même la hache pour le fusiller !
DOR Vous avez fini !… Quoique dans le fond, vous n’ayez pas tort. Si il est innocent… Il faudrait en savoir plus.
MAU (se levant) C’est bientôt fini les messes basses.
BEA (menaçante) Pas bouger !
On entend tinter une cloche.
MAU Qu’est ce que c’est que ça ?
DOR La cloche pour le repas. Les Sœurs ne vont pas tarder à arriver.
MAU Je dois partir ! Inutile que d’autres personnes me voient !
BEA (à la porte) Les policiers sont toujours là !… Sœur Dorothée…
DOR Oui ?
BEA Il faut le cacher !
DOR Le cacher ? Mais vous êtes folle !
BEA Sœur Dorothée…
DOR On ne va pas le garder ici !
BEA Sœur Dorothée ! La police, l’échafaud…
DOR Et la hache pour le fusiller ! Je sais !… Bien, écoutez-moi ! Vous allez vous cacher. Après le repas, les autres sœurs iront se coucher, et nous reprendrons notre conversation.
MAU Merci !
DOR Ne me remerciez pas, je ne vous promets rien !
BEA Vite, je les entends qui arrivent ! Cachez-vous !
MAU Où ?
DOR Eh oui ! Où ? Il n’y a aucun endroit pour le cacher !
BEA Si ! (elle montre le placard)
MAU Ah non ! Pas le placard !
BEA C’est ça ou rien ! Et puis, je suis sûre que vous n’avez pas encore tout visité.
Elle le pousse dans le placard, referme la porte. Maurice ouvre la porte, passe la tête.
DOR Rentrez là-dedans !
MAU J’ai faim !
BEA On va s’en occuper ! (Elle le repousse à l’intérieur au moment où Sœur Monique et la Mère Sup entrent).
Scène 5
(Sœur Dorothée – Sœur Béatrice – Mère Sup – Sœur Monique)
MERE A table mes sœurs ! Sœur Dorothée, vous pouvez servir !
DOR (pensive)
MERE … Sœur Dorothée ! Vous pouvez servir !
DOR Hein ? Servir à quoi ?
MERE Servir ! Le repas !
DOR Ah oui ! Excusez-moi ma mère, j’étais distraite !
(Elle sort cuisine, les autres s‘installent autour de la table)
MERE Qu’est ce qu‘elle a ? Elle est malade ?
BEA Je ne pense pas ma Mère ! Certainement un peu de fatigue !
Dorothée revient avec un plat qu’elle pose sur la table. Les sœurs s’installent.
MERE Sœur Monique, c’est à vous de dire le bénédicité.
MON (se lève) Bénissez ce repas Seigneur ! (elle s’assied)
MERE C’est tout ? C’est un peu court, ne trouvez-vous pas ?
MON Ma mère, je ne sais jamais quoi dire !
DOR C’est pas comme certaines !
MERE Ayez un peu d’imagination ! Il n’est tout de même pas très difficile de remercier le Seigneur pour ses bontés, et d’avoir une pensée pour les pauvres, par exemple.
MON Vous savez que je n’aime pas beaucoup parler !
MERE Oui, je sais ! Mais essayez tout de même ! Faîtes un effort !
MON (se relève et chante sur l’air de « Comme d’habitude »)
Bénissez ce repas Seigneur - Que Sœur Dorothée - a préparé
comme d’habitude.
Mais faîtes que ce soit meilleur – Mieux que la dernière fois – pas comme d’habitude.
Les sœurs s’assoient.
DOR Merci ! Je ne critique pas votre façon de faire la lessive, moi !
MON Qu’est ce qu’elle a ma façon de faire la lessive ?
DOR Rien !
MON Mais si parlez ! Vous en avez trop dit ou pas assez !
MERE Mes sœurs, s’il vous plaît !
MON Excusez-moi ma mère, mais Sœur Dorothée a sous-entendu quelque chose et j’aimerais bien savoir quoi !
DOR Eh bien Sœur Monique, quand on fait la lessive, on met… de la lessive ! Vous savez, cette poudre blanche qui fait de la mousse ! Pourtant, en poudre blanche, vous en connaissez un rayon il me semble ! Non ?
MERE SŒUR DOROTHEE ! Cela suffit ! Je ne peux pas permettre ce genre de comportement !
DOR Je vous demande pardon ma Mère ! A vous aussi Sœur Monique ! Mais je n’aime pas beaucoup que l’on critique ma cuisine ! Je ne suis peut être pas un fin cordon bleu, mais il me semble que personne n’a jamais été malade après un repas que j’avais préparé ! Sœur Monique, avez vous été malade, une seule fois, après un de mes repas ?
MON Après ?… Non !
DOR Ah ! Vous voyez !
MON Mais je suis malade AVANT, rien qu’à l’idée de manger une de vos… préparations. (Chanté) « Je suis malade ! Complètement malade ! »
MERE SŒUR MONIQUE !
MON Pardonnez-moi ma Mère ! Excusez-moi Sœur Dorothée ! Mais admettez quand même que ce que vous cuisinez est… bizarre !
DOR Bizarre ? Ma Mère, vous trouvez que ma cuisine est bizarre ?
MERE Mais non, mais non !
DOR Ha !
MERE Vous avez des préparations culinaires qui vous sont très personnelles, c’est tout !
DOR Voilà ! C’est ça ! Je fais de la cuisine personnelle ! Pas de la cuisine de tout le monde ! Et vous aimez ma Mère, la cuisine personnelle ?
MERE Eh bien… disons que… ce n’est pas mauvais du tout… mais on ne sait pas toujours, très bien, ce que c’est !
DOR C’est le propre de la cuisine personnelle !
MERE Par contre, ce soir, j’ai l’impression que vous vous êtes surpassée. Cette choucroute sent très bon !
DOR La chou… (vexée) Ce n’est pas de la choucroute !
MON Ah bon ? Qu’est ce que c’est ?
DOR Ce sont des spaghettis et des merguez !
MON Alors pourquoi cela sent-il la choucroute ?
DOR Ca ne sent pas la choucroute ! Ca sent le ketchup… périmé !
MON Le ketchup périmé ? Mais elle veut nous empoisonner !
MERE Pouvez-vous nous donner une explication Sœur Dorothée ?
DOR J’avais déjà mis le ketchup quand je me suis aperçue que la date était passée depuis deux mois.
MON Deux mois seulement ? Alors ça va, on ne risque rien ! Deux mois !
DOR J’ai pas vu, j’ai pas vu ! On ne va pas en faire un plat !
MON Vous n’avez pas hésité à en faire un, vous, de plat !
MERE Allons, allons, mes sœurs ! Ne vous disputez pas. Sœur Dorothée va aller passer les spaghettis sous l’eau bouillante pour enlever le ketchup, et voilà ! Tout cela n’est pas bien grave !
DOR (se lève, prend le plat et sort) Si c’est pas malheureux ! Quel gaspillage ! Il y en a qui seraient bien content d’en avoir du ketchup… même périmé !
MON Ma mère, puis-je demander quelque chose ?
MERE Oui, ma sœur ?
MON Ne pourriez-vous pas interdire l’accès de la cuisine à Sœur Dorothée ?
MERE Sœur Dorothée a fait une erreur ! Il faut savoir pardonner !
MON Elle va finir par toutes nous envoyer au cimetière.
MERE Au paradis ma Sœur ! Au paradis ! Et cela ne doit pas vous faire peur.
MON Oui, au paradis ! C’est ce que je voulais dire ! Mais si je dois y aller, au paradis, je préfèrerais que ce soit avec l’estomac en bon état. (chanté) « J’ai la rate qui se dilate, j’aie le foie qu’est pas droit… »
Retour Dorothée. Elle pose violemment le plat sur la table.
DOR Voilà des pâtes ! Sans ketchup !
BEA Chanté « Des pâtes, des pâtes, oui mais des pâtes natures ! »
Elles se servent, sauf Béatrice.
MERE Sœur Béatrice !…
BEA …
MERE Sœur Béatrice …
BEA Oui ?
MERE Que vous arrive t’il ma Sœur ? Vous n’avez pas dit un mot durant cette conversation… culinaire. Cela ne vous ressemble pas. Quelque chose qui ne va pas ?
BEA Oh non ma Mère ! Je… je méditais !
MERE Bien, bien ! La méditation est une bonne chose ! Cela nourrit…
MON Cela nourrit ? (repoussant son assiette) Je vais peut être me mettre au régime méditation. Au moins on ne risque pas l’empoisonnement.
MERE Cela nourrit l’esprit ! Pas le corps ! Alors mangez Sœur Monique !
MON Ca sent toujours la choucroute !
DOR Forcément ! Le ketchup, ça imprègne ! Tous ceux qui font de la cuisine personnelle le savent ! Et puis quoi ? Vous n’aimez pas la choucroute ?
MON Si !
DOR Alors soyez heureuse ! Vous faîtes deux repas en un ! Remerciez le Seigneur, c’est certainement lui qui a guidé ma main !
MERE Sœur Dorothée, je vous prie de garder la responsabilité de vos bêtises. N’y mêlez pas notre Seigneur. Maintenant, mangeons en prière !
Scène 6
Elles baissent la tête et mangent un moment en silence. La porte du placard s’entrouvre et Maurice passe la tête. Dorothée le voit et lui fait des signes pour se cacher.
MERE Que vous arrive t’il Sœur Dorothée ?
DOR Euh… une mouche… c’est une mouche !
Maurice repasse la tête, montre qu’il à faim. Dorothée se lève discrètement avec son assiette. MERE la voit.
MERE Que faîtes vous encore ?
