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Commissariat extrait

Commissariat délocalisé    de Noël Piercy  (texte déposé à la SACD)

Suite à une inondation, le commissariat est délocalisé dans le bar de la ville. Ce bar est également le QG de deux petits malfaiteurs minables, Mik et Mac qui préparent le casse de la banque. A la fois, la vie d’un bar de quartier avec sa clientèle hétéroclite, et celle d’un commissariat avec ses propres « clients ». Victimes, plaignants, …

Décor :            Un bar traditionnel. On ne voit pas la porte d’entrée, un couloir donne accès à la salle du bar. Les toilettes sont dans ce couloir. Carillon suspendu à l’entrée (à actionner à chaque entrée ou sortie).

Derrière le bar une porte en lanières plastique (ou autre) donne sur la partie privée. 3 tables et 6 chaises minimum.

Durée :   1 h 45 environ

Personnages :   minimum 3 Hommes (H) 5 femmes (F) ou 4 hommes 4 femmes  (Marcelle pouvant être Marcel) pour 17 rôles

Tableau des personnages par scènes et nombre de répliques

 

Perso

S1

S2

S3

S4

S5

S6

S7

S8

S9

S10

S11

* ont plusieurs rôles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F1

Marcel(le)

24

12

9

15

15

8

 

3

7

6

11

*  F2

Gégé

24

16

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Germaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Margot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plaignante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Monique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

H1

Commissaire

 

17

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fredo

 

 

 

 

24

6

 

 

 

 

 

 

Gégène

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

H2

Mik

 

 

32

 

 

2

16

3

16

 

 

F3

Mac

 

 

35

 

 

4

18

3

17

 

 

F4

Boulard

 

 

 

 

 

 

 

 

16

4

5

H3

Mimile

 

 

 

 

24

6

 

 

 

 

 

 

René

 

 

 

 

 

 

 

10

1

 

 

 

Ego

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4*

 

 

Homme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Molinarès

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F5

Jocelyne

 

 

 

12

1

 

 

 

 

 

 

 

Quoiquoi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11

 

Suzy

 

 

 

 

 

 

 

10

 

 

 

 

Policière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Labajour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gisèle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* long monologue

                     

 

Perso

S12

S13

S14

S15

S16

S17

S18

S19

S20

S21

S22

nbr répliques

* ont plusieurs rôles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F1

Marcel(le)

1

7

14

9

6

 

9

 

 

13

0

F1 : 169

*  F2

Gégé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F2  107

 

Germaine

26

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Margot

 

 

12

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plaignante

 

 

 

 

14

 

 

 

 

 

 

 

 

Monique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

15

 

 

H1

Commissaire

 

14

 

 

 

7

 

 

16

0

16

H1 : 109

 

Fredo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gégène

 

 

 

9

 

 

 

 

 

 

 

 

H2

Mik

 

14

5

5

0

26

30

26

 

 

11

H2 : 186

F3

Mac

 

15

5

5

0

18

15

16

 

 

7

F3 : 158

F4

Boulard

27

9

13

 

16

35

 

32

15

0

9

F4 : 181

H3

Mimile

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17

 

H3 : 90

 

René

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ego

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Homme

 

 

10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Molinarès

 

 

 

 

 

22

 

 

 

 

 

 

F5

Jocelyne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F5 : 97

 

Quoiquoi

0

5

10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Suzy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Policière

 

 

 

 

 

4

 

 

 

 

 

 

 

Labajour

 

 

 

 

 

 

32

 

 

 

 

 

 

Gisèle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12

 

 

 

Acte 1

Scène 1                    Gégé (24) - Marcelle (24)

Gégé              (devant un verre de blanc) T’es marrante toi ! Bosser ! Bosser ! Moi je veux bien mais y’a pas de boulot ! Y’a la main d’œuvre, mais y’a pas l’œuvre ! Voilà ! Du coup, comme j’ai pas de boulot… je suis hors d’œuvre !

Marcelle      Moi je traverse la rue, je t’en trouve du boulot !

Gégé             N’importe quoi ! L’autre côté de la rue, c’est une banque ! Je suis pas banquiste !

Marcelle      J’ai entendu dire qu’à l’usine de pneus, il cherchait un gardien ou une gardienne de nuit. Tu devrais te renseigner.

Gégé              Gardien de nuit !? C’est complètement con comme boulot ! Garder la nuit ! Ça sert à rien ! Personne va la prendre, la nuit ! Tu peux être sûre que c’est encore un boulot qu’ils ont inventé pour faire baisser les statistiques du chômage !

Marcelle      C’est sûr !... En parlant d’autre chose…

Gégé              On parlait boulot, on parlait pas d’autre chose !

Marcelle      Ben… oui, je sais !

Gégé              Alors pourquoi tu dis « en parlant d’autre chose », puisqu’on ne parlait pas d’autre chose ?

Marcelle      Non, je voulais dire : Pour parler d’autre chose…

Gégé              Eh ben, tu dis juste : Pour parler d’autre chose !

Marcelle      Alors, pour parler d’autre chose…

Gégé              Et pourquoi tu veux parler d’autre chose ? Mes conversations ne t’intéressent pas ?

Marcelle      Oh tu m’emmerdes Gégé !

Gégé              OK ! Alors si je t’emmerde, vaut mieux parler d’autre chose.

Marcelle      T’es pas simple comme fille !

Gégé              C’est déjà ce que dit mon mari !

Marcelle      Tiens, au fait ! Comment il va ?

Gégé              Il change pas ! Toujours aussi  pénible !

Marcelle      Alors ça va ! Tant que ça n’empire pas !

Gégé              Parlons pas des choses qui fâchent !

Marcelle      Justement ! En parlant d’autre chose…

Gégé              Tu me l’as déjà dit !

Marcelle      Quoi ?

Gégé              « En parlant d’autre chose », tu l’as déjà dit tout à l’heure. Hé, va falloir consulter, Marcelle. Tu commences à radoter.

Marcelle      C’est quand même pas simple de discuter avec toi ! Je voulais simplement te demander si tu avais eu des dégâts, à cause de l’orage, cette nuit.

Gégé              Eh ben dis le simplement ! Pas la peine de dire « en parlant d’autre chose ». Je vais bien m’en rendre compte que tu parles plus de la même chose. Tu gâches des mots !

Marcelle      Je gâche des mots ! J’aurai tout entendu ici ! Bon, alors ?

Gégé              Alors quoi ?

Marcelle      Des dégâts ?

Gégé              Oui !

Marcelle      Ah bon ?

Gégé             Mais pas chez moi ! Chez moi, rien !

Marcelle      Mais… c’est ça que je te demandais !

Gégé              C’est bien pour ça que je te réponds !

Marcelle      Pfff ! En tout cas, nous on a la chance d’être sur une hauteur, mais en bas, il y en a qui ont les pieds dans l’eau ce matin ! Avec tout  ce qui est tombé ! Des trombes d’eau !

Gégé              J’ai jamais compris cette expression !

Marcelle      C’est quoi que tu ne comprends pas dans « trombes d’eau » ?

Gégé              « Eau », ça va, je comprends ! Mais « des trompes d’eau » !?

Marcelle      Mais… c’est pas des tromPEs, mais des tromBEs !

Gégé              Aaah ! Ca doit être pour ça que je comprenais pas !

Marcelle      C’est bien possible !

Gégé              J’arrivais pas à voir le rapport entre la pluie et le nez de l’éléphant !

Marcelle      C’est sûr, vu comme ça ! Maintenant, tu sais !

Gégé              Oui mais… c’est quoi des trombes ?

Marcelle      Des trombes ? Ben… c’est beaucoup de pluie ! De très grosses pluies !         

Gégé              Ah d’accord !... Oui mais alors… pourquoi on dit : « démarrer en trombe » ? Ça veut rien dire « Démarrer en grosses pluies »

Marcelle      Euh… non, là, je renonce ! C’est trop pour un matin !

Scène 2                    Commissaire (17) - Marcelle (12) – Gégé (16)

(carillon d’entrée)

Commis        Bonjour patronne !

Marcelle      Bonjour Monsieur le commissaire !

Gégé              V’là les flics au bistrot maintenant ! Ah elle est belle la police !

Commis        Salut Géraldine ! Déjà au blanc !?

Gégé              Qu’est ce que ça peut te faire ? T’es d’la police ?... Ah ben oui !

Commis        Le blanc, à cette heure là…

Gégé              Y’a pas d’heure pour les braves !

Marcelle      Qu’est ce qui vous amène commissaire ? Je vous sers quelque chose ?

Commis        Café, merci !

Gégé              Dis pas merci ! Faut pas te faire d’illusion, elle va pas t’en faire cadeau !

Commis        Je viens parce que le commissariat a été totalement inondé. Tout le matériel est fichu, et je ne vous parle pas des sols et des murs ! Tout est à refaire !

Gégé              (elle semble contente) Non ? C’est vrai ?

Commis        Oui ! Heureusement que toute la paperasse était à l’étage !

Gégé              (déçue) Ah merde !

Marcelle      Pourquoi merde ?

Gégé              Parce que j’ai pris un lochon avant-hier, pour, soi-disant, mauvais stationnement !

Commis        Tu étais garée où ?

Gégé              Sur une place pour handicapé !

Commis        Ben oui forcément, t’es pas handicapée, toi !

Marcelle      Quoique, des fois, on se demande ! Alors du coup, le commissariat ?

Commis        Impossible de l’utiliser ! Seul, mon bureau a été épargné. Il est à l’étage, à côté du PV de Gégé.

Gégé             Pfff !

Commis        Le problème, c’est le bureau de permanence. On a demandé à la mairie mais tous les bâtiments inoccupés sont inondés eux aussi.

Gégé              C’est pas étonnant, ils ont tout fait en bas de la ville. Alors forcément, l’eau, elle descend, quand elle est dans une pente qui descend vers le bas ! Voilà le résultat de leurs conneries ! Ça, c’est bien la Mairie ça ! J’ai bien fait de pas voter pour eux !

Marcelle      Comment vous allez faire ?

Commis        Eh bien… on a pensé qu’on pourrait peut-être installer un bureau ici, en attendant.

Gégé              Hein ? Le commissariat dans le bistrot ? Mais comment qu’on va faire nous ? A tous les coups faudra souffler dans la turlute avant de sortir ! Eh Marcelle, tu vas pas accepter ?

Commis        C’est juste le temps de trouver une autre solution !

Marcelle      Si c’est pour dépanner ! Il faut bien s’entre aider !

