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J'y CroiX Pas extrait

 

Extrait de J'y CroiX Pas

ACTE 1

On entend des sirènes de police. Un homme (Maurice) essoufflé entre. Il s’appuie contre la porte pour reprendre son souffle. Les sirènes s’éloignent.

Scène 1

(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)

MAU              Ouf, j’ai eu chaud ! Il y en a partout, j’ai bien cru qu’ils allaient m’avoir. J’ai sûrement pulvérisé le record du monde du 1500 m. Si cette porte avait été fermée à clef, j’étais fait. Bon pour un retour à la maison poulet. (Il écoute) Ca va, on n’entend plus rien, ils doivent chercher plus loin. (il fait le tour de la pièce) Eh bien, c’est pas le grand luxe ici ! Qu’est ce que c’est que cette baraque ?

On entend des voix.

                        Merde, voilà du monde !

Il cherche un endroit pour se cacher et entre dans un placard. Deux religieuses entrent. Sœur Dorothée et Sœur Béatrice.

DOR              C’était une bien belle messe !

BEA                           Ah c’était une belle messe !

DOR              C’est ce que je viens de dire Sœur Béatrice !

BEA               C’est ce que vous venez de dire Sœur Dorothée ! Oui ! Il n’y a aucun doute, vous l’avez dit ! Je l’ai entendu ! Vous avez…

DOR              Sœur Béatrice ! Vous avez fini ? Ce que ça peut être pénible, votre manie de tout répéter et surtout de parler pour ne rien dire.

BEA                           Vous avez raison ! C’est vrai ! Parler pour ne rien dire, ça ne sert à rien ! Si on n'a rien à dire, on ne parle pas ! Mieux vaut parler pour dire quelque chose que pour rien, parce que pour ne rien dire, ce n’est pas la peine de parler, et puis…

DOR              Stop ! S’il vous plait !

BEA               Oh ça va, ça va, j’ai compris ! Je ne dirai plus rien ! Je ne parlerai plus ! Plus un mot ! Puisque je n’ai pas le droit de m’exprimer, je me tais ! Bouche cousue ! Muette comme une carpe ! Un tombeau ! Vous n’entendrez plus un son sortir de ma bouche ! Terminé ! Je ne …

DOR              STOP ! Oh ! Seigneur, mais pourquoi n’a t’elle pas fait vœu de silence ?

Elle regarde Sœur Béatrice qui boude dans un coin.

                        Allez Sœur Béatrice ! Ne faites pas la tête !

BEA               Je ne fais pas la tête !

DOR              Je croyais ! Tout va bien alors ?

BEA               Je ne fais pas la tête ! Je boude !

DOR              Eh bien venez bouder à la cuisine, nous allons préparer le repas ! Sœur Monique et la Mère Supérieure vont bientôt arriver !

BEA               Ah voilà ! Quand on a besoin de moi, on sait me trouver ! Si je viens vous aider, aurai-je le droit de dire… deux ou trois mots ?

DOR              Mais bien sûr ! Deux ou trois, mais pas plus !

BEA               Merci ! (en sortant) Alors pour en revenir au fait de parler pour ne rien dire, je pense,  pour ma part, mais ce n’est que mon avis personnel, il vaut…

Maurice  ouvre doucement la porte du placard et passe la tête.

MAU              Des bonnes sœurs ! Je suis chez des bonnes sœurs ! Eh bien, je ne vais pas traîner ici moi.

Il va vers la porte d’entrée. On entend la voix de Sœur Béatrice qui revient. Il se cache à nouveau dans le placard.

BEA               C’est comme ceux qui font des grands discours. Ils parlent, ils parlent,

mais au bout du compte…Qu’est ce que j’ai fait de mon gilet ? …

(elle l’a sur le dos. Elle fait le tour de la pièce en continuant à parler)

 …mais au bout du compte, ils parlent beaucoup pour ne pas dire grand chose d’intéressant… mais où ai-je pu le mettre ? … (même jeu) et finalement sur un grand discours on ne va rien retenir…( elle va pour ouvrir le placard)… non je ne l’aurais pas mis dans le placard… alors les grands orateurs feraient mieux d’aller à l’essentiel… (elle sort en parlant.)

L’homme ressort du placard.

MAU              Là, j’ai cru que ça y était ! Vite il faut filer !

Il va à la porte d’entrée quand on entend d’autres voix. Il retourne au placard.

Mais c’est pas vrai, c’est plus difficile de sortir d’ici que ça ne l’a été d’échapper aux flics !

Entrée de la Mère Sup. Et Sœur Monique qui chante « Plus près de toi mon Dieu »

Scène 2

(Mère Supérieure – Sœur Monique)

MERE           Sœur Monique ! Pourriez vous s’il vous plait arrêter de chanter.

MON             Vous n’aimez pas ?

MERE           Si ! Mais entendre la même chose pendant une heure, c’est lassant !

MON             Je peux chanter autre chose si vous voulez.

MERE           Non-merci, ça ira comme ça ! … Ah, au fait ! N’allez pas vous vexer de ce que je vais vous dire, mais je pense qu’il serait souhaitable que vous ne fassiez plus partie de la chorale de l’église.

MON                         Pourquoi ?

MERE           Si vous faisiez comme les autres membres de cette chorale, il n’y aurait pas de problème, mais vous en faites un peu trop.

MON             Je n’y peux rien, j’aime chanter, vous le savez bien ! C’était mon métier.

                                   Chanté « Je chante ! Je chante soir et matin, je chante ! »

MERE           Oui, je sais ! Mais je vous le répète, vous en faites trop, et ce n’est pas toujours très approprié. Quelquefois c’est même très gênant.

MON             Je ne vois pas pourquoi !

MERE           Vous ne voyez pas pourquoi ! C’est justement ce qui est grave ! Vous ne voyez pas pourquoi ! Aujourd’hui par exemple, pendant la messe d’enterrement, je ne pense pas que la famille du défunt ait beaucoup apprécié que vous tapiez dans vos mains ou que vous claquiez les doigts pendant les cantiques et encore moins quand après le refrain du « chant pour nos frères défunts », vous disiez, debout sur le banc, « Allez on reprend tous en chœur ! ».

MON             Excusez-moi ma Mère, il est vrai que je me suis peut être laissée quelque peu emporter.

MERE           La prochaine fois, essayez de vous contrôler ! Le Père Boucard était d’une fureur.

MON             C’est pour ça qu’il était tout rouge ?

MERE           Oui !

MON             Je pensais que c’était le vin de messe qui lui chauffait les sangs.

MERE           Eh non ! C’est vous qui lui échauffiez les oreilles.

MON                         Chanté « Allumer le feu ! Allumer le feu ! »

MERE                       Sœur Monique !

MON                         Pardon ma Mère ! Je ferai attention, ma Mère !

MERE           Vous feriez bien ! Prendre le voile ne veut certes pas dire que nous devions être insensibles à tout, mais dans quelques circonstances, une certaine retenue s’impose.

MON             Vous avez raison ma Mère ! Mais vous savez, le chant, c’était mon métier et c’était même plus qu’un métier jusqu’à ce que…

MERE           Je sais mon petit ! Jusqu’à ce que votre imprésario, aveuglé par l’argent, ne vous pousse à faire galas sur galas. Toujours plus de galas pour vous, plus de drogue pour tenir le coup, et toujours plus d’argent pour lui. Et finalement, vous avez fini par y laisser votre voix.

MON             Oui ! Et sans voix, plus de galas. Sans galas, plus d’argent. Et sans argent, plus d’imprésario. Ensuite, la déchéance, l’alcool…

MERE           Jusqu’au jour, je vous ai trouvée, prostrée au fond de l’église, à demi morte de faim et de froid.

MON             Et vous m’avez ramenée ici ! Vous m’avez sauvé la vie ma Mère. Et j’ai retrouvé une raison de vivre. Me mettre au service du Seigneur et des autres.

MERE           C’est à ça que sert le couvent des Repentantes. Bon, n’en parlons plus ! Je pense que Sœur Béatrice et Sœur Dorothée sont à la cuisine. Allons nous recueillir dans nos cellules avant le repas.

Elles se dirigent vers les cellules.

MON             Chanté « Plus près de toi mon Dieu… »  

MERE           Sœur Monique !

Scène 3

(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)

Maurice sort du placard

MAU              Je commençais par étouffer là-dedans ! Vite, avant qu’elles ne reviennent.

Il va à la porte quand on entend Sœur Béatrice qui revient. Il retourne au placard.

                        C’est pas possible ! Je n’y arriverai jamais ! Je vais finir par mourir dans ce placard !

Il s’enferme. Entrée de Béatrice, suivie par Dorothée qui va s’asseoir à la table, la

tête dans les mains avec un grand sourire.

BEA               … par contre quand on dit que le silence est d’or, je répondrai : « oui, mais la parole est d’argent ». D’ailleurs, si le Seigneur nous a donné l’usage de la parole, c’est pour nous en servir, sinon il ne l’aurait pas fait. C’est un bienfait du Seigneur ! Il faudrait d’ailleurs qu’on en parle plus souvent, et qu’on le dise bien haut. Nous devrions tenir une conférence sur le sujet. Qu’en pensez-vous Sœur Dorothée ? Pas de réponse… Vous ne croyez pas ? Pas de réponse… Qu’en dîtes vous ? Béatrice va la secouer par les épaules. Dorothée sursaute.

DOR              Hein ?

BEA               Je disais : Que pensez-vous de mon idée ?

DOR              Comment ?

BEA               Mais que vous arrive t’il Sœur Dorothée ? Vous n’allez pas bien ? Vous êtes bizarre.

DOR              Pardon ?

BEA               Ca fait une demi-heure que vous n’avez pas dit un mot. Etes vous malade ?

DOR              Oh excusez-moi ! Elle retire des boules Quiès. Vous disiez ?

BEA               Ah c’est agréable d’avoir une conversation avec vous ! Je vous remercie ! Mais si je vous ennuie, il faut me le dire !

DOR                          Sœur Béatrice ! Vous aviez droit à deux ou trois mots. J’ai donc écouté les trois premiers et ensuite… le silence des grands fonds ! Ca fait un bien fou, vous devriez essayer un jour.

BEA               Message reçu ! Je ne dis plus rien !

DOR              Parfait ! Mettez donc le couvert, je vais voir si le facteur est passé.

BEA               Il est sans doute passé, il passe tous les jours à la même heure, alors il est certainement passé, vu que l’heure où il passe habituellement est passée. Mais vous verrez bien, s’il y a du courrier dans la boite, c’est qu’il est passé. Forcément, parce que s’il n’était pas passé, il ne pourrait pas y avoir de courrier dans la boite alors…

Regard noir de Dorothée.

DOR              Et c’est reparti pour un tour. Vous êtes incorrigible ! Elle sort.

Béatrice met la table (couverts, verres, corbeille de pain, carafe d’eau, un grand couteau)

BEA               Tiens, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose… non je ne vois pas ! Je demanderai à Sœur Dorothée… non, je ne lui demanderai plus rien.

Dorothée revient avec le courrier.

DOR                          Vous aviez raison ! Il y avait du courrier dans la boite DONC le facteur était passé ! Vous avez un esprit de déduction hors du commun Sœur Béatrice, Colombo à côté de vous, c’est de la roupie de sansonnet… elle regarde la table… dîtes moi, vous avez terminé de mettre le couvert ?

BEA               Oui pourquoi ? Quelque chose ne vous convient pas, sans doute !

DOR              Vous avez l’intention de manger dans votre chaussure ?

BEA               Hein ? Dans ma chaussure ? Certainement pas !

DOR              Alors mettez des assiettes ! Elle sort cuisine.

BEA                           (haut) Oh mais ce n’est pas la peine de faire « Madame je sais tout » ! Je le savais bien qu’il n’y avait pas d’assiettes. Je ne suis pas complètement stupide !

                        (bas en riant) Les assiettes ! J’ai oublié les assiettes ! On fait de ces bêtises quelquefois ! Manger dans ma chaussure ! Oh ben non alors ! Ca ne donnerait pas un bon goût ! Encore que… vu ce que nous prépare Sœur Dorothée… Des fois, on ne sait pas ce qu’on mange. On n’arrive pas à reconnaître. Alors on est… une, deux, trois, quatre donc quatre assiettes. Elle va ouvrir le placard. On voit un bras tendre quatre assiettes. Merci ! Elle referme le placard et met les assiettes sur la table quand revient Sœur Dorothée.

BEA               Dîtes Sœur Dorothée !

DOR              Quoi encore ?

BEA               C’est vous qui avez rangé un homme dans le placard ?

DOR              Regard navré Bien sûr, Sœur Béatrice ! C’est toujours là que je les mets !

BEA               Ah bon !

DOR              La pauvre ! Mon Dieu, faites quelque chose !

BEA                           Quand même ! Mettre un homme dans un placard ! Il ne doit pas être bien.