DOR Je… j’allais… j’allais chercher… du sel !
MERE Et vous emmenez votre assiette avec vous ! Vous avez peur qu’on vous la prenne !
MON Ne craignez rien de ma part !
MERE Le sel est dans le placard, et le placard est juste là ! Vous pouvez donc le prendre sans quitter votre assiette des yeux, si vous craignez tellement.
DOR Non… c’était pour…pour éviter d’avoir à ramener la salière.
MERE Vous préférez transporter une assiette pleine, plutôt qu’une petite salière ? J’ai du mal à vous suivre Sœur Dorothée. Etes-vous certaine d’aller bien ?
MON A mon avis, ce sont les spaghettis-choucroute qui commencent à faire leur effet.
MERE Taisez-vous Sœur Monique ! Alors Sœur Dorothée, que vous arrive t’il ?
DOR Rien ma Mère ! Rien ! Ne vous faîtes pas de soucis ! Mangez, mangez, cela va refroidir !
MON Déjà chaud c’est quelque chose, alors froid…
MERE Asseyez-vous ! Je vais vous le passer ce sel ! (elle se lève pour aller au placard)
DOR NON !!!
MERE Comment ?
DOR Euh… Le sel n’est plus dans le placard ! Il est à la cuisine !
MERE Ah bon ? Vous avez changé le sel de place ?
BEA Mais non !
DOR Mais si Sœur Béatrice ! Vous me l’avez amené à la cuisine ! Rappelez-vous !
BEA Mais pas du tout ! Pourquoi l’aurais-je emmené à la cuisine ? Je ne vois pas pourquoi j’aurais fait une chose pareille.
MON Peut être pour saler ses… plats !
MERE Vous avez fini vos chamailleries ? Alors où est-il ce sel ?
En même temps.
DOR A la cuisine !
BEA Dans le placard !
MERE Vous m’inquiétez de plus en plus toutes les deux ! Nous allons en avoir le cœur net immédiatement. Il suffit d’ouvrir le placard, et nous verrons bien.
Elle va en direction du placard. Dorothée faisant des signes à Béatrice.
DOR Sœur Béatrice ! Le placard !…
Béatrice comprend enfin.
BEA NON !!! N’ouvrez pas !
MERE Pourquoi ?
BEA A cause de…
DOR A cause du sel ! Qui n’y est pas ! N’est ce pas Sœur Béatrice ?
BEA Oui, oui ! Sœur Dorothée a raison ! Je viens de me souvenir tout à coup que le sel est à la cuisine ! Elle en avait besoin !
MON Pour saler la choucroute !
DOR Voilà ! Pour saler la chou… (criant en étranglant Sœur Monique) Ce n’est pas de la choucroute !
MERE MES SŒURS ! Je ne sais pas ce qui vous arrive, mais vous ne me semblez pas dans votre état normal. Je sais que pour vous, cette vie est relativement nouvelle, et qu’il est peut être difficile de vous y adapter. Mais vous êtes ici pour ça ! Il faut vous reprendre ! Sinon vous risquez de retomber dans vos… travers, et tout le travail consenti, jusqu’à maintenant, l’aura été en pure perte ! Aussi, après le repas, vous irez vous recueillir dans la chapelle et vous méditerez. Cela ne peut que vous faire le plus grand bien.
DOR Bien ma Mère !
BEA Oui ma Mère !
MERE L’incident est clos ! Mangeons !
Elles mangent en silence. La porte du placard s’ouvre à nouveau. La tête de
Maurice réapparaît. Il fait signe qu’il a de plus en plus faim. Sœur
Dorothée prend un morceau de pain et lui lance. La porte se referme.
MERE Que se passe t’il encore ma Sœur ?
DOR Toujours cette mouche ma Mère. Mais ça y est-je l’ai chassée !
Elles continuent de manger. La porte s’ouvre à nouveau. Maurice fait signe qu’il a
une envie urgente. Il referme la porte.
MERE Bien ! Maintenant, y a t’il autre chose au menu ?
BEA Oui, il y a…
DOR Rien, il n’y a plus rien !
BEA Mais si, il y a…
DOR Rien ! Je vous dis qu’il n’y a plus rien, Sœur Béatrice. N’insistez pas !
BEA Mais, le biscuit ?
MERE Quel biscuit ?
BEA Sœur Dorothée a fait un magnifique biscuit.
MON Alors allez vite le chercher Sœur Béatrice.
DOR Vous avez encore faim Sœur Monique ?
MON Oui, un peu !
DOR Alors reprenez un peu de choucroute !
MON Non-merci ! Je préfèrerais goûter ce fameux biscuit !
DOR Il n’y a plus de biscuit ! Il a brûlé, je l’ai jeté !
MON Oh, quel Dommage !
MERE Puisque nous en avons terminé, Sœur Monique…
MON (se lève) Merci Seigneur pour ce… repas. Ma Mère, puis j’ajouter quelque chose ?
MERE Mais bien entendu si vous avez une inspiration !
MON Alors merci Seigneur pour ce repas, mais si tu pouvais nous trouver un traiteur ce ne serait pas plus mal. Amen !
MERE Oui ! Bon ! Il est temps de quitter cette table. Sœur Monique, quel est votre travail ce soir,
MON Je dois arroser les fleurs !
MERE Alors allez-y ! Quant à vous, après la vaisselle, n’oubliez pas d’aller à la chapelle.
BEA Nous n’y manquerons pas ma Mère !
MERE Je vous laisse alors ! Je serai dans mon bureau et ensuite, j’irai me coucher.
Elle sort. Dorothée et Béatrice se précipitent vers le placard, l’ouvre, Maurice va
sortir quand la Mère Sup revient.
OFF J’ai oublié… Elles referment les portes, repoussant violemment
Maurice dans le placard. …de vous dire que demain, nous aurons le plaisir d’avoir la visite de l’Evêque. Il aura un entretien avec chacune d’entre vous, pour savoir comment se passe votre séjour ici. Votre avenir dépend beaucoup de ce que vous direz. Je préfère vous prévenir afin que vous y réfléchissiez. Bonne nuit mes Sœurs ! A demain ! (elle sort)
Scène 7
(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice – Sœur Monique)
Elles ouvrent le placard, Maurice en sort précipitamment
MAU Vite, vite ! C’est où les chio… les toilettes ?
DOR Par-là, au fond du couloir ! Mais vous ne pouvez pas y aller. Il vous faut passer devant le bureau de la Mère Supérieure et elle ne ferme jamais la porte.
MAU Faut que j’aille ! Vite, c’est urgent !
BEA Le mieux, c’est d’aller dehors, dans la cour intérieure, il y a un petit parc !
MAU C’est où ?
DOR Par ici, mais faîtes attention, il y a Sœur Monique !
Maurice sort,( fond gauche.)
BEA Eh bien, ça presse ! Heureusement que les Sœurs sont parties, il aurait fini par faire dans le placard !
DOR A propos, Sœur Béatrice, vous n’êtes pas très vive d’esprit !
BEA Pourquoi ?
DOR Pendant que je faisais tout ce que je pouvais pour écourter le repas, vous insistiez lourdement avec le biscuit. Vous n’avez pas vu les signes qu’il faisait.
BEA Bien sûr que je les ai vus ! Mais je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Et puis j’en aurais bien mangé un peu de ce biscuit.
Retour de Maurice. Pendant la conversation, il va prendre le plat de spaghettis et manger.
MAU Ah c’que ça fait du bien !
BEA C’est vrai, il y a des petites choses comme ça qui sont de vrais moments de bonheur. Moi par exemple, j’aime beaucoup….
DOR (la coupant) Personne ne vous a vu ?
MAU Non, non ! J’ai aperçu votre collègue, mais elle était de l’autre côté du parc. Je me suis caché derrière un massif.
DOR Bien ! Et maintenant que fait-on ?
BEA Je disais que j’aime beaucoup quand…
DOR Ecoutez Sœur Béatrice, nous n’avons pas le temps d’écouter vos histoires. Il faut prendre une décision en ce qui Monsieur… Monsieur comment au fait ?
BEA Oui, c’est vrai ça ! Comment vous vous appelez ? Moi c’est Sœur Béatrice et voilà Sœur Dorothée. Il y a aussi Sœur…
DOR Sœur Béatrice ! Voulez-vous le laisser parler, s’il vous plaît.
BEA Bon, bon, je me tais ! Je pensais simplement, qu’il était bon de nous présenter, afin que Monsieur sache qu’il avait à faire à des religieuses.
MAU Ca, j’avais remarqué !
BEA Ah bon ? Dîtes donc, vous êtes drôlement perspicace vous !
DOR Sœur Béatrice ! Vu les tenues que nous portons, je ne pense pas que Monsieur ait pu nous prendre pour des militaires ou pour des déménageurs.
BEA Oui, évidemment ! J’oublie souvent que nous sommes habillées de cette façon !
DOR (à Maurice) Alors vous êtes Maurice ! Mais Maurice quoi ?
MAU Jacquet ! Maurice Jacquet !
DOR Jacquet… Maurice Jacquet… ça me dit quelque chose…
MAU Vous avez certainement entendu parler de moi par la presse. Mon affaire a défrayé la chronique.
DOR Oui, c’est ça, je me souviens ! Une affaire d’escroquerie aux assurances, fraudes fiscales, détournements de fonds, et j’en passe.
BEA Eh bien vous ne faîtes pas les choses à moitié vous !
MAU Mais ce n’est pas moi ! Je suis innocent !
BEA Tiens donc !
MAU Non, en fait, je suis coupable !
BEA Ah ! Il avoue !