Gégé              Quoi ? T’es d’accord ? Collabo ! Eh ben, tu vas en perdre des clients ! A commencer par moi.

Marcelle      T’es sûre Gégé ? Et tu vas aller où ? Je suis le seul bar encore ouvert dans la ville !

Gégé             Hein ? Euh… oui bon… je viendrai quand même… mais juste par solidarité !

Marcelle      Solidarité de quoi ?

Gégé              Solidarité avec tes clients ! Pas envie que tu fermes aussi, faudrait faire 15 bornes pour aller boire un coup.

Commis        A propos, tu en rebois un Gégé ?

Gégé              T’essaierais pas de m’corrompre ?... Bon, allez ! C’est bien pour te faire plaisir commissaire ! Mais… comment vous allez faire pour les passages à tabac ? Vous allez quand même-pas faire ça devant les clients de Marcelle !

Commis        Tu regardes trop la télé Gégé ! On ne passe pas les gens à tabac !

Gégé              Ça, c’est ce qu’on dit ! (elle vide son verre) Allez ! C’est pas tout ça ! Faut que j’y vas-y ! Salut les travailleurs ! (elle sort)

Marcelle      Commissaire, vous avez besoin de quoi pour vous installer ?

Commis        On vous embêtera le moins possible ! J’ai envoyé les gars à l’extérieur. Je vais juste garder une inspectrice stagiaire pour tenir la permanence. Une table suffira !

Marcelle      Ok je vous installerai là, près de la porte !

Commis        Parfait ! Merci patronne ! Combien je dois ?

Marcelle      2,80 !

Commis        Il faut que je trouve une pancarte marquée « Commissariat » pour que les gens trouvent facilement.  A tout à l’heure !

(On entend le carillon - Mik et Mac  entrent et croisent le commissaire qui sort)

Marcelle      A tout à l’heure commissaire !

Scène 3                    Mik (32) – Mac (35) - Marcelle (9)

MIK                T’as entendu Macha ? Un commissaire ! Tu avais dit qu’ici, ce serait super pour planquer, et le premier type qu’on croise, c’est un commissaire ! Bravo la discrétion !

MAC              Je ne pouvais pas prévoir, et puis il a bien le droit de venir boire un café, non ? Mais t’inquiète pas Mik, ici, c’est l’endroit idéal. Un petit bar tranquille, juste en face de la banque qui nous intéresse. On va pouvoir surveiller et prendre toutes les infos qu’il nous faut.

(Ils vont s’asseoir à une table à l’avant scène côté cour. Mik face public, Mac à sa gauche)

Marcelle      Qu’est ce que je vous sers ?

MIK                Whisky ! (Mac lui donne une claque derrière la tête) Mais euh !

MAC              On n’est pas là pour picoler ! Deux cafés, patronne !

Marcelle      Deux cafés qui marchent ! (Mik se met à rire bêtement)

MAC              Qu’est ce qui t’arrive ?

MIK                « Deux cafés qui marchent » ! J’imaginais les deux tasses de café qui arrivaient en marchant (il mime) ! En se tenant l’anse ! Oups ! Attention de pas déborder !

MAC              C’est moi qui vais déborder si tu continues tes conneries ! (re claque) Tu ferais mieux de te concentrer sur ce qu’on a à faire ! Crème d’andouille !

MIK                (un temps) Dis Macha…

MAC              Je t’ai déjà dis de ne pas m’appeler par mon prénom ! Je l’aime pas, ce prénom ! Je préfère qu’on m’appelle Mac !

MIK                Oui mais Mac, ça fait mec ! Pas fille ! Tiens c’est rigolo ça : Mac ça fait mec !

MAC              C’est hilarant ! Et il y a encore mieux. Oui Mik, Mac ça fait mec !

MIK                (il rit bêtement) Mik, Mac, Mec ! On s’en moque ! (il rit de plus belle puis réfléchit)

MAC              Qu’est ce qui t’arrive ?

MIK                Je cherchais un truc avec « Muc » mais je trouve pas !

MAC              C’est bon, tu as fait le tour ? Qu’est ce que tu voulais dire ?

MIK                Heu… je sais plus… Ah si ! Je voulais te demander… t’es sûre de ton coup ? Une banque, on n’a jamais fait ça ! Braquer les petites vieilles, ça va, on sait faire ! Mais braquer une banque… !

(Marcelle arrive avec les cafés)

Marcelle      Et voilà deux cafés ! Je dois descendre à la cave, si vous avez besoin, vous appelez !

MIK                On appelle qui ?

Marcelle      Ben… moi !

MIK                Pourquoi ?

Marcelle      Si vous avez besoin !

MIK                Besoin de quoi ?

Marcelle      ???

MAC              Besoin de farcir un chou rouge imbécile ! (nouvelle claque) Merci patronne !

Marcelle      Il est pas…

MAC              Non, non ! Il est pas ! (Marcelle sort) Tu peux pas t’empêcher de te faire remarquer ! T’as toujours une connerie à dire !

MIK               

MAC              Ah non ! Tu ne vas pas te mettre à bouder, maintenant ! On a du boulot ! Mik, t’es avec moi, oui ou non ?

MIK                ...Oui… N’empêche que je me dis qu’on voit trop grand !

MAC              Trop quoi ? Trop grand ? Tu veux quoi ? Rester un minable braqueur de petite vieille toute ta vie ? C’est ça que tu veux ? Te contenter de piquer des porte-monnaie pour 15 ou 20 balles ? Moi pas ! Faut avoir de l’ambition dans la vie ! Voir plus gros !

MIK                Oui, mais une banque, c’est pas un peu trop gros ? On pourrait commencer par se faire un tabac ou un bar, tiens, ici par exemple !

MAC              Elle a du faire quatre clients ce matin, dans sa caisse, il doit y avoir, au moins, 8 euros ! Super coup !

MIK                Ah oui… Oui mais… si on paye nos cafés, y’aura plus !

MAC              … Mais qu’il est con ! Mais qu’il est con !

MIK                Et puis après le braquage de bar, on passe au cran au-dessus !

MAC              Et c’est quoi, le cran au-dessus ?

MIK                (après intense réflexion)… Une boucherie ! Ca gagne bien la boucherie ! Et après…

MAC              Et après, rien ! Moi je te le dis, il faut prendre le pognon, là où il est ! Une banque c’est ce qu’il y a de mieux ! Maintenant, si tu as la trouille…

MIK                Non, c’est pas ça mais… t’es sûre de toi ? T’as bien étudié le truc ?

MAC              C’est justement pour ça, qu’on est là ! Le cerveau de l’opération, c’est  moi ! A propos, tu t’es occupé des flingues ?

MIK                Oui, c’est fait ! Je les ai sur moi !

MAC              Quoi ? Tu te trimballes avec les flingues ? Mais t’es complètement givré !

MIK                C’était pour te montrer !

MAC              Je me demande si j’ai bien fait de t’amener sur ce coup là ! Bon, fait voir ! (Mik lui passe deux pistolets) Mais… C’est quoi ça ? C’est des trucs en plastique ! Des jouets pour les gosses ! Qu’est ce que tu veux qu’on fasse avec ça ?

MIK                On va quand même-pas prendre des vrais ! Ah non, non, non ! C’est des trucs à se blesser ces machins là !

MAC              Avec toi, il y a de fortes chances pour que ça finisse comme ça !

MIK                Et puis, on va pas tirer sur des gens ?

MAC              C’est pas pour tirer dessus, mais si il y en a un qui fait du sproutz, on tire en l’air ! Ca calme ! Bon, je m’en occuperai ! Au fait, t’es allé à la banque comme je t’avais demandé ?

MIK                Pour le plan ?

MAC              Ben oui ! Pas pour acheter des navets !

MIK                (riant bêtement) Surtout qu’y z’en vendent pas !

MAC              Alors ?

MIK                Alors quoi ?

MAC              Le plan ? Tu l’as ?

MIK                Ah non ! J’ai demandé mais y z’en avaient pas ! Ils sont vachement mal organisés !

MAC              Non mais attends !... Comment ça, « ils en avaient pas » ?... Tu n’es tout de même pas allé au guichet, de la banque, pour demander un plan… de la banque !?

MIK                Ben si ! Pourquoi ? Pourquoi ils donneraient pas un plan dans une banque ? Quand tu demandes un plan dans un musée ou dans un orifice de tourisme, ils te le donnent ! Alors pourquoi pas une banque ?

MAC              Oui, pourquoi pas ? Puisqu’ils en donnent dans les orifices de tourisme… Et si tu es très gentil, et en demandant bien poliment, ils te donnent aussi le numéro des coffres.

MIK                Ho !?

MAC              J’y crois pas ! Juste une question ! Quand tu étais gosse, il y a eu le feu dans ton berceau et tes parents, ils l’ont éteint à coup de pelle ! Hein ? C’est ça ?

MIK                Heu… non… je crois pas !

MAC              Restons calme, restons calme ! Alors, ce qu’on va faire ! On va aller acheter un bloc à dessin et un crayon ! Tu vas retourner dans la banque et tu vas dessiner l’intérieur de la banque. OK ? Pendant ce temps, j’en profiterai pour faire le tour du quartier et repérer les rues.

MIK                Ah ouais ! J’aime bien faire du dessin ! Mais je te préviens, j’ai du mal à faire les bonhommes !

MAC              Tous les détails sont importants. Note où sont placées les caméras, cherche où est le vigile, combien de guichets, le personnel, enfin tout ! Il faut un plan précis !

MIK                Heu… tu veux pas me faire une liste, parce que…

MAC              Si, on va faire une liste ! Allez, on y va !

MIK                Ok ! Eh, la patronne n’est pas revenue, on lui tire sa caisse ?

MAC              Mais t’as rien compris !

MIK                ??? Ah oui ! C’est vrai, ça vaut pas le coup ! Vu qu’on n’a pas payé les cafés !

MAC              (carillon) Chut ! Voilà du monde !

(carillon, entrée de Jocelyne. Elle va s’assoir à une table, sans un mot)

MAC              Combien on vous doit patronne ?

Marcelle      Deux cafés ! 2,60 !

MAC              (en payant) Dites patronne, on va faire un tour, mais on reviendra tout à l’heure pour… pour travailler. C’est possible de nous garder cette table, vers la fenêtre ?

Marcelle      Pas de soucis ! C’est calme en ce moment !

MAC              Super ! Merci ! A tout à l’heure ! (Mik et Mac sortent - carillon)

Scène 4                    Marcelle (15) – Jocelyne (12)

Marcelle      Salut Jocelyne !