DOR              Sœur Béatrice ! Au lieu de dire des bêtises, faites donc attention.

BEA               Qu’est ce que j’ai fait ?

DOR              Vous avez mis quatre assiettes !

BEA               Oui et alors ? Nous sommes quatre il me semble !

DOR              Et l’assiette du pauvre ? Vous avez oublié l’assiette du pauvre !

Elle se dirige vers le placard, l’ouvre, pousse un cri et court de l’autre côté de la pièce.

DOR              Il y a un homme dans le placard !

BEA               Ben oui je sais ! Je viens de vous le dire. Mais vous devez le savoir, puisque c’est là que vous les rangez ! C’est vous-même qui l’avez dit !

DOR              Mais, j’ai dit ça comme ça ! Je ne savais pas qu’il y avait vraiment un homme.

BEA               Ah bon ? Alors, vous ne le connaissez pas ? Vous êtes sûre ?

DOR              Evidemment que j’en suis sûre !

BEA                           Elle se met à crier. Aaaaah ! Il y a un homme dans le placard et on ne le connaît même pas !

DOR              Qu’est ce qu’il fait là ?

BEA               Si vous voulez mon avis, il ne doit pas faire grand chose. Dans un placard, qu’est ce que vous voulez faire ?

DOR              Comment est-il arrivé dans ce placard ?

BEA               Pour le savoir, il faudrait lui demander !

DOR              Eh bien demandez-lui ! Vous qui parlez tout le temps.

BEA               Et pourquoi moi ?

DOR              Parce que c’est vous qui l’avez vu la première !

BEA               Oh je l’ai vu, je l’ai vu… je l’ai tout juste aperçu, et encore !

DOR              De toute manière, on ne peut pas le laisser là-dedans.

BEA               Et pourquoi pas ? Après tout, on ne l’a pas forcé à y entrer.

DOR              Il va finir par étouffer !

BEA               (avec un geste) Pff !!!

DOR              Sœur Béatrice ! Nous devons aider notre prochain !

BEA               Je suis bien d’accord avec vous, mais jusqu’à maintenant, rien ne prouve qu’il ait besoin d’aide. On ne l’a pas entendu appeler au secours !

DOR              En la poussant Allons Sœur Béatrice, soyons courageuses !

BEA                           La poussant à son tour Vous avez raison ! Soyez courageuse ! Vous ouvrez et moi je me tiens prête à intervenir en cas d’agression sauvage et sanglante.

DOR              Je vous remercie, vous avez un don certain pour mettre les gens à l’aise.

BEA               Ne vous inquiétez pas, je prends quelques précautions.

Elle prend un grand couteau de cuisine sur la table et se met en position défensive.

                        Vous pouvez ouvrir !

DOR              C’est peut être un peu trop, non ?

BEA               C’est vrai, je pourrais lui faire du mal involontairement !

DOR               A vrai dire, je crains surtout pour moi !

Elle pose le couteau, remonte sa tenue de nonne sous laquelle elle est en jogging et se met en position de karatéka.

                        Là, vous pouvez y aller !

Dorothée se met sur le côté de la porte et l’ouvre. Béatrice pousse un cri et fait des mouvements de bras.

Scène 4

(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice)

MAU              sortant du placard les mains en l’air Holà, du calme !

DOR              Qui êtes vous ? Que faîtes vous ici ? Comment êtes vous entré ?

BEA                           Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? (regardant Dorothée) Euh quoi encore ?

DOR              C’est tout !

BEA               (à Maurice, fort) C’est tout ! Alors tu vas parler !

DOR              Sœur Béatrice !

BEA               excusez-moi, je me suis laissée emporter par l’action. (Polie, reprenant une position normale ) Monsieur, voulez-vous bien répondre ?

MAU              Je réponds à quelle question en premier ?

BEA               (reprenant la position karaté) Attention ! Je vous ai à l’œil

MAU              Ca va Bruce Lee, ça va ! Pas la peine de s’énerver !

DOR              Qui êtes vous ?

BEA               Oui, qui ?

MAU              Je m’appelle Maurice !

BEA               Il s’appelle Maurice !

DOR              Merci, j’avais compris ! Et comment êtes vous entré ?

BEA               Oui, comment ?

MAU              Normalement, par la porte !

BEA               Attention, faîtes pas le mariole ou j‘avoine ! mouvements de karaté.

DOR              Du calme Sœur Béatrice !

MAU              Je peux baisser les bras ? Je fatigue !

DOR              Bien sûr !

BEA               Mais pas de gestes brusques, sinon…

MAU              C’est pas vrai ! Où je suis tombé ?

DOR              Vous êtes au couvent des Sœurs Repentantes !

BEA               Oui ! Repentantes !

DOR              Sœur Béatrice !

BEA               Oui Sœur Dorothée.

DOR              S’il vous plaît, taisez-vous !

BEA               D’accord, je me tais, et je le surveille ! Restons concentrées !

MAU              C’est quoi les sœurs repentantes ?

BEA               Ce sont des filles qui ont perdu leurs illusions et ont trouvé la religion pour dernier refuge.

DOR              Quelle belle formule Sœur Béatrice ! Vous m’épatez !

MAU              Et que vous est-il arrivé pour vous retrouver ici ?

BEA               J’étais championne de karaté !

MAU              Ah, ça explique les… mouvements karaté Et alors ?

BEA                           J’ai eu une vilaine blessure ! Du jour au lendemain, je ne valais plus rien. Tout le monde m’a laissée tomber. Tous mes soi-disant amis… Je n’avais pas de famille et comme je ne savais rien faire d’autre que du karaté… J’ai demandé à mon entraîneur de m’aider, il m’a dit que tout ce qui me restait à faire, c’était Bonne Sœur, alors voilà.

MAU              Eh bien dîtes donc quel salaud !

BEA               C’est exactement ce que j’ai pensé !

MAU              (à Dorothée) Et vous ?

DOR                          Trop long à expliquer ! Et pour le moment, c’est nous qui posons les questions.

BEA                           reprenant sa position Oui ! Les questions c’est nous ! Enfin c’est surtout elle !

DOR              Oh, mais je crois avoir compris  !

BEA                           Elle a compris ! Ca t’en bouche un coin, hein ?

MAU              Compris quoi ?

BEA               Compris que… le… (à Dorothée) …Compris quoi ?

DOR              La police qui patrouille partout. C’est vous qu’elle cherche !

MAU              Moi ? Recherché par la police ? Qu’est ce que vous allez imaginer ?

DOR              Bien ! Alors je vous prie de sortir d’ici immédiatement.

BEA               Mais… attendez sœur Dorothée. On ne sait même pas ce qu’il faisait ici.

DOR              On le saura bientôt, faîtes moi confiance ! Alors, vous sortez ?

MAU              Pas de problème ! Je sors ! (il va vers la sortie)

DOR              En sortant, voulez vous demander au policier qui est juste devant la porte, de bien vouloir déplacer sa voiture de quelques mètres. Elle gêne pour entrer la nôtre dans le garage. Merci !

MAU              (devenant très hésitant). Au policier… devant la porte… euh… oui ! Bon… eh bien je vais y aller… je vais vous laisser… je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité… je ne vais pas tarder à partir… voilà, voilà, voilà… alors, j’y vais…

DOR              C’est ça !

MAU              Heureux de vous avoir connues…

DOR              Nous de même !

BEA               Mais à quoi ils jouent tous les deux ?

MAU              Dommage qu’on n’ait pas le temps de discuter plus longtemps…

DOR              Une autre fois !

MAU              C’est ça, une autre fois… ben voilà… quand faut y aller, faut aller !… Alors… j’y vais !

Il sort, et revient aussitôt.

                        Ah dîtes donc ! C’est vrai que des fl… des policiers… il y en a partout ! C’est impressionnant !

DOR              Alors vous pouvez partir tranquille. Vous ne risquez pas de vous faire agresser.

MAU              Ca, c’est sûr !… Dîtes… vous n’auriez pas quelque chose à boire ? J’ai la gorge sèche… faut dire qu’il fait chaud !

DOR              Nous sommes en été, c’est normal !

BEA               Ca, en été, la chaleur, c’est normal. C’est pas comme en hiver parce que…

DOR              Sœur Béatrice ! Voulez vous vous taire et servir un verre d’eau à Monsieur ? (Béatrice lui donne un verre) Et surtout, prenez votre temps pour le boire !

BEA               Oui, il ne faut jamais boire trop vite, c’est mauvais pour la santé !

MAU              Alors la, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me presser !

DOR              Bien sûr ! Et avec un peu de chance, la police sera partie quand vous aurez terminé !… Vous ne croyez pas qu’il serait temps d’arrêter votre cinéma ? Avouez que c’est vous qu’ils cherchent !

MAU              Mais pas du tout !

BEA               se remettant en position karaté. Sœur Dorothée ! J’avoine ?

DOR              Avoinez sœur Béatrice !

Béatrice court après Maurice autour de la table.

MAU              Eh ça ne va pas non ! Mais c’est qu’elle le ferait !

DOR              Alors ?

MAU              …Oui, c’est après moi que les flics en ont.

BEA               Alors, j’avoine ou j’avoine pas

DOR              Pas pour l’instant Sœur Béatrice. Monsieur à l’air d’être devenu raisonnable.

BEA               Oh zut alors !

DOR              Peut-on savoir pourquoi ils vous cherchent ?

MAU              Je me suis échappé pendant mon transfert de la prison.

BEA               Parce que vous étiez en prison ?

MAU              Oui, mais c’est une erreur judiciaire !

BEA               Aïe ça c’est grave !

MAU              Pardon ?

BEA               Erreur judiciaire, c’est grave ! Quand tu es coupable, on trouve toujours un vice de forme pour te relâcher, mais si tu es innocent alors là, tu prends le maximum.

MAU              Ca, j’en sais quelque chose !

DOR              Bien sûr ! Il est bien connu que les prisons sont remplies d’innocents !

MAU              Je ne sais pas si elles en sont remplies, mais il y en a. J’en suis la preuve flagrante.

DOR              Et pourquoi devrait-on vous croire ?

BEA               Oui, c’est vrai ! Pourquoi devrait-on vous croire ?… (à Dorothée) Et pourquoi ne le croirait-on pas ?

MAU              (il s’assied, semblant soudain abattu) Oh vous n’êtes pas obligées de me croire ! Je ne peux vous donner aucune preuve. Je n’ai d’ailleurs pas pu en fournir à la justice, alors…

BEA               (prenant à part Dorothée) Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’ai l’impression qu’il est sincère. Regardez-le !

DOR              Méfiance Sœur Béatrice ! Nous ne savons rien de lui et j’ai appris, dans le passé, à être très prudente.

BEA               Vous avez peut être raison ! De toute façon, ne vous inquiétez pas. Je le surveille et au moindre mauvais geste, j’avoine !

DOR              Ma parole, mais vous ne pensez qu’à ça !

BEA               Non, mais ça me rappellerait ma jeunesse ! Qu’est ce qu’on fait avec lui ?

DOR              Que voulez-vous qu’on fasse ? Il va repartir comme il est venu et voilà !

BEA               Mais il est peut être vraiment innocent !

DOR              Peut être ! Mais peut être pas ! Ce n’est pas notre affaire !

BEA               Mais si il part, il va se faire prendre ! C’est comme si nous le donnions nous même à la police.

DOR              Je vous répète que cela n’est pas notre affaire !

BEA               (pathétique) C’est comme si nous le conduisions nous même à l’échafaud !

DOR              C’est peut être un peu exagéré non ?

BEA               (de plus en plus) C’est comme si nous tenions nous même la hache pour le fusiller !

DOR              Vous avez fini !… Quoique dans le fond, vous n’ayez pas tort. Si il est innocent… Il faudrait en savoir plus.

MAU              (se levant) C’est bientôt fini les messes basses.

BEA               (menaçante) Pas bouger !

On entend tinter une cloche.

MAU              Qu’est ce que c’est que ça ?

DOR              La cloche pour le repas. Les Sœurs ne vont pas tarder à arriver.

MAU              Je dois partir ! Inutile que d’autres personnes me voient !

BEA               (à la porte) Les policiers sont toujours là !… Sœur Dorothée…

DOR              Oui ?

BEA               Il faut le cacher !

DOR              Le cacher ? Mais vous êtes folle !

BEA               Sœur Dorothée…

DOR              On ne va pas le garder ici !

BEA               Sœur Dorothée ! La police, l’échafaud…

DOR              Et la hache pour le fusiller ! Je sais !… Bien, écoutez-moi ! Vous allez vous cacher. Après le repas, les autres sœurs iront se coucher, et nous reprendrons notre conversation.

MAU              Merci !

DOR              Ne me remerciez pas, je ne vous promets rien !

BEA               Vite, je les entends qui arrivent ! Cachez-vous !

MAU              Où ?

DOR              Eh oui ! Où ? Il n’y a aucun endroit pour le cacher !

BEA               Si ! (elle montre le placard)

MAU              Ah non ! Pas le placard !