MAU Oui, coupable ! Coupable d’être crédule ! Coupable de faire confiance à n’importe qui ! Finalement, coupable d’être un idiot !
DOR Vous pourriez nous expliquer !
BEA Oui, il faudrait nous expliquer ! Surtout à moi, qui ne suis pas…vive d’esprit.
MAU Vos… collègues ne risquent pas de revenir ?
DOR Non, ne craignez rien !
MON OFF Sœur Dorothée ! Sœur Béatrice !
BEA Je crois que vous avez parlé trop vite ! Vous, cachez-vous ! Hop, au placard !
MAU Je commence à croire que j’aurais mieux fait de rester en prison. Si c’est pour être au placard, ma cellule était un peu plus spacieuse.
BEA Vous n’allez pas faire le difficile ! Personne n’est allé vous chercher ! Entrez là-dedans.
Entrée de Sœur Monique
MON Vous êtes encore là, je vous croyais à la cuisine.
DOR Qu’y a t’il Sœur Monique ?
MON La Mère vous a dit que l’évêque venait demain ?
DOR Oui, nous sommes au courant !
MON Il va falloir être en forme ! Il paraît qu’il va nous poser des tas de questions pour savoir si nous sommes vraiment motivées, si nous pouvons rester, enfin tout ça !
BEA C’est comme un sergent recruteur !
MON Oui, si vous voulez ! Vous devriez vous dépêcher de faire la vaisselle pour pouvoir aller vous reposer. Bonne nuit !
Elle sort. « Le rire du sergent, la folle du régiment…
SCENE 8
DOR Elle a raison, dépêchons-nous !
Elles débarrassent la table, Béatrice enlève la clé du placard et elles sortent en éteignant la lumière.
Un moment passe sans bruit.
MAU Eh !… Eh… y’a quelqu’un ?… Y’a quelqu’un ?… Mais c’est pas vrai, qu’est ce qu’elles font ?… C’est peut être le moment d’en profiter pour filer… Mais… mais… elles m’ont enfermé ! (il donne des coups à la porte) C’est pas possible ! Pourquoi il a fallu que j’entre ici ? Je vais mourir dans ce placard… ah l’air me manque… aaahh… j’étouffe… au secours… (bas) au secours…
Retour Béatrice et Dorothée.
DOR Je vous dis que nous avons oublié quelque chose !
BEA Mais non ! Regardez, nous avons tout débarrassé ! Tout est normal !
DOR Oui, c’est pourtant vrai ! Je ne sais pas pourquoi, j’ai une impression bizarre.
BEA Ca m’arrive aussi quelquefois ! Mais ça passe !
Elles vont ressortir lorsqu’on entend un râle venant du placard.
Elles se regardent et en même temps.
DOR-BEA MAURICE !
BEA Je savais bien qu’on avait oublié quelque chose
DOR Où est-il ?
BEA Certainement dans le placard !
DOR Mais pourquoi n’en est-il pas sorti ?
BEA Ah ça, il ne pouvait pas, j’ai fermé à clé ! Imaginez que la Mère Supérieure veuille ouvrir le placard et qu’elle trouve Maurice… hein ?… Heureusement que je suis là pour réfléchir ! J’ai fermé et j’ai caché la clé. Y’en a là-dedans, malgré que je ne sois pas vive d’esprit !
DOR Mon Dieu, Maurice ! Depuis le temps qu’il est-là ! (Râle) Ouvrez vite !
BEA Euh…
DOR Quoi ?
BEA La clé… je ne sais plus où je l’ai mise !
DOR Mais elle ne peut pas être loin ! (elle se met à chercher partout) Réfléchissez enfin !
BEA Attendez ! On était là… J’ai fermé… et j’ai mis la clé… où est ce que j’ai pu la mettre… (râle)
DOR Vite ! Oh, pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé.
BEA Que voulez-vous qu’il lui arrive. Il a mangé un peu, il est allé faire pipi, et puis il ne risque pas de se faire renverser par un autobus. Alors !
DOR Arrêtez de dire n’importe quoi et retrouvez cette clé au plus vite, sinon ce n’est pas un évadé qu’il faudra cacher, mais un cadavre.
BEA Je sais… (elle sort cuisine)
DOR Où allez-vous ?… (elle va au placard) Monsieur Maurice ?… ça va ?… (râle) Ca va, il n’est pas mort !… Ne vous inquiétez pas, on vous ouvre tout de suite… (retour Béatrice)
BEA La voilà !
Dorothée lui arrache la clé des mains.
DOR Oh mais qu’est ce qu’elle a ? Elle est toute grasse !
BEA Je l’avais cachée dans la motte de beurre ! Personne ne serait allé la chercher là ! Hein ? C’était pas une bonne idée ça ?
DOR Pardonnez-lui Seigneur, elle ne sait pas ce qu’elle fait !
Elle ouvre la porte du placard. Maurice lui tombe dans les bras.
BEA Eh bien, il à l’air content de vous voir ! Peut être un peu trop familier…
DOR Cessez vos stupidités et aidez-moi à l’allonger sur la table. Il est à moitié mort.
BEA Ce que vous pouvez être pessimiste ! A moitié mort ! Il faut positiver dans la vie et voir qu’il est encore à moitié vivant !
DOR D’accord ! A moitié vivant, si vous voulez ! Mais pour l’autre moitié, qu’est ce qu’il faut faire, puisque vous savez tout !
BEA C’est facile ! J’ai un diplôme de secourisme !
DOR Alors que faut-il faire, docteur ?
BEA Pour un étouffement, le mieux, c’est de faire le bouche à bouche !
DOR Allez-y !
BEA Hein ? Pourquoi moi ?
DOR Parce que vous avez un diplôme de secourisme, et moi non !
BEA Ah non ! Ah non, non, non ! Il n’en est pas question ! Ah non ! Bah !
DOR C’est non-assistance à personne en danger !
BEA On peut, peut-être, essayer autre chose !
DOR Je ne sais pas moi, c’est vous la spécialiste ! Faîtes quelque chose mais faîtes le vite..
Béatrice va chercher un verre d’eau et le jette au visage de Maurice qui revient à lui.
BEA Et voilà le travail !
DOR Ca va Monsieur Maurice !
BEA (l’imitant) Ca va Monsieur Maurice ! Elle va bientôt l’appeler Momo !
MAU Ca va mieux ! Merci ! J’ai bien cru mourir ! Pourrais-je avoir un verre d’eau, s’il vous plaît ?
BEA Encore ?
Béatrice remplit le verre, Maurice tend la main pour l’attraper mais Béatrice lui jette à nouveau au visage
MAU C’était pour boire celui la !
BEA Excusez, je ne pouvais pas savoir !
MAU Vous êtes toutes aussi dangereuses ou y a t’il des bonnes sœurs normales, ici ?
BEA Dîtes donc ! On vous cache, on vous nourrit, on va peut être vous héberger et c’est comme ça que vous nous remerciez ?
Dorothée sert un verre qu’elle donne à Maurice. Il boit.
DOR Ca va mieux ?
MAU Oui, merci !
DOR Alors maintenant, vous allez pouvoir nous raconter votre histoire.
BEA Allez vas-y Momo ! Elle prend une chaise, la retourne, remonte sa tenue et s’assoit à califourchon.
MAU Eh bien voilà ! Un ami, enfin je pensais que c’était un ami, m’avait proposé de m‘associer avec lui pour créer une entreprise. Il faut dire que je venais d’être licencié. Nous avons donc monté notre société. Moi j’amenais les fonds grâce à ma prime de licenciement, et lui, amenait l’idée.
DOR Il ne prenait pas trop de risque. Et l’idée c’était quoi ?
MAU On achetait des voitures françaises à l’étranger pour les revendre en France.
BEA Hein ?
MAU Oui, aussi stupide que cela paraisse, nos voitures sont vendues moins chères à l’étranger qu’en France. C’est comme ça ! Donc c’est ce que nous faisions. Les clients commandaient une voiture, ils payaient une partie à la commande et le reste à la livraison.
DOR Et ça marchait ?
MAU Plutôt bien oui !
BEA Et que s’est-il passé pour que vous vous retrouviez en prison ?
MAU Je m’occupais de tous les détails techniques : commandes, transports, clientèle, etc… Mon associé gérait toute la partie administrative et comptable. Mais à mon insu, il a trafiqué les comptes, détourné de l’argent, fait des fausses factures, des fausses déclarations au fisc, j’en passe et pas forcément des meilleures. Jusqu’au jour où nous avons eu un contrôle fiscal, et là…
DOR Le pot aux roses a été découvert !
MAU Oui ! Et comme la société était à mon nom, c’est moi qui signais tous les papiers…
BEA Sans vous douter de ses magouilles ?
MAU Je ne comprends rien aux chiffres. Je lui faisais confiance, je signais.
DOR Et finalement, vous vous êtes retrouvés tous les deux en prison.
MAU Non, non ! Pas les deux ! Seulement moi ! Pendant le procès, il a juré qu’il n’était au courant de rien.
BEA Oh l’enf…
DOR Sœur Béatrice !
BEA …Le méchant !
MAU Et je ne pouvais rien prouver ! Absolument rien ! Résultat, j’ai été condamné à trois ans fermes, et lui, rien !
DOR Et vous en avez fait combien ?
MAU La moitié ! Ce matin, les flics devaient me transférer dans une autre prison, mais le fourgon a eu un accident, j’en ai profité. Voilà !
DOR Qu’est ce qui nous prouve que vous dites la vérité ?
MAU Rien ! Mais j’espère bien pouvoir faire la preuve de mon innocence mais pour cela, je n’ai qu’une seule solution. Retrouver mon associé et l’obliger à avouer.