Jocelyne       ...

Marcelle      Ca ne va pas ?

Jocelyne      

Marcelle      Eh tu m’entends ?

Jocelyne      

Marcelle      Alors quoi ? Tu rentres en tirant la tête, tu ne dis pas un mot ! Pas bonjour, pas merde ! Tu pourrais dire quelque chose !

Jocelyne       Merde !

Marcelle      Eh bien, tu es de bonne humeur aujourd’hui ! Qu’est ce qui t’arrive ?

Jocelyne       Philippe me trompe !

Marcelle      Alors ça y est tu es au courant !?

Jocelyne       Tu le savais ?

Marcelle      Hein ?... Euh non, non ! Mais comment tu l’as su ? Tu l’as surpris avec une autre ?

Jocelyne       J’avais des doutes ! Ca faisait un moment qu’il ne me touchait plus ! Plus rien ! Pour le reste, ça allait à peu près mais alors avec lui, le sexe, je pouvais m’asseoir dessus !

Marcelle      Vu les circonstances, je ne suis pas sûre que l’expression soit bien choisie ! Et alors ?

Jocelyne       Il m’avait dit qu’il ne serait pas là ce week-end. Il avait, soi disant, prévu une partie de pêche avec un copain. C’était pas la première fois qu’il disait qu’il allait à la pêche. Problème, c’est que cette fois ci, j’avais rencontré la femme de ce fameux copain et elle m’avait dit qu’ils partaient tout ce même week-end, chez sa mère. Alors samedi matin, quand il est parti avec sa voiture, je l’ai suivi avec la mienne. Il a roulé un moment, puis s’est arrêté devant un immeuble. Il a klaxonné, une pétasse est sortie de l’immeuble et est montée dans sa voiture. Ils ont redémarré et j’ai suivi. Ils sont allés jusqu’à une auberge, tu sais, celle qui est près du théâtre.

Marcelle      Oui, je connais ! L’auberge « Les trois coups »

Jocelyne       Voilà ! Celle là ! Je les ai surpris dans la chambre, en pleine activité. Le salaud ! Eh bien je peux te dire que l’auberge « Les trois coups », elle porte bien son nom !

Marcelle      Elle est réputée pour ça, cette auberge. C’est le rendez-vous de tous les amants de la région. Ma pauvre ! Et lui, comment qu’il a réagi ?

Jocelyne       Tu sais ce qu’il a dit cet enfoiré : « Oh ma chérie, c’est pas du tout ce que tu crois ! ». Les hommes, dans des circonstances pareilles, ils n’ont vraiment aucune imagination ! En plus, sa gonzesse, elle est moche !

Marcelle      Mais, dis-moi… tu n’avais pas, toi aussi… un autre homme, à un moment ?

Jocelyne       Oui, c’est vrai ! Et alors ?

Marcelle      Peut-être que ton mari l’a appris et qu’il a voulu se venger.

Jocelyne       Mais non ! Il n’en sait rien ! Je prends toutes les précautions ! Non, non, il me trompe sans aucune raison ! Et ça, j’ai du mal à l’avaler ! Me faire un truc comme ça, ça me dégoûte. Latuile qu’il s’appelle ! Eh ben la tuile, c’est moi qui l’ai prise sur la tête !

Marcelle      Mais… et ton copain, tu le vois toujours ?

Jocelyne       Bien sûr ! Bon, dans l’histoire, j’ai quand même eu un sacré coup de chance ! Parce que figure-toi que             «l’auberge « Les trois coups », on avait prévu d’y aller, nous aussi, ce week-end ! Tu imagines, si je n’avais pas été mise au courant. On se retrouvait tous là-bas en même temps.

Marcelle      A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler ! J’aime mieux être à ma place qu’à la tienne ! Je te sers quelque chose ?

Jocelyne       Oui, un truc fort ! Je m’en rappellerai de ses parties de pêche. Ce que je savais pas c’est qu’il allait à la pêche au thon ! Elle est moche ! Je sais pas ce qu’il lui trouve !

Marcelle      Alors, tu vas faire quoi ?

Jocelyne       J’hésite ! Le divorce, ça va faire des soucis, des tas de paperasses, et puis ça fait des frais ! Ou alors, je le tue ! En tous cas, Madame Latuile ! C’est fini !

Marcelle      Mais non, faut pas dire des choses pareilles ! Si tu le tue, après, c’est toi qui sera embêtée.

(carillon - Fredo et Mimile, entrent et s’installent au bar)

           

 Scène 5                   Marcelle (15) – Fredo (24) – Mimile (24) – Jocelyne (1)

Marcelle      Salut Fredo ! Salut Mimile !

Mimile         Salut Marcelle ! Bonjour Madame Latuile !

Fredo                        Salut Marcelle ! Bonjour Jocelyne ! T’es pas inondée toi ? Avec toute cette flotte, c’est pas le moment d’aller à la pêche. Les poissons sont complètement déboussolés !

Jocelyne       Ne me parle pas de pêche ! Ne me parle pas de pêche ! (Elle boit son verre et sort – carillon)

Fredo                        Ben qu’est ce qu’elle a ? Elle aime pas le poisson ?

Marcelle      Une arête en travers de la gorge ! Qu’est ce que je vous sers ?

Mimile         Sauvignon, comme d’habitude !

Marcelle      Oh mais dit moi, Fredo, tu as des nouvelles lunettes ! Et des lunettes de marque en plus ! On ne regarde pas à la dépense !

Fredo                        Tu sais, moi, du côté de la vue, je ne suis pas regardant !

Mimile         Pourquoi tu as changé ?

Fredo                        Je voyais trouble !

Mimile         Ah ! Et ça venait de quoi ?

Fredo                        De la vue, certainement !

Marcelle      Oui, sans doute ! Ça va les gars, pas les pieds dans l’eau ?

Fredo                        Nous, non ! Mais la place en bas… un vrai lac !

Marcelle      Et les commerces ? La boulangerie, la pharmacie, l’épicerie ?

Mimile         1 m 20 de flotte ! Tout est foutu ! Les corbeaux qui passent au-dessus, ils volent sur le dos pour pas voir la misère !

Fredo            Même le vendeur de piscine, il fait la gueule ! C’est pour dire !

Mimile         Sans compter qu’il va falloir se passer de pain pendant un moment !

Fredo                        Pourquoi ? Y’a la boulangerie, un peu plus haut. Chez Gisèle !

Mimile         Leur pain, il est pas bon !

Fredo                        Moi j’aime bien y aller !

Mimile         Ce serait pas pour les miches de la Gisèle que t’aimes bien y aller ?

Fredo                        C’est pas faux !

Mimile         N’empêche ! Leur pain, il est pas bon !

Marcelle      Moi, je trouve qu’elle a changé Gisèle ! Tu ne trouves pas, toi ?

Fredo                        Non !

Mimile         Si, c’est vrai ! Elle a changé la Gisèle ! C’est plus la même !

Fredo                        N’importe quoi ! Elle a pas changé ! Au contraire ! Moi, je la trouve encore plus pareille qu’avant !

Marcelle      ???

Mimile         Et puis leur pain, il est pas bon !

Fredo                        Bon, d’accord, il est pas bon ! Mais la Gisèle…

Mimile         Moi, j’y vais pas, ma femme veut pas !

Marcelle      Elle est jalouse ta femme ?

Mimile         M’en parle pas ! Je peux pas bouger le petit doigt sans être obligé de lui faire un rapport de trois pages ! T’as de la chance Fredo, toi t’es pas marié !

Fredo                        Je suis pas fou ! Pourquoi je m’emmerderais avec une femme à la baraque, alors qu’il y en a chez les autres ?

Mimile         Ouais, ça on sait ! Fais gaffe que je te voie pas trainer autour de chez moi !

Fredo                        Ca risque pas, je sais même pas où tu crèches.

Marcelle      Tu connais pas ? Il a une belle baraque, ça vaut le détour !

Mimile         C’est vrai que j’ai une baraque qu’est pas mal ! Mais attention, elle est gardée par un pitbull.

Fredo                        Ah oui ? Comment qu’il s’appelle ?

Mimile         Monique ! Si elle savait que je viens là, tous les matins, j’ose même pas imaginer la scène !

Fredo                        Ah ouais !!! A ce point là ! (Un temps) Hé les gars, pendant que j’y pense, vous savez si c’est ouvert les Impôts ?

Mimile         Depuis qu’ils ont changé les horaires, on n’y comprend plus rien ! Des coups c’est ouvert, des coups, ça l’est pas...

Fredo                        Ouais ! Et pis des coups c’est pas ouvert et d’autres coups, c’est fermé ! Un bordel !

Marcelle      Attends, je vais te dire, je les ai les nouveaux horaires. (lisant un papier) «Le guichet sera ouvert de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h, à l’exception des dimanches et jours fériés, ainsi que le samedi après-midi, et de l’après-midi du dernier jour ouvrable du mois s’il tombe pendant une semaine impaire, sauf si ce jour précède un vendredi ou le dernier jour ouvrable de décembre. Pour plus d’informations, renseignez-vous au guichet. »

Fredo et Mimile   ???

Marcelle      Oui… non, ca doit être fermé !

Fredo                        Ben merde alors ! Comment je vais faire ?

Mimile         C’est important le truc pour quoi tu dois y aller ?

Fredo                        Ils m’ont envoyé des papiers à remplir, j’y comprends rien ! Tiens regarde ! (il sort de sa poche des papiers froissés. Mimile tend la main pour les prendre) Non, pas toi ! Si moi j’y comprends rien, c’est pas toi qui va comprendre ! (il donne les papiers à Marcelle)

Mimile         Appelle-moi « con » !

Marcelle      Alors ! (lisant) « Nanani nanana ! Votre profession n’étant pas dans nos listes, merci d’en trouver une autre ». T’as dit que tu faisais quoi ?

Fredo                        Menuimieliste !

Marcelle      Hein ?

Fredo                        Menuimieliste !

Mimile         C’est quoi un menui…machin ?

Fredo                        Comme je suis menuisier mais que je vends aussi du miel de mes abeilles, j’ai groupé ! Donc menui-mieliste !

Marcelle      Evidemment, si tu inventes des métiers ! Ils peuvent pas comprendre !

Mimile         Surtout que mieliste, ça veut rien dire ! Un gars qui a des ruches, il est… comment qu’on dit déjà ?

Marcelle      Apiculteur !