BEA               C’est ça ou rien ! Et puis, je suis sûre que vous n’avez pas encore tout visité.

Elle le pousse dans le placard, referme la porte. Maurice ouvre la porte, passe la tête.

DOR              Rentrez là-dedans !

MAU              J’ai faim !

BEA               On va s’en occuper ! (Elle le repousse à l’intérieur  au moment où Sœur Monique et la Mère Sup entrent).

Scène 5

(Sœur Dorothée – Sœur Béatrice – Mère Sup – Sœur Monique)

MERE           A table mes sœurs ! Sœur Dorothée, vous pouvez servir !

DOR              (pensive)

MERE           Sœur Dorothée ! Vous pouvez servir !

DOR              Hein ? Servir à quoi ?

MERE           Servir ! Le repas !

DOR              Ah oui ! Excusez-moi ma mère, j’étais distraite !

(Elle sort cuisine, les autres s‘installent autour de la table)

MERE           Qu’est ce qu‘elle a ? Elle est malade ?

BEA               Je ne pense pas ma Mère ! Certainement un peu de fatigue !

Dorothée revient avec un plat qu’elle pose sur la table. Les sœurs s’installent.

MERE           Sœur Monique, c’est à vous de dire le bénédicité.

MON             (se lève) Bénissez ce repas Seigneur ! (elle s’assied)

MERE           C’est tout ? C’est un peu court, ne trouvez-vous pas ?

MON             Ma mère, je ne sais jamais quoi dire !

DOR              C’est pas comme certaines !

MERE           Ayez un peu d’imagination ! Il n’est tout de même pas très difficile de remercier le Seigneur pour ses bontés, et d’avoir une pensée pour les pauvres, par exemple.

MON             Vous savez que je n’aime pas beaucoup parler !

MERE           Oui, je sais ! Mais essayez tout de même ! Faîtes un effort !

MON             (se relève et chante sur l’air de  « Comme d’habitude »)

Bénissez ce repas Seigneur - Que Sœur Dorothée - a préparé

comme d’habitude.

Mais faîtes que ce soit meilleur – Mieux que la dernière fois – pas comme  d’habitude.

Les sœurs s’assoient.

DOR              Merci ! Je ne critique pas votre façon de faire la lessive, moi !

MON             Qu’est ce qu’elle a ma façon de faire la lessive ?

DOR              Rien !

MON             Mais si parlez ! Vous en avez trop dit ou pas assez !

MERE           Mes sœurs, s’il vous plaît !

MON             Excusez-moi ma mère, mais Sœur Dorothée a sous-entendu quelque chose et j’aimerais bien savoir quoi !

DOR              Eh bien Sœur Monique, quand on fait la lessive, on met… de la lessive ! Vous savez, cette poudre blanche qui fait de la mousse ! Pourtant, en poudre blanche, vous en connaissez un rayon il me semble ! Non ?

MERE           SŒUR DOROTHEE ! Cela suffit ! Je ne peux pas permettre ce genre de comportement !

DOR              Je vous demande pardon ma Mère ! A vous aussi Sœur Monique ! Mais je n’aime pas beaucoup que l’on critique ma cuisine ! Je ne suis peut être pas un fin cordon bleu, mais il me semble que personne n’a jamais été malade après un repas que j’avais préparé ! Sœur Monique, avez vous été malade, une seule fois, après un de mes repas ?

MON             Après ?… Non !

DOR              Ah ! Vous voyez !

MON             Mais je suis malade AVANT, rien qu’à l’idée de manger une de vos… préparations. (Chanté)  « Je suis malade ! Complètement malade ! » 

MERE           SŒUR MONIQUE !

MON             Pardonnez-moi ma Mère ! Excusez-moi Sœur Dorothée ! Mais admettez quand même que ce que vous cuisinez est… bizarre !

DOR              Bizarre ? Ma Mère, vous trouvez que ma cuisine est bizarre ?

MERE           Mais non, mais non !

DOR              Ha !

MERE           Vous avez des préparations culinaires qui vous sont très personnelles, c’est tout !

DOR              Voilà ! C’est ça ! Je fais de la cuisine personnelle ! Pas de la cuisine de tout le monde ! Et vous aimez ma Mère, la cuisine personnelle ?

MERE           Eh bien… disons que… ce n’est pas mauvais du tout… mais on ne sait pas toujours, très bien, ce que c’est !

DOR              C’est le propre de la cuisine personnelle !

MERE           Par contre, ce soir, j’ai l’impression que vous vous êtes surpassée. Cette choucroute sent très bon !

DOR              La chou… (vexée) Ce n’est pas de la choucroute !

MON             Ah bon ? Qu’est ce que c’est ?

DOR              Ce sont des spaghettis et des merguez !

MON             Alors pourquoi cela sent-il la choucroute ?

DOR              Ca ne sent pas la choucroute ! Ca sent le ketchup… périmé !

MON             Le ketchup périmé ? Mais elle veut nous empoisonner !

MERE           Pouvez-vous nous donner une explication Sœur Dorothée ?

DOR              J’avais déjà mis le ketchup quand je me suis aperçue que la date était passée depuis deux mois.

MON             Deux mois seulement ? Alors ça va, on ne risque rien ! Deux mois !

DOR              J’ai pas vu, j’ai pas vu ! On ne va pas en faire un plat !

MON             Vous n’avez pas hésité à en faire un, vous, de plat !

MERE           Allons, allons, mes sœurs ! Ne vous disputez pas. Sœur Dorothée va aller passer les spaghettis sous l’eau bouillante pour enlever le ketchup, et voilà ! Tout cela n’est pas bien grave !

DOR              (se lève, prend le plat et sort) Si c’est pas malheureux ! Quel gaspillage ! Il y en a qui seraient bien content d’en avoir du ketchup… même périmé !

MON             Ma mère, puis-je demander quelque chose ?

MERE           Oui,  ma sœur ?

MON             Ne pourriez-vous pas interdire l’accès de la cuisine à Sœur Dorothée ?

MERE           Sœur Dorothée a fait une erreur ! Il faut savoir pardonner !

MON             Elle va finir par toutes nous envoyer au cimetière.

MERE           Au paradis ma Sœur ! Au paradis ! Et cela ne doit pas vous faire peur.

MON             Oui, au paradis ! C’est ce que je voulais dire ! Mais si je dois y aller, au paradis, je préfèrerais que ce soit avec l’estomac en bon état. (chanté) « J’ai la rate qui se dilate, j’aie le foie qu’est pas droit… »

Retour Dorothée. Elle pose violemment le plat sur la table.

DOR              Voilà des pâtes ! Sans ketchup !

BEA               Chanté « Des pâtes, des pâtes, oui mais des pâtes natures ! »

Elles se servent, sauf Béatrice.

MERE           Sœur Béatrice !…

BEA              

MERE           Sœur Béatrice …

BEA               Oui ?

MERE           Que vous arrive t’il ma Sœur ? Vous n’avez pas dit un mot durant cette conversation… culinaire. Cela ne vous ressemble pas. Quelque chose qui ne va pas ?

BEA               Oh non ma Mère ! Je… je méditais !

MERE           Bien, bien ! La méditation est une bonne chose ! Cela nourrit…

MON             Cela nourrit ? (repoussant son assiette) Je vais peut être me mettre au régime méditation. Au moins on ne risque pas l’empoisonnement.

MERE           Cela nourrit l’esprit ! Pas le corps ! Alors mangez Sœur Monique !

MON             Ca sent toujours la choucroute !

DOR              Forcément ! Le ketchup, ça imprègne ! Tous ceux qui font de la cuisine personnelle le savent ! Et puis quoi ? Vous n’aimez pas la choucroute ?

MON             Si !

DOR              Alors soyez heureuse ! Vous faîtes deux repas en un ! Remerciez le Seigneur, c’est certainement lui qui a guidé ma main !

MERE           Sœur Dorothée, je vous prie de garder la responsabilité de vos bêtises. N’y mêlez pas notre Seigneur. Maintenant, mangeons en prière !

Scène 6

Elles baissent la tête et mangent un moment en silence. La porte du placard s’entrouvre et Maurice passe la tête. Dorothée le voit et lui fait des signes pour se cacher.

MERE           Que vous arrive t’il Sœur Dorothée ?

DOR              Euh… une mouche… c’est une mouche !

Maurice repasse la tête, montre qu’il à faim. Dorothée se lève discrètement avec son assiette. MERE la voit.

MERE           Que faîtes vous encore ?

DOR               Je… j’allais… j’allais chercher… du sel !

MERE           Et vous emmenez votre assiette avec vous ! Vous avez peur qu’on vous la prenne !

MON             Ne craignez rien de ma part !

MERE           Le sel est dans le placard, et le placard est juste là ! Vous pouvez donc le prendre sans quitter votre assiette des yeux, si vous craignez tellement.

DOR              Non… c’était pour…pour éviter d’avoir à ramener la salière.

MERE           Vous préférez transporter une assiette pleine, plutôt qu’une petite salière ? J’ai du mal à vous suivre Sœur Dorothée. Etes-vous certaine d’aller bien ?

MON             A mon avis, ce sont les spaghettis-choucroute qui commencent à faire leur effet.

MERE           Taisez-vous Sœur Monique ! Alors Sœur Dorothée, que vous arrive t’il ?

DOR              Rien ma Mère ! Rien ! Ne vous faîtes pas de soucis ! Mangez, mangez, cela va refroidir !

MON             Déjà chaud c’est quelque chose, alors froid…

MERE           Asseyez-vous ! Je vais vous le passer ce sel ! (elle se lève pour aller au placard)

DOR              NON !!!

MERE           Comment  ?

DOR              Euh… Le sel n’est plus dans le placard ! Il est à la cuisine !

MERE           Ah bon ? Vous avez changé le sel de place ?

BEA               Mais non !

DOR              Mais si Sœur Béatrice ! Vous me l’avez amené à la cuisine ! Rappelez-vous !

BEA               Mais pas du tout ! Pourquoi l’aurais-je emmené à la cuisine ? Je ne vois pas pourquoi j’aurais fait une chose pareille.

MON             Peut être pour saler ses… plats !

MERE           Vous avez fini vos chamailleries ? Alors où est-il ce sel ?

En même temps.

                        DOR   A la cuisine !

                        BEA   Dans le placard !

MERE           Vous m’inquiétez de plus en plus toutes les deux ! Nous allons en avoir le cœur net immédiatement. Il suffit d’ouvrir le placard, et nous verrons bien.

Elle va en direction du placard. Dorothée faisant des signes à Béatrice.

DOR              Sœur Béatrice ! Le placard !…

Béatrice comprend enfin.

BEA               NON !!! N’ouvrez pas !

MERE           Pourquoi ?

BEA               A cause de…

DOR              A cause du sel ! Qui n’y est pas ! N’est ce pas Sœur Béatrice ?

BEA               Oui, oui ! Sœur Dorothée a raison ! Je viens de me souvenir tout à coup que le sel est à la cuisine ! Elle en avait besoin !

MON             Pour saler la choucroute !

DOR              Voilà ! Pour saler la chou… (criant en étranglant Sœur Monique) Ce n’est pas de la choucroute !

MERE           MES SŒURS ! Je ne sais pas ce qui vous arrive, mais vous ne me semblez pas dans votre état normal. Je sais que pour vous, cette vie est relativement nouvelle, et qu’il est peut être difficile de vous y adapter. Mais vous êtes ici pour ça ! Il faut vous reprendre ! Sinon vous risquez de retomber dans vos… travers, et tout le travail consenti, jusqu’à maintenant, l’aura été en pure perte ! Aussi, après le repas, vous irez vous recueillir dans la chapelle et vous méditerez. Cela ne peut que vous faire le plus grand bien.

DOR              Bien ma Mère !

BEA               Oui ma Mère !

MERE           L’incident est clos ! Mangeons !

Elles mangent en silence. La porte du placard s’ouvre à nouveau. La tête de

Maurice réapparaît. Il fait signe qu’il a de plus en plus faim. Sœur

Dorothée prend un morceau de pain et lui lance. La porte se referme.

MERE           Que se passe t’il encore ma Sœur ?

DOR              Toujours cette mouche ma Mère. Mais ça y est-je l’ai chassée !

Elles continuent de manger. La porte s’ouvre à nouveau. Maurice fait signe qu’il a

une envie urgente. Il referme la porte.

MERE            Bien ! Maintenant, y a t’il autre chose au menu ?

BEA               Oui, il y a…

DOR              Rien, il n’y a plus rien !

BEA               Mais si, il y a…

DOR              Rien ! Je vous dis qu’il n’y a plus rien, Sœur Béatrice. N’insistez pas !

BEA               Mais, le biscuit ?

MERE           Quel biscuit ?

BEA               Sœur Dorothée a fait un magnifique biscuit.

MON             Alors allez vite le chercher Sœur Béatrice.

DOR              Vous avez encore faim Sœur Monique ?