BEA Moi, je vous crois ! Je ne sais pas pourquoi, mais je vous crois ! Et je suis prête à vous aider.
DOR Sœur Béatrice !
BEA Quoi, Sœur Béatrice ? Quoi Sœur Béatrice ? Sœur Béatrice elle voit quelqu’un qui est dans la… dans la … enfin qui est dedans ! Et elle a envie de l’aider ! C’est mon droit non ? Nous aussi, Sœur Dorothée, nous avons connu des périodes difficiles, nous aussi, avons été exploitées par des gens malhonnêtes qui ont profité de nous et si à ce moment là, quelqu’un nous avait tendu la main, nous avait écoutées au lieu de nous juger, nous ne serions peut être pas ici aujourd’hui ! Vous vous appelleriez peut être encore Dorothée au lieu de… Sœur Dorothée.
DOR Sœur Béatrice ! Qu’est ce qui vous arrive ? Jamais je ne vous ai entendu parler de cette façon ! C’est cette vie qui vous pèse ?
BEA Peut être ! Je ne m’étais pas posée la question jusqu’à maintenant, mais d’entendre cet homme raconter son histoire, m’a rappelé que la vie, dehors, c’est comme ça, trop souvent ! Nous, personne ne nous a aidées mais ce n’est pas une raison pour ne pas aider les autres. Si nous sommes entrées ici, c’était peut être par lassitude ou par dégoût, peut être par dépit, mais c’était certainement par lâcheté. Pour nous replier sur nous même et ne plus voir la réalité. Eh bien la réalité, elle nous a rattrapées, alors regardons là en face, (montrant Maurice) même si elle n’est pas belle à voir. Affrontons là, justement, parce qu’elle n’est vraiment pas belle à voir !
DOR Vous m’épatez Sœur Béatrice ! Vous m’épatez parce que vous avez raison !
BEA Alors on l’aide ?
DOR On l’aide !
BEA Ouais !!!… Mais comment on fait ?
DOR D’abord il faut trouver un moyen pour qu’il reste ici. Il sera en sécurité.
MAU En sécurité ? Avec vous ? Excusez-moi mais j’ai des doutes !
BEA Mais si ! T’inquiète pas Momo ! (à Dorothée) Vous comptez mettre la Mère Supérieure au courant ?
DOR Certainement pas ! Elle ne serait jamais d’accord.
BEA Alors ?
DOR On trouvera quelque chose. Ensuite, il faut retrouver son escroc d’associé.
BEA Comment ? Lui, ne peut pas sortir, et nous, nous avons juste le droit de traverser la rue pour aller à l’église. Dans ces conditions, ça ne va pas être facile.
DOR J’ai ma petite idée ! Ecoutez voilà ce que je vous propose de faire, si vous êtes d ‘accord !
BEA Chante l’air de « MISSION IMPOSSIBLE »
Maurice ! Cette mission, si vous l’acceptez comporte quelques risques. Il faut prouver votre innocence. Sœur Dorothée s’autodétruira dans cinq secondes.
DOR Vous pourriez être sérieuse un instant.
BEA On peut rire un peu, non ?
DOR Cette nuit, Maurice va dormir dans la cellule…
MAU En cellule ! Merci j’en sors !
DOR Dans la cellule du fond. Personne n’y va jamais. Dans un placard de cette cellule, il y a des soutanes d’abbé. Demain matin, vous en enfilez une, et on vous présente à la Mère Supérieure comme étant un abbé en pèlerinage. Fatigué, vous avez besoin d’être hébergé, elle ne pourra pas refuser.
MAU Déguisé en abbé ! Non mais ça ne va pas dans vos têtes.
BEA Ecoute Momo ! Si tu n’y mets pas un peu du tien, on n’y arrivera pas. Alors il se déguise en abbé ! Ensuite ? Comment va t’on faire pour prouver son innocence ?
DOR J’ai ma petite idée… attendez !
Elle va à la porte cellules.
Parfait ! Sœur Monique et la Mère sont dans leurs cellules, nous sommes tranquilles. (elle va au téléphone, décroche, compose un numéro) J’espère qu’elle n’a pas changé de numéro.
MAU Que faites-vous ?
BEA Elle téléphone !
MAU Oui, merci ! Je ne suis pas complètement gâteux ! Je me doute bien que si elle prend un téléphone, c’est pour téléphoner, pas pour prendre une douche.
BEA Oh mais qu’est ce qu’il est agressif !
DOR Ah ça sonne !
BEA Je mets le haut parleur.
On entend la conversation)
SCENE 9
GIN Allô ?
DOR Allô Ginette ?
GIN Ouais ! C’est qui ?
DOR Ici Sœur Do… euh… Dorothée ! Tu te souviens de moi ?
GIN Dorothée !… Dodo ?
DOR Oui !
BEA Dodo ?
DOR Oh ça va !
GIN Dodo de la rue St Denis ?
DOR Oui !
BEA Rue St Denis ? Mais c’est la rue des… des…eh ben si je m’attendais à ça !
GIN Dodo, ça alors !
DOR Eh oui !
BEA Rue St Denis priez pour nous !
GIN J’y crois pas ! Dodo ! Tu parles si j’me souviens de toi ! On était comme deux sœurs !
BEA Comme quoi, la vocation ça peut venir même de la rue St Denis !
GIN Comment ça va ?
DOR Pas mal, pas mal ! Et toi ?
GIN Oh tu sais, la routine ! Ca va, ça vient !
BEA Qu’est ce qu‘elle entend par-là ?
DOR Je ne te dérange pas, j’espère ?
GIN Non pas du tout, je suis avec un client mais c’est pas grave !
DOR Excuse-moi, je te rappellerai plus tard.
GIN Mais non, t’inquiète pas ! C’est un vieil habitué. Mais tu le connais, c’est Hector !
DOR Hector ! Le colonel en retraite ? Mais il a quel âge ? Je l’ai toujours vu vieux.
GIN Ben, il l’est de plus en plus ! Attend… qu’est ce que tu dis Hector ?… Ca va venir ?… Mais oui, mais oui, faut pas désespérer. Allô ! De quoi on parlait déjà ?
DOR D’Hector ! Alors il a toujours bon pied bon œil ?
GIN Bon œil, oui ! Pour reluquer, pas d’problème ! Par contre, bon pied on peut pas dire, il a du mal à monter les escaliers. Quant au reste, j’te dis pas. Il a beau être ancien militaire, pour lui, le garde à vous, c’est cuit ! Mais ça ne l’empêche pas d’venir une fois par semaine, toujours le même jour à la même heure ! Remarque, j’aime bien quand c’est son heure, ça m’fait ma pause ! Ah attends, il bouge ! Il va peut être se passer quelque chose… non, fausse alerte ! Mais, je cause, je cause ! Et toi qu’est ce que tu deviens ? Depuis que tu as arrêté le tapin, plus de nouvelles !
DOR Oh, c’est une longue histoire ! Je suis…enfin, j’ai changé de vie !
BEA Ah ça, pour changer, ça doit changer !
GIN Pourtant t’en avais du succès ! Qu’est ce qu’il y a Hector ?… Tu as du mal à te concentrer ?…Tu payes pas pour m’entendre parler au téléphone ? D’habitude, tu payes pour rien ! Là au moins, ça fait de l’animation !… Allô Dodo ?
DOR Oui, je suis là !
GIN Excuse-moi, mais c’est Hector qui rouscaille ! Alors, t’es dans quoi maintenant ?
DOR Eh bien, disons que je suis… au service de… de quelqu’un de très haut placé !
GIN Un grand patron ?
DOR On peut dire ça comme ça !
GIN Et Jojo, toujours en tôle ?
DOR Je ne sais pas ! Tu sais, j’ai coupé tous les liens avec mon passé !
GIN Oui, je comprends ! Faut dire que, vu que c’est toi qui l’a fait mettre en cabane, j’imagine que tu ne vas pas lui amener des oranges. En tous cas, ça me fait rudement plaisir de t’entendre ! Oh, on en a fait ensemble ! Tu te rappelles ?
DOR Oui, oui ! Mais c’est une période de ma vie dont je préfère ne pas parler !
GIN Je comprends, ça pourrait te gêner vis à vis de ton patron !
DOR Voilà, c’est ça !
GIN Finalement, tu as bien fait de quitter le métier !
BEA Finalement !
DOR Oui, mais…
GIN Ca va quand on est jeune, mais plus on vieillit et plus c’est difficile !
BEA Normal !
DOR Oui mais…
GIN N’empêche qu’on en a soulagé plus d’un !
BEA Dont Hector !
DOR Oui mais…
GIN On peut dire qu’à une époque, on avait les pieds qui touchaient pas souvent le sol, hein ?
BEA Houla ! Cà devient chaud, chaud !
DOR Oui mais…
GIN Ah, excuse-moi une seconde ! Hector… Hector… Ca y est, c’est l’heure ! Faut rentrer maintenant ! … Hein ? T’as pas réussi ! C’est pas grave, j’m’attendais pas à un miracle… Mais oui, c’était bien quand même ! Mais maintenant, faut y aller, et n’oublie pas mon petit cadeau !… Merci !… A la semaine prochaine !… Dodo ?
DOR Oui !
GIN Ca y est, on est tranquille ! Alors qu’est ce qui se passe ma grande ? Un problème ?
DOR Oui… enfin … je voulais te demander un petit service !
GIN Vas y !
DOR C’est difficile au téléphone, je préfèrerais qu’on se voie.
GIN Dis-moi où et j’arrive tout de suite !
DOR Plutôt demain ! Si tu peux !