Mimile         Voilà ! Apiculteur ! Alors faut mettre : Menuiculteur ! Hein Marcelle !

Marcelle      … Oui ! « Menuiculteur », ils vont comprendre ! Ensuite : « les enfants que vous n’avez pas eu ne peuvent pas être pris en compte. Dans le cas contraire, faites nous parvenir une photocopie des enfants »

Mimile         Tu t’es inventé des gosses que t’avais pas faits !?

Fredo                        J’ai tenté le coup !

Mimile         Du coup, tu peux pas les photocopier ! T’es quand même pas malin !

(Carillon - Retour de Mik et Mac, ils ont un bloc papier et un crayon. Ils s’installent à la même table)

Scène 6                    Marcelle (8) – Mik (2) – Mac (4) – Fredo (6) – Mimile (6)

Marcelle      Re-bonjour ! Je vous sers quelque chose ?

MIK                Un whis… (regard de Mac)

MAC              Une limonade ! Moi pareil !

Marcelle      (en préparant les boissons et les servant) Je peux vous demander c’est quoi le travail dont vous m’avez parlé ?

MIK                On prépare le casse…

MAC              (tape derrière la tête) …ting ! Le casting pour… un film.

Marcelle      Un film ? Ça va se tourner dans le quartier ?

MAC              Oui… enfin non… on ne sait pas encore. Justement, on doit faire… du repérage pour certaines scènes, et trouver des figurants, tout ça !

Marcelle      Ah ouais d’accord ! Et c’est quoi comme film ?

MAC              Heu… un truc… policier.

Marcelle      D’accord ! Je vous laisse travailler alors ! (elle retourne derrière le bar)

Fredo                        Je les sens pas les deux là !

Mimile         Moi j’ai senti la nana quand elle est passée à côté de moi, elle sentait bon !

Fredo                        Nan ! Je veux dire qu’ils ont pas des têtes de filmistes !

Marcelle      « Filmiste  » ! Après le menui-mieliste, voilà le « filmiste » ! Tu as un don pour inventer des métiers, toi. Et puis quoi ? Il faut une tête spéciale pour… « filmister » ? (elle reprend les papiers de Fredo). Alors, on en était où ? Ah oui ! Pour les gosses, tu diras que c’est une erreur ! Ca ne passera jamais ! Qu’est ce qu’on a d’autre ? (elle lit le bas de la première page) « Votre nom de famille doit obligatoirement (elle passe à la suivante) commencer par les 2 chiffres du département ».  Hein ? (elle relit) « Votre nom de famille doit obligatoirement - commencer par les 2 chiffres du département »… Mais, il manque une page !

Fredo                        Oui, je sais, c’est le chien qui l’a bouffé !

Mimile         Ah ben oui mais alors comment tu veux faire ? Avec l’administration faut être vachement précis ! Le moindre petit truc et paf, il te renvoie tout le bazar ! Tiens moi, une fois, la sécu, ils m’ont retourné un papier en disant : « Pour le traitement informatique des formulaires, votre sexe ne doit pas dépasser de la colonne ». Tu te rends compte ? Tout renvoyé, juste parce que j’avais le sexe qui dépassait un peu !

Marcelle      Fredo, il faut que tu leur demandes un autre formulaire.

Fredo                        C’est bien pour ça que je veux y aller ! C’est ouvert quand, déjà ?

Mimile         Ben ? T’es con ou quoi ? On comprend rien à leurs horaires, alors tu vas au guichet  et tu demandes quand est ce qu’ils ouvrent !

Fredo                        Ah ouais ! Pas con ça ! Comme ça, je saurai quand c’est ouvert et je pourrai y retourner demander des nouveaux papiers ! J’y vais tout de suite et puis après j’irai chez la Gisèle.

Mimile         Il est pas bon leur pain !

Fredo                        Ca va, on commence à le savoir ! Allez salut !

Mimile         Moi, j’y vais aussi, faut que j’emmène le pitbull chez le coiffeur ! Y’en a besoin ! Tu verrais le truc !

Marcelle      Ca m’étonnerait qu’il soit ouvert le coiffeur! Si la place est inondée, lui aussi !

Mimile         Ah merde ! Ah merde, j’avais pas pensé !... Du coup, pendant combien de temps elle va garder sa tête de con ? (Ils payent et sortent – carillon - Marcelle sort porte privée)

Scène 7                    Mac (18) -  Mik (16)

MAC              Ca y est on est tranquille ! T’as fait le plan ?

MIK                J’ai tout fait comme tu m’as dit ! (il ouvre le bloc)

MAC              Mais… c’est quoi ça ? (tournant plusieurs pages)

MIK                Oui, je sais, c’est pas terrible ! Je sais pas dessiner les bonhommes !  

MAC              (continuant à tourner les pages) Tu en as fait combien des plans ? C’est quoi la différence entre celui là et celui là ?

MIK                (montrant des détails du plan) C’est à cause du gardien, là ! Au début il était là, et cinq minutes après il était plus là. Y’a fallu tout recommencer !

MAC              Tout recommencer !? A chaque fois que quelqu’un bougeait, tu recommençais tout ?

MIK                Ben oui, tu m’as dit de faire un plan précis ! Quand tout le monde bouge tout le temps, c’est pas facile ! Tiens regarde la bonne femme là ! Elle, je l’ai bien réussie ! Sauf les cheveux mais j’avais pas de crayons de couleur.

MAC              Encore heureux !

MIK                Du coup, c’est précis, mais pas au poil de cul près !

MAC              Bon, on va prendre juste le dernier que tu as fait ! Pas la peine d’en avoir cinquante !

MIK                Regarde le type ici !

MAC              Oui, quoi ?

MIK                Tu remarques rien ?

MAC              Non ! C’est quoi ? Un gardien en civil ? Il est armé ?

MIK                Non, regarde bien…

MAC              ???

MIK                (riant bêtement) Il a la braguette ouverte !

MAC              Ah oui, tu es vraiment allé dans le détail du détail. Mais… dis-moi… tu penses que c’est utile, pour braquer une banque, de savoir que, deux jours avant, un mec avait la braguette ouverte ?

MIK                Précis, c’est précis ! Tu as dit que tous les détails étaient importants.

MAC              Oui, mais là… Passons ! Les caméras, où ?

MIK                Là, là et là ! Alors je te le dis, les caméras aussi elles bougent tout le temps (il mime) comme ça « bzzzz », pis après « bzzzz ». Là on les voit pas qui bougent, parce qu’ elles bougent trop vite, j’avais pas le temps de tout redessiner à chaque fois. C’est grave ?

MAC              Non ! Rassure-toi, c’est pas grave ! Le principal c’est de savoir où elles sont ! La sécurité, un seul vigile à l’entrée ?

MIK                Le gardien tu veux dire ?

MAC              Oui, le gardien, le vigile !

MIK                Oui, un seul gardien, mais y’a un problème !

MAC              Ah bon ? Quoi ?

MIK                Le gardien, il s’appelle pas Virgile !

MAC              Quoi ?

MIK                Non, il s’appelle Roger ! Je lui ai demandé ! C’est Roger pas Virgile ! Le Virgile, lui, je l’ai pas trouvé !

MAC              Tu as demandé au gardien s’il était Virgile ? Mais tu es vraiment un grand malade !

MIK                Eh ! C’est toi qui m’as dit ! (il sort un papier de sa poche) « noter l’emplacement des caméras. Chercher le Virgile », j’invente rien ! (fâché il commence à s’énerver en se levant) Faut que t’arrêtes de me disputer tout le temps ! Tu me demandes toujours des trucs pas faciles, moi je les fais, et après tu m’cries ! Alors hein ! Bon ! Tu fais pas toujours tout bien non plus. La dernière fois que je me suis fait piquer par les flics, c’est parce que t’avait pas remis d’essence dans la bagnole et que je suis tombé en panne. Bravo la course poursuite ! Alors avant de m’crier, tu ferais bien de balayer midi devant ta… porte à… 14 h…30 ! (il se remet assis)

MAC              (très calme) Ca y est ? T’as fini ? T’es calmé ?

MIK                M’ouais !

MAC              Alors revenons-en au gardien ! (se lève à son tour et lui mettant plusieurs claques sur la tête) Espèce de bougre d’imbécile ! J’ai parlé du vigile ! Pas de Virgile ! Crétin ! VI-GI-LE ! (Mac est interrompue par le carillon.  Entrée de René et Suzy – Marcelle revient)

Scène 8                    Marcelle (3) – René (10) – Suzy (10) - Mik (3) – Mac (3)

René             Messieurs dames !

Marcelle      Salut René ! Bonjour Suzy !

Mac               Monsieur !

Mik               

Mac               (Elle donne un coup de coude à Mik)             Tu pourrais dire, bonjour ! Faut pas se faire remarquer !

Mik                Salut René !

Suzy               Tu le connais ? C’est qui ?

René             Hein ?... Je sais pas !

Marcelle      Qu’est ce que je vous sers ?

Suzy               Cafés ! Alors René, ça y est ? Ta femme a accouché ?

René             Oui, c’est fait !

Suzy               T’en fais une tête ! Ca a été ? Tu m’avais dit que les médecins étaient inquiet parce que ta femme, elle est vachement étroite du bassin. Faut dire, aussi, qu’elle n’est pas épaisse. En plus, c’est le premier. Ils n’ont pas été obligés de lui faire une césarienne ?

René             Non, non, elle accouché normalement. Ca n’a pas été facile à le sortir mais il est sorti.           

Suzy               Ben  alors ? T’as pas l’air content !

René             Ben, je sais pas trop quoi penser ! Ma femme et le bébé vont bien mais…

Suzy               Mais quoi ?

René             Ben… le bébé !... Il a les yeux bridés.

Suzy               Bridés !? Tu veux dire… bridés ! Type asiatique ?

René             Oui ! Tu comprends, ma femme est d’origine portugaise, moi je suis breton pur souche, alors…

Suzy               Y’a jamais eu de chinois dans votre famille ?

Mik                (il rit) Eh ben faut se poser des questions !

Mac               (Coup de coude) Mais de quoi je me mêle ? Ca te regarde pas ! Tu peux pas t’empêcher de te faire remarquer !

René             Votre copain a raison ! Il n’y a jamais eu d’asiatique dans ma famille, ni dans celle de ma femme ! Alors je m’en pose des questions !

Suzy              Et ta femme, elle dit quoi ?

René             Elle dit, qu’elle ne comprend pas ! Ca fout un coup, quand même !