MON             Oui, un peu !

DOR              Alors reprenez un peu de choucroute !

MON             Non-merci ! Je préfèrerais goûter ce fameux biscuit !

DOR              Il n’y a plus de biscuit ! Il a brûlé, je l’ai jeté !

MON             Oh, quel Dommage !

MERE           Puisque nous en avons terminé, Sœur Monique…

MON             (se lève) Merci Seigneur pour ce… repas. Ma Mère, puis j’ajouter quelque chose ?

MERE           Mais bien entendu si vous avez une inspiration !

MON             Alors merci Seigneur pour ce repas, mais si tu pouvais nous trouver un traiteur ce ne serait pas plus mal. Amen !    

MERE           Oui ! Bon ! Il est temps de quitter cette table. Sœur Monique, quel est votre travail ce soir,

MON             Je dois arroser les fleurs !

MERE           Alors allez-y ! Quant à vous, après la vaisselle, n’oubliez pas d’aller à la chapelle.

BEA               Nous n’y manquerons pas ma Mère !

MERE           Je vous laisse alors ! Je serai dans mon bureau et ensuite, j’irai me coucher.

Elle sort. Dorothée et Béatrice se précipitent vers le placard, l’ouvre, Maurice va

 sortir quand la Mère Sup revient.

OFF               J’ai oublié… Elles referment les portes, repoussant violemment

 Maurice dans le placard. …de vous dire que demain, nous aurons le plaisir d’avoir la visite de l’Evêque. Il aura un entretien avec chacune d’entre vous, pour savoir comment se passe votre séjour ici. Votre avenir dépend beaucoup de ce que vous direz. Je préfère vous prévenir afin que vous y réfléchissiez. Bonne nuit mes Sœurs ! A demain ! (elle sort)

Scène 7

(Maurice – Sœur Dorothée – Sœur Béatrice – Sœur Monique)

Elles ouvrent le placard, Maurice en sort précipitamment

MAU              Vite, vite ! C’est où les chio… les toilettes ?

DOR              Par-là, au fond du couloir ! Mais vous ne pouvez pas y aller. Il vous faut passer devant le bureau de la Mère Supérieure et elle ne ferme jamais la porte.

MAU              Faut que j’aille ! Vite, c’est urgent !

BEA               Le mieux, c’est d’aller dehors, dans la cour intérieure, il y a un petit parc !

MAU              C’est où ?

DOR              Par ici, mais faîtes attention, il y a Sœur Monique !

Maurice sort,( fond gauche.)

BEA               Eh bien, ça presse ! Heureusement que les Sœurs sont parties, il aurait fini par faire dans le placard !

DOR              A propos, Sœur Béatrice, vous n’êtes pas très vive d’esprit !

BEA               Pourquoi ?

DOR              Pendant que je faisais tout ce que je pouvais pour écourter le repas, vous insistiez lourdement avec le biscuit. Vous n’avez pas vu les signes qu’il faisait.

BEA               Bien sûr que je les ai vus ! Mais je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Et puis j’en aurais bien mangé un peu de ce biscuit.

Retour de Maurice. Pendant la conversation, il va prendre le plat de spaghettis et manger.

MAU              Ah c’que ça fait du bien !

BEA               C’est vrai, il y a des petites choses comme ça qui sont de vrais moments de bonheur. Moi par exemple, j’aime beaucoup….

DOR              (la coupant) Personne ne vous a vu ?

MAU              Non, non ! J’ai aperçu votre collègue, mais elle était de l’autre côté du parc. Je me suis caché derrière un massif.

DOR              Bien ! Et maintenant que fait-on ?

BEA               Je disais que j’aime beaucoup quand…

DOR              Ecoutez Sœur Béatrice, nous n’avons pas le temps d’écouter vos histoires. Il faut prendre une décision en ce qui Monsieur… Monsieur comment au fait ?

BEA               Oui, c’est vrai ça ! Comment vous vous appelez ? Moi c’est Sœur Béatrice et voilà Sœur Dorothée. Il y a aussi Sœur…

DOR              Sœur Béatrice ! Voulez-vous le laisser parler, s’il vous plaît.

BEA               Bon, bon, je me tais ! Je pensais simplement, qu’il était bon de nous présenter, afin que Monsieur sache qu’il avait à faire à des religieuses.

MAU              Ca, j’avais remarqué !

BEA               Ah bon ? Dîtes donc, vous êtes drôlement perspicace vous !

DOR              Sœur Béatrice ! Vu les tenues que nous portons, je ne pense pas que Monsieur ait pu nous prendre pour des militaires ou pour des déménageurs.

BEA               Oui, évidemment ! J’oublie souvent que nous sommes habillées de cette façon !

DOR              (à Maurice) Alors vous êtes Maurice ! Mais Maurice quoi ?

MAU              Jacquet ! Maurice Jacquet !

DOR              Jacquet… Maurice Jacquet… ça me dit quelque chose…

MAU              Vous avez certainement entendu parler de moi par la presse. Mon affaire a défrayé la chronique.

DOR              Oui, c’est ça, je me souviens ! Une affaire d’escroquerie aux assurances, fraudes fiscales, détournements de fonds, et j’en passe.

BEA               Eh bien vous ne faîtes pas les choses à moitié vous !

MAU              Mais ce n’est pas moi ! Je suis innocent !

BEA               Tiens donc !

MAU              Non, en fait, je suis coupable !

BEA               Ah ! Il avoue !

MAU              Oui, coupable ! Coupable d’être crédule ! Coupable de faire confiance à n’importe qui ! Finalement, coupable d’être un idiot !

DOR              Vous pourriez nous expliquer !

BEA               Oui, il faudrait nous expliquer ! Surtout à moi, qui ne suis pas…vive d’esprit.

MAU              Vos… collègues ne risquent pas de revenir ?

DOR              Non, ne craignez rien !

MON OFF    Sœur Dorothée ! Sœur Béatrice !

BEA               Je crois que vous avez parlé trop vite ! Vous, cachez-vous ! Hop, au placard !

MAU              Je commence à croire que j’aurais mieux fait de rester en prison. Si c’est pour être au placard, ma cellule était un peu plus spacieuse.

BEA               Vous n’allez pas faire le difficile ! Personne n’est allé vous chercher ! Entrez là-dedans.

Entrée de Sœur Monique

MON             Vous êtes encore là, je vous croyais à la cuisine.

DOR              Qu’y a t’il Sœur Monique ?

MON             La Mère vous a dit que l’évêque venait demain ?

DOR              Oui, nous sommes au courant !

MON             Il va falloir être en forme ! Il paraît qu’il va nous poser des tas de questions pour savoir si nous sommes vraiment motivées, si nous pouvons rester, enfin tout ça !

BEA               C’est comme un sergent recruteur !

MON             Oui, si vous voulez ! Vous devriez vous dépêcher de faire la vaisselle pour pouvoir aller vous reposer. Bonne nuit !

Elle sort.       «  Le rire du sergent, la folle du régiment…

SCENE 8

DOR              Elle a raison, dépêchons-nous !

Elles débarrassent la table, Béatrice enlève la clé du placard et elles sortent en éteignant la lumière.

Un moment passe sans bruit.

MAU              Eh !… Eh… y’a quelqu’un ?… Y’a quelqu’un ?… Mais c’est pas vrai, qu’est ce qu’elles font ?… C’est peut être le moment d’en profiter pour filer… Mais… mais… elles m’ont enfermé ! (il donne des coups à la porte) C’est pas possible ! Pourquoi il a fallu que j’entre ici ? Je vais mourir dans ce placard… ah l’air me manque… aaahh… j’étouffe… au secours… (bas) au secours…

Retour Béatrice et Dorothée.

DOR              Je vous dis que nous avons oublié quelque chose !

BEA               Mais non ! Regardez, nous avons tout débarrassé ! Tout est normal !

DOR              Oui, c’est pourtant vrai ! Je ne sais pas pourquoi, j’ai une impression bizarre.

BEA               Ca m’arrive aussi quelquefois ! Mais ça passe !

Elles vont ressortir lorsqu’on entend un râle venant du placard.

Elles se regardent et en même temps.

DOR-BEA    MAURICE !

BEA               Je savais bien qu’on avait oublié quelque chose

DOR              Où est-il ?

BEA               Certainement dans le placard !

DOR              Mais pourquoi n’en est-il pas sorti ?

BEA               Ah ça, il ne pouvait pas, j’ai fermé à clé ! Imaginez que la Mère Supérieure veuille ouvrir le placard et qu’elle trouve Maurice… hein ?… Heureusement que je suis là pour réfléchir ! J’ai fermé et j’ai caché la clé. Y’en a là-dedans, malgré que je ne sois pas vive d’esprit !

DOR              Mon Dieu, Maurice ! Depuis le temps qu’il est-là  ! (Râle) Ouvrez vite !

BEA               Euh…

DOR              Quoi ?

BEA               La clé… je ne sais plus où je l’ai mise !

DOR              Mais elle ne peut pas être loin ! (elle se met à chercher partout) Réfléchissez enfin !

BEA               Attendez ! On était là… J’ai fermé… et j’ai mis la clé… où est ce que j’ai pu la mettre… (râle)

DOR              Vite  ! Oh, pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé.

BEA               Que voulez-vous qu’il lui arrive. Il a mangé un peu, il est allé faire pipi, et puis il ne risque pas de se faire renverser par un autobus. Alors !

DOR              Arrêtez de dire n’importe quoi et retrouvez cette clé au plus vite, sinon ce n’est pas un évadé qu’il faudra cacher, mais un cadavre.

BEA               Je sais… (elle sort cuisine)

DOR              Où allez-vous ?… (elle va au placard) Monsieur Maurice ?… ça va ?… (râle) Ca va, il n’est pas mort !… Ne vous inquiétez pas, on vous ouvre tout de suite… (retour Béatrice)

BEA               La voilà !

Dorothée lui arrache la clé des mains.

DOR              Oh mais qu’est ce qu’elle a ? Elle est toute grasse !

BEA               Je l’avais cachée dans la motte de beurre ! Personne ne serait allé la chercher là ! Hein ? C’était pas une bonne idée ça ?

DOR              Pardonnez-lui Seigneur, elle ne sait pas ce qu’elle fait !

Elle ouvre la porte du placard. Maurice lui tombe dans les bras.

BEA               Eh bien, il à l’air content de vous voir ! Peut être un peu trop familier…

DOR              Cessez vos stupidités et aidez-moi à l’allonger sur la table. Il est à moitié mort.

BEA               Ce que vous pouvez être pessimiste ! A moitié mort ! Il faut positiver dans la vie et voir qu’il est encore à moitié vivant !

DOR              D’accord ! A moitié vivant, si vous voulez ! Mais pour l’autre moitié, qu’est ce qu’il faut faire, puisque vous savez tout !

BEA               C’est facile ! J’ai un diplôme de secourisme !

DOR              Alors que faut-il faire, docteur ?

BEA               Pour un étouffement, le mieux, c’est de faire le bouche à bouche !

DOR              Allez-y !

BEA               Hein ? Pourquoi moi ?

DOR              Parce que vous avez un diplôme de secourisme, et moi non !

BEA               Ah non ! Ah non, non, non ! Il n’en est pas question ! Ah non ! Bah !

DOR              C’est non-assistance à personne en danger !

BEA               On peut, peut-être, essayer autre chose !

DOR              Je ne sais pas moi, c’est vous la spécialiste ! Faîtes quelque chose mais faîtes le vite..

Béatrice va chercher un verre d’eau  et le jette au visage de Maurice qui revient à lui.

BEA               Et voilà le travail !

DOR              Ca va Monsieur Maurice !

BEA               (l’imitant) Ca va Monsieur Maurice ! Elle va bientôt l’appeler Momo !

MAU              Ca va mieux ! Merci ! J’ai bien cru mourir ! Pourrais-je avoir un verre d’eau, s’il vous plaît ?

BEA               Encore ?

Béatrice remplit le verre, Maurice tend la main pour l’attraper mais Béatrice lui jette à nouveau au visage

MAU              C’était pour boire celui la !

BEA               Excusez, je ne pouvais pas savoir !

MAU              Vous êtes toutes aussi dangereuses ou y a t’il des bonnes sœurs normales, ici ?

BEA               Dîtes donc ! On vous cache, on vous nourrit, on va peut être vous héberger et c’est comme ça que vous nous remerciez ?

                        Dorothée  sert un verre qu’elle donne à Maurice. Il boit.

DOR              Ca va mieux ?

MAU              Oui, merci !

DOR              Alors maintenant, vous allez pouvoir nous raconter votre histoire.

BEA               Allez vas-y Momo ! Elle prend une chaise, la retourne, remonte sa tenue et s’assoit à califourchon.

MAU              Eh bien voilà ! Un ami, enfin je pensais que c’était un ami, m’avait proposé de m‘associer avec lui pour créer une entreprise. Il faut dire que je venais d’être licencié. Nous avons donc monté notre société. Moi j’amenais les fonds grâce à ma prime de licenciement, et lui, amenait l’idée.