GIN Pas d’problème !
DOR Parfait ! Alors voilà ! Retrouve-moi au 47 de la rue Ste Bernadette, à 8 heures !
GIN Dis donc ! Rue St Denis ! Rue Ste Bernadette ! Tu fais dans le Saint, toi !
DOR Oui, oui… Alors, arrivée au 47, tu sonnes trois fois la cloche, à l’entrée. Je viendrai t’ouvrir. Mais je te préviens, tu risques d’être… surprise !
BEA Ah oui, une drôle de surprise !
GIN Ca à l’air drôlement sérieux ! Tu m’inquiètes !
DOR Disons que… j’ai beaucoup changé !
GIN Eh ben on verra ça !… 47 Rue Ste Bernadette… la cloche, trois fois ? Comme si c’était un code !
DOR C’est ça !
GIN On se croirait dans un film d’espionnage. Tu te cacherais pour échapper à je ne sais quoi, j’arriverais, je ferais le code avec la cloche et tu viendrais m’ouvrir, déguisée en je ne sais pas quoi… en bonne sœur, se serait marrant !
DOR Marrant ? Alors crois-moi, tu vas rire !
GIN Alors c’est d’accord ! Demain 8 h ! Allez salut Dodo, j’ai fini ma journée, j’vais m’coucher !
DOR Bonne nuit et merci ! (elle raccroche)
MAU Ca c’est drôle !
DOR Quoi ?
MAU Une prostituée qui dit « J’ai fini ma journée, je vais me coucher »
DOR Si ça vous amuse, c’est déjà ça ! (elle voit Béatrice qui la regarde, sourire en coin)… Pourquoi me regardez-vous avec ce sourire stupide Sœur Béatrice ?
BEA Pour rien… Dodo de la rue St Denis !
DOR Oui, bon ça va ! Pas la peine de s’étendre !
BEA S’étendre ! C’est le mot ! Parce que si j’ai bien compris, c’est une parapépa… pérapa… prépa… enfin, c’est une…
DOR Oui ! C’en est une !
BEA Et vous…
DOR Oui, moi aussi je l’ai été !
BEA Remarquez, je ne connais pas votre vie, alors je ne vous juge pas !
DOR Merci !
BEA Mais, vous allez la faire venir ici ?
DOR Vous avez une autre idée ?
BEA Non, mais vous imaginez la Mère Supérieure…
DOR Elle n’en saura rien ! J’ai donné rendez-vous à Ginette à 8 h. C’est l’heure où la Mère est à la Chapelle.
MAU Et vous comptez sur votre copine pour nous aider ?
DOR Ginette connaît des tas de gens ! Pas très fréquentables c’est vrai, mais votre escroc d’associé ne l’est pas non plus. Avec un peu de chance, elle trouvera des renseignements intéressants.
MAU Je me demande si c’est une bonne idée…
BEA Mais si Momo ! T’inquiète pas ça ira !
DOR Demain, une rude journée nous attend ! Je vous accompagne à votre cellule Maurice. Il est temps d’aller se coucher.
BEA Oui, tous au dodo… Dodo !
DOR Très drôle !
sortie
ACTE 2
SCENE 1
(Mère, Monique, Béatrice)
Le lendemain. La Mère Supérieure est seule en scène. Elle est très gaie. Elle chante.
MERE (chantant) « Encore une belle journée,
« C’est aujourd’hui qu’il doit arriver,
« L’ami de tous les p’tits curés,
« Mon Evêque André.
(se reprenant) Allons ma Mère ! Un peu de tenue. Si on vous voyait, on vous prendrait pour une folle… oh folle, oui je suis folle ! Folle de lui ! Pardonnez-moi Seigneur (signe de croix)
Un temps
(chantant) « Je suis folle, j’en raffole, quand il me frôle, je m’envole »
(se reprenant) Il faut que je me calme ! Reprend-toi Marguerite, reprend- toi ! (signe de croix)
Elle prend un livre, le consulte un moment puis retire une photo d’entre les pages. Ah André ! (chantant) « Tel qu’il est, il me plait, il me fait de l’effet, et je l’aime »
7 h 30 ! Ca ne passe pas ! Je suis tout excitée à l’idée de le revoir ! Comme à chaque fois d’ailleurs. (levant les yeux comme pour s’adresser à Dieu) Je sais ! Une religieuse, Mère supérieure de surcroît, amoureuse de son Evêque, cela peut paraître choquant, mais c’est comme ça, je n’y peux rien. Cela fait des années que nous nous aimons en silence et ce n’est pas facile à vivre d’être obligés de se cacher. Mais si cela venait à se savoir, il serait défroqué ! … Défroqué ?… Défroqué ! C’est vrai que ce ne serait pas désagréable… Oh pardon Seigneur ! (signe de croix)
Arrivée de Monique (pleurnichant). Mère Sup lui tourne le dos, regardant la photo.
MERE Ah, André, je t’aime !
Elle se retourne se retrouvant nez à nez avec Monique.
MON Pardon ?
MERE Euh…je disais… je disais… « Entrez ! Je vous aime ! » et c’est vrai que je vous aime bien Sœur Monique.
MON (pleurnichant) Merci ma Mère !
MERE Oh, mais que vous arrive t’il ?
MON (pleurnichant) Ah ! Ma Mère ! Une catastrophe !
MERE Que se passe t’il ? Vous avez l’air bouleversée !
MON Je le suis ! Et il y a de quoi !
MERE C’est si grave que cela ?
MON Eh bien, c’est à propos des massifs de fleurs…
MERE Les massifs ? Un problème ?
MON Un problème ? Pire ! Une catastrophe je vous dis. Ceux de l’entrée du parc sont fichus !
MERE Comment ça ? Ne deviez-vous pas les arroser hier soir ?
MON Si ! Mais Sœur Béatrice l’avait déjà fait ! Je ne sais pas avec quoi elle les a arrosés mais résultat, ce matin, les massifs, brûlés, fichus, secs. (pleurant de plus belle) De si beaux massifs, que j’entretenais avec tant de soin, tant d’amour.
MERE C’est navrant, mais ce n’est pas aussi catastrophique...
MON Vous ne comprenez pas ma Mère ! Sœur Béatrice déteste les travaux de jardinage. Alors pourquoi aurait-elle eu soudain, l’envie d’arroser les fleurs ?
MERE Ca je ne sais pas !
MON Eh bien moi je vais vous le dire ! Elle les a fait crever exprès.
MERE Sœur Monique ! Attention à ce que vous dîtes ! Vous accusez sans preuve, c’est grave ! Peut être que ces massifs ont été atteints d’une maladie quelconque !
MON Mes fleurs ne sont pas malades ! Impossible ! Elles étaient en pleine santé ! Je vous dis que c’est un coup de Sœur Béatrice !
MERE Ecoutez ma Sœur, nous reparlerons de cette histoire plus tard ! L’Evêque va bientôt arriver, vous devriez aller vous préparer…
MON Bien ma Mère ! Mais en ce qui concerne Sœur Béatrice…
MERE (ferme) Vous ne ferez rien ! Je parlerai à Sœur Béatrice. Mais vous, ne faîtes rien, et surtout pas de vengeance. Cela pourrait compromettre votre avenir. Si cela peut vous aider à oublier cette histoire, je vous autorise à aller chanter… dans votre cellule.
MON Merci ma Mère ! (Elle va sortir et se retourne) Ah ! Ma Mère, je voulais vous poser une question.
MERE Allez-y !
MON Sommes-nous vraiment obligées de nous lever aussi tôt ?
MERE Sachez ma fille, que chaque jour nouveau est comme une renaissance. Et nous devons en remercier le Seigneur.
MON Oui, mais quand même ! 5 h du matin, ça fait un peu tôt !
Elle va pour sortir vers cellules «5 h du mat, j’ai des frissons, je claque des dents et je monte le son… »
Entrée de Sœur Béatrice, en jogging, serviette autour du cou, qui arrive en trottinant. Elle croise Sœur Monique qui va sortir.
BEA Bonjour ma Mère ! Bonjour Sœur Monique ! Oh Sœur Monique, quelque chose qui ne va pas ? Vous en faîtes une tête.
MON (en sortant chanté) « Quoi ma gueule ? Qu’est ce qu’elle a ma gueule ? »…
BEA Qu’est ce qui lui arrive ?
MERE Elle est contrariée ! A propos, Est ce vous qui avez arrosé les fleurs à l’entrée du parc, hier soir ?
BEA Arrosé les fleurs ?… Ah les fleurs ! Non ce n’est pas moi, c’est Mau…Euh… Oui c’est moi !
MERE Pourquoi ?… Pourquoi les avoir arrosées alors que vous ne voulez jamais le faire ?
BEA … Eh bien… j’ai… c’est en faisant la vaisselle que l’idée m’est venue !
MERE En faisant la vaisselle ?
BEA Oui, c’est ça ! En faisant la vaisselle… je me suis dis… « plutôt que de vider bêtement l’évier, pourquoi ne pas utiliser l’eau pour arroser. Ca fera des économies » Voilà, ce que je me suis dis… en faisant la vaisselle. Et alors hop, j’ai arrosé !
MERE Avec l’eau de vaisselle ? Alors voilà l’explication !
BEA L’explication ?
MERE Les massifs n’ont pas supporté ! Ils sont fichus !
BEA Non ?
MERE Si ! Vous imaginez le désespoir de Sœur Monique !
BEA Ca fait de drôles de ravages l’eau de vaisselle… on ne croirait pas !
MERE Bien ! Maintenant que cette histoire est éclaircie, vous devriez aller vous changer. L’Evêque va bientôt arriver.