Suzy               Non, mais tu sais René, ça veut pas forcément dire que… qu’il est pas de toi ! Non, parce que… parce que ta femme elle est trop fine, trop étroite. C’est une vraie anguille ! Alors, forcément le bébé il a eu du mal à passer. Et quand il sort, ça frotte vachement sur les bords (elle mime avec ses deux mains, tirant ses joues en arrières). Et du coup ça tire tout ! C’est pour ça ! Mais faut pas s’inquiéter, ca finira par se remettre !

Marcelle      Alors maintenant, tu es spécialiste en accouchement !

René             Ah bon ? Tu crois ? On verra, mais en attendant ça a jeté un froid !

Suzy               Tiens, bois un coup, ça va te remettre ! C’est ma tournée ! Et pis si c’est pas ça, il y a peut-être une autre explication. Peut-être que ta femme, ou toi, vous avez un ancêtre chinois et que vous le savez pas. Il parait que ça peut sauter 12 générations ces trucs là !

Mik                12 générations !? Tu savais ça, Mac ?

Mac               Oui ! Et puis t’as des trucs qui se retrouvent à toutes les générations ! Dans ta famille, à chaque génération, y’a un con !

Scène 9                    Marcelle (7) – Boulard (16) - Mik (16) – Mac (17) – René (1) – Suzy (1)

(Carillon - Boulard entre avec une pile de dossiers)

Marcelle      C’est pour quoi ?

Boulard        Police !

Mik                (mettant les mains sur sa tête) Déjà !? On a encore rien fait !

Mac               Baisse les mains, imbécile ! Ca peut pas être pour nous ! Prend un air innocent ! (Mik regarde le plafond avec un sourire niais) Là, t’as pas l’air innocent, t’as juste l’air con !

Boulard        Inspectrice stagiaire Boulard !

Marcelle      Ah oui, vous êtes la stagiaire dont m’a parlé le commissaire ! Installez-vous ici !

Boulard        Merci ! J’ai encore des trucs à ramener. Je peux mettre la pancarte « Commissariat » devant l’entrée ?

Marcelle      Pas de soucis, mais vous ne masquez pas le panneau « BAR ».

René             Moi, je vous laisse ! Je retourne à la maternité ! Je vais voir si le gosse s’est détendu ! Salut tout le monde !

Suzy               Je te suis !

 (ils sortent  en même temps que Boulard– carillon)

Mac               Merde ! Un commissaire qui sort d’ici, une fliquette qui ramène des dossiers. C’est quoi ce binz ?

Mik                On ferait mieux de se tirer, Mac ! Ca pue ici !

Mac               Attends, faut savoir ce qui se passe. Patronne !

Marcelle      Oui ?

Mac               Il se passe quoi là ? On ne dérange pas j’espère !

Marcelle      Non, pas de soucis ! C’est à cause de l’orage, les bureaux de police sont inutilisables, alors ils délocalisent le commissariat !

Mik                Ca c’est la tuile ! Faut qu’on se barre vite fait !

Mac               Non attends ! On va rester là !

Mik                T’es ouf ! On va pas préparer un braquage sous leur nez !

Mac               Réfléchi un peu… Ah ben non, toi tu ne peux pas ! C’est la meilleure planque ici ! Les flics, ils ne voient jamais ce qu’ils ont sous les yeux ! Ils ne se douteront pas un seul instant de ce qu’on prépare.

(carillon – Boulard revient avec un ordinateur portable, et quelques affaires de bureau)

Boulard        Voilà ! Je crois que j’ai tout ! On va pouvoir se mettre au boulot ! Ca va me changer de mon placard au commissariat !

Marcelle      Alors comme ça, vous êtes stagiaire ! Ca ne vous fait pas peur de tenir la permanence toute seule ?

Boulard        Pas le choix !  Tous les collègues sont sur le terrain à cause de l’inondation. Et puis j’ai ce qu’il faut. Si il y a des trucs que je ne sais pas, tout est là-dedans ! (Elle montre un livre à Marcelle, qui lit)

Marcelle      Le commissariat pour les nuls ! Ah oui, avec ça, vous êtes parée ! Alors, je vous laisse vous installez, j’ai du boulot ! (Elle sort porte de service)

Boulard        (voyant Mik et Mac) Bonjour monsieur-dame ! (elle s’approche d’eux)

MIK                Merde la v’là ! Qu’est ce qu’on fait ?

MAC              Rien ! Reprends un air innocent ! Euh non, non ! Ne fais rien !

Boulard        (elle leur serre la main en riant) J’espère que vous n’avez rien contre la police !   

MAC              Nous ? Pensez…

MIK                Pour vous dire, moi, à un moment, j’ai même pensé à rentrer dans la police… mais jusqu’à maintenant, c’est plutôt la police qui m’est rentrée dedans !

Boulard        (en riant)  Vous êtes un comique vous !

MAC              Lui ? Vous pouvez pas savoir ce qu’il me fait marrer !

Boulard        (elle voit le bloc à dessin) Ah, vous faites du dessin !

MAC              Hein ? Oui ! Non ! (elle essaie de refermer le bloc mais Boulard s’en empare)

Boulard        C’est pas mal ! Il y a du détail ! C’est marrant, ça me rappelle quelque chose, mais quoi... Par contre les personnages… !

MIK                C’est moi, j’ai du mal avec les bonhommes !

Boulard        (en lui tapant dans le dos) Alors on est pareil ! Moi aussi j’ai du mal avec les bonhommes.

MIK                Vous savez pas les dessiner ?

Boulard        (en riant) Non, j’arrive pas à les attirer !

MAC              (en aparté) Ca m’étonne pas !

Boulard        C’est pas tout ça, faut que j’aille bosser moi. J’ai des rapports à faire (elle rit) Hé ! A défaut d’en avoir… des rapports, j’en écris ! Allez, faut que je me mette au travail, le commissaire il m’a bien dit de ne pas me laisser distraire ! A plus ! (elle retourne à s‘installer à son « bureau »)

MAC              Ça va ! Gourdasse comme elle est, elle ne devrait pas nous gêner !

MIK                Elle est sympa, pour un flic ! Et puis elle est pas mal !

MAC              Tu as envie, à nouveau,  de rentrer dans la police ?

MIK                Ben… dans cette police là, je dirais pas non !

MAC              Concentre toi, on a du boulot !

MIK                On va devoir rester ici longtemps ?

MAC              La journée !

MIK                La journée !? Alors, va falloir qu’on aille chercher des casse-dalles ! Je tiendrai pas la journée !

MAC              Ce que tu peux être pénible… Pfff ! Allez, on y va, sinon… (ils vont vers la sortie)

MIK                (à Boulard, dragueur) Excusez-moi, jolie inspectrice !

Boulard        Hein ? (elle regarde derrière elle) C’est à moi que vous parlez ?

MIK                Vous savez que… (Mac tape derrière  la tête de Mik)

MAC              Vous savez où il y a une boulangerie ?

Boulard        Oui, il y en a une, juste un peu plus haut ! Chez Gisèle !

MIMILE OFF                       Il est pas bon leur pain !

MIK                On y va ! Vous voulez qu’on vous ramène quelque chose ?

Boulard        C’est gentil, j’ai ce qu’il faut ! Merci quand même !

(Mac pousse Mik dehors)

MIK OFF       AIE !!!              Mais euh ! (Carillon – Arrivée de Marcelle)

Scène 10       Marcelle (6) – Ego (4 dont 1 monologue) – Boulard (4)

Marcelle      (elle passe la tête par la porte se service) C’est pas pour moi ! (à Boulard) Mademoiselle Boulard, je vous fais un petit café ?

Boulard        Bien volontiers ! Merci

(carillon entrée de Ego. Il a  un sourire béat, s’assied au bar)

Marcelle      Salut Ego ! Je m’étonnais de ne pas t’avoir encore vu. (Elle va servir le café à Boulard) Voilà ! Si je peux vous donner un conseil, écouter bien le client qui vient d’arriver. On l’appelle Ego ! Il est célibataire. Il n’a jamais connu de femme, si vous voyez ce que je veux dire. Alors, il s’invente des histoires. Il se fait des films dans sa tête. Des fois ça vaut des points ! (retournant derrière le bar) Comme d’habitude j’imagine ! Oh mais dis-moi, tu as l’air bien heureux aujourd’hui ! (elle le sert sans demander ce qu’il veut)

Ego                 Il m’arrive un truc !

Marcelle      De toute façon, il t’arrive toujours des trucs ! Alors c’est quoi aujourd’hui. Encore une qui n’a pas pu résister à tes charmes !?

Ego                 Tu ne crois pas si bien dire !

Marcelle      On peut savoir ou c’est secret ?

Ego                 Non, je dois le dire parce que je ne peux pas garder ça pour moi. C’est là, il faut que ça sorte. Alors voilà, … Je crois, ou plutôt, j’en suis sûr… on est amoureux de moi. De moi, oui ! Oh je savais bien que ça pouvait arriver. Mais quand ça vous tombe dessus, ça fait quand même quelque chose. Bien sûr, qu’on tombe amoureux de moi, ce n’est pas une surprise mais j’avoue que c’est tout de même très flatteur. Aujourd’hui, j’ai rendu une personne, heureuse.

Allez, je sens que tu es impatiente alors je te raconte ! J’ai rencontré une personne… une femme ! Attention pas d’ambiguïté ! Remarque, on ne sait jamais ce qui peut arriver, on n’est à l’abri de rien et on voit tellement de chose de nos jours… Avant c’était clair. Homme – Femme. Point ! Mais maintenant… Il y a toujours ce rapport homme / Femme. Si, si, on en trouve encore ! Mais il y a, aussi,  d’autres possibilités. Homme / Homme, ou Femme / Femme. Oui ! Allez savoir, après ça, ce qu’ils vont nous inventer…

 Mais, bon je m’éloigne du sujet. Revenons à nos moutons ! J’ai donc rencontré une femme. Ca s’est passé un après-midi, mais ça, ça n’a aucune importance donc il est inutile de le retenir. Il faisait beau, le ciel était d’un joli bleu anthracite, mais ça aussi, on s’en fiche, ça aurait pu être un matin avec un temps de chiottes que ça n’aurait rien changé.