DOR              Il ne prenait pas trop de risque. Et l’idée c’était quoi ?

MAU              On achetait des voitures françaises à l’étranger pour les revendre en France.

BEA               Hein ?

MAU              Oui, aussi stupide que cela paraisse, nos voitures sont vendues moins chères à l’étranger qu’en France. C’est comme ça ! Donc c’est ce que nous faisions. Les clients commandaient une voiture, ils payaient une partie à la commande et le reste à la livraison.

DOR              Et ça marchait ?

MAU              Plutôt bien oui !

BEA               Et que s’est-il passé pour que vous vous retrouviez en prison ?

MAU              Je m’occupais de tous les détails techniques : commandes, transports, clientèle, etc… Mon associé gérait toute la partie administrative et comptable. Mais à mon insu, il a trafiqué les comptes, détourné de l’argent, fait des fausses factures, des fausses déclarations au fisc, j’en passe et pas forcément des meilleures. Jusqu’au jour où nous avons eu un contrôle fiscal, et là…

DOR              Le pot aux roses a été découvert !

MAU              Oui ! Et comme la société était à mon nom, c’est moi qui signais tous les papiers…

BEA               Sans vous douter de ses magouilles ?

MAU              Je ne comprends rien aux chiffres. Je lui faisais confiance, je signais.

DOR              Et finalement, vous vous êtes retrouvés tous les deux en prison.

MAU              Non, non ! Pas les deux ! Seulement moi ! Pendant le procès, il a juré qu’il n’était au courant de rien.

BEA               Oh l’enf…

DOR              Sœur Béatrice !

BEA               …Le méchant !

MAU              Et je ne pouvais rien prouver ! Absolument rien ! Résultat, j’ai été condamné à trois ans fermes, et lui, rien !

DOR              Et vous en avez fait combien ?

MAU              La moitié ! Ce matin, les flics devaient me transférer dans une autre prison, mais le fourgon a eu un accident, j’en ai profité. Voilà !

DOR              Qu’est ce qui nous prouve que vous dites la vérité ?

MAU              Rien ! Mais j’espère bien pouvoir faire la preuve de mon innocence mais pour cela, je n’ai qu’une seule solution. Retrouver mon associé et l’obliger à avouer.

BEA               Moi, je vous crois ! Je ne sais pas pourquoi, mais je vous crois ! Et je suis prête à vous aider.

DOR              Sœur Béatrice !

BEA               Quoi, Sœur Béatrice ? Quoi Sœur Béatrice ? Sœur Béatrice elle voit quelqu’un qui est dans la… dans la … enfin qui est dedans ! Et elle a envie de l’aider ! C’est mon droit non ? Nous aussi, Sœur Dorothée, nous avons connu des périodes difficiles, nous aussi, avons été exploitées par des gens malhonnêtes qui ont profité de nous et si à ce moment là, quelqu’un nous avait tendu la main, nous avait écoutées au lieu de nous juger, nous ne serions peut être pas ici aujourd’hui ! Vous vous appelleriez peut être encore Dorothée au lieu de… Sœur Dorothée.

DOR              Sœur Béatrice ! Qu’est ce qui vous arrive ? Jamais je ne vous ai entendu parler de cette façon ! C’est cette vie qui vous pèse ?

BEA               Peut être ! Je ne m’étais pas posée la question jusqu’à maintenant, mais d’entendre cet homme raconter son histoire, m’a rappelé que la vie, dehors, c’est comme ça, trop souvent ! Nous, personne ne nous a aidées mais ce n’est pas une raison pour ne pas aider les autres. Si nous sommes entrées ici, c’était peut être par lassitude ou par dégoût, peut être par dépit, mais c’était certainement par lâcheté. Pour nous replier sur nous même et ne plus voir la réalité. Eh bien la réalité, elle nous a rattrapées, alors regardons là en face, (montrant Maurice) même si elle n’est pas belle à voir. Affrontons là, justement, parce qu’elle n’est vraiment pas belle à voir !

DOR              Vous m’épatez Sœur Béatrice ! Vous m’épatez parce que vous avez raison !

BEA               Alors on l’aide ?

DOR              On l’aide !

BEA               Ouais !!!… Mais comment on fait ?

DOR              D’abord il faut trouver un moyen pour qu’il reste ici. Il sera en sécurité.

MAU              En sécurité ? Avec vous ? Excusez-moi mais j’ai des doutes !

BEA               Mais si ! T’inquiète pas Momo ! (à Dorothée) Vous comptez mettre la Mère Supérieure au courant ?

DOR              Certainement pas ! Elle ne serait jamais d’accord.

BEA               Alors ?

DOR              On trouvera quelque chose. Ensuite, il faut retrouver son escroc d’associé.

BEA               Comment ? Lui, ne peut pas sortir, et nous, nous avons juste le droit de traverser la rue pour aller à l’église. Dans ces conditions, ça ne va pas être facile.

DOR              J’ai ma petite idée ! Ecoutez voilà ce que je vous propose de faire, si vous êtes d ‘accord !

BEA               Chante l’air de « MISSION IMPOSSIBLE »

                        Maurice ! Cette mission, si vous l’acceptez comporte quelques risques. Il faut prouver votre innocence. Sœur Dorothée s’autodétruira dans cinq secondes.

DOR              Vous pourriez être sérieuse un instant.

BEA               On peut rire un peu, non ?

DOR              Cette nuit, Maurice va dormir dans la cellule…

MAU              En cellule ! Merci j’en sors !

DOR              Dans la cellule du fond. Personne n’y va jamais. Dans un placard de cette cellule, il y a des soutanes d’abbé. Demain matin, vous en enfilez une, et on vous présente à la Mère Supérieure comme étant un abbé en pèlerinage. Fatigué, vous avez besoin d’être hébergé, elle ne pourra pas refuser.

MAU              Déguisé en abbé ! Non mais ça ne va pas dans vos têtes.

BEA               Ecoute Momo ! Si tu n’y mets pas un peu du tien, on n’y arrivera pas. Alors il se déguise en abbé ! Ensuite ? Comment va t’on faire pour prouver son innocence ?

DOR              J’ai ma petite idée… attendez !

                        Elle va à la porte cellules.

                        Parfait ! Sœur Monique et la Mère sont dans leurs cellules, nous sommes tranquilles. (elle va au téléphone, décroche, compose un numéro) J’espère qu’elle n’a pas changé de numéro.

MAU              Que faites-vous ?

BEA               Elle téléphone !

MAU              Oui, merci ! Je ne suis pas complètement gâteux ! Je me doute bien que si elle prend un téléphone, c’est pour téléphoner, pas pour prendre une douche.

BEA               Oh mais qu’est ce qu’il est agressif !

DOR              Ah ça sonne !

BEA               Je mets le haut parleur.

On entend la conversation)

SCENE 9

GIN                Allô ?

DOR              Allô Ginette ?

GIN                Ouais ! C’est qui ?

DOR              Ici Sœur Do… euh… Dorothée ! Tu te souviens de moi ?

GIN                Dorothée !… Dodo ?

DOR              Oui !

BEA               Dodo ?

DOR              Oh ça va !

GIN                Dodo de la rue St Denis ?

DOR              Oui !

BEA               Rue St Denis ? Mais c’est la rue des… des…eh ben si je m’attendais à ça !

GIN                Dodo, ça alors !

DOR              Eh oui !

BEA               Rue St Denis priez pour nous !

GIN                J’y crois pas ! Dodo ! Tu parles si j’me souviens de toi ! On était comme deux sœurs !

BEA               Comme quoi, la vocation ça peut venir même de la rue St Denis !

GIN                Comment ça va ?

DOR              Pas mal, pas mal ! Et toi ?

GIN                Oh tu sais, la routine ! Ca va, ça vient !

BEA               Qu’est ce qu‘elle entend par-là ?

DOR              Je ne te dérange pas, j’espère ?

GIN                Non pas du tout, je suis avec un client mais c’est pas grave !

DOR              Excuse-moi, je te rappellerai plus tard.

GIN                Mais non, t’inquiète pas ! C’est un vieil habitué. Mais tu le connais, c’est Hector !

DOR              Hector ! Le colonel en retraite ? Mais il a quel âge ? Je l’ai toujours vu vieux.

GIN                Ben, il l’est de plus en plus ! Attend… qu’est ce que tu dis Hector ?… Ca va venir ?… Mais oui, mais oui, faut pas désespérer. Allô ! De quoi on parlait déjà ?

DOR              D’Hector ! Alors il a toujours bon pied bon œil ?

GIN                Bon œil, oui ! Pour reluquer, pas d’problème ! Par contre, bon pied on peut pas dire, il a du mal à monter les escaliers. Quant au reste, j’te dis pas. Il a beau être ancien militaire, pour lui, le garde à vous, c’est cuit ! Mais ça ne l’empêche pas d’venir une fois par semaine, toujours le même jour à la même heure ! Remarque, j’aime bien quand c’est son heure, ça m’fait ma pause ! Ah attends, il bouge ! Il va peut être se passer quelque chose… non, fausse alerte ! Mais, je cause, je cause ! Et toi qu’est ce que tu deviens ? Depuis que tu as arrêté le tapin, plus de nouvelles !

DOR              Oh, c’est une longue histoire !  Je suis…enfin, j’ai changé de vie !

BEA               Ah ça, pour changer, ça doit changer !

GIN                Pourtant t’en avais du succès ! Qu’est ce qu’il y a Hector ?… Tu as du mal à te concentrer ?…Tu payes pas pour m’entendre parler au téléphone ? D’habitude, tu payes pour rien ! Là au moins, ça fait de l’animation !… Allô Dodo ?

DOR              Oui, je suis là !

GIN                Excuse-moi, mais c’est Hector qui rouscaille ! Alors, t’es dans quoi maintenant ?

DOR              Eh bien, disons que je suis… au service de… de quelqu’un de très haut placé !

GIN                Un grand patron ?

DOR              On peut dire ça comme ça !

GIN                Et Jojo, toujours en tôle ?

DOR              Je ne sais pas ! Tu sais, j’ai coupé tous les liens avec mon passé !

GIN                Oui, je comprends ! Faut dire que, vu que c’est toi qui l’a fait mettre en cabane, j’imagine que tu ne vas pas lui amener des oranges. En tous cas, ça me fait rudement plaisir de t’entendre ! Oh, on en a fait ensemble ! Tu te rappelles ?

DOR              Oui, oui ! Mais c’est une période de ma vie dont je préfère ne pas parler !

GIN                Je comprends, ça pourrait te gêner vis à vis de ton patron !

DOR              Voilà, c’est ça !

GIN                Finalement, tu as bien fait de quitter le métier !

BEA               Finalement !

DOR              Oui, mais…

GIN                Ca va quand on est jeune, mais plus on vieillit et plus c’est difficile !

BEA               Normal !

DOR              Oui mais…

GIN                N’empêche qu’on en a soulagé plus d’un !

BEA               Dont Hector !

DOR              Oui mais…

GIN                On peut dire qu’à une époque, on avait les pieds qui touchaient pas souvent le sol, hein ?

BEA               Houla ! Cà devient chaud, chaud !

DOR              Oui mais…

GIN                Ah, excuse-moi une seconde ! Hector… Hector… Ca y est, c’est l’heure ! Faut rentrer maintenant ! … Hein ? T’as pas réussi ! C’est pas grave, j’m’attendais pas à un miracle… Mais oui, c’était bien quand même ! Mais maintenant, faut y aller, et n’oublie pas mon petit cadeau !… Merci !… A la semaine prochaine !… Dodo ?

DOR              Oui !

GIN                Ca y est, on est tranquille ! Alors qu’est ce qui se passe ma grande ? Un problème ?

DOR              Oui… enfin … je voulais te demander un petit service !

GIN                Vas y !

DOR              C’est difficile au téléphone, je préfèrerais qu’on se voie.

GIN                Dis-moi où et j’arrive tout de suite !

DOR              Plutôt demain ! Si tu peux !

GIN                Pas d’problème !

DOR              Parfait ! Alors voilà ! Retrouve-moi au 47 de la rue Ste Bernadette, à 8 heures !

GIN                Dis donc ! Rue St Denis ! Rue Ste Bernadette ! Tu fais dans le Saint, toi !

DOR              Oui, oui… Alors, arrivée au 47, tu sonnes trois fois la cloche, à l’entrée. Je viendrai t’ouvrir. Mais je te préviens, tu risques d’être… surprise !

BEA               Ah oui, une drôle de surprise !

GIN                Ca à l’air drôlement sérieux ! Tu m’inquiètes !

DOR              Disons que… j’ai beaucoup changé !

GIN                Eh ben on verra ça !… 47 Rue Ste Bernadette… la cloche, trois fois ? Comme si c’était un code !

DOR              C’est ça !