Béatrice va pour sortir en trottinant.
Une chose encore Sœur Béatrice !
BEA Oui ma Mère ?
MERE Si vous devez rester parmi nous, il faudra perdre l’habitude de faire votre joginge.
BEA Mon jogging ?
MERE C’est ça ! Votre jogging ! Je vous l’ai autorisé jusqu’à maintenant, mais une fois vos vœux prononcés…
BEA Ah parce qu’on devra faire des vœux ?
MERE Oui ma fille !
BEA Alors je ferai le vœu de pouvoir continuer à faire mon jogging ! Et voilà !
Elle sort.
MERE Je me demande si elle est faite pour devenir nonne ! Enfin l’Evêque jugera !
SCENE 2
(Mère – Dorothée – Maurice)
Entrée de Dorothée et Maurice déguisé en abbé. La Mère Sup ne les voit pas arriver.
DOR Vous avez bien compris ? Vous êtes un prêtre belge, vous rentrez de pèlerinage, etc, etc…
MAU Oui, oui ! Abbé, pèlerinage, et tout et tout, ça va aller ! Mais pourquoi belge ?
DOR Je vous l’ai dit ! Nous attendons la visite d’un Evêque ! Et un Evêque, ça doit connaître beaucoup de prêtres. En disant que vous êtes belge, il ne sera pas étonné de ne pas vous connaître.
MAU Il faut prendre l’accent belge ?
DOR Si vous voulez ! Mais surtout, parlez le moins possible pour ne pas faire de gaffe.
MAU Merci de me prendre pour un demeuré !
DOR Vous êtes prêt ?
MAU J’ai fait un peu de théâtre dans ma jeunesse, mais là, c’est de l’improvisation et j’ai un peu le trac !
DOR Ca va bien se passer ! Allons-y ! (Elle s’approche de la Mère ). Ma Mère, nous avons de la visite.
MERE Bonjour Sœur Dorothée ! (à Maurice) Bonjour !
MAU Bonjour madame ! (Coup de coude de Dorothée)
DOR (en aparté)Bonjour Ma Mère ! Avec l’accent !
MAU Hein ?… Ah oui ! Bonjour ma Mère avec l’accent !
DOR (Coup de coude de Dorothée) Mais non ! Parlez avec l’accent belge !
MAU J’oubliais !
MERE Que nous vaut l’honneur de votre visite ?
A partir de cet instant, Maurice va prendre l’accent.
MAU Excusez mon intrusion mada… ma Mère. Je suis l’abbé… l’abbé… (à Dorothée) l’abbé comment au fait ?
DOR (dépitée) C’est la Bérézina !
MAU L’Abbé Résina ! C’est ça ! L’abbé Résina et…
DOR (le coupant) L’abbé revient de pèlerinage. Il a fait une longue route à pied et il est fatigué. Il souhaiterait se reposer au couvent avant de reprendre la route.
MAU (à Dorothée) Pourquoi vous ne me laissez pas parler ? J’aurais pu lui expliquer moi-même !
MERE Où avez vous fait ce pèlerinage !
MAU A… à…à… (à Dorothée) où ?
DOR (l’imitant) J’aurais pu lui expliquer moi-même ! … St Jacques ! St Jacques de Compostelle, ma Mère.
MAU (aparté) St Jacques ? C’est drôle ça ! C’est le nom de la prison où j’étais !
MERE Alors, vous revenez de St Jacques ?
MAU Oui ! St Jacques ! St Jacques de Composter !
DOR Compostelle !
MAU J’étais pas loin !
MERE Et, où allez-vous ?
DOR (en aparté) Ca, je me le demande !
MAU En Belgique ! Je suis belge ! Comme vous l’avez certainement remarqué !
MERE J’avais remarqué, en effet ! Eh bien, soyez le bienvenu dans notre humble demeure. Vous pourrez rester ici autant que vous le voudrez. Sœur Dorothée vous préparerez une cellule pour frère Résina et vous lui expliquerez les règles de notre couvent.
DOR Bien ma mère !
MAU Merci ma mère !
MERE Excusez-moi de ne pas le faire moi-même, mais il va être 8 h, heure à laquelle je vais me recueillir à la chapelle. Nous nous reverrons plus tard. (elle sort)
MAU Et hop ! Voilà le travail. Comme sur des roulettes !
DOR (dubitative) Oui, mais il va falloir être très prudent.
La cloche de l’entrée sonne trois fois
Ce doit être Ginette ! Allez lui ouvrir, je m’assure que personne ne viendra nous déranger.
Maurice sort.
DOR La Mère supérieure est à la chapelle, allons voir ce que fait Sœur Monique, et prévenir Sœur Béatrice de l’arrivée de Ginette.. (elle sort cellules)
SCENE 3
(Dorothée – Ginette – Maurice – Mère)
GINETTE OFF Ouais ! Ginette que j’m’appelle ! J’suis attendue !
(elle entre suivi de Maurice éberlué. Pendant la conversation, Maurice va regarder Ginette avec un évident intérêt)
Je suppose que t’es le larbin. Tu pourrais p’t’être t’habiller pour ouvrir la porte aux gens, parce que, en robe de chambre, ça s’fait pas.
MAU Mais…
GIN Te casse pas pour moi ! C’est pas grave ! J’en vois plus souvent sans leurs frusques qu’avec, alors ça m’choque pas ! Mais y’en a des qui pourraient s’offusquassionner. Bon alors, où qu’elle est ma copine Dodo ?
MAU Elle… Elle va… arriver !
Ginette s’aperçoit des regards de Maurice
GIN Qu’est ce qu’y a ?
MAU Pourquoi ?
GIN T’arrête pas d’me mater de la tête aux pieds, avec des arrêts sur certaines parties de mon corps.
MAU Moi ? Mais non !
GIN Tu me prends pour une courge ?
MAU Mais je vous assure…
GIN Ah t’es bien un homme toi ! Dès que ça voit une gonzesse, ça peut pas s’empêcher de lui dévisager les fesses.
MAU Mais enfin…
GIN R’gardez le faire sa chochotte ! Y’m’reluque le dargeot comme pas possible et y dit qu’c’est pas vrai ! Mais t’angoisse pas pèpère, de toute façon, c’est fait pour ça ! Tu sais que plus j’te r’garde et plus j’me dis qu’ta robe de chambre, elle est nase. C’est pas l’dernier modèle de St Laurent. Remarque, ça va bien dans l’décor. C’est plutôt tristoune ici. On s’croirait presque dans un couvent avec toutes ces bondieuseries…
Entrée de Dorothée. Elle s’arrête à la porte.
… tiens, en v’la une de plus ! Qu’est ce que c’est qu’cette turne ?
DOR Bonjour Ginette !
GIN Bonjour mad…Mais comment qu’vous savez comment que j’m’appelle ?
DOR Tu ne me reconnais pas ?
GIN (elle la regarde avec insistance, s’approche) Attends !… Non ! Vous n’êtes pas… T’es pas… Dorothée ? … J’y crois pas !
DOR Eh oui !
GIN Dorothée ! Mais tu fais quoi ? T’essayes un costume pour un bal masqué ?
DOR Non, c’est désormais ma tenue habituelle !
GIN Eh ben dis donc, si j’m’attendais à ça ! On peut dire que ça a drôlement rallongé, parce qu’ avant, c’était plutôt ras le…Tu fais pas des économies de tissus.
DOR Je ne suis plus la Dorothée d’avant.
GIN J’en reviens pas ! Attend faut que j’m’assoye. T’es bonne Sœur ! J’en reviens pas, ça fout un coup !
MAU Vous voulez boire un verre pour vous remettre ?
GIN Ca m’ferait pas d’mal !…
Maurice lui donne un verre d’eau. Elle boit une gorgée et recrache (de préférence sur Maurice).
… qu’est ce que c’est qu’ça ?
MAU (S’essuyant) De l’eau !
GIN Ah, c’est ça de l’eau ! J’connaissais pas ! Dorothée, tu voudrais pas dire à ton larbin de m’servir un whisky ?
DOR Je doute qu’il y en ait ici.
GIN Pas d’whisky ? Comment on peut vivre sans whisky ? Ma pauvre Dorothée, mais qu’est c’qui t’est arrivé pour que tu tombes si bas ?
DOR Tu te trompes Ginette, c’est avant que j’étais au plus bas.
MAU Et moi, je tiens à dire que je ne suis pas le… larbin.
GIN Mais bien sûr, j’ai compris ! J’avais pris votre… machin pour une robe de chambre, mais non, c’est une … enfin un… un uniforme de curé !
MAU Voilà, c’est ça !
GIN J’comprends pourquoi y’m reluquait comme ça ! Un curé !
MAU Non, je ne suis pas curé !
GIN Hein ? T’es pas curé ? J’comprends plus ! T’es en curé mais t’es pas curé !
MAU Non !
GIN Ah mais alors toi Dorothée, t’es pas vraiment bonne Sœur ! Ouf j’ai eu peur !
DOR Si ! Je suis nonne, enfin je suis presque nonne. On va t’expliquer, mais ailleurs. On pourrait nous surprendre et il vaut mieux qu’on ne te trouve pas, ici. Allons dans ma cellule.
Ils vont sortir.
DOR Zut ! Voilà la Mère Supérieure !
MAU Il faut se cacher !
Il court vers le placard.
DOR Pas vous ! Elle vous connaît maintenant !
MAU Ah oui, c’est vrai ! Excusez-moi, c’est l’habitude !
DOR Ginette, entre là-dedans !
GIN Dans le placard ?
MAU Mais oui, vous verrez, c’est très bien !