J’étais… comment dire… pas très bien. Un peu malade. Enfin, pas vraiment malade, disons, plutôt… un peu dérangé… on est entre nous, je peux bien te le dire, j’étais constipé. Depuis plusieurs jours. Ca m’arrive régulièrement. J’ai une ordonnance permanente pour ça, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Etant donc un peu… gêné, ni une ni deux, ni même trois ou quatre, je vais à la pharmacie. Oui, je suis comme ça, je n’y vais pas par quatre chemins. Quand je dis que je n’y vais pas par quatre chemins, je ne parle pas de la pharmacie, je parle de la prise de décision. Il n’y a aucune raison de prendre quatre chemins pour aller à la pharmacie, ou alors c’est qu’on a du temps à perdre ou qu’on s’égare ! Ce que je suis en train de faire, d’ailleurs.

J’entre dans la pharmacie et là ! Qu’est-ce que je vois ?... D’abord, rien ! Mais j’entends du bruit ! Je me penche par-dessus le comptoir et qu’est-ce que je vois ?... Rien non plus, le bruit ne venait pas de là… Il venait de derrière un présentoir de suppositoires. Je m’approche lentement des suppos et je l’aperçois. Pas le suppo… enfin si, aussi, mais surtout je l’aperçois, Elle ! A vrai dire, je n’en aperçois qu’un bout, mais un joli bout. Elle était à quatre pattes, elle mettait des suppos dans son… présentoir. Pris d’une audace folle, je dis : « Bonjour ! »

Alors elle se relève vivement. Enfin, non, pas vivement, vu la masse à remonter… Dans la manœuvre, elle fait tomber 18 boites de suppos. Je sens tout de suite chez elle un intérêt certain pour moi. Elle ne dit rien, remet un peu d’ordre dans sa coiffure et rabaisse sa jupe qui était remontée jusqu’en haut de ses cuisses rougeâtres. Moi, je reste là, à la regarder faire, en attendant qu’elle veuille bien s’occuper de mon transit. Elle est belle ! Enfin, je l’imagine belle, parce qu’elle est de dos et que dans ces conditions il n’est pas facile de se faire une opinion objective. Mais je suis sûr qu’elle est belle ! Ayant rajusté sa jupe, elle se penche pour ramasser les 18 boites de suppos qui étaient tombées afin de les remettre dans son… présentoir. Je la regarde, elle range ses boites… Je la regarde, elle range ses boites… Je la regarde, elle range ses… Il y en avait plus de 18 !

Je sens en elle, une certaine hésitation à me parler. Je la sens intimidée et peut-être même prise d’un petit malaise puisqu’elle pousse un soupir agrémenté d’un «p… fait ch… » des plus mélodieux. Après 20 minutes et quelques centaines de boites, je toussote discrètement. Sans se relever, elle me lance enjouée « Ouais, une seconde ! »

J’ai bien compris. Elle joue à se faire attendre. Elle veut se faire désirer. J’attends.

Enfin elle se relève, rajuste à nouveau sa jupe qui était à nouveau remontée jusqu’en haut de ses cuisses violettes maintenant. Elle lève les yeux sur moi, et là ! Le flash ! La foudre ! En plein cœur, Cupidon décoche ses flèches à tout va. Et dzing et dzing et chtong ! Oui, il a raté la dernière. Certainement prise d’une frénésie incontrôlable elle avoue : « Je suis à vous ! ». Note au passage cette magnifique allitération : « elle avoue – je suis à vous ». Oui, il m’arrive d’allitérer à mes heures perdues.

Donc, elle avoue : « Je suis à vous ! ». Devant tant d’audace, je reste coi ! Quoi ? Coi ! Du verbe rester coi.

Je n’en reviens pas. Il ne doit y en avoir qu’une au monde et elle est là, devant moi, légèrement boudinée dans sa blouse trop étroite.

Voyant que je n’arrive pas à dire un mot, elle vient à mon secours.

« Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »

On se connait à peine, elle veut déjà me faire des trucs. Elle le dit clairement, sans filtre, sans inhibition. Franche et directe. Elle est prête à se donner sans se poser de question. Mon charme naturel fait des ravages dans son cœur et dans son corps.

A ce moment, je sens, la transpiration d’une part, mais aussi une sorte de chaleur qui m’envahit, ce qui me fait transpirer encore plus. Ce doit être ça, le bonheur. Puis je m’aperçois que sous le coup de l’émotion je me suis appuyé contre le radiateur et qu’il est brulant.

« Monsieur ?... Monsieur ? »

Je ne veux pas la brusquer, je garde mon self contrôle. Sans un mot, je plonge mon regard dans ses yeux, dotés d’un strabisme divergeant. Léger et charmant. Comme on le dit poétiquement : elle a une coquetterie dans l’œil droit… et dans le gauche aussi.

Peu importe, ça ne lui enlève rien de sa beauté. Son strabisme, je m’en fiche tout autant que ses boutons.

« Monsieur, vous désirez quoi ? »

Hein ? Mais toi ! C’est toi que je veux ! Là, maintenant, tout de suite ! Enfin… pas tout de suite, tout de suite, parce que, à ce moment précis, j’ai un peu mal au bide.

Fébrilement, je lui tends mon ordonnance. J’ai la gorge serrée, la bouche pâteuse, et de plus en plus mal au ventre.

Après avoir consulté l’ordonnance, elle lâche… d’abord un petit pet, l’émotion sans doute, et puis un « hum hum ! » qui en dit long. Je ne la quitte pas des yeux pendant qu’elle s’affaire. Elle se dirige vers un rayon. Sa légère claudication lui donne une démarche chaloupée du plus bel effet. Elle revient les bras chargés de diverses boites. Elle se plante devant moi et me fixe droit dans les yeux. Je vais me liquéfier. Ne rien laisser paraître. Très professionnelle, elle m’explique comment utiliser les laxatifs. Ses mots chantent : Forlax, Transipeg, Duleslax, Boldoflorine. Quelle douce mélopée à mes oreilles.

Moi, toujours bloqué, à tout point de vue, je l’écoute sans dire un mot. Elle a bien compris mon malaise, et c’est là qu’on voit que c’est une fille intelligente, car pour me détendre et lancer la conversation, instaurer entre nous une certaine connivence, une douce intimité, provoquer l’échange que tout son corps réclame, elle dit : « Fait beau aujourd’hui, hein ? »

Pour l’encourager, je réponds : « Oui ! » Et sans doute pris d’une folie soudaine j’ose ajouter : « Mais chaud pour la saison ! »

Bouleversé comme je le suis, j’aurais répondu n’importe quoi. Il aurait pu faire moins 20 que j’aurais dit la même chose. Mais là, j’ai chaud. J’ai un soleil devant moi. Un soleil qui brûle de me réchauffer le cœur, et pas que. Comme elle doit être heureuse. J’imagine son cœur battre la chamade sous 18 kg de seins. Ses jambes doivent trembler sous le poids... de l’émotion.

J’ose un sourire. Le contact intime est établi. Je souris de plus belle.

« Ca fera 78 euros ! » dit-elle !

Je ne souris plus. 78 balles ça me fait chier. En même temps, je suis venu pour ça, mais quand même.

Allez, tant pis, c’est peu pour une telle rencontre. Et puis, ça lui aura fait tellement plaisir.

Je paye, je prends le sachet qu’elle m’a gentiment confectionné et je me prépare à la quitter. Je la sens presque désespérée. Alors que je m’éloigne lentement, et comme un appel au secours elle lance :

« Au plaisir ! »

Je le savais. Elle souhaite me revoir. Elle a pris du plaisir et, me supplie presque, de lui en donner à nouveau.

Comment pourrais-je la décevoir ? J’y retournerai. Pour n’importe quoi, mais moins cher. C’est beau l’amour. Heureuse femme. Eh oui, je suis comme ça. Quand je peux donner du bonheur… (un temps)

Boulard        (Au bord des larmes, elle applaudit) Qu’est ce que c’est beau ! J’en suis toute retournée !

Marcelle      Je vous avais prévenue ! Avec Ego, c’est du lourd !

(Le téléphone de Boulard sonne)

Boulard        Désolé ! Retour à la dure réalité ! Allô !?... Comment ?... On veut vous tuer ? Mais qui ? Pourquoi ? Comment ? Vous êtes qui ?... Monsieur Latuile !

Marcelle      Oh non, Jocelyne ! Elle ne va pas faire ça !?

Boulard        Vous êtes où ?... D’accord ! Alors que ce passe t’il Monsieur Latuile ?... Votre femme vous cherche… elle est armée… d’une canne à pêche !?... Comment ?... Elle veut vous la mettre où ?... Nooon !... Calmez-vous ! Calmez-vous ! Ce n’est qu’un mauvais moment à passer… Vous vous êtes sans doute chamaillés mais elle va finir par se calmer !... Ah ! Elle a aussi un fusil !... Alors cachez-vous dans un endroit sûr ! Je vous envoie les collègues… Voilà ! Et surtout, gardez le moral ! Dans ses cas là, il ne faut pas se laisser abattre !... Voilà ! Bonne chance ! Et bonjour à Madame ! (elle fait un autre numéro) Allô Robert ! T’es où ?... En pause ! Alors après ta pause, il faudrait aller « rue des fusillés », un petit problème conjugal. Salut !

Ego                 J’y vais, moi ! Je vais faire l’inventaire de ma pharmacie et puis je retournerai voir la petite. Salut Marcelle ! Au revoir Mademoiselle ! (il sort – carillon entrée de Quoiquoi)

Scène 11                  Quoiquoi (11) - Boulard (5) – Marcelle (11)

Quoiquoi     Bonjour Madame !

Boulard        Mademoiselle !

Quoiquoi     Désolé ! Je pouvais pas savoir, c’est pas marqué dessus !

Marcelle      Ah c’est toi Quoiquoi ! Tu déranges pas la demoiselle, s’il te plait !

Boulard        Non laissez patronne, elle ne me dérange pas !

Marcelle      Ça va venir ! Vous allez vite comprendre !

Quoiquoi     (elle se met au bar) Pourquoi tu dis ca ? Pourquoi t’es agressive avec moi ? T’es de mauvaise humeur ? T’as mal dormi ?  

Marcelle      Ca y est ça commence !

Boulard        Qu’est ce qui commence ?

Marcelle      Les « pourquoi », les questions ! On l’appelle « Quoiquoi », c’est pas pour rien ! Elle n’arrête pas de poser et de SE poser des questions idiotes !

Quoiquoi     Oui je me pose des questions ! Et alors ? C’est parce que je m’intéresse, moi ! J’essaie de comprendre, moi ! Pas toi ? Tu ne t’intéresse pas à la vie ? Tu as le journal ?

Marcelle      Tiens, le voilà ! Et tu laisses l’inspectrice Boulard travailler !