GIN                On se croirait dans un film d’espionnage. Tu te cacherais pour échapper à je ne sais quoi, j’arriverais, je ferais le code avec la cloche et tu viendrais m’ouvrir, déguisée en je ne sais pas quoi… en bonne sœur, se serait marrant !

DOR              Marrant ? Alors crois-moi, tu vas rire !

GIN                Alors c’est d’accord ! Demain 8 h ! Allez salut Dodo, j’ai fini ma journée, j’vais m’coucher !

DOR              Bonne nuit et merci ! (elle raccroche)

MAU              Ca c’est drôle !

DOR              Quoi ?

MAU              Une prostituée qui dit «  J’ai fini ma journée, je vais me coucher »

DOR              Si ça vous amuse, c’est déjà ça ! (elle voit Béatrice qui la regarde, sourire en coin)… Pourquoi me regardez-vous avec ce sourire stupide Sœur Béatrice ?

BEA               Pour rien… Dodo de la rue St Denis !

DOR              Oui, bon ça va ! Pas la peine de s’étendre !

BEA               S’étendre ! C’est le mot ! Parce que si j’ai bien compris, c’est une parapépa… pérapa… prépa… enfin, c’est une…

DOR              Oui ! C’en est une !

BEA               Et vous…

DOR              Oui, moi aussi je l’ai été !

BEA               Remarquez, je ne connais pas votre vie, alors je ne vous juge pas !

DOR              Merci !

BEA               Mais, vous allez la faire venir ici ?

DOR              Vous avez une autre idée ?

BEA               Non, mais vous imaginez la Mère Supérieure…

DOR              Elle n’en saura rien ! J’ai donné rendez-vous à Ginette à 8 h. C’est l’heure où la Mère est à la Chapelle.

MAU              Et vous comptez sur votre copine pour nous aider ?

DOR              Ginette connaît des tas de gens ! Pas très fréquentables c’est vrai, mais votre escroc d’associé ne l’est pas non plus. Avec un peu de chance, elle trouvera des renseignements intéressants.

MAU              Je me demande si c’est une bonne idée…

BEA               Mais si Momo ! T’inquiète pas ça ira !

DOR              Demain, une rude journée nous attend ! Je vous accompagne à votre cellule Maurice. Il est temps d’aller se coucher.

BEA               Oui, tous au dodo… Dodo !

DOR              Très drôle !

sortie

ACTE 2

SCENE 1

(Mère, Monique, Béatrice)

                        Le lendemain. La Mère Supérieure est seule en scène. Elle est très gaie. Elle chante.

MERE           (chantant) « Encore une belle journée,

                        « C’est aujourd’hui qu’il doit arriver,

                        « L’ami de tous les p’tits curés,

                        « Mon Evêque André.

                        (se reprenant) Allons ma Mère ! Un peu de tenue. Si on vous voyait, on vous prendrait pour une folle… oh folle, oui je suis folle  ! Folle de lui ! Pardonnez-moi Seigneur  (signe de croix)

                        Un temps

                        (chantant) « Je suis folle, j’en raffole, quand il me frôle, je m’envole »

                        (se reprenant) Il faut que je me calme ! Reprend-toi Marguerite, reprend- toi ! (signe de croix)

                        Elle prend un livre, le consulte un moment puis retire une photo d’entre les pages. Ah André ! (chantant) « Tel qu’il est, il me plait, il me fait de l’effet, et je l’aime »

                        7 h 30 ! Ca ne passe pas ! Je suis tout excitée à l’idée de le revoir ! Comme à chaque fois d’ailleurs. (levant les yeux comme pour s’adresser à Dieu) Je sais ! Une religieuse, Mère supérieure de surcroît, amoureuse de son Evêque, cela peut paraître choquant, mais c’est comme ça, je n’y peux rien. Cela fait des années que nous nous aimons en silence et ce n’est pas facile à vivre d’être obligés de se cacher. Mais si cela venait à se savoir, il serait défroqué ! … Défroqué ?… Défroqué ! C’est vrai que ce ne serait pas désagréable… Oh pardon Seigneur ! (signe de croix)

                        Arrivée de Monique (pleurnichant). Mère Sup lui tourne le dos, regardant la photo.

MERE           Ah, André, je t’aime !

                        Elle se retourne se retrouvant nez à nez avec Monique.

MON             Pardon ?

MERE           Euh…je disais… je disais… « Entrez ! Je vous aime ! » et c’est vrai que je vous aime bien Sœur Monique.

MON             (pleurnichant) Merci ma Mère !

MERE           Oh, mais que vous arrive t’il ?

MON             (pleurnichant) Ah ! Ma Mère ! Une catastrophe !

MERE           Que se passe t’il ? Vous avez l’air bouleversée !

MON             Je le suis ! Et il y a de quoi !

MERE           C’est si grave que cela ?

MON             Eh bien, c’est à propos des massifs de fleurs…

MERE           Les massifs ? Un problème ?

MON             Un problème ? Pire ! Une catastrophe je vous dis. Ceux de l’entrée du parc sont fichus !

MERE           Comment ça ? Ne deviez-vous pas les arroser hier soir ?

MON             Si ! Mais Sœur Béatrice l’avait déjà fait ! Je ne sais pas avec quoi elle les a arrosés mais résultat, ce matin, les massifs, brûlés, fichus, secs. (pleurant de plus belle) De si beaux massifs, que j’entretenais avec tant de soin, tant d’amour.

MERE           C’est navrant, mais ce n’est pas aussi catastrophique...

MON             Vous ne comprenez pas ma Mère ! Sœur Béatrice déteste les travaux de jardinage. Alors pourquoi aurait-elle eu soudain, l’envie d’arroser les fleurs ?

MERE           Ca je ne sais pas !

MON             Eh bien moi je vais vous le dire ! Elle les a fait crever exprès.

MERE           Sœur Monique ! Attention à ce que vous dîtes ! Vous accusez sans preuve, c’est grave ! Peut être que ces massifs ont été atteints d’une maladie quelconque !

MON             Mes fleurs ne sont pas malades ! Impossible ! Elles étaient en pleine santé ! Je vous dis que c’est un coup de Sœur Béatrice !

MERE           Ecoutez ma Sœur, nous reparlerons de cette histoire plus tard ! L’Evêque va bientôt arriver, vous devriez aller vous préparer…

MON             Bien ma Mère ! Mais en ce qui concerne Sœur Béatrice…

MERE           (ferme) Vous ne ferez rien ! Je parlerai à Sœur Béatrice. Mais vous, ne faîtes rien, et surtout pas de vengeance. Cela pourrait compromettre votre avenir. Si cela peut vous aider à oublier cette histoire, je vous autorise à aller chanter… dans votre cellule.

MON             Merci ma Mère ! (Elle va sortir et se retourne) Ah ! Ma Mère, je voulais vous poser une question.

MERE           Allez-y !

MON             Sommes-nous vraiment obligées de nous lever aussi tôt ?

MERE           Sachez ma fille, que chaque jour nouveau est comme une renaissance. Et nous devons en remercier le Seigneur.

MON             Oui, mais quand même ! 5 h du matin, ça fait un peu tôt !

Elle va pour sortir vers cellules «5 h du mat, j’ai des frissons, je claque des dents et je monte le son… »

                        Entrée de Sœur Béatrice, en jogging, serviette autour du cou, qui arrive en trottinant. Elle croise Sœur Monique qui va sortir.

BEA               Bonjour ma Mère ! Bonjour Sœur Monique ! Oh Sœur Monique, quelque chose qui ne va pas ? Vous en faîtes une tête.

MON             (en sortant chanté) « Quoi ma gueule ? Qu’est ce qu’elle a ma gueule ? »…

BEA               Qu’est ce qui lui arrive ?

MERE           Elle est contrariée ! A propos, Est ce vous qui avez arrosé les fleurs à l’entrée du parc, hier soir ?

BEA               Arrosé les fleurs ?… Ah les fleurs ! Non ce n’est pas moi, c’est Mau…Euh… Oui c’est moi !

MERE           Pourquoi ?… Pourquoi les avoir arrosées alors que vous ne voulez jamais le faire ?

BEA               … Eh bien… j’ai… c’est en faisant la vaisselle que l’idée m’est venue !

MERE           En faisant la vaisselle ?

BEA               Oui, c’est ça ! En faisant la vaisselle… je me suis dis… « plutôt que de vider bêtement l’évier, pourquoi ne pas utiliser l’eau pour arroser. Ca fera des économies » Voilà, ce que je me suis dis… en faisant la vaisselle. Et alors hop, j’ai arrosé !

MERE           Avec l’eau de vaisselle ? Alors voilà l’explication !

BEA               L’explication ?

MERE           Les massifs n’ont pas supporté ! Ils sont fichus !

BEA               Non ?

MERE           Si ! Vous imaginez le désespoir de Sœur Monique !

BEA               Ca fait de drôles de ravages l’eau de vaisselle… on ne croirait pas !

MERE           Bien ! Maintenant que cette histoire est éclaircie, vous devriez aller vous changer. L’Evêque va bientôt arriver.

Béatrice va pour sortir en trottinant.

                        Une chose encore Sœur Béatrice !

BEA               Oui ma Mère ?

MERE           Si vous devez rester parmi nous, il faudra perdre l’habitude de faire votre joginge.

BEA               Mon jogging ?

MERE           C’est ça ! Votre jogging ! Je vous l’ai autorisé jusqu’à maintenant, mais une fois vos vœux prononcés…

BEA               Ah parce qu’on devra faire des vœux ?

MERE           Oui ma fille !

BEA               Alors je ferai le vœu de pouvoir continuer à faire mon jogging ! Et voilà !

Elle sort.

MERE           Je me demande si elle est faite pour devenir nonne ! Enfin l’Evêque jugera !

SCENE 2

(Mère – Dorothée – Maurice)

Entrée de Dorothée et Maurice déguisé en abbé. La Mère Sup ne les voit pas arriver.

DOR              Vous avez bien compris ? Vous êtes un prêtre belge, vous rentrez de pèlerinage, etc, etc…

MAU              Oui, oui ! Abbé, pèlerinage, et tout et tout, ça va aller ! Mais pourquoi belge ?

DOR              Je vous l’ai dit ! Nous attendons la visite d’un Evêque ! Et un Evêque, ça doit connaître beaucoup de prêtres. En disant que vous êtes belge, il ne sera pas étonné de ne pas vous connaître.

MAU              Il faut prendre l’accent belge ?

DOR              Si vous voulez ! Mais surtout, parlez le moins possible pour ne pas faire de gaffe.

MAU              Merci de me prendre pour un demeuré !

DOR              Vous êtes prêt ?

MAU              J’ai fait un peu de théâtre dans ma jeunesse, mais là, c’est de l’improvisation et j’ai un peu le trac !

DOR              Ca va bien se passer ! Allons-y ! (Elle s’approche de la Mère ). Ma Mère, nous avons de la visite.

MERE           Bonjour Sœur Dorothée ! (à Maurice) Bonjour !

MAU              Bonjour madame ! (Coup de coude de Dorothée)

DOR              (en aparté)Bonjour Ma Mère ! Avec l’accent !

MAU              Hein ?… Ah oui ! Bonjour ma Mère avec l’accent !

DOR              (Coup de coude de Dorothée) Mais non ! Parlez avec l’accent belge !

MAU              J’oubliais !

MERE           Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

                        A partir de cet instant, Maurice va prendre l’accent.

MAU              Excusez mon intrusion mada… ma Mère. Je suis l’abbé… l’abbé… (à Dorothée) l’abbé comment au fait ?

DOR              (dépitée) C’est la Bérézina !

MAU              L’Abbé Résina ! C’est ça ! L’abbé Résina et…

DOR              (le coupant) L’abbé revient de pèlerinage. Il a fait une longue route à pied et il est fatigué. Il souhaiterait se reposer au couvent avant de reprendre la route.

MAU              (à Dorothée) Pourquoi vous ne me laissez pas parler ? J’aurais pu lui expliquer moi-même !

MERE           Où avez vous fait ce pèlerinage !

MAU              A… à…à… (à Dorothée) où ?

DOR              (l’imitant) J’aurais pu lui expliquer moi-même ! … St Jacques ! St Jacques de Compostelle, ma Mère.

MAU              (aparté) St Jacques ? C’est drôle ça ! C’est le nom de la prison où j’étais !

MERE           Alors, vous revenez de St Jacques ?

MAU              Oui ! St Jacques ! St Jacques de Composter !

DOR              Compostelle !

MAU              J’étais pas loin !

MERE           Et, où allez-vous ?

DOR              (en aparté) Ca, je me le demande !

MAU              En Belgique ! Je suis belge ! Comme vous l’avez certainement remarqué !

MERE           J’avais remarqué, en effet ! Eh bien, soyez le bienvenu dans notre humble demeure. Vous pourrez rester ici autant que vous le voudrez. Sœur Dorothée vous préparerez une cellule pour frère Résina et vous lui expliquerez les règles de notre couvent.