DOR Vite, elle arrive ! (Ginette entre dans le placard) On te fait sortir dès qu’on peut !
Entrée de la Mère Sup.
MAU Bonjour ma Mère… (vers Dorothée) avec l’accent !
DOR Déjà de retour ma Mère ?
MERE Oui, j’ai un peu écourté les prières. André… je veux dire l’Evêque doit bientôt arriver et je tiens à l’accueillir moi-même.
DOR Oui, bien sûr ! Mais…
MERE Frère Résina est-il installé ?
DOR Nous y allions, mais…
MAU C’est bien, ici ! C’est comme à l’hôtel, sauf qu’on ne paye pas !
MERE Frère Résina, ce que vous êtes drôle ! Vous ne trouvez pas, Sœur Dorothée ?
DOR Oh si ! (à Maurice, en aparté) Il faut trouver un moyen de sortir Ginette.
MERE Qu’y a t-il ? Vous semblez embarrassée ?
DOR Moi ? Pas du tout !
MERE Alors, allez vite donner une chambre à notre frère. Et préparez-vous à rencontrer l’Evêque. Vous savez que ce jour est important pour vous.
DOR Je sais, ma Mère ! Je sais !
Ils se dirigent vers la sortie
DOR Et Ginette ?
MAU On ne peut rien faire pour l’instant. Mais ne vous inquiétez pas, si elle s’ennuie, il y a des journaux à l‘intérieur. (sortie cellules)
SCENE 4
(Mère – Evêque – Ginette – Monique)
La Mère Supérieur reste seule.
MERE Mon André va me trouver fraîche comme une rose du matin…
Cloche
… le voilà ! (elle prend des poses… il entre)
MERE Toi ! Enfin ! .. André !
EVEQ Marguerite !
Ils se jettent dans les bras l’un de l’autre en répétant plusieurs fois.
MERE André !
EVEQ Marguerite !
Ginette passe la tête par la porte du placard
GIN J’y crois pas !
EVEQ Allons, Marguerite, reprenons-nous, on pourrait arriver.
MERE Tu m’as tellement manqué ! Mon Evêque adoré.
EVEQ Toi aussi, tu m’as manqué, ma douce colombe !
MERE (minaude) Oh !
EVEQ Ma petite fleur des champs !
MERE (même chose)
EVEQ Mon oiseau des îles !
MERE (même chose)
GIN C’qu’il faut pas entendre !
EVEQ Mais soyons prudents. Attendons ce soir, pour être plus tranquilles.
MERE Oui, tu as raison ! Ce soir ! Ce soir, nous pourrons…
EVEQ Chut ! Si on t’entendait. Tu te rends compte du scandale. Un Evêque et une Mère Supérieure qui se… qui font… enfin tu me comprends !
MERE Quel dommage que nous ne nous soyons pas rencontrés avant d’être entrés dans les ordres.
EVEQ Oui ! nous nous serions mariés !
MERE Oh oui !
EVEQ Nous aurions eu, une maison !
MERE Oh oui !
EVEQ Des enfants !
MERE Oh oui !
EVEQ Un chien !
MERE Oh oui !… Pourquoi un chien ?
EVEQ Pour garder la maison !
MERE Oui, bien sûr ! Ah mon André…
EVEQ Ma Marguerite !
MERE Mon André !
EVEQ Ma Marguerite !
MERE Mon André !
EVEQ Ma Marguerite !
GIN Quelle conversation !
EVEQ (s’asseyant) Ce voyage m’a épuisé ! Et puis, la voiture de l’évêché est d’un confort douteux. J’ai le dos en marmelade.
MERE Je vais te faire un petit massage comme tu aimes (ce qu’elle fait).
EVEQ Ah, tu me connais bien !
MERE Oui, et je tiens à ce que tu sois en forme !
EVEQ C’est vrai ! Il faut évaluer tes protégées et je vais avoir besoin de toutes mes facultés.
MERE Non, je voulais dire, en forme… pour ce soir !
EVEQ Oh Marguerite !
La Mère Supérieure est derrière André, et va se pencher vers lui à chaque réplique comme pour l’embrasser
MERE André !
EVEQ Marguerite !
MERE André !
EVEQ Marguerite !
MERE André !
GIN Et c’est reparti ! Et que j’te fais des déclarations, et que j’te fais des papouilles, et que j’te fais des massages. Si ça continue, elle va gratter Dédé. Faudrait pas que ça dure trop longtemps, j’vais finir par prendre racine.
Entrée de Monique chantant « Que je t’aime… » ou « N’avoue jamais »
MON (elle s’arrête surprise) Ma mère ?
MERE Hein ?…. Euh…..oui mon petit ? … Je… l’évêque avait… une poussière dans l’œil. Je la lui enlevais… voilà… Euh Sœur Monique, je vous présente l’évêque André.
MON Monseigneur !
EVEQ Bonjour mon enfant !… (très intéressé, en aparté) …jolie, très jolie !
MERE Sœur Monique, voulez vous aller chercher les autres ?
MON Bien ma Mère !
(chantant) « On dort, les uns contre les autres… » (elle sort).
MERE Plus vite seront faites les évaluations, plus vite nous pourrons… nous occuper de nous.
EVEQ Oh Marguerite !
MERE André !
EVEQ Marguerite !
MERE André !
GIN Et allez donc !
SCENE 5
(Maurice – Mère – Evêque – Monique – Béatrice – Dorothée)
Entrée de Monique et Béatrice suivies de Dorothée, puis Maurice.
Maurice voyant l’évêque s’arrête net puis se jette dessus.
MAU C’est lui ! Salaud ! (il l’étrangle) Ah, tu ne t’attendais pas à me trouver ici, hein ? Ordure ! Escroc !
MERE Mais il est fou ! Arrêtez voyons ! Arrêtez !
Elles essaient de le retenir, mais il continue à insulter l’évêque en l’étranglant. La Mère Supérieure prend un gros livre et l’assomme Il s’écroule.
MERE Non mais alors ! C’est qu’il aurait fait du mal à mon André !
BEA Vous y êtes allée un peu fort, il ne bouge plus !
MON chanté : « il est mort, il est mort le soleil »
DOR Non, il respire, il est juste assommé !
MERE Mais qu’est ce qu’il lui a pris ?
DOR C’est…
BEA C’est le palu ! Une crise de paludisme, certainement ! Il a beaucoup voyagé … et en voyageant, on attrape des maladies, forcément !
MERE (s’occupant de l’évêque, regards étonnés des Sœurs) Mon pauvre ! Ca va ? Le vilain monsieur qui avait fait du mal à mon…(elle voit les Sœurs qui la regardent) à mon… à Monseigneur ! Venez Monseigneur.Allons prendre l’air dans le parc. Sœur Monique, aidez-moi à soutenir Monseigneur. (à Dorothée et Béatrice) Quant à vous, occupez-vous de l’abbé ! Ligotez le s’il est trop dangereux ! (Mère, Evêque et Monique sortent parc))
GIN (sort du placard) Ben dis donc ! Y’a d’l’animation dans votre couvent.
DOR Vous voyez Sœur Béatrice, où nous mène votre idée d’aider ce monsieur. Je vous l’avais dit qu’il était peut être dangereux.
BEA Et voilà ! Ca va être de ma faute !
DOR Comment expliquez-vous son comportement ?
BEA Il est peut être allergique aux évêques.
GIN Ce qui est sûr, c’est qu’il est allergique aux livres.
DOR Essayons de le réanimer, mais tenons-nous sur nos gardes.
BEA Laissez moi faire, j’ai l’habitude.
Elle lui verse de l’eau sur le visage. Maurice se réveille. Béatrice se met en position karaté.
MAU Aïe ma tête ! Qu’est ce qui c’est passé ? J’ai été piétiné par un troupeau d’éléphant ?
DOR La Mère Supérieure vous a assommé car vous étiez en train d’étrangler l’Evêque.
MAU (s’excitant) Je me rappelle ! Où est-il ce bandit que je lui torde le cou ?
BEA J’avais raison ; il est allergique !
DOR Calmez-vous !
BEA Sinon j’avoine !
DOR Alors Maurice, pouvez vous nous expliquer votre attitude avec l’évêque.
MAU Evêque ? Tu parles d’un évêque ! C’est mon escroc d’associé ! Je l’ai bien reconnu !
DOR Votre associé ? Mais vous délirez ! L’évêque s’occupe de gens comme nous depuis des années avec la Mère Supérieure et elle le connaît très bien.
GIN D’après ce que j’ai vu et entendu, je peux confirmer qu’elle le connaît TRES, TRES bien !
MAU Mais c’est impossible ! il lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
BEA Comme ça, on sait à quoi ressemble celui que nous recherchons.
GIN Dîtes, ça vous ennuierait de me mettre au parfum. J’comprends rien !
DOR Tu as raison, on te doit une explication. Allons dans ma cellule
On entend la Mère Supérieure qui revient
DOR Vite, Ginette viens avec moi. Vous, vous restez ici, et essayez de trouver une excuse pour expliquer l’agression. Mais surtout, pas de gaffe !
BEA Vous pouvez compter sur nous, vous me connaissez !
DOR C’est bien pour ça que je crains le pire !
BEA Merci, c’est agréable !
Sortie de Dorothée et Ginette vers cellules
Entrée de Mère Sup, évêque, Monique.
SCENE 6
(Mère Sup – Evêque – Monique – Béatrice – Maurice - )
MERE Vous êtes certain de ne pas vouloir vous reposer ?
EVEQ Oui, oui, ça va mieux ! Et je veux savoir ce qui lui a pris.