Quoiquoi     Inspectrice ? Inspectrice de quoi ? Inspectrice d’école ? Inspectrice des impôts ?

Boulard        Inspectrice de police ! Mais excusez, je ne dois pas me laisser distraire.

Quoiquoi     (A Marcelle) La police ? Pourquoi la police est ici ? Y’a des femmes dans la police maintenant ? C’est pour ça la pancarte dehors ?

Marcelle      Arrête un peu avec tes questions ! Qu’est ce que tu bois ?

Quoiquoi     Tu vois, toi aussi t’en poses des questions ! Alors pourquoi, que moi,  j’aurais pas le droit ? Et pourquoi tu me mettrais pas un café-calva ?

Marcelle      C’est soulant !

Quoiquoi     Le café-calva ? Si t’en bois pas trop, c’est pas soulant ! Pourquoi que ce serait soulant ?... Tiens à propos de ça, je me demandais, à ton avis, il faut quelle dose d’alcool, à un crabe, pour qu’il marche droit ?

Marcelle      Pfff… ! Pendant que je suis là, je vous remets quelque chose inspectrice ?

Boulard        Je veux bien un autre petit café, ça va m’électriser un peu !

Marcelle      Un petit jus pour un petit coup de jus !

Quoiquoi     A propos de jus, qui c’est celui qui a inventé l’électricité ?

Marcelle      Je sais plus ! Pourquoi tu demandes ça ?

Quoiquoi     Ben, celui qui a inventé l’électricité, tu crois qu’il a été fier de lui quand il a reçu sa facture EDF ?

Marcelle      … Excuse-moi, mais il faut que j’aille préparer le déjeuner. Ça me fait penser que j‘ai oublié de donner à manger au chat ce matin !

Quoiquoi     Tu sais qu’il y a de la nourriture pour chat, marquée « goût amélioré » ? Mais qui c’est qui l’a goûtée pour savoir qu’elle est améliorée ? Y’a un gars qui goûte la bouffe pour chat ? Ou c’est un chat goutteur qui donne son avis ?  Ça existe la nourriture pour chat au goût souris ?

Scène 12                  Germaine (26) – Boulard (27) – Marcelle (1)

(Carillon – Entrée de Germaine)

Germaine                C’est bien ici la police !

Boulard                    Oui, c’est moi !

Marcelle                  Puisque c’est pas pour moi, je vous laisse !

(Marcelle sort. Quoiquoi lit le journal)

Boulard                    Asseyez-vous, madame ! Que puis faire pour vous ?

Germaine                Je viens pour signaler un cambriolage !

Boulard                    Ah ça, c’est du sérieux ! Alors attendez, je reprends le manuel ! (Elle reprend son livre pour les nuls et cherche) Excusez-moi, mais je débute dans le métier. Je ne sais encore pas tout.  Alors… cambriolage… cambriolage… voilà, j’y suis ! Procédure en cas de cambriolage. Point 1 : Etablir les circonstances détaillées. Alors madame, pouvez-vous établir les circonstances.

Germaine    Ce matin, comme tous les matins, j’ai sorti mon chien.

Boulard        C’est quoi comme chien ?

Germaine    Qu’est ce que ça peut faire ?

Boulard        Ils disent, les circonstances détaillées !

Germaine    Un caniche ! Mais ça n’a aucune importance !

Boulard        Mais, madame, la professionnelle, c’est moi ! Vous n’êtes pas apte à juger de ce qui est important de ce qui ne l’est pas ! Chacun son métier !

Germaine    J’ai donc sorti mon caniche, blanc, je précise, c’est peut-être important ! Je suis partie 5 minutes et quand je suis rentrée, j’ai constaté que mon logement avait été cambriolé.

Boulard        Bien ! Alors ensuite… (Elle lit), Point 2 : Dresser la liste des objets disparus. On vous a volé quoi ?

Germaine    Mon sac à main était sur le sol dans l’entrée et…

Boulard        Si votre sac à main était là, il ne fait donc pas partie des objets disparus ! Inutile donc, d’en parler. Après, ça va nous embrouiller. Soyons précis. Uniquement ce qui a été volé.

Germaine    Mon portefeuille avec ma carte de crédit et une certaine somme d’argent. Un coffret avec tous mes bijoux en or et mes colliers de perles. Et la boite à biscuit que je cachais dans la cuisine avec toutes mes économies. Ca va comme ça ?

Boulard        Parfait ! Ensuite : (lisant) Point 3 : Etablir le montant du préjudice

Germaine    Je dirais…

Boulard        Attendez ! (Elle prend son téléphone et tape) Pré-ju-di-ce ! Alors préjudice, perte d’un bien, d’un avantage par le fait d’autrui. Acte ou événement nuisible aux intérêts de qqn... qqn ??? Vous vous appelez qqn ?

Germaine    QQN, c’est l’abréviation de « quelqu’un » !

Boulard        Hein ?... Oui, bien sûr ! J’avais compris ! Donc (elle relit) Etablir le montant du préjudic.

Germaine    Je dirais entre 12 et 15000 euros !

Boulard        Ah oui ! Evidemment, si vous gardez de telles sommes chez vous, il ne faut pas vous étonner d’être cambriolée. Ce n’est vraiment pas prudent ! Point 4 : S’assurer que la victime n’a pas subit de sévices corporels

Germaine    Mais…

Boulard        Hop hop hop hop hop ! (elle reprend le téléphone et tape) Sé-vi-ce !

Germaine    Oui, j’aurais dû y penser !

Boulard        Sévice : mauvais traitement exercé sur qqn ! Encore qqn !

Germaine    Non mais…

Boulard        Hop hop hop hop hop ! (elle reprend le téléphone et tape) Cor-po-rel ! Corporel : Relatif au corps. Donc sévices corporels : Mauvais traitement exercé sur qqn relatif au corps. Euh…

Germaine    Ca veut dire : des coups ou des blessures !

Boulard        Oui, je sais ! Alors déshabillez-vous !

Germaine    Mais non ! Je vous assure que je n’ai rien. Je n’ai pas rencontré ceux qui ont fait ça !

Boulard        Ecoutez ! Moi, je suis la procédure, et la procédure, elle dit que je dois m’en assurer. Donc, déshabillez-vous !

Germaine    Mais il n’en est pas question ! Je refuse !

Boulard        OK ! Très bien, alors moi je le note : Refuse de se soumettre au point 4 de la procédure. Après, vous ne viendrez pas vous plaindre ! Alors Point 5 : Demander à la victime de donner le maximum de détails.

Germaine   

Boulard        Eh bien j’attends !

Germaine    Ah vous aviez compris tous les mots !? Je n’étais pas certaine ! Alors, comme je vous le disais, je suis sortie pour mon chien, 5 minutes et en rentrant…

Boulard        Vous êtes bien certaine de n’être sortie que 5 minutes ?  Parce que commettre un cambriolage en si peu de temps, ça me parait bizarre. Fracturer la porte, fouiller la maison. En 5 minutes !

Germaine    Ils devaient certainement savoir où chercher et guetter le moment où j’allais sortir.

Boulard        Tout de même, en 5 minutes !

Germaine    Je vous assure, 5 minutes, pas plus ! Vous vous rendez compte, j’aurais très bien pu tomber dessus en rentrant.

Boulard        Oui mais le problème ne se pose pas, vous n’êtes pas tombée dessus.

Germaine    Il s’en est fallu de peu ! Je serais rentrée 5 minutes plus tôt…

Boulard        Si vous étiez rentrée 5 minutes plus tôt, vu que vous n’êtes sortie que 5 minutes, ça veut dire que vous ne seriez pas sortie !

Germaine    Vous avez une logique assez déconcertante. Et vous chercherez la signification plus tard. J’ai déjà perdu assez de temps. En résumé, vous allez faire quoi ? Vous allez m’envoyer une équipe ?

Boulard        Pour quoi faire ? Les voleurs sont partis de puis belle lurette, ça ne servirait à rien.

Germaine    A rien ? Mais… Ils pourraient faire les constats, peut-être faire des relevés d’empreinte, je ne sais pas moi. C’est votre boulot, pas le mien !

Boulard        Doucement ma petite dame ! On sait ce qu’on a à faire ! Alors vous allez rentrer chez vous, on s’occupe du reste. On vous tiendra au courant !

Germaine    Et comment, vous allez me tenir au courant ? Vous ne m’avez même pas demandé, ni mon nom, ni mon adresse.

Boulard        (Elle reprend le manuel) Euh… Ah oui, c’est pas marqué dans la procédure. Il faudra que j’en parle au chef, c’est pas normal. Alors nom et adresse ? Ca peut servir !

Germaine    Germaine Labreuche, 54 rue des marronniers.

Boulard        OK, c’est bien noté. Maintenant, vous pouvez rentrer. Et un conseil, puisque maintenant il n’y a plus rien à voler chez vous, profitez-en pour sortir à nouveau votre chien. Parce que, dehors, 5 minutes par jour, c’est pas assez. Pauvre bête. Allez, au revoir ! Ah si on n’était pas là !

Germaine    Eh bien, mon argent et mes bijoux, je crois que je peux faire une croix dessus. Si ils sont tous comme vous… Au revoir mademoiselle. (Elle sort – carillon)

Scène 13                  Mac (15) – Mik (14) – Commis (14) – Boulard (9) – Quoiquoi (5) – Marcelle (7)

(carillon – retour de Mik et Mac avec un sac de courses. Ils reprennent leurs places initiales)

MAC              On avait vraiment besoin de tout ça ? On n’est pas en vacances pour 15 jours !

MIK                Moi, j’ai besoin de calories, je suis en plein grandissage !

MAC              On dit « croissance », idiot ! Et à ton âge, ça m’étonnerait ! C’est bon ? On peut commencer à bosser ?

MIK                Oui !

MAC              Pas envie de faire un petit pipi ?

MIK                Ah si ! (il y va quand – carillon - entre le commissaire – Marcelle revient)

MAC              Et merde le revoilà lui !

Commis        Ah Boulard ! Bien installée ? Vous avez pris un dossier que je dois lire… (Boulard très concentrée à taper sur son ordinateur ne réagit pas)  Vous avez le rapport préliminaire sur l’affaire Holly ? ... Boulard !... BOULARD !

Boulard        Hein ? Quoi ? Ah commissaire ! Je peux faire quelque chose ?

Commis        Rapport !... Préliminaire !... Affaire Holly !...