DOR              Bien ma mère !

MAU              Merci ma mère !

MERE           Excusez-moi de ne pas le faire moi-même, mais il va être 8 h, heure à laquelle je vais me recueillir à la chapelle. Nous nous reverrons plus tard. (elle sort)

MAU              Et hop ! Voilà le travail. Comme sur des roulettes !

DOR              (dubitative) Oui, mais il va falloir être très prudent.

La cloche de l’entrée sonne trois fois

                        Ce doit être Ginette ! Allez lui ouvrir, je m’assure que personne ne viendra nous déranger.

Maurice sort.

DOR              La Mère supérieure est à la chapelle, allons voir ce que fait Sœur Monique, et prévenir Sœur Béatrice de l’arrivée de Ginette.. (elle sort cellules)

SCENE 3

(Dorothée – Ginette – Maurice – Mère)

GINETTE OFF   Ouais ! Ginette que j’m’appelle ! J’suis attendue !

                        (elle entre suivi de Maurice éberlué. Pendant la conversation, Maurice va regarder Ginette avec un évident intérêt)

                        Je suppose que t’es le larbin. Tu pourrais p’t’être t’habiller pour ouvrir la porte aux gens, parce que, en robe de chambre, ça s’fait pas.

MAU              Mais…

GIN                Te casse pas pour moi ! C’est pas grave ! J’en vois plus souvent sans leurs frusques qu’avec, alors ça m’choque pas ! Mais y’en a des qui pourraient s’offusquassionner. Bon alors, où qu’elle est ma copine Dodo ?

MAU              Elle… Elle va… arriver !

Ginette s’aperçoit des regards de Maurice

GIN                Qu’est ce qu’y a ?

MAU              Pourquoi ?

GIN                T’arrête pas d’me mater de la tête aux pieds, avec des arrêts sur certaines parties de mon corps.

MAU              Moi ? Mais non !

GIN                Tu me prends pour une courge ?

MAU              Mais je vous assure…

GIN                Ah t’es bien un homme toi ! Dès que ça voit une gonzesse, ça peut pas s’empêcher de lui dévisager les fesses.

MAU              Mais enfin…

GIN                R’gardez le faire sa chochotte ! Y’m’reluque le dargeot comme pas possible et y dit qu’c’est pas vrai ! Mais t’angoisse pas pèpère, de toute façon, c’est fait pour ça ! Tu sais que plus j’te r’garde et plus j’me dis qu’ta robe de chambre, elle est nase. C’est pas l’dernier modèle de St Laurent. Remarque, ça va bien dans l’décor. C’est plutôt tristoune ici. On s’croirait presque dans un couvent avec toutes ces bondieuseries…

Entrée de Dorothée. Elle s’arrête à la porte.

                        … tiens, en v’la une de plus ! Qu’est ce que c’est qu’cette turne ?

DOR              Bonjour Ginette !

GIN                Bonjour mad…Mais comment qu’vous savez comment que j’m’appelle ?

DOR              Tu ne me reconnais pas ?

GIN                (elle la regarde avec insistance, s’approche) Attends !… Non ! Vous n’êtes pas… T’es pas… Dorothée ? … J’y crois pas !

DOR              Eh oui !

GIN                Dorothée ! Mais tu fais quoi ? T’essayes un costume pour un bal masqué ?

DOR              Non, c’est désormais ma tenue habituelle !

GIN                Eh ben dis donc, si j’m’attendais à ça ! On peut dire que ça a drôlement rallongé, parce qu’ avant, c’était plutôt ras le…Tu fais pas des économies de tissus.

DOR              Je ne suis plus la Dorothée d’avant.

GIN                J’en reviens pas ! Attend faut que j’m’assoye. T’es bonne Sœur ! J’en reviens pas, ça fout un coup !

MAU              Vous voulez boire un verre pour vous remettre ?

GIN                Ca m’ferait pas d’mal !…

Maurice lui donne un verre d’eau. Elle boit une gorgée et recrache (de préférence sur Maurice).

                        … qu’est ce que c’est qu’ça ?

MAU              (S’essuyant) De l’eau !

GIN                Ah, c’est ça de l’eau ! J’connaissais pas ! Dorothée, tu voudrais pas dire à ton larbin de m’servir un whisky ?

DOR              Je doute qu’il y en ait ici.

GIN                Pas d’whisky ? Comment on peut vivre sans whisky ? Ma pauvre Dorothée, mais qu’est c’qui t’est arrivé pour que tu tombes si bas ?

DOR              Tu te trompes Ginette, c’est avant que j’étais au plus bas.

MAU              Et moi, je tiens à dire que je ne suis pas le… larbin.

GIN                Mais bien sûr, j’ai compris ! J’avais pris votre… machin pour une robe de chambre, mais non, c’est une … enfin un… un uniforme de curé !

MAU              Voilà, c’est ça !

GIN                J’comprends pourquoi y’m reluquait comme ça ! Un curé !

MAU              Non, je ne suis pas curé !

GIN                Hein ? T’es pas curé ? J’comprends plus ! T’es en curé mais t’es pas curé !

MAU              Non !

GIN                Ah mais alors toi Dorothée, t’es pas vraiment bonne Sœur ! Ouf j’ai eu peur !

DOR              Si ! Je suis nonne, enfin je suis presque nonne. On va t’expliquer, mais ailleurs. On pourrait nous surprendre et il vaut mieux qu’on ne te trouve pas, ici. Allons dans ma cellule.

Ils vont sortir.

DOR              Zut ! Voilà la Mère Supérieure !

MAU              Il faut se cacher !

Il court vers le placard.

DOR              Pas vous ! Elle vous connaît maintenant !

MAU              Ah oui, c’est vrai ! Excusez-moi, c’est l’habitude !

DOR              Ginette, entre là-dedans !

GIN                Dans le placard ?

MAU              Mais oui, vous verrez, c’est très bien !

DOR              Vite, elle arrive ! (Ginette entre dans le placard) On te fait sortir dès qu’on peut !

Entrée de la Mère Sup.

MAU              Bonjour ma Mère… (vers Dorothée) avec l’accent !

DOR              Déjà de retour ma Mère ?

MERE           Oui, j’ai un peu écourté les prières. André… je veux dire l’Evêque doit bientôt arriver et je tiens à l’accueillir moi-même.

DOR              Oui, bien sûr ! Mais…

MERE           Frère Résina est-il installé ?

DOR              Nous y allions, mais…

MAU              C’est bien, ici ! C’est comme à l’hôtel, sauf qu’on ne paye pas !

MERE           Frère Résina, ce que vous êtes drôle ! Vous ne trouvez pas, Sœur Dorothée ?

DOR              Oh si ! (à Maurice, en aparté) Il faut trouver un moyen de sortir Ginette.

MERE           Qu’y a t-il ? Vous semblez embarrassée ?

DOR              Moi ? Pas du tout !

MERE           Alors, allez vite donner une chambre à notre frère. Et préparez-vous à rencontrer l’Evêque. Vous savez que ce jour est important pour vous.

DOR              Je sais, ma Mère ! Je sais !

Ils se dirigent vers la sortie

DOR              Et Ginette ?

MAU              On ne peut rien faire pour l’instant. Mais ne vous inquiétez pas, si elle s’ennuie, il y a des journaux à l‘intérieur. (sortie cellules)

SCENE 4

(Mère – Evêque – Ginette – Monique)

La Mère Supérieur reste seule.

MERE           Mon André va me trouver fraîche comme une rose du matin…

                        Cloche

                        … le voilà ! (elle prend des poses… il entre)

MERE           Toi ! Enfin ! .. André !

EVEQ            Marguerite !

                        Ils se jettent dans les bras l’un de l’autre en répétant plusieurs fois.

MERE           André !

EVEQ            Marguerite !

Ginette passe la tête par la porte du placard

GIN                J’y crois pas !

EVEQ            Allons, Marguerite, reprenons-nous, on pourrait arriver.

MERE           Tu m’as tellement manqué ! Mon Evêque adoré.

EVEQ            Toi aussi, tu m’as manqué, ma douce colombe !

MERE           (minaude) Oh !

EVEQ            Ma petite fleur des champs !

MERE           (même chose)

EVEQ            Mon oiseau des îles !

MERE           (même chose)

GIN                C’qu’il faut pas entendre !

EVEQ            Mais soyons prudents. Attendons ce soir, pour être plus tranquilles.

MERE           Oui, tu as raison ! Ce soir ! Ce soir, nous pourrons…

EVEQ            Chut ! Si on t’entendait. Tu te rends compte du scandale. Un Evêque et une Mère Supérieure qui se… qui font… enfin tu me comprends !

MERE           Quel dommage que nous ne nous soyons pas rencontrés avant d’être entrés dans les ordres.

EVEQ            Oui ! nous nous serions mariés !

MERE           Oh oui !

EVEQ            Nous aurions eu, une maison !

MERE           Oh oui !

EVEQ            Des enfants !

MERE           Oh oui !

EVEQ            Un chien !

MERE           Oh oui !… Pourquoi un chien ?

EVEQ            Pour garder la maison !

MERE           Oui, bien sûr ! Ah mon André…

EVEQ            Ma Marguerite !

MERE           Mon André !

EVEQ            Ma Marguerite !

MERE           Mon André !

EVEQ            Ma Marguerite !

GIN                Quelle conversation !

EVEQ            (s’asseyant) Ce voyage m’a épuisé ! Et puis, la voiture de l’évêché est d’un confort douteux. J’ai le dos en marmelade.

MERE           Je vais te faire un petit massage comme tu aimes (ce qu’elle fait).

EVEQ            Ah, tu me connais bien !

MERE           Oui, et je tiens à ce que tu sois en forme !

EVEQ            C’est vrai ! Il faut évaluer tes protégées et je vais avoir besoin de toutes mes facultés.

MERE           Non, je voulais dire, en forme… pour ce soir !

EVEQ            Oh Marguerite !

                        La Mère Supérieure est derrière André, et va se pencher vers lui à chaque réplique comme pour l’embrasser

MERE           André !

EVEQ            Marguerite !

MERE           André !

EVEQ            Marguerite !

MERE           André !

GIN                Et c’est reparti ! Et que j’te fais des déclarations, et que j’te fais des papouilles, et que j’te fais des massages. Si ça continue, elle va gratter Dédé. Faudrait pas que ça dure trop longtemps, j’vais finir par prendre racine.

                        Entrée de Monique chantant « Que je t’aime… » ou « N’avoue jamais »

MON             (elle s’arrête surprise) Ma mère ?

MERE           Hein ?…. Euh…..oui mon petit ? … Je… l’évêque avait… une poussière dans l’œil. Je la lui enlevais… voilà… Euh Sœur Monique, je vous présente l’évêque André.

MON             Monseigneur !

EVEQ            Bonjour mon enfant !… (très intéressé, en aparté) …jolie, très jolie !

MERE           Sœur Monique, voulez vous aller chercher les autres ?

MON             Bien ma Mère !

                        (chantant) « On dort, les uns contre les autres… » (elle sort).

MERE           Plus vite seront faites les évaluations, plus vite nous pourrons… nous occuper de nous.

EVEQ            Oh Marguerite !

MERE           André !

EVEQ            Marguerite !

MERE           André !

GIN                Et allez donc !

SCENE 5

(Maurice – Mère – Evêque – Monique – Béatrice – Dorothée)

                        Entrée de Monique et Béatrice suivies de Dorothée, puis Maurice.

                        Maurice voyant l’évêque s’arrête net puis se jette dessus.

MAU              C’est lui ! Salaud ! (il l’étrangle) Ah, tu ne t’attendais pas à me trouver ici, hein ? Ordure ! Escroc !

MERE           Mais il est fou ! Arrêtez voyons ! Arrêtez !

                        Elles essaient de le retenir, mais il continue à insulter l’évêque en l’étranglant. La Mère Supérieure prend un gros livre et l’assomme  Il s’écroule.

MERE           Non mais alors ! C’est qu’il aurait fait du mal à mon André !

BEA               Vous y êtes allée un peu fort, il ne bouge plus !

MON             chanté : «  il est mort, il est mort le soleil »

DOR              Non, il respire, il est juste assommé !

MERE           Mais qu’est ce qu’il lui a pris ?

DOR              C’est…

BEA               C’est le palu ! Une crise de paludisme, certainement ! Il a beaucoup voyagé … et en voyageant, on attrape des maladies, forcément !

MERE           (s’occupant de l’évêque, regards étonnés des Sœurs) Mon pauvre ! Ca va ? Le vilain monsieur qui avait fait du mal à mon…(elle voit les Sœurs qui la regardent) à mon… à Monseigneur ! Venez Monseigneur.Allons prendre l’air dans le parc. Sœur Monique, aidez-moi à soutenir Monseigneur. (à Dorothée et Béatrice) Quant à vous, occupez-vous de l’abbé ! Ligotez le s’il est trop dangereux ! (Mère, Evêque et Monique sortent parc))

GIN                (sort du placard) Ben dis donc ! Y’a d’l’animation dans votre couvent.