MON Restez tout de même sur vos gardes. Parce que…
chanté : « Les coups, quand ils vous arrivent, ça fait mal »
EVEQ Ne vous en faites pas, j’en ai vu d’autres.
MERE (en aparté) Ah, quel homme !
EVEQ Et puis, ce pauvre abbé a certainement eu une poussée de fièvre agressive, due au paludisme. N’est ce pas, mon frère ?
MON chanté « Toi le frère que je n’ai jamais eu… »
MERE Sœur Monique !
MON Excusez-moi !
MAU (aparté à Béatrice) Hein ?… Poussée de fièvre ?… Paludisme ?…
BEA Je t’expliquerai Momo !
EVEQ Comment allez-vous ? Votre crise est-elle passée ?
MAU Heu… oui… (en aparté à Béatrice) Je ne comprends rien.
BEA Pour expliquer votre agression, nous avons prétexté que vous aviez eu une crise de paludisme.
MAU Le paludisme ! Alors, je suis abbé, je suis belge, et j’ai le palu ! C’est tout ? Faut pas, non plus, défiler en string ? Dans quel traquenard je me suis fourré ?
EVEQ Alors comme ça, vous revenez de pèlerinage ?
MAU Heu… oui, de pèlerinage.
MERE Bien ! Excusez-nous, mais puisque tout va bien, les sœurs et moi allons vaquer à nos occupations, pendant que vous bavardez.
Monseigneur, vous me ferez savoir quand vous serez prêt.
EVEQ Ce soir, ma sœur, ce soir, comme prévu !
MERE Non, je voulais dire, prêt pour entendre nos sœurs.
EVEQ Excusez-moi, je pensais à…nos projets.
MERE Sortant, précédée de Monique et Béatrice vers cellules Ah, quel homme !
SCENE 7
(Evêque – Maurice- Ginette - Dorothée)
EVEQ Alors vous revenez de St Jacques ?
MAU Oui, c’est exact, de St Jacques !
EVEQ C’est très loin !
MAU Oh non ! En fourgon, ce n’est pas très loin !
EVEQ Comment ?
MAU Hein ? … Je disais… au fond… ce n’est pas loin… en marchant vite.
EVEQ Et vous avez fait tout ce chemin à pied ?
MAU Oui , et même une partie en courant !
EVEQ Je n’ai jamais effectué de pèlerinage aussi lointain. Cela doit être très bénéfique.
MAU C’est sûr !
EVEQ Et passionnant ! On doit rencontrer toutes sortes de gens.
MAU De toutes sortes ! Des petits, des grands, des gros, des maigres…
EVEQ Ah ! Aller à la rencontre d’hommes, de femmes…
MAU (aparté) Des femmes ! Tu parles ! Un an et demi sans voir un jupon.
EVEQ Et St Jacques, c’est comment ?
MAU C’est très fermé !
EVEQ Fermé ?
MAU Oh oui ! Pour en sortir, c’est pas facile !
EVEQ Je comprends ! Vous voulez dire qu’on a du mal d’en partir.
MAU A un point que vous ne pouvez pas imaginer !
EVEQ On doit beaucoup s’y attacher.
MAU (joignant les poignets comme s’il avait les menottes) Attaché, oui, c’est le mot !
EVEQ Ce que je vous envie d’être allé là-bas ! Peut être qu’un jour… j’irai moi aussi.
MAU Qui sait ?
EVEQ Mon seul pèlerinage, je l’ai fait à Lourdes.
MAU Ah oui ! Lourdes, j’en ai entendu parler. Lourdes, la grotte, les miracles…
EVEQ C’est pour moi un souvenir magnifique.
MAU Il paraît qu’un jour, un handicapé est entré dans la grotte en fauteuil roulant et il y a eu un miracle.
EVEQ Oui, il en est ressorti en marchant !
MAU Non, il avait des pneus neufs ! (il se met à rire) Elle est bonne non !
EVEQ Ah ! C’était une histoire. Vous avez de l’humour l’abbé ! C’est très drôle.
Pendant cette réplique, Dorothée et Ginette entrent. Elles ont échangé leurs vêtements. Maurice les voit. Elles vont devoir aller de la porte des cellules à l ‘entrée principalet, pendant que Maurice tente de détourner l’attention de l’évêque. On peut utiliser le fauteuil pour faire une étape en se cachant derrière.
MAU (Il tient l’Evêque par l’épaule pour l’empêcher de se retourner) Vous aimez les histoires ? J’en connais une autre ! Vous connaissez celle du pigeon ?
EVEQ Celle du pigeon ?… Non !
MAU Alors, c’est une infirmière…
EVEQ Ecoutez, vous me la raconterez plus tard. Je dois faire ce pourquoi je suis là, c’est à dire m’entretenir avec nos jeunes nonnes. Je vais prévenir la Mère que nous pouvons commencer.
MAU (le retenant) Attendez !
EVEQ Comment ?
MAU Je voudrais vous parler !
EVEQ Lâchez-moi s’il vous plaît ! Nous parlerons plus tard, rien ne presse !
MAU Si, si, c’est très urgent !
EVEQ Ah bon ? Cela semble important, alors qu’y a t-il ?
MAU Eh bien… voilà…Euh…
Pendant que Ginette et Dorothée passent, Maurice va faire en sorte que l’évêque soit toujours de dos.
EVEQ Alors ?
MAU Regardez-moi bien !
EVEQ Je vous regarde !
MAU Vous ne voyez rien ?
EVEQ …Non ! Que devrais-je voir ?
MAU Si je vous le disais, ce serait trop facile !
EVEQ A quoi jouez-vous ?
MAU Et là, vous ne voyez toujours rien ?
EVEQ Mais non !
MAU Et comme ça ?
EVEQ Non, rien du tout ! Elles sont sorties. Allez vous me dire ce qu’il y a ?
MAU Si vous ne voyez rien, c’est peut être qu’il n’y a rien à voir !
EVEQ Vous êtes certain d’aller bien ?
MAU Ca va mieux, oui, ça va mieux !
L’évêque, en sortant.
EVEQ Ce doit être un des effets du palu ! Pauvre garçon ! (il sort cellules)
SCENE 8
(Maurice – Ginette- Monique)
Retour de Ginette.
GIN (ondulant et tournant sur elle-même) Alors ? Comment vous m’trouvez ?
MAU Qu’est ce que vous faîtes dans cette tenue ?
GIN C’est Dodo qu’a voulu ! Elle m’a expliquée le topo. Enfin, votre histoire ! Dîtes donc, t’es pas très futé. T’as peut être une belle tête, mais y’ a pas grand chose dedans. Si un jour tu prends une balle dans la tête, tu crains rien ! Elle risque pas d’trouver l’cerveau.
MAU Très drôle ! Mais pourquoi a t-elle pris votre place ? C’est vous qui deviez enquêter !
GIN Ouais ! Mais Dodo a dit qu’elle voulait pas que je prenne de risque, et qu’elle avait une idée.
MAU Idée de génie ! Et vous pensez ne pas prendre de risque en restant ici dans cette tenue ?
GIN Dodo a dit qu’elle en aurait pas pour longtemps. Y’m‘suffit d’éviter l’Evêque, la Mère, et l’autre bonne sœur.
MAU L’Evêque doit s’entretenir avec chacune d’entre vous.
GIN Eh ben on s’entretiendra ! Comme il ne connaît pas encore toutes les bonnes sœurs, je m’ferai passer pour Dodo.
MAU Mais la Mère Supérieure la connaît, elle !
GIN Ah ! Oui, là, y’a un blème ! … Eh ben c’est simple, quand ce sera à moi de passer devant le juge… euh devant l’évêque, faudra trouver un truc pour que la Mère soit pas là ! Comme ça, l’évêque pourra m’entretenir. Ce sera bien la première fois qu’un homme m’entretiendra.
MAU Ho la la ! Ca promet ! Moi, je ne veux pas voir ça, je me tire !
GIN Dis donc mon pote, c’est pour toi qu’on fait ça, alors tu vas pas bouger tes fesses d’ici !
MAU Des folles ! Toutes des folles ! Mais pourquoi je ne suis pas resté dans mon fourgon accidenté ? J’aurais attendu qu’on vienne me chercher et qu’on me remette en cellule. Une cellule bien calme, bien douillette…
GIN T’arrêtes de m’gonfler avec tes pleurnicheries de gonzesse. Non mais ça veut dire quoi, ça ? On fait tout ce qu’on peut pour l’aider, et lui, y critique, y rouscaille ! Aucune gratitude, aucune reconnaissance.
silence
MAU excusez-moi ! silence
GIN Allez, ça va !
Un temps. Maurice jette des regards vers Ginette.
MAU Dîtes !… Tout à l’heure… vous avez dit que j’avais une belle tête… vous le pensez vraiment ?
GIN Ouais ! C’est vrai qu’t‘es pas mal !
MAU Merci !… Vous n’êtes pas mal non plus ! il se rapproche
GIN Oh, qu’est ce qu’y’m'fait lui. Tu s’rais pas en train de m’faire du gringue. T’es en mal d’affection ? Ca tombe bien, j’en ai à revendre !
Elle s’approche l’enlace. Entrée de Sœur Monique.
MON Mon père ?… Sœur… Sœur ? Ginette cache son visage.
MAU Dorothée !… C’est sœur Dorothée ! Je… je lui apprenais quelques pas de danse… pour la détendre… avant de voir l’évêque.
MON Ca va sœur Dorothée ?
GIN Hm ! Hm !
MON La Mère et Monseigneur vont arriver pour commencer les entretiens. La Mère vous demande de regagner votre cellule afin de vous préparer. Je passerai la première
Ginette et Maurice sortent cellules.
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