Boulard        (se méprenant) Oh ! Monsieur le commissaire… je ne savais pas que je vous faisais autant d’effet ! Mais quand même, là, comme ça, rapport avec préliminaire à faire au lit…

Commis        Quoi ? Mais non ! Vous n’imaginez pas que… ? Je vous demande le dossier avec le rapport sur l’affaire Holly.

Boulard        Oh désolé, commissaire, j’avais pas compris ! Tenez, le voilà ! J’espère que ça va vous plaire, j’ai tout bien repris ce qu’avaient dit les collègues et les témoins.

Commis        Je vais voir ça ! Au fait, vous avez eu des infos sur la victime de l’incendie, rue du brasier.

Boulard        Hélas, la pauvre, elle était gravement brulée, elle s’est éteinte dans l’ambulance !

Commis        C’est moche ! Et en ce moment vous êtes sur… ?

Boulard        Personne hélas !

Commis        Je vous demande sur quel dossier vous êtes !

Boulard        Aaah ! J’ai cru que vous me demandiez si j’avais un petit copain !

Commis        En tout cas, ça vous travaille ! Alors, vous êtes sur quoi ?

Boulard        Sur le dossier de l’aveugle qui a été agressé. Pauvre gars ! Il parait qu’il n’a rien vu venir !

Commis        Evitez ce genre de remarque dans ces situations !

(Boulard reprend son travail pendant que le commissaire debout consulte quelques notes)

Quoiquoi     (levant le nez de son journal) Tu as vu, Marcelle ? Il va y avoir un salon de la voyance avec pour invité principal, Gilbert Montagné. Tu crois qu’ils vont lui faire payer l’entrée ?

Marcelle      Pfff !

Quoiquoi     Dis ! je me demandais… le tout premier type qui a mangé une huître, qu’est ce qui lui est passé par la tête ? A quel moment il s’est dit : « Ce machin qui ressemble à un caillou, je vais l’ouvrir en deux, et avaler l’espèce de truc visqueux qui est dedans » ? Faut quand même être tordu !

Marcelle      Tu sais quoi ? Toi tu devrais donner ton corps à la science mais… de ton vivant ! Je pense qu’ils auraient beaucoup à apprendre ! (elle ressort)

MIK                (sortant des toilettes) Ah le commissaire est revenu !

MAC              Oui, alors discret ! Compris !

MIK                Compris ! On est des clients normal, et on fait un coup ! Non, on boit un coup !

MAC              Voilà ! On boit un coup et on ne se fait pas remarquer !

MIK                OK ! Oui mais… on a rien à boire là ! Ca peut paraitre suspectif non ?

MAC              C’est ça, « suspectif » ! (Mik se lève) Où tu vas ?

MIK                Je vais commander ! Pour pas être suspectifié ! (Mac veut le faire se rasseoir mais elle n’a pas le temps, Mik est déjà au bar)

MIK                (à Quoiquoi) Elle est pas là la patronne ? Vous savez où elle est ? Vous l’avez pas vu ?

Quoiquoi     Ah vous aussi vous vous posez plein de questions ? Depuis longtemps ? Vous vous appelez comment ? Vous faites quoi dans la vie ? Vous habitez dans le quartier ?

MIK                ??? QU’EST-CE QUE CA PEUT TE FAIRE ? T’ES UN ENFOIRE DE POULET ?

Commis        Hé ! Qu’est ce qui se passe là-bas ? (il vient vers eux. Mac se prend la tête à deux mains. Marcelle revient)

Marcelle      Un problème ?

MIK                C’est celle là, elle m’a tout embrouillé la tête !

Marcelle      Quoiquoi ! Tu peux pas foutre la paix aux clients ?

Quoiquoi     Quoi ? Qu’est ce que j’ai dit de mal ? Je demandais juste, si il habitait le quartier ! C’est interdit ?

Marcelle      Moi, je retourne à mes casseroles ! Besoin de quelque chose pendant que je suis là ?

MIK                Ouais, euh… tu bois quoi Mac ? Moi je prendrai…

MAC              Remettez deux limonades patronne !

Marcelle      Et deux limonades, deux !

Commis        Mademoiselle, Monsieur, Commissaire Lafouille. Je ne vous connais pas, vous n’êtes pas d’ici, vous !?

Quoiquoi     Attention ! Quand on lui demande ça, ça l’énerve !

Mac               Non, on n’est pas d’ici !

Marcelle      (en servant les boissons) Ils préparent le  tournage d’un film !

Commis        Un film ? Qui doit se tourner ici ?

MAC              Non… enfin, c’est pas sûr ! On cherche pour trouver le meilleur endroit.

Commis        Avec des acteurs connus ?

MAC              Heu… je ne peux rien dire, vous comprenez, c’est…                    

Commis        Confidentiel ! Je comprends ! C’est bon, je vous laisse ! Boulard, je retourne à mon bureau pour lire votre rapport. J’ai parcouru le début et c’est prometteur ! J’ai hâte de connaître la suite.

Boulard        Ok chef ! Et je ne me laisse pas traire ! Distraire !

Commis        Et essayez de garder un œil sur ces deux lascars !  Ils ne me paraissent pas clairs ! (Commissaire sort-carillon)

(Boulard tente désespérément de regarder son ordinateur et d’avoir un œil sur Mik et Mac, ce qui provoque des grimaces, elle penche la tête, essaie de se bouger un œil, etc)

Boulard        Un œil ici, un œil là-bas, c’est pas simple ! Je vais mettre mes deux yeux là (ordinateur) et d’un coup, hop ! Les deux yeux là-bas ! (elle le fait) Ouais, ça marche bien comme ça ! Dans la police, on trouve toujours une solution.

MAC              (A Mik) Alors toi, dans le genre discret… Tu penses qu’il y a cru à l’histoire du film ?

MIK                C’est un flic ! Tu leur fais gober tout ce que tu veux aux flics ! Moi la dernière fois qu’ils m’ont piqué, je leur ai dit que j‘étais pas responsable en leur faisant croire que j’étais bourré ! Et je peux te dire que je le faisais bien !

MAC              Ils ne t’ont pas passé à l’éthylotest ?

MIK                Ah non ! Ils m’ont pas passé des stylo-truc ! Ils m’ont juste fait souffler dans le ballon !

MAC              Alors, ils ont bien dû voir que t’étais pas bourré !

MIK                Ben non ! Parce que j’étais bourré !

MAC              ??? En fait, tu leur as dit que tu étais bourré pour leur faire croire que t’étais pas bourré, alors que t’étais vraiment bourré !?... En vrai, tu viens de quelle planète ? Pfff ! Allez au boulot, faut étudier les plans de la banque.

Scène 14                  Marcelle (14) – Quoiquoi (10) – Boulard (13) – Mik (5) – Mac (5) - Margot (12) – Homme (10)  

Marcelle      Tu reprends quelque chose Quoiquoi ?

Quoiquoi     C’est ta tournée ?

Marcelle      J’ai pas dit ça !

Quoiquoi     Alors non ! J’attends Margot, on doit emmener les gosses au parc d’attraction ! Je me demandais…

Marcelle      Aïe ! Quoi encore ?

Quoiquoi     Dans un parc d’attraction, quand tu fais une photo avec Mickey, le gars qui est dans le Mickey, tu crois qu’il sourit ?

Marcelle      … Ben oui, sinon, la photo, elle ne serait pas jolie !

Quoiquoi     Ah ben ouais ! (elle montre le journal) T’as vu ? Ils vont ouvrir une épicerie 24/24 !... Dis…

Marcelle      Je m’attends au pire !

Quoiquoi     Dans les magasins ouverts 24 h sur 24, pourquoi ils mettent des serrures ? (Marcelle, regard dépité et sort) Quoi ? Qu’est ce que j’ai dit ?

(Le téléphone de Boulard sonne)

Boulard        Allô ! Bureau permanence du commissa... Ah c’est vous commissaire !... Oui… Oui… OK… Si j’ai bien compris ? Euh… vous ne voudriez pas répéter pour être bien sûre… On nous envoie Jésus Molinarès pour son audition… C’est moi qui procéderai à l’interrogatoire !? Ouah super ! Ce sera mon premier !... Oui, je ne me laisse pas distraire… Vous viendrez superviser !... OK ! Eh bien j’avais presque tout compris. Dites, commissaire, Molinarès, c’est bien celui qui a découpé sa femme avant de la faire cuire pour la manger ?... Alors celui là, on va le passer à la casserole !... Le rapport d’accusation est dans le dossier ? D’accord, je le ressortirai !... Et… Après on parlera du rapport Holly ?... Vous avez aimé le style ?... Allô ?... Allô ? Ça a coupé ! Génial, je vais faire mon premier interrogatoire ! Alors, le dossier Molinarès…

( carillon)

MIK                Voilà encore quelqu’un ! Pour un petit bar tranquille, ça circule !

MAC              C’est pas plus mal, comme ça, on se fond dans la masse !

MIK                (en riant) Hé, on se fond dans la masse, c’est une compre… une crompeté…

MAC              Contrepèterie !

MIK                Ouais ! « on se fond dans la masse », « on se mont dans la face » (il rit)

MAC             Ca ne veut rien dire ! Débile profond ! C’est : « On se fond dans la masse, on se masse dans le fond » ! Imbécile ! Tu ferais mieux de te concentrer sur le plan.

Margot         (Entrée de Margot, elle rejoint Quoiquoi au bar) M’sieurs dames ! Déjà là, Quoiquoi ?

Quoiquoi     Toi des fois, t’as de ces questions ! Non, je ne suis pas là, mais je ne vais par tarder à arriver !

Margot         Oh ça va !

Quoiquoi     T’as pas les gosses ?

Margot         Je les ai laissés dans la bagnole ! Ils me fatiguent déjà ! Depuis qu’ils savent qu’on va au parc, ils n’arrêtent pas de poser des questions stupides. On dirait toi ! Je me demande si ce sont mes gosses ou les tiens !

NDA : Vous avez pu lire une grosse moitié du texte. Cela vous aura donné une bonne idée du ton de la pièce.

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Mes autres pièces : A retrouver sur

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J’y croiX pas (2 h 5 f)

Feu d’artifice (3 h 5 f  ou 4 h 6 f)

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Comment peut-on ?  (4 h 6 f)

Dernière volonté (3 h 5 f  ou 4 h 4 f)

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Les Nettoyeurs ( 4 h 4 f)

La pièce montée… ou pas (4 h 5 f  ou 5 h 4 f)

T’as raison cornichon (3 h 5 f)

Le manège en chantier (45mn) (3 h 4 f)

Salut Jeannot (de 6 à 18 rôles)