DOR              Vous voyez Sœur Béatrice, où nous mène votre idée d’aider ce monsieur. Je vous l’avais dit qu’il était peut être dangereux.

BEA               Et voilà ! Ca va être de ma faute !

DOR              Comment expliquez-vous son comportement ?

BEA               Il est peut être allergique aux évêques.

GIN                Ce qui est sûr, c’est qu’il est allergique aux livres.

DOR              Essayons de le réanimer, mais tenons-nous sur nos gardes.

BEA               Laissez moi faire, j’ai l’habitude.

                        Elle lui verse de l’eau sur le visage. Maurice se réveille. Béatrice se met en position karaté.

MAU              Aïe ma tête ! Qu’est ce qui c’est passé ? J’ai été piétiné par un troupeau d’éléphant ?

DOR              La Mère Supérieure vous a assommé car vous étiez en train d’étrangler l’Evêque.

MAU              (s’excitant) Je me rappelle ! Où est-il ce bandit que je lui torde le cou ?

BEA               J’avais raison ; il est allergique !

DOR              Calmez-vous !

BEA               Sinon j’avoine !

DOR              Alors Maurice, pouvez vous nous expliquer votre attitude avec l’évêque.

MAU              Evêque ? Tu parles d’un évêque ! C’est mon escroc d’associé ! Je l’ai bien reconnu !

DOR              Votre associé ? Mais vous délirez ! L’évêque s’occupe de gens comme nous depuis des années avec la Mère Supérieure et elle le connaît très bien.

GIN                D’après ce que j’ai vu et entendu, je peux confirmer qu’elle le connaît TRES, TRES bien !

MAU              Mais c’est impossible ! il lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

BEA               Comme ça, on sait à quoi ressemble celui que nous recherchons.

GIN                Dîtes, ça vous ennuierait de me mettre au parfum. J’comprends rien !

DOR              Tu as raison, on te doit une explication. Allons dans ma cellule

                        On entend la Mère Supérieure qui revient

DOR              Vite, Ginette viens avec moi. Vous, vous restez ici, et essayez de trouver une excuse pour expliquer l’agression. Mais surtout, pas de gaffe !

BEA               Vous pouvez compter sur nous, vous me connaissez !

DOR              C’est bien pour ça que je crains le pire !

BEA               Merci, c’est agréable !

                        Sortie de Dorothée et Ginette vers cellules

Entrée de Mère Sup, évêque, Monique.

SCENE 6

(Mère Sup – Evêque – Monique – Béatrice – Maurice - )

MERE           Vous êtes certain de ne pas vouloir vous reposer ?

EVEQ            Oui, oui, ça va mieux ! Et je veux savoir ce qui lui a pris.

MON             Restez tout de même sur vos gardes. Parce que…

                        chanté : « Les coups, quand ils vous arrivent, ça fait mal »

EVEQ            Ne vous en faites pas, j’en ai vu d’autres.

MERE           (en aparté) Ah, quel homme !

EVEQ            Et puis, ce pauvre abbé a certainement eu une poussée de fièvre agressive, due au paludisme. N’est ce pas, mon frère ?

MON             chanté « Toi le frère que je n’ai jamais eu… »

MERE           Sœur Monique !

MON             Excusez-moi !

MAU              (aparté à Béatrice) Hein ?… Poussée de fièvre ?… Paludisme ?…

BEA               Je t’expliquerai Momo !

EVEQ            Comment allez-vous ? Votre crise est-elle passée ?

MAU              Heu… oui… (en aparté à Béatrice)  Je ne comprends rien.

BEA               Pour expliquer votre agression, nous avons prétexté que vous aviez eu une crise de paludisme.

MAU              Le paludisme ! Alors, je suis abbé, je suis belge, et j’ai le palu ! C’est tout ? Faut pas, non plus, défiler en string ? Dans quel traquenard je me suis fourré ?

EVEQ            Alors comme ça, vous revenez de pèlerinage ?

MAU              Heu… oui, de pèlerinage.

MERE           Bien ! Excusez-nous, mais puisque tout va bien, les sœurs et moi allons vaquer à nos occupations, pendant que vous bavardez.

                        Monseigneur, vous me ferez savoir quand vous serez prêt.

EVEQ            Ce soir, ma sœur, ce soir, comme prévu !

MERE           Non, je voulais dire, prêt pour entendre nos sœurs.

EVEQ            Excusez-moi, je pensais à…nos projets.

MERE           Sortant, précédée de Monique et Béatrice vers cellules  Ah, quel homme !

SCENE 7

(Evêque – Maurice- Ginette - Dorothée)

EVEQ            Alors vous revenez de St Jacques ?

MAU              Oui, c’est exact, de St Jacques !

EVEQ            C’est très loin !

MAU              Oh non ! En fourgon, ce n’est pas très loin !

EVEQ            Comment ?

MAU              Hein ? … Je disais… au fond… ce n’est pas loin… en marchant vite.

EVEQ            Et vous avez fait tout ce chemin à pied ?

MAU              Oui , et même une partie en courant !

EVEQ            Je n’ai jamais effectué de pèlerinage aussi lointain. Cela doit être très bénéfique.

MAU              C’est sûr !

EVEQ            Et passionnant ! On doit rencontrer toutes sortes de gens.

MAU              De toutes sortes ! Des petits, des grands, des gros, des maigres…

EVEQ            Ah ! Aller à la rencontre d’hommes, de femmes…

MAU              (aparté) Des femmes ! Tu parles ! Un an et demi sans voir un jupon.

EVEQ            Et St Jacques, c’est comment ?

MAU              C’est très fermé !

EVEQ            Fermé ?

MAU              Oh oui ! Pour en sortir, c’est pas facile !

EVEQ            Je comprends ! Vous voulez dire qu’on a du mal d’en partir.

MAU              A un point que vous ne pouvez pas imaginer !

EVEQ            On doit beaucoup s’y attacher.

MAU              (joignant les poignets comme s’il avait les menottes) Attaché, oui, c’est le mot !

EVEQ            Ce que je vous envie d’être allé là-bas ! Peut être qu’un jour… j’irai moi aussi.

MAU              Qui sait ?

EVEQ            Mon seul pèlerinage, je l’ai fait à Lourdes.

MAU              Ah oui ! Lourdes, j’en ai entendu parler. Lourdes, la grotte, les miracles…

EVEQ            C’est pour moi un souvenir magnifique.

MAU              Il paraît qu’un jour, un handicapé est entré dans la grotte en fauteuil roulant et il y a eu un miracle.

EVEQ            Oui, il en est ressorti en marchant !

MAU              Non, il avait des pneus neufs ! (il se met à rire) Elle est bonne non !

EVEQ            Ah ! C’était une histoire. Vous avez de l’humour l’abbé ! C’est très drôle.

                        Pendant cette réplique, Dorothée et Ginette entrent. Elles ont échangé leurs vêtements. Maurice les voit. Elles vont devoir aller de la porte des cellules à l ‘entrée principalet, pendant que Maurice tente de détourner l’attention de l’évêque. On peut utiliser le fauteuil pour faire une étape en se cachant derrière.

MAU              (Il tient l’Evêque par l’épaule pour l’empêcher de se retourner) Vous aimez les histoires ? J’en connais une autre ! Vous connaissez celle du pigeon ?

EVEQ            Celle du pigeon ?… Non !

MAU              Alors, c’est une infirmière…

EVEQ            Ecoutez, vous me la raconterez plus tard. Je dois faire ce pourquoi je suis là, c’est à dire m’entretenir avec nos jeunes nonnes. Je vais prévenir la Mère que nous pouvons commencer.

MAU              (le retenant) Attendez !

EVEQ            Comment ?

MAU              Je voudrais vous parler !

EVEQ            Lâchez-moi s’il vous plaît ! Nous parlerons plus tard, rien ne presse !

MAU              Si, si, c’est très urgent !

EVEQ            Ah bon ? Cela semble important, alors qu’y a t-il ?

MAU              Eh bien… voilà…Euh…

                        Pendant que Ginette et Dorothée passent, Maurice va faire en sorte que l’évêque soit toujours de dos.

EVEQ            Alors ?

MAU              Regardez-moi bien !

EVEQ            Je vous regarde !

MAU              Vous ne voyez rien ?

EVEQ            …Non ! Que devrais-je voir ?

MAU              Si je vous le disais, ce serait trop facile !

EVEQ            A quoi jouez-vous ?

MAU              Et là, vous ne voyez toujours rien ?

EVEQ            Mais non !

MAU              Et comme ça ?

EVEQ            Non, rien du tout ! Elles sont sorties. Allez vous me dire ce qu’il y a ?

MAU              Si vous ne voyez rien, c’est peut être qu’il n’y a rien à voir !

EVEQ            Vous êtes certain d’aller bien ?

MAU              Ca va mieux, oui, ça va mieux !

                        L’évêque, en sortant.

EVEQ            Ce doit être un des effets du palu ! Pauvre garçon ! (il sort cellules)

SCENE 8

(Maurice – Ginette- Monique)

                        Retour de Ginette.

GIN                (ondulant et tournant sur elle-même) Alors ? Comment vous m’trouvez ?

MAU              Qu’est ce que vous faîtes dans cette tenue ?

GIN                C’est Dodo qu’a voulu ! Elle m’a expliquée le topo. Enfin, votre histoire ! Dîtes donc, t’es pas très futé. T’as peut être une belle tête, mais y’ a pas grand chose dedans. Si un jour tu prends une balle dans la tête, tu crains rien ! Elle risque pas d’trouver l’cerveau.

MAU              Très drôle ! Mais pourquoi a t-elle pris votre place ? C’est vous qui deviez enquêter !

GIN                Ouais ! Mais Dodo a dit qu’elle voulait pas que je prenne de risque, et qu’elle avait une idée.

MAU              Idée de génie ! Et vous pensez ne pas prendre de risque en restant ici dans cette tenue ?

GIN                Dodo a dit qu’elle en aurait pas pour longtemps. Y’m‘suffit d’éviter l’Evêque, la Mère, et l’autre bonne sœur.

MAU              L’Evêque doit s’entretenir avec chacune d’entre vous.

GIN                Eh ben on s’entretiendra ! Comme il ne connaît pas encore toutes les bonnes sœurs, je m’ferai passer pour Dodo.

MAU              Mais la Mère Supérieure la connaît, elle !

GIN                Ah ! Oui, là, y’a un blème ! … Eh ben c’est simple, quand ce sera à moi de passer devant le juge… euh devant l’évêque, faudra trouver un truc pour que la Mère soit pas là ! Comme ça, l’évêque pourra m’entretenir. Ce sera bien la première fois qu’un homme m’entretiendra.

MAU              Ho la la ! Ca promet ! Moi, je ne veux pas voir ça, je me tire !

GIN                Dis donc mon pote, c’est pour toi qu’on fait ça, alors tu vas pas bouger tes fesses d’ici !

MAU              Des folles ! Toutes des folles ! Mais pourquoi je ne suis pas resté dans mon fourgon accidenté ? J’aurais attendu qu’on vienne me chercher et qu’on me remette en cellule. Une cellule bien calme, bien douillette…

GIN                T’arrêtes de m’gonfler  avec tes pleurnicheries de gonzesse. Non mais ça veut dire quoi, ça ? On fait tout ce qu’on peut pour l’aider, et lui, y critique, y rouscaille ! Aucune gratitude, aucune reconnaissance.

                        silence

MAU              excusez-moi ! silence

GIN                Allez, ça va !

                        Un temps. Maurice jette des regards vers Ginette.

MAU              Dîtes !… Tout à l’heure… vous avez dit que j’avais une belle tête… vous le pensez vraiment ?

GIN                Ouais ! C’est vrai qu’t‘es pas mal !

MAU              Merci !… Vous n’êtes pas mal non plus ! il se rapproche

GIN                Oh, qu’est ce qu’y’m'fait lui. Tu s’rais pas en train de m’faire du gringue. T’es en mal d’affection ? Ca tombe bien, j’en ai à revendre !

                        Elle s’approche l’enlace. Entrée de Sœur Monique.

MON             Mon père ?… Sœur… Sœur ? Ginette cache son visage.

MAU              Dorothée !… C’est sœur Dorothée ! Je… je lui apprenais quelques pas de danse… pour la détendre… avant de voir l’évêque.

MON             Ca va sœur Dorothée ?

GIN                Hm ! Hm !

MON             La Mère et Monseigneur vont arriver pour commencer les entretiens. La Mère vous demande de regagner votre cellule afin de vous préparer. Je passerai la première

                        Ginette et Maurice sortent cellules.

   Si vous souhaitez avoir la suite, contacter moi par mail : piercy.noel@neuf.fr ou piercy.noel@gmx.fr en indiquant le nom de votre troupe et sa localisation.

             

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